III - LEIPZIG OU LA DECOUVERTE DE L'AMOUR

Depuis le Moyen Age, la situation de la ville de Leipzig, au carrefour des grands courants d'échanges entre l'Europe du nord, de l'ouest et de l'est, lui vaut toujours une importance considérable, essentiellement dans le cadre de ses foires de notoriété internationale, aux droits et profits importants. Une foule énorme d'acheteurs, de vendeurs, venue souvent de très loin, s'y presse sur les places et dans les rues.

‘"Ce sont d'amusantes journées, se souviendra plus tard Henry-Auguste Brölemann116 , que celles passées au milieu du bruyant trafic de la foire de Leipzig, des visages étranges, des costumes bizarres qu'elle attire. Russes, Polonais, Turcs, Asiatiques, Grecs, Chrétiens, Juifs, toutes les nations, toutes les religions s'y trouvent représentées. Des villes environnantes, chacun arrive pour renouveler ses provisions ; entassement de marchandises de tout genre, mouvement perpétuel d'équipages, de chars, de chevaux."’

Après celle de Francfort, sa concurrente d'ailleurs sur le déclin, la foire de Leipzig, encore notoire au confluent de l'Elster et de la Pleisse, constitue un passage obligé dans le périple de François Arlès. Vraisemblablement, dès sa première année "allemande", il se trouvé mêlé à cette curieuse foule bigarrée, à cette effervescence exceptionnelle, à ce gigantesque charivari. Occasion bienvenue de retrouver les correspondants de son employeur parisien, également de visiter les établissements de cette ville saxonne, de moyenne importance hors de ces périodes tri-annuelles de Pâques, de la Saint-Michel et du Nouvel An.

Parmi ces établissements, existe, malgré la conjoncture économique générale, une maison des plus prospères - d'"import-export" dirions-nous aujourd'hui -, faisant le négoce, avec l'Europe entière, de soie, de textiles variés, d'articles divers et, parmi eux, de châles,... Il s'agit de la Maison Dufour Frères, ayant pignon sur l'une des principales artères de la cité. En souvenir de cette famille honorable et distinguée, cette longue rue, proche du centre historique, sera, ultérieurement, dénommée Dufourstrasse. Cette appellation a survécu, jusqu'à nos jours, à toutes les vicissitudes de l'histoire, y compris à l'ex-R.D.A.

Dufour, ce nom bien français constitue, dès l'abord, un signe engageant pour des contacts, sinon fructueux, du moins favorables. On se retrouve entre compatriotes ... ou presque ! Et cette rencontre se situe immédiatement sous d'agréables auspices. Comment peut-il en aller autrement à l'égard du jeune François, au comportement et au visage emportant la sympathie, qui affiche une personnalité déjà marquée et apparaît si doué, tant en affaires qu'au plan intellectuel.

Un lien supplémentaire vient renforcer cette sympathie naissante ; l'origine de chacune des familles Dufour et Arlès se situe dans la même région, celle des Cévennes, au terrible passé de tensions confessionnelles, d'émeutes, d'exactions, de dragonnades. Et l'on découvre que le village natal du père de François, Lodève (Hérault), n'est qu'à dix lieues de Sauve, cette ravissante cité à l'aspect médiéval du département du Gard, berceau familial des Dufour !

Parmi les quatre associés de la maison Dufour frères, le premier interlocuteur de François Arlès fut-il Paul Emile Dufour, ou l'un de ses beaux-frères Jean Pierre et Henri Charles Platzmann, ou encore son neveu, Albert Dufour-Feronce, fils de son frère aîné Jacques Ferdinand Dufour, décédé depuis peu ? Toujours est-il que ces rencontres devaient évidemment se renouveler à l'occasion de chaque passage et la qualité des relations s'affermir chaque fois davantage. Il semblerait que l'origine des rapports amicaux d'Arlès avec Paul Emile Dufour remonte à sa première année de tribulations germaniques, en 1817.

Ultérieurement - à une date également incertaine - on en vient, unanimement, à souhaiter la collaboration dans la maison du jeune Français. Ce qui est accepté. Non sans mûre réflexion : c'est s'installer dans un pays étranger et, tout aussi définitivement, s'éloigner de sa pauvre mère restée à Paris. Non sans que, bien sûr, il ne manifeste sa reconnaissance à son employeur parisien pour lui avoir permis de franchir un pas dans l'échelle sociale. François entre ainsi au service de l'importante Maison Dufour Frères. Et il est vraisemblable que cette embauche est accompagnée du logement, ce qui expliquerait la discrétion dont il fait preuve dans son Journal de Jeunesse afin de soustraire aux regards les replis de son âme...

L'ambiance de travail est excellente et une parfaite harmonie règne entre les familles Dufour et Platzmann. On peut s'entretenir aussi bien en allemand qu'en français, mais le plus souvent, on privilégie cette dernière langue dont l'usage reste prépondérant, même si, depuis 1687, à Leipzig117, l'allemand est devenu la langue de l'enseignement. A tel point qu'en juin 1782, l'Académie royale des Sciences et Belles-Lettres de Prusse s'était interrogée en posant en concours - remporté par Rivarol - ces trois questions118 :

Sensiblement à la même époque, Mme Janssen, la future belle-mère de Paul Emile Dufour, avait ‘ "imposé une étiquette des plus aristocratiques à ses enfants" et "n'avait jamais voulu apprendre l'allemand119." Mère de huit enfants, les difficultés de la vie ne lui furent pas épargnées et, en 1809, à la suite de mauvaises affaires de son mari, agriculteur en Silésie, elle mourut de chagrin. Amis intimes des Janssen, les frères Jean Pierre et Henri Charles Platzmann, fils d'un fabricant de soie à Berlin, négociants à Leipzig, firent preuve d'une générosité sans égale. Tout en fournissant les moyens à leur père de remonter ses affaires à Berlin, ils recueillaient et se répartissaient les enfants : Jean Pierre Platzmann (16 novembre 1757 Berlin, 11 mars 1831 Leipzig) se chargeant des fils et Henri Charles Platzmann (12 décembre 1760 Berlin, 28 mai 1843 Leipzig) des filles, Adélaïde et Caroline.

Les deux frères Platzmann contractaient mariage, à Leipzig, avec deux demoiselles Dufour :

Parmi leur postérité qui rejoindra Lyon, attirés par des alliances de famille, :

Quant aux frères Dufour, ainsi devenus les beaux-frères des Platzmann,

Parmi leurs 3 enfants :

Les origines des Du Four ou Dufour méritent, à leur tour, d'être rapportées122. Elles remontent au moins au 17e siècle, au cours duquel un nommé Pierre Dufour (1638 Sauve, ?), Seigneur du Mas de Sebens et de différents fiefs, a occupé, dans le Gard, une place prépondérante comme riche propriétaire et "Consul de la ville et Viquaire de Sauve123". De son union, selon contrat devant Me Duranc du 5 juin 1670, avec Marie de Claris, naissaient, à Sauve, trois enfants, dont l'aîné, Marc Antoine, le 11 mai 1683. Deux ans auparavant, avaient éclaté des persécutions violentes contre les protestants ; malgré cela, il figurait parmi les quelques délégués de l'église protestante de Sauve à l'un des derniers colloques provinciaux, peu avant la Révocation de l'Edit de Nantes, le 18 octobre 1685.

