IX - LA REVOLUTION DE 1830

"Les lois ne sont que l'opinion d'une classe quelconque qui s'est emparée du pouvoir sur le reste de la société. Les hommes ne sont jamais plus près de résoudre une question, comme ’ ‘ elle doit l'être, que lorsqu'ils la discutent librement. Or, les gouvernements n'interviennent guère dans un débat que pour le rendre moins libre qu'il n'aurait été sans eux. Pour que les hommes se forment des opinions judicieuses, il importe surtout qu'ils ne soient pas influencés par des considérations d'espérance ou de crainte, et c'est précisément des craintes ou des espérances que les gouvernements apportent à l'appui de leurs doctrines. Ce n'est pas dans des raisons qu'ils cherchent leurs moyens de succès, mais dans des menaces et des dons corrupteurs [...]. Peut-on concevoir une situation plus périlleuse que celle d'un gouvernement qui règne sans crainte sur un peuple d'hypocrites qui est flatté par la presse et maudit dans l'intérieur des familles. Ingénieuse et profonde politique ! Elle laisse au serpent ses dards envenimés et ne lui enlève que les sonnettes dont le bruit sinistre avertit de son approche ’ ‘ 367 ’ ‘ ."

Avec son franc-parler habituel, Arlès-Dufour ajoute sa voix à celles qui expriment la grogne générale qui s'est emparée du pays. Voici bien longtemps, d'ailleurs, qu'il plaide contre les ultras, les jésuites et le parti-prêtre noyautant écoles et universités, pour des réformes. Il avait dû se réjouir, ô légèrement en raison de leur insuffisance, à l'annonce des Ordonnances de 1828, sous le ministère - sans président - de Martignac, libéralisant le régime de la presse et limitant le rôle des jésuites. La porte du libéralisme avait semblé un moment s'entrouvrir, vite refermée avec l'arrivée de "Coblence, Waterloo, 1815", comme on définissait le trio Polignac, Bourmont et La Bourdonnais. Mais l'opposition s'enhardissait, sous la bannière de son chef emblématique, l'ancien chef de la Charbonnerie, le populaire général Lafayette, tout auréolé encore de son pèlerinage triomphal aux Etats-Unis en 1824-1825.

C'est justement lui que la population lyonnaise s'apprête à accueillir, du 5 au 7 septembre 1829, après qu'une députation est allée le convier à Grenoble, étape du retentissant ‘ "voyage de famille [entrepris par ce] citoyen sans pouvoir368". "Le seul nom de Lafayette devait produire une impression profonde dans une cité où l'amour de la liberté est la conséquence nécessaire de l'amour de l'ordre et du travail [...]. C'est chez nous que se mûrissait, plus peut-être que dans aucune autre ville de France, la résolution calme, mais inébranlable, d'opposer à l'arbitraire cette résistance de droit devant laquelle il vient se briser plus sûrement que devant des colères saccadées et des violences suivies de lassitude [...]. L'occasion s'offrait [à nos ennemis] de leur donner un avertissement utile pour nous et pour eux-mêmes, de montrer d'une manière tout à la ’ ‘ fois énergique et légale ce que l'opinion publique veut et ce qu'elle repousse, quels hommes elle couvre de ses faveurs et quels elle condamne. Cette occasion fut avidement saisie369" ’. Effectivement, il n'est plus question que de la venue de l'hôte éminent, de retour dans la ville après quarante quatre ans d'absence. On s'organise à la hâte et dans l'enthousiasme. Une souscription pour les fêtes, ouverte sur le champ, est rapidement close. En vue du banquet, une salle est réservée, celle qui peut recevoir le maximum de convives.

