§2. La médiation comme mode de justice de proximité : lisibilité et correction des inégalités

Depuis le début des années quatre-vingt en France, la notion de médiation se présente comme un mode à part entière de régulation des problèmes sociaux [Briant (de) et Palau, 1999]. Issue au départ d’une dynamique citoyenne, elle a aujourd’hui acquis une légitimité incontestable au niveau institutionnel. Organisations publiques et privées sont de plus en plus nombreuses à faire appel à des médiateurs. La médiation se déploie dans de nombreux domaines : la famille, le judiciaire, le scolaire, au sein des entreprises ou encore des hôpitaux. Elle est également de plus en plus suscitée par les services publics, soucieux d’améliorer la qualité des relations avec leurs usagers354. Il existe aujourd’hui une Charte et un Code de la médiation, promus par le Centre national de la médiation [Six, 1995].

Parmi toutes ces dynamiques de médiation, il en existe une promue et animée en majorité par des femmes, et centrée, non pas sur un domaine précis, mais sur l’ensemble des problèmes de la vie quotidienne. Elle vise en fait à pallier l’énorme fossé qui sépare certaines catégories de population de leur environnement institutionnel, et se veut finalement transversale aux différents domaines évoqués à l’instant. Ce genre d’initiatives a probablement toujours existé ; il semblerait toutefois qu’elles aient pris une certaine ampleur au cours des vingt dernières années. Une recherche, financée par le ministère du Travail et des affaires sociales355 et le Fonds d’action sociale pour les travailleurs immigrés et leurs familles, a permis d’en retracer l’historique et propose un état des lieux des différentes formes d’initiatives ainsi que des femmes qui en sont à l’origine [Delcroix et alii, 1996] (A). Nous verrons ensuite que ces initiatives peuvent s’interpréter comme un mode de justice de proximité, visant à déchiffrer et à corriger les inégalités locales (B).

Notes
354.

Depuis le milieu des années soixante-dix, il existe en France (comme sur le continent nord-américain et en Europe) une « véritable politique de développement de la médiation dans les administrations » [Briant (de), Palau, 1999, p. 20]. L’administration publique française s’est dotée d’un médiateur de la République (loi du 3 janvier 1973), d’un médiateur du cinéma (loi du 29 juillet 1982) et du livre (loi du 9 février 1983), d’un médiateur des enfants (loi du 19 novembre 1998), d’un médiateur de l’Éducation nationale (1994), de médiateurs académiques et les médiateurs scolaires (décret de décembre 1998). Il existe enfin une médiation propre aux collectivités locales, nous y revenons plus loin.

355.

Plus précisément au sein de ce ministère, le service des Droits des femmes, et la direction de la Population et des Migrations.