Cette même année 1685, la pasteur Merlat, pourtant lui aussi exilé, fait paraître, à Lausanne, un Traité du pouvoir absolu des souverains, au conformisme politique surprenant en raison de son ministère et du contexte ; il y écrit : ‘ "Les souverains à qui Dieu a permis de parvenir au ’ ‘ pouvoir absolu n'ont aucune loi qui les règle à l'égard de leurs sujets [...]. De là, résulte l'impunité universelle de leurs actions parmi les hommes et l'engagement des peuples à souffrir sans rébellion tout ce que de tels princes peuvent leur faire souffrir n'y ayant que Dieu seul qui ait le droit de venger124."

C'est, sensiblement, comme déjà vu, ce qu'Arlès déplorera, plus tard, à propos des princes allemands, lui qui qualifiera la Révocation ‘ "d'acte impolitique et cruel125" et, ajoutera-t-il, qui causa à notre industrie des conséquences incalculables et marqua l'origine réelle de l'industrie de la Prusse.

Peu après l'Edit de Fontainebleau, plutôt que de renier leur foi, de devenir de "nouveaux convertis", Pierre Dufour et sa famille décident de quitter la France pour s'installer à Leipzig. Ils sont attirés par les conditions d'accueil pleines de sollicitude - non dépourvues, néanmoins, d'intérêt économique - réservées, en Saxe, la patrie de Luther, aux protestants français. Il y décédera le 2 décembre 1732, âgé de 93 ans moins 22 jours !

Son fils Marc Antoine, arrivé tout jeune à Leipzig, y meurt en 1757‘ , "après avoir réalisé une fortune considérable dans les affaires, qu'il traita toute sa vie avec la loyauté que comportaient les sentiments pieux et austères dont il était animé". ’ ‘ "Les principes religieux qu'il professait étaient si fermes et si accentués qu'il reçut [...] dans cette ville, où pourtant nombre d'autres réfugiés, protestants comme lui, avaient trouvé asile, le surnom caractéristique du Huguenot126."

Marc Antoine avait comparu, devant le pasteur de Vianen, (Hollande), en compagnie de ‘ "Mademoiselle Jeanne Henriette de Rapin de Thoyras, jeune fille, assistée de Madame sa mère" ’, ‘ "pour être enregistrés et faire publier leurs annonces, dimanche le 15 de Novembre de l'année 1733. Ils ont été mariés dans la maison, après les trois proclamations et après avoir produit le certificat des annonces publiées à Leipsic." ’ Cet extrait du registre des mariages127, libellé en français, est daté du 25 janvier 1734. Jeanne Henriette (8 janvier 1700 La Haye, 18 janvier 1782 Leipzig), - ayant pour parrain Milord Woodstock, devenu duc de Portland, et pour marraine Jeanne de Pélisson, sa grand-mère, soeur du célèbre Pélisson, membre de l'Académie française et défenseur de Fouquet - était l'aînée des douze enfants de Paul de Rapin, Seigneur de Thoyras.

Pour en terminer avec cette galerie de portraits, ajoutons que, d'une famille originaire de Saint-Jean de Maurienne un siècle plus tôt, Rapin Thoyras (25 mars 1661 Castres, 16 mai 1725 Wesel) avait émigré, également à la Révocation, en Angleterre pour s'installer ensuite en Hollande. Enseigne au cours de la campagne d'Angleterre de 1688, capitaine après la bataille de la Boyne128 puis aide-de-camp du général Douglas, Rapin de Thoyras fut grièvement blessé en Irlande, à l'assaut de Limerick. Il fut alors placé par le roi en qualité de gouverneur auprès de Lord Woodstock, fils du comte de Portland. L'éducation du jeune seigneur en 1703 achevée, après avoir visité en sa compagnie l'Italie, l'Allemagne et être revenu en France, avec le Comte de Portland lors de l'ambassade de ce dernier en 1698, Rapin de Thoyras quitta La Haye pour s'installer en famille à Wesel, en Prusse rhénane. Il devait y laisser une oeuvre, inachevée à sa mort en 1725, comportant déjà treize volumes de son Histoire d'Angleterre qui le rendit célèbre à titre posthume129. ‘ "D'autres Français dont les noms sont aujourd'hui bien plus connus en Angleterre que dans leur pays, [...], l'historien Rapin-Thoyras, [...], se distinguèrent par leurs talents sur le chemin de l'exil ’ ‘ 130 ’ ‘ ." ’ Ajoutons qu'à son talent d'historien vient s'ajouter une science politique qui le fait considérer comme un devancier de Montesquieu131.

Son petit-fils, Jacques Marc Antoine Dufour (19 juillet 1737 Leipzig, 21 octobre 1806 ou 1805 Leipzig), enfant unique de Marc Antoine et Jeanne Henriette de Rapin, ‘ "succéda à son père comme chef de sa maison". ’ Le 1er février l764132, il épousa la très jeune Anne Louise Pallard (15 mai 1747 Vienne, 17 avril 1798 Leipzig), fille de Jean Jacques Pallard, de Genève. Celui-ci fut le joaillier de l'Impératrice Marie-Thérèse à Vienne, puis de sa fille la Princesse de Saxe, membre du Conseil des Cinquante à Genève et, dans cette ville, propriétaire de la villa et de la ferme "Petit Morillon". Jean Jacques Pallard avait acquis ce domaine - proche de l'actuel Palais des Nations - après avoir acquis la confiance des princes saxons en sauvant leur trésor (or, argent, joaillerie, etc.) du sac de Dresde, leur capitale, par les Prussiens de Frédéric II. Avec l'aide de son beau-frère, Frege, banquier à Leipzig, il l'avait mis en sûreté aux Pays-Bas, chez sa belle-mère, pour le restituer à la fin de la guerre133.

Rappelons que ce ménage Dufour eut les quatre enfants, mentionnés plus haut, à savoir : Jeanne Henriette (future épouse de Jean Pierre Platzmann), Jacques Ferdinand (futur époux d'Anne Pauline Feronce), Victoire Elisabeth (future épouse de Henri Charles Platzmann) et Paul Emile (futur époux de Pauline Adélaïde Janssen). Si la descendance Rapin devait s'éteindre trois générations après la mort du Seigneur de Thoyras, parmi les sept enfants Rapin qui survécurent à leur père, les filles la perpétuèrent à travers les banches familiales Dufour, du Bosc, de Mauclerc, de Coninck et enfin de Cazenove.

Quelque peu impressionné par une telle lignée, Arlès, au fil du temps, apprend à démêler les écheveaux de ces généalogies. Il s'est accoutumé à la sédentarité de sa nouvelle vie. Leipzig n'a plus de secret pour lui. Il s'attache à cette cité traditionnelle, austère - en bref luthérienne -, à la prestigieuse université, créée en 1409, fréquentée, entre 1765 et 1768, par Goethe, futur symbole de l'idéal romantique germanique, pour y apprendre le droit. Il prend plaisir à arpenter ses vieilles rues et ruelles, à admirer la façade de l'Hôtel de Ville et, plus loin, l'architecture gothique de la vieille église Saint-Thomas reconstruite en 1496 et transformée en hôpital militaire pendant la "Bataille des Nations"134. Sous ses voûtes, se perpétue la tradition de Jean-Sébastien Bach qui, cent ans plus tôt, commençait à y faire retentir ses plus célèbres cantates. Et quand il traverse la place du Marché, passant devant la maison du Grand Lys, son attention est attirée par les gammes des jeunes filles de la bonne société, élèves de Frédéric Wieck, "pédagogue génial", "un professeur admiré dans Leipzig, dont on s'arrachait les leçons de piano135", le père de Clara, la future épouse de Robert Schumann.

