En reprenant les termes de Léon Festinger [1971], une personne confrontée à un conflit interne est amenée à présenter la réalité, à soi-même ou aux autres, d’une manière qui réduise la dissonance cognitive ; elle va « arranger » la réalité afin que celle-ci soit plus conforme à ses souhaits et à ce qu’elle vit. Ici en l’occurrence, les femmes, au départ « honteuses » de leur situation, parviennent progressivement à élaborer des « rationalisations » ou des « autojustifications » de l’assistance. Certaines femmes évoquent une maladie ou une invalidité334. Nombreuses sont celles qui s’appuient sur leur statut de mère, notamment quand elles bénéficient de l’Allocation de parent isolé. Celle-ci est considérée comme une juste contrepartie, parfois comme un moyen de pallier l’incapacité du père à assumer ses responsabilités. Lorsqu’en outre, ce dernier ne verse aucune pension car personne ne l’y oblige, n’est-ce pas légitime que l’État doive prendre le relais ? On constate d’ailleurs souvent que cette allocation est mieux vécue que le Revenu Minimum d’Insertion. Le fait de bénéficier du RMI consacre une installation durable dans la précarité. Justifier son statut d’assistée est plus problématique, à moins d’estimer qu’il ne s’agit que d’une période transitoire. L’assistance n’est-elle pas moins condamnable si elle n’est que provisoire ?
C’est également ce qu’avait constaté S. Paugam [1993], pour des hommes ou pour des femmes.