Première illustration pratique : microfinance et médiation

Au Sud, dans un contexte où l’auto-emploi est la principale opportunité de revenus, l’accès au crédit revêt une importance capitale. Or les femmes, notamment du fait d’insuffisance de garanties matérielles, en sont particulièrement privées, cette privation les condamnant en partie à la dépendance. Même si officiellement, elles disposent du même droit que les hommes, ce droit reste très largement formel. C’est pour pallier cette lacune que se multiplient depuis déjà quelques décennies les expériences de microfinance, reconnue aujourd’hui comme un outil privilégié de lutte contre la pauvreté, notamment de la pauvreté féminine. Cette légitimité nouvelle laisse entrevoir l’idée d’un droit au crédit pour les femmes, mais un droit s’apparentant à un droit collectif.

Au total, les résultats sont ambivalents, à la fois très prometteurs tout en incitant à la prudence et au pragmatisme. Prometteurs, puisque nous avons observé qu’une partie des femmes parvenaient ainsi à stabiliser leur activité. L’accès à une source de microfinancement permet de donner plus d’ampleur aux pratiques financières informelles collectives, que les femmes ont tendance à transformer vers un usage davantage individualisé et réservé aux activités commerciales. Aux cloisonnements usuels, fondés sur la diversité des obligations communautaires, certaines femmes en ajoutent un supplémentaire en créant une nouvelle forme de médiation financière collective destinée explicitement au financement de leur commerce.

Si la modération s’impose, c’est surtout face aux arguments néo-institutionnalistes, qui voient dans les groupes d’emprunteurs une occasion inespérée de pallier les carences du marché. Lorsqu’en outre, ces arguments sont repris, simplifiés et banalisés par les opérateurs, le risque de dérive n’en est que plus patent. Se limiter à une approche fonctionnaliste ou romantique des groupes occulte la complexité des relations sociales et l’ambivalence de l’action collective à laquelle les groupes féminins n’échappent pas.