Dans les derniers mois de l'année 1821, accueillants par nature, soucieux de pallier quelque peu la solitude de leur jeune employé, Paul Emile Dufour et son épouse, Pauline Adélaïde, le convient dans leur ménage. Lui est âgé de 43 ans, de cinq ans l'aîné de sa femme. C'est au cours de ces fins d'après-midi, prolongées parfois en soirées, que l'on se souvient de tout un passé, lointain ou plus proche.

Ce lointain passé, ils en ont appris les détails à la suite de la visite que Jacques Ferdinand Dufour, le frère aîné de Paul Emile, sa femme et son fils Albert Dufour[-Feronce], âgé de douze ans, avaient rendu à la terre cévenole de leurs ancêtres, en mars 1810136. A cette occasion, ils avaient pris contact, "adressés par la maison Maigre de Nismes137", avec le pasteur Devèze, de l'église réformée de Sauve, président du consistoire, qui devait leur montrer la maison occupée par leurs aïeux.

Par diverses correspondances des 12 mars 1811, 31 mars 1812, 20 décembre 1815 et 13 avril 1816138, ce ministre du culte les avait tenu au courant du résultat de ses recherches généalogiques ultérieures, malgré les difficultés exposées : ‘ "Registres anéantis par la Révolution, sous le prétexte qu'ils contenaient des actes qui rappelaient ou assuraient des droits féodaux", ’ ou ‘ "faute de soin de la part des conservateurs, ou par l'effet des déplacements. Les plus anciens de ceux qui restent sont à moitié rongés par la poussière et par les vers, tout y est tronqué ’."

Occasion aussi pour l'expéditeur, d'apporter des nouvelles de France, et, pour François Arlès et ses hôtes, quelques années après, de commenter longuement ces heures, vécues de part et d'autre, tantôt glorieuses, tantôt sombres, de l'Empire : "Tous les jours, rapporte le pasteur Devèze139, nous avons un nombre infini de malheureux à consoler, ou à soulager et toutes les ressources de la charité sont épuisées. Tandis que l'univers étonné admire nos exploits et l'accroissement rapide de notre empire, nous pleurons sous nos lauriers. C'est un triste asile pour le sage qui connaît la véritable gloire. Nous nous livrions avec satisfaction à l'idée que le continent serait pacifié pour longtemps et, cependant, tout semble nous annoncer une nouvelle guerre. [...] Dieu veuille que l'orage s'éloigne de votre pays, vous me l'avez rendu bien cher : à cause de vous, je fais des voeux pour la tranquillité et le bonheur de la Saxe.

"Dans ce moment, le caractère de notre nation offre à l'observateur attentif un phénomène étonnant. Le peuple gémit, il semble succomber sous le poids de ses trophées, et plus encore sous celui de ses besoins et de sa misère, que trois mauvaises récoltes rendent plus grands et plus sensibles ; au premier coup d'oeil, on se croit arrivé à ce degré d'épuisement et de lassitude, où les gouvernements ne peuvent plus attendre de nouveaux efforts et de nouveaux sacrifices. Cependant, dans le mois de mars, il est parti pour l'armée 12.000 hommes de l'âge de vingt ans [...]. L'hiver que nous venons de passer, sous le rapport du manque de récoltes et de privations, ne peut être comparé qu'à celui de 1709[...]."

Ces correspondances constituent aussi une opportunité de se souvenir du rôle historique joué par Jacques Ferdinand Dufour, tel qu'il ressort de la lettre du pasteur Devèze du 20 décembre 1815 dans les termes suivants: ‘ " Mr Dufour, pour qui j'ai fait toutes ces recherches qui rendent l'homme estimable, réunit au plus haut degré les qualités de l'esprit et du coeur qui rendent l'homme estimable. Les témoignages de bienveillance qu'il a reçus de la part de son prince et les missions importantes dont il a été chargé prouvent qu'il doit jouir dans son pays de la plus grande considération. Ce fut lui qui, après l'affaire de Iéna traita avec le vainqueur pour la ville de Leipzig et pour l'électorat de Saxe."

En effet, après l'écrasement des troupes prussiennes et saxonnes à Iéna, en 1806, Napoléon entra à Leipzig encore indécis sur le sort à réserver à cette ville qu'il envisageait de piller, voire d'anéantir. Les principales autorités furent convoquées. Parmi elles, se trouvaient Jacques Ferdinand Dufour et son beau-frère Jean Pierre Platzmann appartenant aux familles de la colonie française, parlant couramment français et comptant parmi les plus aisés et les plus respectés négociants de la ville. Ils avaient acquis une solide réputation de rigoureuse probité en affaires et bénéficiaient de la considération générale. Pour ces raisons, et compte tenu de leur influence importante sur l'administration municipale, ils furent auprès de l'Empereur, les porte-parole de la représentation leipzigoise et parvinrent à le convaincre de renoncer à tout excès ‘ "qui aurait été un grand malheur, non seulement pour la ville mais aussi pour la France et son économie140 »

La Chambre de commerce de Lyon, de son côté, le 13 novembre 1806, sollicitait de l'Empereur que la liberté de commerce fût maintenue en faveur de cette ville : ‘ "Leipzig est un centre où des foires, d'une très antique institution, ont établi un commerce très étendu entre le nord et les parties tempérées de l'Europe. [...] Cette foire célèbre facilite en notre faveur l'importation de nos soieries et élude en partie les lois prohibitives qui interdisent l'entrée d'un grand nombre de nos articles en Russie et dans les Etats de l'empereur d'Autriche et du roi de Prusse. [...] Nous autres Lyonnais débitons dans ces foires les deux tiers des étoffes que nous fabriquons, des gants et des bas de soie ’ ‘ 141 ’ ‘ ."

La même année, la Saxe concluait la paix avec Napoléon qui élevait l'Electorat en royaume. A une date et dans des conditions inconnues, Jacques Ferdinand Dufour ‘ "fut ensuite chargé de venir négocier l'emprunt de 12 millions que le roi de Saxe fit à la ville de Paris142.‘ "

La rencontre des deux beaux-frères avec l'Empereur se renouvela en une autre occasion, toujours à Leipzig, exactement trois mois avant que le souverain fût de retour pour reconnaître le terrain et y livrer la funeste "Bataille des Nations". Ce jour-là, le 14 juillet 1813, à quinze heures, au palais, le Thomäs Haus am Markt, Napoléon donnait audience aux autorités de la ville : son gouverneur, le général de Pohlenz, le grand juge de la Cour supérieure, le baron de Werter, les députés du cercle présidés par le grand veneur de S.M. le roi de Saxe le baron de Bölow, les députés de l'université, du corps municipal, du clergé, enfin les six députés de la Chambre de commerce. L'état de siège avait été proclamé à la suite de désordres estudiantins. L'Empereur, fort en courroux, ne l'admit pas et le gouverneur, à qui fut reproché de n'avoir ‘ "pas pu contenir vos étudiants ’", d'être morigéné, les professeurs traités de ‘ "pédants désilluminés143" ’ S'étant radouci, il écouta, "avec bonté", le bourgmestre solliciter la levée de l'état de siège et lui répondit : ‘ "Je sais bien que les négociants n'aiment pas l'état de siège ; ils s'imaginent toujours que l'on en veut à leur bourse. Vous manquez de fermeté, avec plus d'énergie vous réprimeriez la canaille et vous auriez épargné beaucoup de mal à votre ville, à laquelle je veux du bien, attendu qu'elle donne de l'activité à mes fabriques144 ; j'ai toujours été content d'elle, mais dans cette circonstance elle a été en défaut. [...]" ’. Avisant ‘ "M. Dumas, pasteur de l'église réformée française, qui portait la parole pour les trois confessions, : - Vous ’ ‘ êtes de la Révocation de l'Edit de Nantes, descendant de réfugiés, ministre calviniste, vous parlez le français comme nous. Y a-t-il beaucoup de Français dans votre église ? - Non, Sire, à peu près quarante chefs. - Prêchez l'obéissance des peuples à leurs souverains ; ce ne sont point les petits qui doivent commander aux grands, ni les pieds gouverner la tête."

