A. Historique de la médiation féminine

1. Des initiatives citoyennes

Au départ, ce sont tout simplement des femmes soucieuses du bien-être des habitants de leur quartier. Face aux multiples tensions locales, face aux problèmes divers et variés rencontrés par les uns et par les autres dans leur vie de tous les jours, elles décident de se mobiliser et de proposer des solutions. Bon nombre d’expériences sont ainsi nées pour pallier les problèmes scolaires d’enfants : des femmes prennent en charge bénévolement le rôle d’intermédiaire entre l’école et des parents éloignés du lieu de scolarisation de leurs enfants. Progressivement, le champ s’est élargi, conduisant à une diversité de pratiques ayant en commun le caractère de « relais » entre populations et institutions. Les femmes remplissent des missions de traduction, d’interprétariat, d’aide à la rédaction du courrier et des formulaires administratifs, d’information, de sensibilisation, d’orientation, d’accompagnement. On citera par exemple les associations les Voisines et Toutes ensemble agissons à Saint-Étienne (Rhône-Alpes), Quoi de Neuf en Lozère (Languedoc-Roussillon), les Écoles de Consommateurs de la région Nord-Pas-de-Calais, Alliance et Culture à Toulouse (Midi-Pyrénnées), les Femmes relais de Gennevilliers (Île de France) et de Reims (Champagne Ardennes), la Baraka à Salon de Provence (Provence Alpes Côte d’Azur), Femmes en Mouvement à Amiens (Picardie).

Pourquoi les femmes sont-elles plus nombreuses à prendre ce type d’initiative ? La première explication est relativement simple : les femmes sont tout simplement plus disponibles ; lorsque les hommes s’impliquent, ce n’est que de manière provisoire en attendant de trouver un emploi [Delcroix et alii, 1996, p. 40]. Comment expliquer ensuite ce qui pousse ces femmes à agir ? Une série d’enquêtes de type récits de vie, réalisées dans le cadre de l’étude citée plus haut auprès de quatre-vingt femmes, met en évidence plusieurs logiques récurrentes [ibid, pp. 45 sq.]. La première est liée à leur propre vécu. Préoccupées par les risques encourus par leurs propres enfants (toxicomanie, délinquance, échec scolaire, chômage), elles décident en quelque sorte de partager leurs problèmes et de mutualiser les solutions. Ce sont aussi des femmes animées par un certain désir d’utilité et de promotion sociale. Cette volonté est d’autant plus forte chez les femmes originaires d’Afrique Noire ou d’Afrique du Nord que leur arrivée en France s’est traduite par une dégradation de leur statut. Pour elles, le désir de recréer une convivialité et une solidarité locale est aussi très présent. Transposer et valoriser leur savoir-faire privé dans la sphère publique sont vécus comme des moyens de reconnaissance sociale, avec éventuellement l’idée, à terme, de se professionnaliser dans cette activité. Certaines ont déjà franchi le pas ; elles ne sont plus bénévoles mais salariées, même s’il s’agit le plus souvent de contrats aidés et précaires. Ce processus de professionnalisation est bien sûr lié à l’institutionnalisation de ces expériences.