D. Confiance et proximité

Évoquons enfin les relations de confiance et de proximité. Ce type de relation est transversal aux différentes catégories identifiées. Elle permet justement de compenser ou du moins limiter, les difficultés de gestion décrites ici. C’est notamment le cas avec le personnel de la Poste. En dépit de l’évolution qu’elle a connue ces dernières années, la Poste continue de jouer un rôle social de « banque des pauvres ». La Poste est la seule institution financière, parfois avec la Caisse d’épargne, à être implantée dans des quartiers urbains difficiles et les zones rurales enclavées. Sur 700 zones urbaines répertoriées, 400 ont un bureau de Poste et c’est souvent le seul guichet bancaire présent. La Poste recense aujourd’hui 6 millions de livrets qui ont un solde égal ou inférieur à 1000 francs et qui concentrent 40% des opérations. Nous évoquions plus haut l’importance des handicaps cognitifs rencontrés par les personnes en difficulté. Face à ce type de problèmes, les guichetiers et les conseillers financiers ont été amenés progressivement à élaborer un véritable savoir « langagier » adapté au vocabulaire de leur clientèle et à leurs catégories mentales ; ils jouent ainsi le rôle d’ « interprètes ». Donnons un exemple : le découvert est une « roue de secours », qu’il ne faut donc utiliser qu’occasionnellement ; afin de faciliter la compréhension de la notion de « degré de liquidité » de la monnaie, l’argent liquide est comparé à des produits frais, l’argent sur compte chèque à des boîtes de conserves, l’argent bloqué sur compte à terme à des produits surgelés.

Une enquête visant à comptabiliser les différentes formes de « surcoûts sociaux » de la Poste évalue le temps passé à régler les problèmes cognitifs à 10% du temps total des guichetiers [Gadrey et alii, 1996]. Les personnes éprouvent également des difficultés pour remplir les formulaires (mandats, accusés de réception, reçus de dépôt ou de retrait) ; les guichetiers sont alors là pour les aider et ce rôle d’assistance participe également à la construction de relations de proximité.

Proximité spatiale et proximité culturelle s’accompagnent d’une proximité sociale, à travers la fréquence des relations. Certains viennent tous les jours consulter leur compte, retirer leur budget quotidien ou tout simplement discuter avec leur « guichetière préférée » [Sagna, 1998]. Ici, c’est l’intimité et la convivialité qui permettent une relation de complicité.

Le rôle capital de la confiance est l’une des conclusions de l’étude citée plus haut au sujet des interdits bancaires : face aux déficits de renseignement et d’anticipation, face au sentiment de stigmatisation ressenti par les personnes vivant une période de difficulté financière,

‘« le contact personnel entre le banquier et son client paraissent être le meilleur moyen de diffusion de l’information et de sa compréhension » [Le Quéau et Salon, 2000, p. 111]. ’