Là-dessus, le souverain se tourna vers la députation de la Chambre de commerce, présidée par Jacques Ferdinand Dufour et comprenant Jean Pierre Platzmann, entre autres. Tous deux servant, en cas de besoin, d'interprètes, la possibilité s'offrit de s'entretenir avec lui, en particulier, à plusieurs reprises, d'autant qu'il apprenait avec satisfaction qu'ils faisaient le commerce d'étoffes de Lyon. D'où, la pluie de questions suivantes : ‘ " - Vendez-vous pour quarante millions de francs dans vos foires ? - Non, Sire, d'après les données assez certaines qu'il est possible de se procurer, le chiffre d'affaires est infiniment moindre. - Achetez-vous à crédit ? - Non, Sire, les paiements se font par anticipation. - Combien m'avez-vous payé en 1806 pour les marchandises anglaises? - Sept millions, Sire."

Sa Majesté s'inquiéta également de l'existence de banqueroutes éventuelles. Il venait justement de s'en produire une, de quatorze cent mille francs, dans une maison de soierie, mais la raison n'en était pas ce commerce, mais de mauvaises spéculations portant sur les mines. Il demanda ensuite à connaître le nombre de millionnaires dans la ville. Jean Pierre Platzmann rétorqua que l'on y comptait beaucoup de fortunes, mais point d'aussi colossales. Les questions portèrent, en outre, sur les sucres séquestrés, la quantité de denrées coloniales entrées durant l'occupation russe, l'existence de marchandises en provenance de l'Angleterre, la tenue de foires dans la période actuelle. Il s'en tenait une justement à Naumburg avec un grand nombre d'acheteurs en provenance du duché de Varsovie et de régions proches de la Lithuanie. L'explication, Jean Pierre Platzmann fut prompt à la fournir : ‘ "La foire de Pâques [de Leipzig] ayant été nulle, vu les événements, les consommateurs en sont plus avides de besoins, mais ils sont gênés pour le transport des marchandises" ’. Jacques Ferdinand Dufour s'empressa de demander une grâce, celle d'accorder le passage de l'Elbe aux objets manufacturés en France et en Saxe et le déblocage des marchandises arrêtées à Wittemberg. Platzmann renchérissait en sollicitant l'extension de cette mesure à la Saxe afin de permettre que l'exportation se fasse également de ce côté-là, à destination de la Silésie et des provinces limitrophes de la Pologne ; il ne manquait pas d'ajouter, aussitôt, un argument de poids : ‘ "Cela serait des plus intéressants pour le commerce et il en résulterait une réaction prospère ’ ‘ pour les manufactures de Lyon...145 " Après un moment de réflexion de la part de son interlocuteur, l'argument semblait avoir porté ‘ : "Cela pourra s'arranger, cela n'a rien de commun avec la guerre." ’ L'Empereur n'oubliait pas que l'Allemagne était un débouché essentiel pour l'exportation des tissus de soie en provenance de Lyon (70,8 % en 1810 et 47,1 % l'année suivante) dont la moitié, voire les cinq huitièmes destinés à Leipzig, relais des Etats scandinaves et des empires russe et autrichien146.

La relation qu'il nous a semblé intéressant de reproduire longuement en raison de son caractère historique, peu connu par le détail voire inédit, a pour origine l'ouvrage Die Familie Platzmann précédemment signalé en référence. Pour ce Précis de l'audience donnée par l'empereur Napoléon aux autorités de la ville de Leipzig, le 14 juillet 1813, Jean Pierre Platzmann ‘ "en revenant de l'audience, [en] a de suite dressé le récit précis des discours tenus duquel j'ai fait la copie qui suit ’ ‘ ." ’ ‘ Dans de telles conditions, et si le contexte n'est pas modifié, une erreur de date parait peu vraisemblable, même plus tard, de la part d'un biographe de la famille. Est-il plausible, d'autre part, que Napoléon ait pu accorder deux entretiens similaires, à deux mois d'intervalle, dans la même ville ?

Pourtant, à la date du 20 mai 1813, la Chambre de commerce de Lyon, sous l'autorité de son président de droit, Alexis Régny, président du Conseil général du Rhône, Laurent Dugas étant secrétaire adjoint, reçoit l'écho de cette audience, donnée le 2 mai 1813, jour de la victoire napoléonienne sur les Russo-Prussiens. L'un de ses membres, M. Terret, communique, en effet, une ‘ "lettre adressée par Mrs Dufour de Leipsik à leur maison de Lyon" ’. Le registre des délibérations le consigne : ‘ "Ces messieurs rendent compte de l'accueil bienveillant que les députés du sénat de leur ville ont reçu de S.M. l'Empereur, le soir même de la bataille de Lutzen et des dispositions favorables que notre Monarque a daigné manifester en faveur de cette intéressante cité à cause de ses rapports étendus avec toutes les manufactures de soieries de son Empire. La Chambre pénétrée de reconnaissance pour cette constante sollicitude dont Sa Majesté a bien voulu dans cette circonstance donner une nouvelle preuve au commerce français ’ ‘ " décide aussitôt d'exprimer ’ ‘ "les sentiments de sa gratitude147." ’ L'ultime, sinon l'une des dernières marques de la protection de Napoléon à cette ville industrieuse, à ses manufactures nationales, l'une des sources de la richesse de l'Etat !

Au sein des famille Platzmann et Dufour, la présence de François entraîne l'évocation de nombreux souvenirs historiques et familiaux. A leur écoute, l'esprit d'Arlès, de son côté, s'emplit à nouveau de la mémoire de celui qui, justement, depuis quelques mois à peine, repose en terre étrangère ; exilé, si loin et à jamais - du moins, peut-on le croire à l'époque. Pour lui, contrairement à un autre, Talleyrand, cette disparition est un événement, et non pas une nouvelle... C'est qu'il conserve toujours le portrait du Petit Caporal dans son portefeuille ! Mais il revient bien vite à l'agréable réalité du présent, au plaisir certain et chaque fois renouvelé de ces moments de détente, notamment auprès du ménage de Paul Emile et d'Adélaïde Dufour.

