Section 3. La légitimité du prêt collectif à responsabilité conjointe

Si rendre les marchés financiers accessibles aux plus pauvres est devenu une préoccupation partagée, il s’agit également de promouvoir des dispositifs viables et durables. S’interroger sur la viabilité et la pérennité des dispositifs soulève une infinité de questions, relatives à la maîtrise des coûts, des risques et de la croissance, au cadre adopté à la fois organisationnel et juridique ainsi qu’aux relations établies avec l’État, les bailleurs de fonds et les autres institutions financières. Leur résolution n’appelle pas de solution unique, elle dépend étroitement du contexte : l’absence ou la présence d’un cadre réglementaire et légal, la place de l’État et les relations entre secteurs public et privé, la nature des réseaux sociaux locaux, les opportunités de refinancement, la forme des soutiens techniques et financiers extérieurs (nationaux ou de coopération étrangère, bilatérale ou multinationale, etc). Toutes ces questions font actuellement l’objet de réflexions et de débats multiples, autant dans les milieux académiques que chez les praticiens.

Nous nous limiterons pour notre part à étudier le rôle potentiel du cautionnement mutuel dans la gestion des risques et de l’information. S’il suscite autant d’attention, c’est parce qu’il répond à une argumentation néo-institutionnaliste, soubassement actuel des politiques financières impulsées par la Banque mondiale. L’argumentation proposée repose selon nous sur une conception tronquée des comportements personnels et des groupes (§1). Dès lors que l’on refuse de réduire les groupes à des « boîtes noires » et que l’on tient compte de l’asymétrie des positions sociales, dès lors que l’on refuse d’appréhender les emprunteurs comme des agents maximisateurs et que l’on tient compte du contexte de très forte incertitude, on est amené à reconsidérer le rôle du groupe en matière d’auto-sélection (§2) et d’incitation (§3). On est amené également à tenir compte de la dimension stratégique de l’information (§4). L’ensemble de ces éléments permettra de se prononcer sur la légitimité de ce mode d’intervention (§5).