Seconde illustration pratique : minima sociaux et médiation

Face aux décalages entre droits effectifs et droits perçus, face à l’isolement et à la perte de confiance en soi - autant d’éléments qui participent aux difficultés budgétaires - la participation à un espace de médiation est susceptible d’aider les femmes à mieux vivre leur statut d’assistée. Nous en avons vu un exemple avec le dispositif des Écoles de Consommateurs. L’étude d’impact montre que les femmes parviennent à mieux gérer leur budget. Cette amélioration procède tout d’abord d’un meilleur accès à l’information et d’un meilleur traitement de cette information. La compréhension des factures, du fonctionnement d’un compte bancaire et des différents outils de paiement, la familiarisation avec les règles redistributives et le fonctionnement des différents services sociaux, des administrations, de la grande distribution ou encore des institutions financières sont autant de compétences cognitives qui participent à l’apaisement des difficultés budgétaires et qui permettent aux femmes de mieux convertir leurs droits.

Mais l’acquisition de compétences cognitives est indissociable d’une reprise de confiance en soi, en autrui et en son environnement. Elle n’a d’effets que couplée avec un soulagement des difficultés émotionnelles. L’élaboration de projets autorise d’abord la projection dans le futur, permet la création ou la recréation d’une échelle temporelle et par conséquent, facilite la budgétisation. L’appartenance à un collectif approuvant et validant ses choix autorise aussi l’adoption de normes compatibles avec l’élaboration de projets personnels, et par conséquent atténue les conflits internes auxquels les femmes sont confrontées. Le réapprentissage de l’échange et de la communication autorise enfin une réconciliation avec la dynamique de la réciprocité, et par conséquent favorise la revendication de davantage de droits tout en atténuant le poids des obligations.

Ici encore, le dispositif autorise une conversion des droits formels en droits réels si deux conditions sont respectées. Il est essentiel que chaque membre du groupe soit reconnu comme tel. L’épanouissement personnel au sein des groupes n’a lieu que dans un climat de confiance incitant chacune à s’exprimer et à sortir du repli sur soi. Il est essentiel aussi que les groupes ainsi constitués ne soient pas clos sur eux-mêmes mais représentent en quelque sorte un « tremplin » vers la société civile. C’est précisément ce rôle que jouent les groupes observés, lorsqu’ils assurent une fonction de « traduction » et d’« interprète » d’un environnement institutionnel jusque là étranger et plutôt hostile.