De plus en plus fréquemment, il partage la chaude intimité de ce foyer, cossu mais sans ostentation excessive. Parfois, la toute jeune fille de la maison, à l'éducation parfaite, assiste silencieusement, lorsqu'elle y est admise, à ces longs entretiens. Trois prénoms lui ont été donnés lors de son baptême : Pauline, - l'un de ceux de sa mère -, Henriette - celui de sa tante Mme Jean Pierre Platzmann et de sa grand-mère, fille de Rapin-Thoyras -, Louise enfin ; le premier est son prénom usuel. Née, à Leipzig, le 30 septembre 1805, un an après la perte d'un garçon à peine âgé de quelques mois, elle n'a encore que seize ans. Quand elle a vu ce jeune Français pour la première fois, elle en a ri : il était arrivé dans la maison, ‘ "avec pour tout bagage, une paire de grandes bottes, dans lesquelles tenait toute sa garde-robe148" ! De cette époque, nous ne lui connaissons pas de portrait. Une miniature, peinte peu d'années après, la voit, un joli visage ovale porté par un long cou, lui conférant un air de grande distinction, entouré d'un collier de corail rouge ; ses cheveux bouclés, ceints d'un fin ruban, sont séparés par une raie au milieu ; des yeux mutins en amande éclairent l'ensemble d'où saille un nez légèrement proéminent. Elle est vêtue d'une robe de mousseline blanche, une taille haute dégageant légèrement le cou, et des manches longues légèrement bouffantes, selon la mode du moment. En bref, un ensemble fort séduisant149.

François, les premiers temps, a accordé peu d'importance à cette présence, réservée, presque timide, tout à la conversation générale qui aborde de multiples sujets, parfois d'ordre professionnel : il y a toujours quelque chose à apprendre ! Avec l'habitude de retrouver le jeune homme, Pauline se familiarise et leurs propos deviennent moins anodins.

Brouille passagère, incident grave ou simple réflexion jetée au hasard de la pensée ? Le 11 avril 1822, en "soirée", il note sur son Journal : ‘ "On n'apprécie bien un bonheur que l'on a ou aurait pu posséder, que lorsqu'on va le perdre, ou l'a perdu sans retour ; alors, la douleur est inouïe et les regrets remplissent l'âme d'amertume." ’ Mais les lignes qui suivent immédiatement, certes non datées, ne laissent plus planer le moindre doute : c'est bien l'amour ! Il s'épanche : ‘ "Quel tourment, quelle affreuse inquiétude donne l'amour ! Peut-être, en ce moment, où je pense à elle...!! Non, jamais, jamais, je n'aurai le bonheur de lui plaire ! Grand Dieu ! Vous qui m'avez guidé, comme par la main au milieu des écueils de la vie, donnez-moi la et je ne vous importunerai plus de mes voeux ! "

Trois mois plus tard, en juillet, il disserte sur le célibat, raisonne sur l'amour avec une lucidité bâtie sur l'observation, avant de revenir sur son inclination :

‘Qu'un célibataire doit se trouver malheureux lorsqu'il atteint un certain âge ! A force de vivre seul, de n'avoir à penser qu'à soi, on oublie les autres, on devient égoïste. On vieillit sans amis, sans enfants, sans compagnie. Et l'on quitte ce monde sans être regretté, sans laisser un être qui arrose notre tombe de quelques larmes d'amour, ou de souvenir ! Nos amis forment des liens qui les éloignent de nous, nos parents meurent, et nous ne pouvons compter sur l'amitié de ces femmes que nous appelons nos conquêtes, parce que nous ne les estimons pas et que l'amitié ne peut exister sans l'estime.
On nous reproche l'inconstance, et l'on a souvent tort. Peut-on aimer longtemps ce que l'on est forcé de mépriser ? C'est impossible. Tant que le feu de la passion, ou plutôt du caprice, dure, nous nous faisons illusion ; aussitôt qu'il s'éteint, nos yeux s'ouvrent, nos désirs satisfaits et l'estime n'étant pas là pour nous retenir, nous fuyons et volons à une nouvelle illusion, la croyant plus durable et finissant par la trouver aussi peu estimable.
Quelle différence dans les liens du mariage ! Quand on aime, on croit sa passion éternelle ; mais l'expérience prouve que tout passe. Mais alors, pour deux époux qui s'estiment, la tendre amitié vient remplacer le brûlant amour, et ce sentiment vaut l'autre, il ne s'éteint qu'avec la vie ou l'estime. Quel bonheur, ce doit être d'avoir un autre soi-même, qui se réjouit de nos plaisirs, s'afflige de nos peines, double les uns et allège les autres en les partageant ! Quel bonheur, quel délice, d'avoir un coeur qui ne bat que pour nous, un coeur qui entend, qui apprécie tous les mouvements du nôtre et qui y répond ! Quel charme de pouvoir tout confier à un être qui nous aime ! De pouvoir penser tout haut. Quel plaisir, quelle joie de pouvoir donner à celle qu'on aime, de la rendre si heureuse qu'elle n'ait plus de voeux à former ! Je n'ai jamais regretté les biens de fortune que depuis que j'aime. C'est pour celle que j'adore que je voudrais être riche ! Pour moi, qu'ai-je besoin ?’

Un obstacle apparemment majeur à cette union : Pauline est la fille unique d'une famille opulente qui ne peut que lui destiner un riche parti ; François est pauvre. D'autres barrières existent, nombreuses. Les Dufour sont des notables leipzigois unanimement reconnus et respectés ; il n'est rien moins qu'un ancien saute-ruisseau, ses origines sont des plus modestes. Différence, aussi, de nationalités, parfois alliées, tantôt ennemies, même si la France et ses ressortissants restent considérés en ce royaume de Saxe. Une autre, fondamentale enfin, d'ordre confessionnel ; cette famille très pratiquante a une foi inébranlable. A l'instar de ses aïeux, elle est des plus actives au service de sa religion. Paul Emile Dufour n'est-il pas, depuis 1818, le président du Consistoire de l'église réformée de Leipzig. Et si l'on examine la liste de tous ceux qui l'ont précédé depuis 1702150, à "l'église française", on y relève très fréquemment le nom de tous ces Dufour, - Pierre, Marc Antoine, Jacques, David, Pierre Daniel, André, Pierre Jacques sen. et jun., Jacques Marc Antoine sen. et jun.- , aux côtés de ceux des Platzmann - Johan Peter, Heinrich Karl, Peter Ludwig Eduard, Karl Viktor - et des Feronce - Pierre, Daniel Simon ; aussi, et cités pour mémoire, les Crayen - Louis Jacques, Auguste Guillaume, Auguste, Ami - etc. Non, toutes ces familles ne peuvent oublier le sacrifice de ces ancêtres fuyant la terre natale pour sauvegarder leurs convictions.

Impensable que Pauline, leur descendante, épouse un catholique ! Car, Arlès est né catholique et a été élevé dans cette croyance. En vue de sa communion solennelle, il a appris le Catéchisme Historique contenant en abrégé l'Histoire Sainte et la Doctrine Chrétienne 151. Comment douter qu'il ne s'agisse pas du sien, alors que l'enfant s'est exercé, sur ses pages de garde, à sa signature, dix fois recommencée, et, aussi, a ajouté facétieusement, comme il arrive de le faire à cet âge, : ‘ "Ce livre appartient à Arlès, à Paris. Celui qui le retrouvera, je le prie de le remettre au logis du sieur ; il aura une bouteille de vin quand mon chat saura parler. Salut coquin." ’ Dans la mesure où elles ont pu exister, ses convictions confessionnelles sont devenues tièdes pour le moins, même s'il s'est profondément imprégné de ses préceptes moraux. Pour l'adepte de Rousseau tourné vers d'autres principes, il serait hors de question d'embrasser une nouvelle religion. Ainsi qu'il l'écrivait, trois ans plus tôt, à son ami Holstein, il préfère ‘ "adorer directement la divinité ’ ‘ 152 ’ ‘ ".