Le comité d'organisation place à sa tête un libéral bien connu, le Docteur Prunelle. ‘ "De toutes les marques de confiance dont je suis comblé depuis près de dix années par mes compatriotes d'adoption, aucune n'a dû me flatter davantage370 [...]" ’, avouera-t-il. Cet ‘ "homme d'esprit dont la raison me plaisait fort371" ’ - comme Stendhal le définira - âgé de 52 ans, est une victime de la Restauration : professeur à la Faculté de Montpellier, il s'est vu accuser d'être l'un des fauteurs de troubles survenus dans cette ville et dépouiller de ses fonctions en raison de ses opinions politiques. Installé depuis neuf ans à Lyon, dont il est l'un des conseillers généraux372, il y a fondé le journal Le Précurseur, l'a quitté, mais n'a jamais cessé d'exciper des idées auxquelles il est resté fidèle. Dauphinois d'origine, né à La Tour du Pin, il connaît d'autant plus le monde de la soie qu'il a épousé Pierrette Duport, la fille d'un de ses marchands, associé à l'origine à la maison Brölemann373. Prunelle et Arlès-Dufour ont appris à se connaître et à s'apprécier, se retrouvant sur bon nombre de terrains, dont celui de la défense de la liberté, avec le docteur Terme, le député Jars et tant d'autres amis du peuple, adversaires du despotisme.

Dans la perspective des manifestations chaleureuses qui s'organisent, devant l'impossibilité d'interdire l'entrée de la ville au fondateur de la garde nationale, le maire Lacroix-Laval, prend une mesure déconcertante. Par Ordonnance du 30 août, il exhume un règlement de police remontant à 1820, ‘ "considérant qu'il est du devoir d'une administration paternelle de rappeler d'intervalle en intervalle les dispositions des Ordonnances qui tiennent plus particulièrement au maintien de l'ordre et de la tranquillité" ; ceci "afin que le magistrat n'ait point à réprimer des contraventions qui pourraient souvent être commises par ignorance ou défaut de connaissance." ’ Ainsi, ‘ "les acclamations par suite de rassemblements formés sur la voie publique" ’ sont interdites et ces rassemblements ‘ "seront sur le champ dissipés par les agents de l'autorité." ’ Bien entendu, ce ne put être le cas ; et, comme le rapporte Le Précurseur, ‘ "plus on découvrait une prohibition injuste, déguisée sous des dispositions en apparence d'ordre public, plus on sentait redoubler son désir pour que la fête préparée fût aussi brillante qu'elle paraissait redoutée374." ’L'entrée dans la ville se fait par le nouveau pont sur le Rhône, le pont Charles X qui s'appellera un an plus tard le pont Lafayette375...

L'exaltation est à son comble, malgré une pluie incessante, tout au long des différents parcours et réceptions qui jalonnèrent ce séjour, abondamment ponctué de paroles de bienvenue, d'allocutions, de discours, de santés. Après une nuit à l'hôtel du Nord, au numéro 20 de la rue des Eclosions376, où il est descendu, l'invité d'honneur de la cité reçoit longuement les personnalités de la ville. Parmi cette ‘ "affluence de toutes les notabilités lyonnaises" ’, Arlès-Dufour rend hommage, à son tour, au général. La chose n'est pas douteuse. Elle l'est davantage - et l'on se pose la question sans pouvoir nettement y répondre - à propos de sa présence à la réception de l'illustre Frère organisée, au Jardin de Flore, aux Brotteaux, par la Loge du Parfait Silence, réunissant les francs-maçons des diverses loges de Lyon et autres villes de France, voire même de l'étranger. ‘ "En sorte que cette assemblée représentait pour ainsi dire l'institution maçonnique, lien des hommes et lien des peuples."

Mais nous ne balancerons pas quant à sa participation, le lundi 7 septembre, parmi les cinq cents "principaux citoyens" de Lyon et du Rhône, à ce ‘ "banquet véritablement patriotique377", ’ dans la vaste salle Gayet, sinon à la table d'honneur du moins à proximité du héros de la fête ; même si l'état de santé de sa fille Pauline Claire est très préoccupant378 ; même si son nom n'est mentionné nulle part dans la relation de ce banquet. Il écoute, attentif et transporté à la fois, ces nombreuses et vibrantes interventions qui ponctuent la réunion, ‘ "occasion de plus [à "cette grande et patriotique cité"] pour manifester sa constante haine de l'oppression, son amour de la véritable liberté, sa détermination de résister à toutes les tentatives de l'incorrigibilité révolutionnaire." ’Et Lafayette, après avoir exposé son programme, d'ajouter plus loin : ‘ "Oserait-on par de simples Ordonnances vicier les élections, exercer un pouvoir illégal ? Mais sans doute, les partisans de telles mesures se rappelleront à temps que la force de tout gouvernement n'existe que dans les ’ ‘ bras et dans la bourse de chacun des citoyens qui composent la nation. La nation française connaît ses droits, elle saura les défendre379." ’Sous peu, l'occasion allait lui en être fournie.

