§2. L’usage collectif du crédit

Tout dépend tout d’abord du compromis trouvé entre intérêts individuels et collectifs. Une fois le crédit obtenu, chaque groupe est entièrement libre de son usage. Certains groupes optent pour une répartition strictement égalitaire et les montants sont alors très limités ; c’est notamment le cas en milieu rural, dans 75% des cas, les montants ne dépassent pas 5000 F CFA. Les grandes commerçantes estiment que le montant est trop faible pour en faire un usage « productif » (c’est-à-dire destiné à des activités génératrices de revenus), elles l’utilisent donc essentiellement comme crédit à la consommation. Dans d’autres groupes, chacune n’a pas droit à la même somme en fonction de son âge ou de son « sérieux », celui-ci étant laissé à l’appréciation de la présidente. Dans d’autres groupes encore, la sélection reprend le principe tontinier : tirage au sort, avec une certaine souplesse en fonction des besoins des unes et des autres.

Tableau 34. Les montants individuels accordés par les groupes
Montant individuel (en F CFA) Milieu rural Milieux urbain et péri-urbain
< ; 5 000 73 % 7%
5 000-10 000 27% 7%
10 000-30 000 72%
30 000-60 000 14%
> ; 60 000 7%
total 100% 100%
Source : Enquêtes Guérin [1997a].

Outre le taux d’intérêt exigé par le Crédit mutuel, la plupart de groupes décident de rajouter un taux supplémentaire destiné à alimenter leur propre caisse, et qui correspond en fait à de l’épargne forcée. Ici encore, les choix sont très disparates. Certains groupes privilégient l’épargne collective en exigeant une épargne forcée de 20, 30 voire 50% du montant du crédit, pour une échéance variant entre 1 et 6 mois ; l’objectif consiste à « gonfler la caisse ». Certes, à l’issue du remboursement du crédit, les femmes disposent d’une épargne collective, par contre l’usage personnel du crédit n’a qu’un impact très limité. Que penser de telles pratiques ? Tout dépend finalement de l’usage qui est fait de l’épargne ainsi collectée.

Dans certains groupes, il est plus important pour les femmes d’épargner que d’investir, par conséquent la plupart d’entre elles apprécient la démarche adoptée ; par contre ailleurs, la décision ne fait pas l’unanimité, elle a été prise par la présidente qui pourra ensuite se vanter de diriger un groupe possédant tel ou tel montant d’épargne, l’usage de celle-ci n’étant pas toujours très clair.

Tableau 35. L’épargne forcée pratiquée par les groupes
Prélèvement en % du montant du crédit accordé Milieu rural Milieu urbain et péri-urbain
pas de prélèvement 20%
10% 12,5% 33%
entre 10 et 20% 50% 33%
entre 20 et 50% 25% 14%
> ; 50% 12,5%
total 100% 100%
Source : enquêtes Guérin [1997]