L'été, il est de tradition de s'évader de la ville. L'année 1822 n'échappe pas à la règle et, tout naturellement, le voit invité à suivre la famille, durant cette saison, dans la maison de campagne de la famille Dufour, comme en possèdent l'aristocratie et la riche bourgeoisie. Une campagne toute proche, juste à quelques lieues de la ville, à un point tel qu'aujourd'hui le village de Connewitz de l'époque est devenu un quartier de Leipzig. Pour le bonheur de leur fille et n'hésitant pas à sacrifier certains tabous, les parents Dufour ont-ils voulu favoriser une idylle qu'ils ont vu poindre et dont ils apprécieraient l'issue favorable ? Chose curieuse, le Journal, dans les nombreuses pages qui suivent, ne recevra plus aucune confidence touchant à sa passion. ‘ " Des heures heureuses et paisibles", ’ tel résume-t-il le séjour. Un ‘ "lit excellent,une table fort commode et une immense chaise antique" ’ ‘ composent le mobilier de sa chambre ’ ‘ . "En ouvrant une petite fenêtre, je vois des arbres qui ploient sous le poids des plus beaux fruits ; le bourdonnement des eaux de la Pleisse qui coule derrière le jardin, anime seul ma solitude sans la troubler. Non, je ne quitterais pas ma chambrette pour un palais ! Et cependant, il faudra bien la quitter".

A l'inverse de Robert Schumann qui écrira, cinq à six ans plus tard, dans semblable environnement : ‘ "La nature, où la trouverais-je ici ? Pas une vallée, pas une montagne, pas une ’ ‘ forêt où je puisse suivre ma pensée153", il communie avec cette nature. Il apprécie fort la beauté du paysage et s'en ouvre à son Journal de Jeunesse :

‘J'ignore combien d'étés je passerai sur cette terre ; mais, je doute qu'aucun soit aussi paisible, aussi délicieux que celui de 1822 à Connewitz. Jamais saison ne passa si vite, jamais je n'ai tant désiré que le temps fît une pause. Pourquoi, hélas ! le Temps, si lent à s'écouler dans l'infortune, est-il si prompt dans le bonheur !
Connewitz est le plus joli village des environs de Leipsic, tant par ses élégantes maisons de campagne, que par sa situation aisée et joliette. Le village est très long et peu large ; sur la droite et dans, presque, toute sa longueur, il est bordé d'une rivière qui coupe de jolies prairies et de superbes forêts qui sont, au village, comme le parc le plus magnifique et le plus étendu.[...] La rivière qui borde le village fait aller plusieurs moulins, ce qui ne laisse pas que de l'embellir ; elle continue son cours jusqu'à la ville, tantôt traversant la forêt, tantôt formant sa lisière.
De la ville au village, existe un sentier charmant qui suit les bords de la Pleisse et traverse les bois. Mais, comme le sentier de la vie, il est, par intervalles, semé de ronces et d'épines. A l'entrée du village, et sur la droite, se présente une jolie maison qui respire le goût, l'aisance et l'hospitalité. C'est là, qu'ignorant la ville et la raideur, la plus jolie petite société vivait, donnant l'exemple bien rare de plusieurs personnes de différentes nations, de caractères divers, qui se conviennent parfaitement, s'estiment et ne s'envient pas.’

Au sujet de ceux qui l'entourent, Arlès reste discret, déclarant : ‘ "Comme je ne hais rien tant que dire des choses flatteuses, même lorsqu'elles sont méritées, je ne ferai pas de portraits ; d'ailleurs, ils seraient imparfaits, il me manque les ombres.[...]" ’. Il n'est pas aisé de déterminer la composition de cette société, hormis, bien sûr, les maîtres de maison, Paul Emile et Adélaïde Dufour et leur fille Pauline. Quelques prénoms sont cités au passage : "Gustave", sans doute Platzmann, "Albert", vraisemblablement Dufour-Feronce, tous deux contemporains de François Arlès, "Marianne princesse de treize ans", qui, née de Lindeman à Dresde en 1809, semble être la future femme du précédent, épousée en 1830. Et puis l'inévitable "Miss", probablement la jeune préceptrice anglaise de Pauline, fréquente victime de leurs jeux, de leurs courses, aussi de leurs "combats d'eau et de terre"...

Quant à l'ambiance générale, aux conversations, voici en quels termes sensibles François les évoque dans son Journal :

‘Dans le jardin, vis à vis la maison, est une grande tente, où, toutes les fois que le temps le permettait, on se réunissait pour le thé. Lorsqu'après avoir passé la journée à la ville, nous revenions sous cette tente hospitalière, nous étions reçus par la plus cordiale, la plus franche gaîté. Le sombre des idées commerciales, la tristesse, l'inquiétude spéculative, la mélancolie, ne résistaient pas au bonsoir de la maman, et, à peine, avait-on pris le thé que, la ville, le bureau, les affaires, tout était oublié ; on ne pensait plus que se réjouir et jouir de la liberté.
Quoique de nos conversations, le pivot de toutes celles de la ville (la médisance) fût proscrit, notre société était si jolie et si causante, que, dans les longs jours de l'été où la nature est si belle, je souhaitais quelques fois, les courts jours, parce qu'on rentre plus tôt et cause plus longtemps.
Il se passait rarement une journée sans discussion, et nous avions tous reconnu la justesse de ce grand principe : "Du choc des opinions jaillit la vérité". Les idées de nos jeunes têtes, presque plutôt émises que conçues, le mélange original de trois langues, la calme, l'exaltation, l'humeur naïve et sensible, l'esprit vif et tant soit peu goguenard, la douce et indulgente expérience, dans tout cela jamais de prétention, toujours de la gaîté, de la décence et une grande franchise. Voilà ce qui animait nos conversations et leur prêtait sans cesse de nouveaux charmes. "Après le thé, souvent, on allait sur la prairie voir coucher le soleil. Tantôt, ses derniers rayons pourpraient l'orient, tantôt, ils bordaient d'or et de feu d'immobiles nuages où l'imagination cherchait et trouvait, souvent, des tableaux connus. C'était surtout le majestueux Mont-Blanc et les magnifiques glaciers que nous nous plaisions à découvrir.
Malgré la magnificence du soleil qui termine sa course, il attriste toujours mon âme, il m'enlève l'espérance ; c'est un beau jour de passé, c'est encore un soleil de moins. Oh! combien je préfère le soleil levant ; il ranime et vivifie tous les êtres ; ses premiers rayons, son premier sourire, portent dans tous les coeurs, à toute la nature, l'espoir d'un beau jour. [...]
Les promenades ne laissaient pas que de donner beaucoup d'appétit, et peu de cloches vont au coeur comme celle qui nous appelait au souper. Jamais, à la table ronde, aucun de nous n'eût donné sa place pour celle du plus fameux des fameux compagnons d'Arthur. Un certain silence présidait toujours au commencement de la collation, mais ce commencement était bien vite à sa fin, et l'esprit de discussion s'emparait de toute la famille. Un jour, c'étaient les Grecs et les Turcs qui nous divisaient, car, quoique nous fussions souvent tous du même avis, il se formait toujours une opposition opiniâtre.
Un sujet "très intéressant nous occupait souvent [...]", développe-t-il, celui du bonheur domestique. Valait-il mieux "une femme de grand esprit, genre Corinne ou Staël, qu'une bonne femme, toute simple, sans esprit, sans moyens, mais d'un coeur droit et bien placé." Et l'on penchait, en définitive, vers celle-ci. "Nous parlions quelques fois théâtre, littérature ; tantôt on s'acharnait contre les Turcs et s'apitoyait sur le sort des Grecs ; tantôt on causait voleurs, revenants, magnétisme. Enfin, jamais, les sujets ne manquaient et nos conversations nous eussent souvent mené fort tard, si la Maman qui voyait tout, voyant des yeux cligner et de jolies têtes se pencher, n'eut donné le signal du départ.
Alors, chacun courait à son bougeoir, ou entonnait une marche lente et guerrière et se dirigeait vers l'escalier ; au premier, on faisait une halte générale pour se souhaiter le bonsoir ; mais là, souvent, recommençait la guerre, et les bougies en étaient les innocentes victimes. A l'ardeur que déployaient nos dames pour éteindre les lumières, aux efforts qu'elles faisaient pour qu'on ne les rallumât point, on les eût prises pour des ministres de la Sainte Alliance. Enfin, on se séparait, il se disait un bonsoir général, et tout rentrait dans un profond silence.’