Le mécontentement grandissant à l'encontre du ministère Polignac, une action en terrain extérieur s'avérait nécessaire pour détourner l'attention populaire de la situation du pays. Depuis le début du 17e siècle380, les courses des pirates barbaresques contre les navires étrangers étaient fort redoutables. Ces rois des mers, comme ils s'intitulaient fièrement, se jetaient sur tout bâtiment et les nôtres en particulier, les capturaient et enfermaient les équipages dans leurs bagnes. La Méditerranée était leur domaine et ils commençaient même à s'aventurer sur l'Océan. Tout au long du siècle suivant, toujours la même répétition de conventions ou de traités non respectés, de renouvellements de menaces et de déprédations, les pirateries persistaient. Lors de l'expédition d'Egypte, le sultan ayant fait appel à tous les musulmans au nom de l'Islam menacé, les corsaires barbaresques se jetèrent sur nos vaisseaux et ruinèrent notre commerce en Méditerranée. Malgré un nouveau traité de paix, d'abord avec la Turquie, puis avec les Barbaresques, les pirateries se renouvelèrent bientôt et même devinrent si fréquentes que le Premier Consul Bonaparte se crut obligé d'adresser une lettre menaçante au dey d'Alger en 1803. En 1808, Napoléon envoyait clandestinement le capitaine Boutin pour étudier les conditions de défense de la ville d'Alger, réputée imprenable, et les possibilités de débarquement. Un coup d'éventail donné par le dey à notre consul, à propos d'une sombre affaire de livraison de blé, entrainait aussitôt une démonstration de force de notre escadre bloquant le port d'Alger, après qu'une Ordonnance royale du 26 juin 1827, portée par la goëlette "La Torche", ait donné ‘ "l'ordre à tous les Français se trouvant à Alger et dans le port d'Alger de quitter le pays.381"

Cet affront infligé à la France allait surtout servir de prétexte à notre intervention militaire dans le pays. Selon les plans relevés vingt-deux ans plus tôt, cette opération fut menée par une impressionnante armada, partie de Toulon le 24 mai 1830, et parvenue sur la plage de Sidi-Ferruch le 14 juin. En posant le pied sur la terre de la future Algérie382, le général Bourmont, à la tête de ses troupes, ignorait que cent quatorze ans plus tard, fait unique dans l'histoire, une armée, partie de ce territoire d'outre-mer allait rendre sa liberté à la mère patrie. Par voie d'affiches hâtivement imprimées et collées sur les murs, les Lyonnais suivent le déroulement des opérations et le 9 juillet apprennent la prise d'Alger :

Mairie de Lyon
Dépêche télégraphique de Toulon, du 9 Juillet, à dix heures et demie du matin.
Le préfet maritime à Toulon à M. le Lieutenant-Général, commandant la 19° Division militaire.
Alger s'est rendu à discrétion le cinq à midi, et à deux heures le pavillon du Roi flottait sur le palais du Dey. Tous nos prisonniers naufragés ont été sauvés.
Certifié conforme :
Le Lieutenant-général, Vicomte Paultre de Lamotte.
Pour copie conforme :
Le Maire de la ville de Lyon,
Victor de Verna, Adjoint.

Les conditions atmosphériques ayant perturbé la transmission aérienne, cette dépêche tronquée est, dès que possible, complétée :

Mairie de Lyon
Suite de la dépêche télégraphique de Toulon, du 9 Juillet mil huit cent trente.
relative à LA PRISE D'ALGER
1500 Canons de bronze,
12 bâtimens de guerre,
Les arsenaux de la guerre et de la marine,
Des approvisionnements considérables d'Armes et de Munitions sont tombés en notre pouvoir.
Le Lieutenant-général, Vicomte Paultre de Lamotte.
Pour copie conforme :
Victor de Verna, Adjoint.

