Propositions conclusives

Plaider en faveur d’une collaboration entre milieux académiques et acteurs de terrains

En nous appuyant sur une grille de lecture basée sur la double dimension de la médiation, nous avons montré à quel point les dispositifs mis en place sont susceptibles de provoquer des effets à la fois hétérogènes, imprévus et parfois non maîtrisés. L’intervention effective ne correspond pas toujours à ce qui a été imaginé et attendu par les instigateurs des dispositifs. De tels décalages sont le produit nécessaire et inintentionnel de l’entrecroisement de la complexité des variables et des acteurs, ils traduisent les réactions d’un groupe de personne ou d’une personne face à une intervention volontariste extérieure. Ils sont d’autant plus prononcés au sein d’un dispositif partenarial, puisque les options choisies résultent d’une négociation et concertation permanente entre les différents acteurs impliqués. De ce constat, nous tirerons quelques propositions conclusives.

La première proposition, reprenant simplement les revendications incessantes des acteurs de terrains face à leurs bailleurs de fonds, consiste à se prononcer en faveur de dispositifs souples, capables de s’adapter à la demande des bénéficiaires auxquels ils s’adressent, or cette souplesse est trop souvent entravée par la rigidité des financements et des cahiers des charges exigés par les financeurs.

La seconde remarque consiste à plaider en faveur d’un dialogue entre acteurs de terrain et milieux académiques. Si les décalages sont inévitables, il n’empêche que les risques de dérives qui en découlent peuvent et doivent être limités, et c’est ici que les études d’évaluation s’avèrent essentielles. Il ne s’agit pas simplement de révéler ce que la routine du quotidien finit par masquer, ce qui se limiterait à une simple tâche d’expertise ; il s’agit de déceler, dans les expérimentations observées, ce qui relève du singulier et de l’éphémère de ce qui annonce des dynamiques de plus long terme. Si l’on souhaite, comme le suggère Sen, que le savoir économique réponde à la question « comment doit-on vivre ? » et que la recherche soit réellement au service de la compréhension de problèmes concrets, on ne peut qu’en appeler à une collaboration accrue entre le milieu de la recherche universitaire et celui des acteurs de terrain. Les études d’évaluation sont un support possible d’échange et de concertation, dont notre propre réflexion est finalement un produit ; l’élaboration commune de formations en est une seconde, et ce sera notre troisième proposition.

En effet, lors de la mise en oeuvre des interventions de lutte contre la précarité, un rôle décisif revient finalement aux personnes chargées d’animer le dispositif ; dans les deux études de cas effectuées, ce sont des animatrices. Leur position est délicate, elles sont partagées entre leur propre conviction, les injonctions des promoteurs du dispositif, les demandes du public dont elles ont la charge ; c’est sur elles que repose l’ambivalence du jugement proximité. Elles défendent les intérêts de l’institution qui les emploie, ceux du public bénéficiaire, et enfin leurs propres intérêts. Lorsque des dérives sont observées, plutôt que d’accuser les animatrices d’excès de paternalisme et d’incompétence, il semble plus constructif de s’interroger sur l’adéquation de leur formation et de réfléchir à des formations adaptées.