Au cours de ses promenades, solitaires ou en compagnie, Arlès gardait en tête qu'il foulait une terre chargée d'histoire. L'anticlérical ne manque pas de rappeler au passage que, ‘ "en 1631, le grand Gustave Adolphe remporta dans ces plaines une victoire éclatante sur Tilly154 qui pillait et ravageait le pays au nom de l'empereur et de la religion."

‘Et c'est vers une autre bataille, plus récente, que ses pensées se tournent lorsque, écrit-il, "en 1813, l'Europe réunie arracha enfin une victoire à Napoléon le Grand. Cent quatre vingt mille Français, dont moitié conscrits de 17, 18 ans, combattirent trois jours avec acharnement contre trois cent trente mille ennemis, et, jusqu'au dernier moment, arrêtèrent la victoire. Le village de Connewitz et le passage de la Pleisse jusqu'à Dölitz étaient défendus par le 8e corps composé de jeunes gardes sous les ordres de Poniatowski. En vain, le corps ennemi sous les ordres du général Murveldt attaqua à plusieurs reprises ; il fit, dans les bois et le village de Dölitz, des pertes considérables et ne put parvenir à passer la Pleisse. Les murs du château de Dölitz et les arbres qui bordent la rivière, criblés de balles et de mitraille prouvent avec quel acharnement on se battit de part et d'autre.
"Cette Saxe, tant de fois saccagée et en proie aux horreurs de la guerre, est cependant un des plus heureux et des plus riches pays d'Europe. En traversant ses villages et ses campagnes, on ne voit qu'aisance, abondance et contentement. O ! Providence ! "

Mais l'hôte de Connewitz n'a pas oublié l'affreux spectacle qu'il découvrait à Waterloo. Son coeur de pacifiste saigne à la pensée de ses compatriotes disparus, ici, pour servir l'Empereur, une ultime fois. Comme chaque année, attiré par la mélancolie des ruines, il accomplit son pieux pèlerinage, profitant de l'absence de la famille, à un bal dans un village voisin. Alors, Arlès raconte :

‘Non loin de Connewitz, en suivant le chemin qui traverse les bois et conduit au village de Rachwitz, un peu sur la droite, s'élève, au milieu des ronces et des broussailles, un tas de terre couvert d'herbe et de fleurs fanées. Là, repose un des guerriers que la mort moissonna dans les champs de Leipsic, les 16-18 octobre 1813. Tous les ans, dans la nuit anniversaire, une main inconnue relève la tombe qui s'affaisse toujours, la couvre d'herbe et la couronne de fleurs. Quel que soit le sentiment qui guide cette main constante, elle mérite la bénédiction du ciel.
Je cherchai vainement le tombeau, et comme en travaillant la chaussée, on avait fait, dans la terre, diverses saignées pour faciliter l'écoulement des eaux, j'ai cru qu'on l'avait détruit. L'âme pleine de douleur et de tristesse, je m'enfonçai dans le petit sentier du bois. La nuit me surprit. L'orage qui s'approchait la rendait plus obscure et plus imposante, le feuillage s'agitait, le tonnerre grondait dans l'éloignement et les éclairs perçaient, par intervalles, l'obscurité du bois.
Ni l'éclair, ni la foudre ne me font pâlir ; je ne crains point l'orage mais il me rend mélancolique et religieux. Le chemin que je suivais fut, pendant la bataille, un champ de carnage et d'horreur. Je marchais donc sur les cendres de mes pauvres compatriotes : je frémis et ne pouvant détourner mes idées de ces tristes tableaux, je rêvai en vers :

Malgré tous vos lauriers, malgré votre valeur,

Dans les champs étrangers, bien loin de la patrie,
Le fer a moissonné votre glorieuse vie
Et pour combler votre malheur,
En se fermant à la lumière,
Vos yeux ont vu traîner l'aigle dans la poussière
Et terminer son vol vainqueur !
Que de tableaux hideux! Que d'horribles images,
Le silence du bois retrace à ma douleur !
Combien de sang français arrosa ces feuillages !
Ici, couvert de sang, un de ces vieux guerriers
Dont le front se ridait sous le poids des lauriers,
Embrasse en frémissant son épée si fidèle,
Il presse sur son coeur cette étoile immortelle
Qu'il reçut au champ de l'honneur.
Il meurt en invoquant la victoire infidèle
Et son dernier soupir est pour son empereur.
Plus loin, un malheureux appelle son amie
Dont il fut séparé aux pieds des autels.
Il accuse le ciel, maudit la tyrannie
Et ses arrêts cruels !
Un autre, hélas !, ici mon coeur se serre,
Ne pense en expirant qu'au chagrin de sa mère ;
Il était tout son bien et son unique appui,
Elle mettait en lui son espoir et sa gloire ;
L'ingrat, il la quitta pour suivre la victoire,
Hélas ! la pauvre mère, elle mourra sans lui !!!
Tous adressent au ciel une vaine prière ;
Il ne vient pas d'ami pour clore leur paupière !
L'écho, seul, des forêts que leurs cris font gémir,
Redit leur désespoir et leur dernier soupir.

Mourir dans un jour de victoire,
mourir au milieu de ses amis,
au sein de sa famille,
ce n'est rien ;
mais expirer sur une terre étrangère
en mêlant ses derniers soupirs aux chants de victoire de l'ennemi,
ce doit être désespérant et cruel !’

Ce récit terminé, Arlès y revient pour intercaler ce qui suit dans celui de cet "été de 1822" : ‘ "Le 20 octobre 1822, j'allai comme tous les ans visiter le tombeau du bois. J'espérais le trouver paré de fleurs et d'herbe nouvelle. Quelle fut ma douleur ! La tombe était déserte, la triste dépouille des arbres, les feuilles mortes étaient sa seule parure. Ainsi, l'impitoyable temps interrompt tout ! Et maintenant que la mort a, sans doute, glacé la main qui parait et entretenait la tombe, elle va s'affaisser, se niveler à la terre et disparaître à jamais. Quelques années encore, quelques mois peut-être, et il n'en existera plus de vestiges, et personne au monde ne se souviendra qu'à cet endroit, il y eut une tombe que l'on couronnait de fleurs. Hélas ! Il en sera de nous, comme de la tombe de la forêt ! "

L'été achevé, l'automne arrivé avec encore quelques belles journées, la famille se réinstalle à Leipzig :

‘Le soleil a pâli, les fleurs se sont fanées,
La nature, bientôt, perdra tous ses appas ;
Bientôt, les feuilles desséchées
Feront place aux frimas.’

