C. Représentations de l’Europe

La manière dont l’euro est interprété dépend aussi des représentations que les personnes ont de l’Europe. On constate une corrélation très forte entre la mémoire européenne des personnes et leur adhésion à l’Europe et à l’euro : les attitudes de rejet sont généralement associées à une mémoire négative, les attitudes les plus engagées sont systématiquement associées à une mémoire forte, l’euro n’est qu’une continuité historique. Pour certaines personnes l’Europe est devenue une réalité qui ne peut plus être remise en question (« c’est une évidence »). Elle se sentent déjà européennes et on peut parler à leur égard de « civisme européen ».

Tableau 5. « Civisme européen »
Profil des personnes Motif d’adhésion Facteur central dans le processus qui conduit à cette attitude 
Au-delà de 50 ans Insistent plus sur l’aspect culturel et sur l’aspect pacification Mémoire positive
Identité européenne
Cadres entreprises Arguments professionnels économiques Implication forte
Jeunes qui ont le sentiment que l’Europe a toujours existé Insistent plus sur l’aspect économique Implication forte

Très peu de personnes toutefois estiment avoir une identité européenne. A la question « vous sentez-vous européen ? », elles répondent soit de manière négative, soit se sentent désarmées, sans opinion. La construction européenne ne semble pas faire partie du vécu ; pour la plupart ce n’est un élément de mémoire ni individuelle ni collective. Remarquons ici que la mémoire dépend de l’âge, de l’expérience vécue, mais il s’agit aussi d’une véritable construction sociale et culturelle. La sensibilité à l’histoire et le sentiment d’appartenance à la France ou à l’Europe dépendent étroitement du niveau de formation. Les personnes qui ont l’occasion de voyager sont de toute évidence beaucoup plus sensibles à l’Europe. Dans les milieux sociaux modestes, la proximité spatiale est une référence et un mode de stabilisation : comment peut-on parler d’Europe à des personnes qui ne sortent jamais de leur quartier et qui ont parfois peur de sortir de leur quartier ?

Pour les personnes qui ont un système de pensée « pratique », nombreuses sont celles pour qui l’Europe n’existe pas. Plus généralement, on constate que ces personnes ont quasi-systématiquement des attitudes négatives vis-à-vis de l’euro. Le tableau ci-dessous récapitule les différentes réactions possibles.

Tableau 6. Les attitudes négatives à l’égard de l’euro
Attitude des personnes Profil des personnes Facteur central dans le processus qui conduit à cette attitude Risques Attentes en matière d’information et d’accompagnement Modes d’informations crédibles
Indifférence
Personnes exclues des réseaux d’information - Manque d’information
- N’anticipent pas
Exclusion aggravée Aucune attente  rôle central des relais associatifs et des services sociaux d’assistance
Rejet de l’Europe et de l’euro - Nationalistes
- Personnes âgées qui ont vécu de mauvaises expériences
- Perte d’identité
- Mémoire négative
- Incertitude
Effets de spirales négatifs Rejet d’information
Toute information est considérée comme de la propagande pro-euro
expérience personnelle : la confiance ne peut passer que par la pratique
Rejet / angoisse
Handicaps cognitifs
Précarité financière (notamment les femmes)
- Aversion au risque
incertitude (intérêt de court terme et individuel)
- Difficultés d’apprentissage anticipées
- Sentiment d’exclusion
Effets de spirales négatifs Attitude passive
Ont tendance à repousser l’échéance au maximum
expérience personnelle : la confiance ne peut passer que par la pratique
Inquiétude / angoisse Personnes âgées

Une partie des femmes

Personnes isolées
- Difficultés d’apprentissage anticipées Effets de spirales négatifs - Attente très forte d’informations concrètes et pratiques
- Besoin d’être rassurées mais aussi d’être accompagnées
- Expriment le besoin d’une relation personnalisée
- la confiance ne passer que par la pratique
- Entourage proche
Adhésion subie Faible niveau d’éducation
Surtout les femmes qui sont peu sensibles au discours économique
-011Adhésion à une norme, à des discours collectifs
-011Effets de mimétisme
- Adhésion fragile qu’une mauvaise expérience peut remettre en question
- Sensibilité forte aux effets de groupe
- Attentes d’informations concrètes et pratiques
- Eventuellement sur les mécanismes monétaires mais à condition qu’il s’agisse d’explications simples
- information descendante et institutionnelle
- communication de masse
- entourage pour des questions précises
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Figure 24. Les modes d’interprétation de l’information :