A. Les justifications du crédit féminin

Comment expliquer cet engouement pour une clientèle féminine ? Aujourd’hui, organismes multilatéraux, gouvernements, bailleurs de fonds et ONG partagent tous la même conviction : il n’y a pas de développement possible et durable sans la participation des femmes en qualité d’acteur377. On reconnaît qu’elles sont les premières victimes des plans d’ajustement structurel, du fait notamment de l’affaiblissement des infrastructures collectives. On constate également qu’elles affectent leurs revenus davantage au bien-être familial et on en déduit qu’il vaut mieux s’adresser à elles. On reconnaît enfin que les programmes mixtes ont tendance à être détournés et monopolisés par les hommes.

Dans ce soutien aux activités féminines, deux axes d’intervention sont privilégiés : alléger les tâches communautaires des femmes (notamment via l’acquisition de matériel collectif : puits, moulins à mil, centrales d’achats, etc.) et « professionnaliser » leurs activités. Dans ce dernier cas, il s’agit à la fois de leur donner les moyens de développer des activités génératrices de revenus et de leur permettre d’acquérir des méthodes de travail. Face à cette double exigence, la microfinance apparaît comme un outil particulièrement pertinent. Pallier l’exclusion bancaire qui frappe la plupart des femmes est un premier objectif378. Ensuite, rares sont les programmes qui se limitent à une simple intermédiation financière ; dans la plupart des cas, l’octroi de crédit s’accompagne d’un certain nombre de services ou d’exigences visant à familiariser les femmes à des techniques « modernes » de gestion, comme par exemple l’incitation à l’épargne, la formation à des rudiments de comptabilité et de gestion, voire à du marketing et à un « esprit entrepreneurial ». En leur permettant d’acquérir une certaine indépendance financière, la microfinance apparaît enfin comme un moyen de renforcer la confiance en soi ainsi que le statut des femmes au sein de leur famille [BIT, 1999b].

Notes
377.

Ce point est très largement souligné par les rapports de la Banque mondiale (c’est le cas notamment d’un récent rapport relatif au Sénégal [Banque mondiale, 1998a] et ceux du Programme national des Nations Unies (voir par exemple PNUD [1999]). La Conférence de Mexico en 1975 proclame et ouvre la décennie de la femme ; elle sera suivie de celle de Copenhague en 1980, celle de Nairobi en 1985 et celle de Pékin en 1996 : celle-ci se veut une plate-forme d’action concrète, énumérant les mesures à prendre pour l’ensemble des acteurs concernés (gouvernements, partenaires sociaux, institutions financières, organisations internationales, ONG) pour favoriser la promotion de la femme. La place des femmes a également été reconnue dans d’autres conférences internationales : celle de Rio de Janeiro sur l’environnement et le développement en 1990, celle de Vienne en 1993 sur les Droits de l’homme, celle du Caire en 1995 sur Population et Développement : dans toutes ces instances, les voix des femmes se sont faites entendre avec force.

378.

Un autre argument, destiné aux bailleurs de fonds des opérations, consiste à dire que les femmes présentent l’incontestable avantage d’être un « bon risque », c’est-à-dire qu’elles remboursent bien. C’est évoqué notamment dans la déclaration du plan d’action du Sommet du Microcrédit [Microcredit Summit, 1997].