Ainsi se ferme - à l'exception du poème 1822, L'approche de l'hiver155 - ce Journal de jeunesse ouvert en 1819.

La vie citadine allait reprendre ses droits, mais avec quels bouleversements !

Notes
116.

Henry-Auguste Brölemann, op. cit. Henry-Auguste Brölemann (1775-1854) est le fils de Jean Thierry Brölemann (1738-1800) et de Marie Georgette Belz (1747-1820). Marié en 1799 à Pauline de Villas, il est le père de Elfride, mariée à Arthur de Cazenove, et de Thierry Brölemann dont il sera question au chapitre suivant. (Raoul de Cazenove, Notes sur la société lyonnaise [en] 1858, op. cit., p. 126).

117.

Roland de Candé, op. cit., p. 19.

118.

Cité par Lionel Lévy, "L'universalité de la langue française", Le Rotarien, Janvier 1990.

119.

Notes diverses d'Adélaïde Chabrières, née Arlès. (Archives familiales).

120.

Selon copie, établie à Berlin le 29.11.1990, de l'acte de mariage, à Leipzig, du 3 décembre 1802 de Paul Emile Dufour et de Pauline Adélaïde Janssen, futurs beaux-parents d'Arlès-Dufour (Archives familiales).

121.

Selon acte de décès de Pauline Dufour, née Janssen, à Lyon 3e, le 7 mai 1863.

122.

Les éléments généalogiques qui précèdent et suivent, émanent soit de Raoul de Cazenove, Rapin-Thoyras..., op. cit., soit de documents familiaux, complémentaires, parfois rectificatifs.

123.

Lettre du Pasteur Devèze, Sauve [Gard], 12 mars 1811, à Jacques Ferdinand Dufour (Original en possession de l'actuelle famille Marc Dufour-Feronce, Berlin).

124.

Cité par Philippe Joutard, "1685 - Une fin et une nouvelle chance pour le protestantisme français", in M. Magdelaine et R. von Thadden, op. cit., p. 16.

125.

A.[rlès]-D.[ufour], Un mot sur les fabriques..., op. cit., p. 34.

126.

Raoul de Cazenove, Rapin-Thoyras..., op. cit., p. cxl.

127.

Archives familiales.

128.

"Cette bataille fut livrée en Irlande sur les bords de la Boyne entre l'armée française catholique de Louis XIV, venue soutenir les prétentions de Jacques II, et l'armée protestante de Guillaume III [d'Orange] où servaient de nombreux réfugiés huguenots français tels[...] Rapin-Thoyras. [...]. La victoire (des huguenots) fut décisive et confirma la chute des Stuart." (Menna Prestwitch, "Les Huguenots anglais", Les Huguenots - Catalogue de l'exposition du tricentenaire de la Révocation de l'Edit de Nantes, Archives nationales, 1985).

129.

Rapin de Thoyras, Histoire d'Angleterre. La première édition a été publiée "A La Haye, chez A.D. Rogissart, 1726."

130.

Alphonse Esquiros, "Les immigrations protestantes en Angleterre", Revue des Deux Mondes, 1er avril 1868.

131.

Cf. Nelly Girard-d'Albissin, Rapin-Thoyras, un précurseur de Montesquieu, Paris, Klinsckieck, 1969.

132.

Selon les registres de l'église de Genève, consultés par Ernst von Bressensdorf.

M. Ernst von Bressensdorf, descendant de Rapin de Thoyras, responsable des transmissions du grand état-major allemand du général von Choltitz à Paris, retarda le 25 août 1944 la transmission de l'ordre du Führer d'anéantir la capitale. Lors d'une interview commémorant la libération de Paris, il devait déclarer qu'en agissant ainsi, il n'avait pas oublié que "dans mon corps d'Allemand bât un coeur de Français"... Il est décédé le 19 août 1994, six jours avant le 50° anniversaire de cet événement, alors qu'il devait enfin recevoir la Légion d'honneur en témoignage de reconnaissance du gouvernement français des mains du Consul général de France à Munich.

133.

Certaines des pièces de ce trésor sont toujours exposées au Musée Grünes Gewölbe de Dresde.

134.

L'église St-Thomas Leipzig, Petit guide en langue française, Leipzig, Ev-Luth. Kirchgemeinde St-Thomas, s.d., 6 p.

135.

Catherine Lepront, op. cit., p. 14.

136.

Lettres du pasteur Devèze, Sauve [Gard], 20 décembre 1815, et de Oswald Dufour-Feronce à Leipzig, 23 avril 1900 (Archives familiales).

137.

Lettre du pasteur Devèze, Sauve, 20 décembre 1815, à famille Dufour, Leipzig (Archives familiales).

138.

Lettres du pasteur Devèze, Sauve, à Jacques Ferdinand Dufour, Leipzig, (Archives familiales). Ces lettres sont en possession des familles Dufour-Feronce, Berlin, pour les deux premières et Poussielgue, Paris, pour l'autre.

139.

Lettre du 31 mars 1812 du pasteur Devèze, Sauve, citée.

140.

Rapporté à l'auteur par lettre du 12 septembre 1988 de Ernst von Bressensdorf. Au sujet de celui-ci, cf. note supra.

141.

Cité par M. Pariset, La Chambre de commerce de Lyon, op. cit., pp. 96-97.

142.

Lettre du 20 décembre 1815 du pasteur Devèze, Sauve, citée supra.

143.

Sic selon la traduction française accompagnant le texte allemand de l'ouvrage Die Familie Platzmann, vraisemblablement édité par la famille, h.c., s.l.n.d.

144.

Souligné par nous.

145.

Idem.

146.

Pierre Cayez, Métiers Jacquard..., op. cit., "Tableau n° 46 : Exportation des tissus de soie (An V-1811)", p. 123.

147.

CCL, Registre des délibérations, 20 mai 1813.

148.

Frédéric Passy, op. cit., p. 321.

149.

Ainsi que le consignera plus tard Raoul de Cazenove, Notes sur la société lyonnaise en 1858, op. cit., p. 150.

150.

Beiträge zur Geschichte der evangelisch reformierten gemeinde zu Leipzig 1700-1900, Leipzig, S.E.R.L., s.d..

151.

Catéchisme historique..., "De Mr Fleury, Prêtre, ci-devant Sous-Précepteur du Roi d'Espagne, de Monseigneur le Duc de Bourgogne, et de Monseigneur le Duc de Berry. Liège et se vend à Lille chez Vanackère, Libraire, Grand'Place", s.d.. (Archives familiales).

152.

Lettre d'Arlès, 2 août 1819, à Holstein, déjà citée.

153.

Catherine Lepront, op. cit., p. 26.

154.

Général autrichien, chef des catholiques pendant la guerre de Trente Ans.[...] Vaincu à Leipzig par Gustave-Adolphe en 1631, il mourut l'année suivante des blessures reçues au passage du Lech (Dict. Quillet).

155.

Cf. II - L'errance allemande.