B. L’offre de crédit féminin

Faiblesse des revenus, insuffisance voire absence d’épargne et de garanties du fait d’un accès très limité à la propriété, alphabétisation faible, et enfin contraintes de disponibilité sont autant de handicaps plus prononcés chez les femmes et qui justifient une adaptation de l’offre de crédit [BIT, 1999b ; Ouadrégago, 1998]. Cette adaptation passe par l’octroi de crédit en préalable à l’épargne, l’offre de services complémentaires (notamment en termes de formation ou du moins de diffusion de l’information), un fonctionnement suffisamment souple et capable de s’adapter à leurs emplois du temps et enfin une sensibilisation des agents de crédit aux contraintes qui pèsent sur les femmes. Si ces différents points font l’unanimité, il est ensuite plus délicat de se prononcer sur les mesures à mettre en oeuvre. Deux voies sont possibles : soutenir les pratiques financières informelles afin de leur donner plus d’ampleur ou bien adapter l’offre de services financiers [BIT, 1999b].

Dans les faits, on distingue plusieurs cas de figures : les institutions financières s’adressant quasi-exclusivement à des femmes (par exemple la Grameen Bank), les dispositifs mixtes qui ont choisi d’adapter l’offre de crédit afin d’être accessibles aux femmes, c’est le cas par exemple des réseaux mutualistes et coopératifs en Afrique de l’Ouest, les dispositifs exclusivement féminins mais de faible envergure (projets à volet crédit, caisses pour les femmes et gérées par les femmes), et enfin les programmes visant à aider les femmes à accéder au système bancaire classique. Un bilan des expériences qui ont fait leurs preuves dans la durée, ce qui exclut la floraison de projets à volet crédit dont bon nombre sont plus que douteux, n’indique aucune supériorité de l’une ou l’autre formule. Les dispositifs combinent dans des proportions variées octroi de crédit et mobilisation d’épargne, offre de services financiers et de formation [BIT, 1999b].

Tout dépend ensuite du contexte ainsi que de l’objectif poursuivi par les promoteurs. Si l’on souhaite que les femmes participent aux prises de décision, il convient d’apprécier la nature des rapports de pouvoir préexistants entre hommes et femmes : quelles sont les modalités d’héritage, d’éducation, de droit à la parole, de représentation dans la société ? Quelle volonté et quelles possibilités ont les hommes et les femmes de travailler ensemble ? Ce sont autant de questions qui orientent la démarche plutôt vers un système mixte ou au contraire vers un système spécifiquement féminin [Fournier et Ouadrégago, 1996].

Si les promoteurs visent une viabilité financière, il n’est pas toujours certain que la clientèle féminine suffise. Dans le contexte du Sud-est asiatique, la très forte densité démographique autorise la mise en place d’institutions spécifiquement féminines viables à terme, en revanche en Afrique de l’Ouest, c’est difficilement envisageable.

Encadré 17. L’offre de microfinance féminine. État des lieux.

Notes
379.

Cette moyenne cache également de fortes disparités : pour l’Afrique cette proportion varie entre 18% et 48%. [Banque mondiale, 1997].

380.

C’est le cas en Afrique où on assiste à la mise en place un réseau financier régional africain pour les femmes, sur l’initiative de l’UNIFEM, du PNUD et de l’ONG FDEA (Femmes, développement et entreprise en Afrique). Les premières bases ont été lancées lors d'une rencontre organisée à Dakar en janvier 1997. Pour être éligibles, les organismes de microfinance doivent répondre à certains critères (disposer d'un portefeuille de crédit minimum de 30 millions de F CFA, avec une clientèle de 1000 personnes au minimum, et destiner 60% de leurs ressources au moins aux femmes). On peut citer entre autres les organismes suivants : REST (Ethiopie), COWAN (Nigéria), Community Bank (Afrique du Sud), Zimpro (Zimbabwé), la FECECAM (Bénin, et plus précisément son programme spécifiquement féminin, le Tout Petit Crédit aux Femmes). Outre la mise en place d’actions concrètes visant à améliorer les outils financiers destinés aux femmes, ce réseau est aussi l’occasion d’échanger des expériences et de réfléchir ensemble à la viabilité et la rentabilité des programmes ; il s’agit également de représenter les femmes africaines sur la scène mondiale, notamment dans les programmes de la Banque mondiale (représentation au sommet du microcrédit).

381.

Plusieurs organismes français spécialisés dans l’appui à la finance décentralisé partagent cette approche du crédit comme outil d’auto-organisation, mais les caisses sont le plus souvent mixtes : on peut citer par exemple les caisses villageoises autogérées promues par le CIDR (Centre international pour le développement et la recherche), les outils de financement local développés par l’AFVP (association française des Volontaires du Progrès), ou encore ceux d’Action Nord Sud.