§4. Comment reconstruire un nouveau référentiel ?

Toute la difficulté consiste bien évidemment à savoir quelles méthodes adopter pour favoriser la reconstruction de ce référentiel. Les résultats obtenus en matière de référentiels de prix relatifs aux biens d’alimentation s’avèrent limités. Il a été difficile d’aller au-delà d’une liste de prix standards (voir encadré ci-dessous) alors que nous pensions au départ parvenir à une liste de prix psychologiques spécifiques à chaque milieu social. Notons que parmi les produits de La Poste, le timbre à 3 fr. – connu de tous – constitue au même titre un produit qui pourra servir de contre-valeur. Mais c’est le seul produit de La Poste dont le prix soit connu.

Encadré 26. Les référentiels de prix

Les femmes connaissent bien mieux les prix que les hommes : ne faut-il pas « féminiser » l’apprentissage des prix, ne serait-ce qu’en faisant apparaître des femmes sur les plaquettes de présentation ?

La connaissance du prix des biens de consommation courante n’est cependant pas suffisante à nos yeux pour constituer un référentiel lors du passage à l’euro. A ce plus petit dénominateur commun de prix, il serait nécessaire de faire référence aux produits de « consommation culturelle » selon les catégories sociales principales comme l’âge et le sexe. Ce sont les produits qui font le signe de distinction sociale, d’appartenance, plus liés à l’affect qui sont plus proches de la personne et rentrent dans la construction quotidienne de l’identité. Le changement d’unité de compte, affectée aux prix de ces produits « reflets » , aura alors plus de conséquences sur la personne que les produits alimentaires, porteurs de moins de sens. C’est un point qui aurait nécessité une étude à part entière et que nous n’avons pu approfondir.

Toute la difficulté consiste ensuite à savoir comment sensibiliser les personnes aux nouveaux prix et comment favoriser l’apprentissage. On se heurte ici à un problème de connaissance des mécanismes mentaux mis en oeuvre. Lorsque les femmes vont faire leurs courses, elles achètent toujours sensiblement pour la même somme : certaines calculent, de tête ou avec une calculatrice ; certaines achètent toujours la même chose ; d’autres enfin ne calculent pas vraiment, mais évaluent approximativement, et le total est toujours le même à quelque francs près. Cette capacité à évaluer très rapidement et par d’autres voies que celles du calcul le montant total des achats que l’on vient d’effectuer a été mise en évidence par des expérimentations effectuées par des chercheurs en psychologie cognitive. L’estimation est plus ou moins précise selon le temps dont elles disposent pour donner une approximation mais même avec un temps très court, elle reste très fiable. La recherche à l’heure actuelle reste encore à approfondir : les mécanismes mentaux mis en oeuvre dans ce processus d’évaluation apparemment intuitif restent mal connus420.

Notes
420.

Entretien avec Patrick Lemaire et Jean-Louis Paour, Laboratoire de psychologie du développement, Université d’Aix en Provence.