B. Une dialectique entre l’interne et l’externe

Si l’autonomie consiste à énoncer soi-même sa propre loi, celle-ci n’est tangible qu’à travers l’acceptation d’une loi commune : « dans l’idéal d’autonomie, je reste dépendant de normes et de lois, à condition que je les accepte librement » [Renaut, 1989, p. 84]. Par conséquent, l’appartenance à un groupe ne garantit l’autonomie qu’à la condition que ce groupe fasse office d’intermédiaire entre les personnes et la société civile.

Il ne s’agit pas pour autant d’un espace public, au sens entendu habituellement à la suite des travaux d’Annah Arendt et de Jürgen Habermas. Dans l’idéal habermassien, l’espace public est un espace où peut

‘« s’opérer une formation plus ou moins rationnelle de l’opinion et de la volonté à propos des matières intéressant la société dans son ensemble et qu’il convient de réglementer » [Habermas, 1997, p. 323].’

Selon cette acception, l’espace public est un lieu où règne la « raison » et où les personnes abandonnent leurs intérêts privés pour se consacrer au bien commun. Pour résumer, très brièvement, le fil de la pensée d’Habermas, l’espace public est salvateur pour la liberté personnelle comme pour la paix sociale. Concernant la liberté personnelle, l’« usage public de la raison » autorise la prise de distance à l’égard d’appartenances héritées tout en limitant les risques de tyrannie et de paternalisme de la part des pouvoirs publics ainsi que l’emprise, voire l’aliénation, exercée par le monde de la consommation. Le débat et la discussion sont les seuls moyens de résister à cette « colonisation » des mondes vécus. Concernant la paix sociale, c’est en étant le fruit d’une discussion collective émanant des intéressés eux-mêmes que les institutions publiques acquièrent une certaine légitimité.

On sait aujourd’hui que cet idéal normatif ne correspond guère à la plupart des réalités associatives : plutôt que d’évoquer l’idée d’une transcendance permettant d’échapper aux désirs individuels, une vision plus réaliste et moins exigeante consiste à parler d’intérêt collectif et non d’intérêt général [Briant (de) et Palau, 1999]. Au cours des dernières décennies, l’observation d’un certain désintérêt envers les formes d’engagement traditionnelles alors que simultanément fleurissent des expériences associatives de toute sorte, montre que les personnes acceptent de participer à des espaces à condition que ces derniers prennent en compte, même si c’est de manière plus ou moins prononcée, leurs intérêts privés.

La médiation se définit alors comme la conciliation entre intérêts publics et privés selon une modalité qui n’est plus celle de l’intérêt général mais celle de l’intérêt collectif, avec toutefois la nécessité, pour être considérée comme légitime, que les intérêts collectifs ainsi défendus soient compatibles avec l’intérêt général.

C’est à l’aide de cette grille de lecture que nous proposons à présent de décrire une expérience particulière de médiation, celle des Écoles de Consommateurs, dispositif propre à la région Nord-Pas-de-Calais et spécialisé dans l’aide à la gestion de budget.