Le 16 juillet, éclate ce bulletin de victoire :

Mairie de Lyon
Dépêche télégraphique de Toulon, du 16 Juillet, à 6 heures 30 minutes, du soir.
Le préfet maritime à Toulon à M. le Lieutenant-Général, commandant la 19e Division militaire.
Le général en chef m'écrit du 7, ce qui suit :
" Nous sommes maîtres de tout Alger :
"On a trouvé dans le trésor de la régence plus qu'il ne faut pour couvrir tous les frais de la guerre ;
"Tout le royaume d'Alger sera probablement soumis au roi avant quinze jours, sans avoir un coup de
fusil de plus à tirer ; le Bey de Titterie a déjà fait sa soumission et se reconnaît vassal du Roi."
Ces nouvelles m'ont été apportées par la Cigogne, partie d'Alger le 9, et qui vient d'arriver.
Pour copie conforme :
Le Maire de la ville de Lyon,
J. de Lacroix-Laval
383 .

Si le sort du trésor de la régence reste encore un mystère - tout comme se pose toujours la question de savoir s'il a réellement existé -, on sait combien, sur le sort d'une conquête, jugée par la suite encombrante, on péchait par un surcroît d'optimisme. Dès le 13 juillet, la Chambre de commerce, "pénétrée d'admiration", fait parvenir à Charles X l'hommage respectueux de ses félicitations : ‘ "Le drapeau des lys flotte sur les tours d'Alger ; votre armée, Sire, en achevant en quelques jours cette expédition d'autant plus mémorable qu'elle avait été jusqu'ici tant de fois entreprise sans succès, a anéanti ce repaire de pirates, et fait disparaître ce gouvernement barbare, dont l'existence affligeait depuis des siècles la raison et l'humanité. Grâces vous soient rendues, Sire, d'une résolution si généreuse ! La Chrétienté, délivrée de son plus cruel et de son plus implacable ennemi ; l'Europe, affranchie de honteux tributs ; la navigation de la Méditerranée, libre désormais et n'ayant plus à redouter ni les déprédations, ni l'esclavage : tels sont les fruits de cette conquête qui, tout à la fois, immortalise le règne de Votre Majesté et rehausse d'un nouvel éclat les armes françaises384 [...]."

De leur côté, le 16, les maire, adjoints et membres du conseil municipal, réunis pour la première fois "depuis l'heureuse nouvelle du mémorable triomphe", font parvenir au roi une adresse pour lui présenter le témoignage ‘ "de leur admiration, de leur allégresse et de leur reconnaissance. [...] Quelles actions de grâces [votre bonne ville de Lyon] ne doit-elle pas à Votre Majesté pour les immenses avantages que promet à son commerce et à son industrie la brillante conquête préparée par votre sagesse et si glorieusement réalisée par vos armes385 ! "

Un optimisme partagé pleinement, un moment, par la population, fière du succès de nos armes mais bien vite reprise par ses préoccupations. Arlès-Dufour a appris la conquête d'Alger avec une relative indifférence. Quelle mouche nous a piqués d'aller porter nos armes dans ce pays et de tenter de civiliser ces sauvages qui le peuplent ! Et qu'importe, dans l'immédiat : il a d'autres soucis, très personnels, son état de santé le préoccupe. A un point tel qu'il se décide, après de nombreuses hésitations, à consulter le jovial docteur Prunelle ; certes, c'est son ami à qui il témoigne une grande confiance, mais qui exerce sa science en tant que médecin allopathe. C'est sans doute l'une des rares fois qu'il s'adresse à l'un d'eux : le fait restera véritablement exceptionnel. Il a d'autres idées, lui, de la médecine et depuis un certain temps déjà. Le très sérieux praticien lui délivre, le 22 juillet, une longue ordonnance, de trois pages. D'emblée, le docteur Prunelle rappelle : ‘ "Le consultant est né dans une des villes les plus chaudes de la France et a passé sa jeunesse dans le nord du royaume et en Allemagne ; il est né faible et avec toute l'imagination propre aux méridionaux que des études fortes et la société allemande ne sont pas parvenus à régler complètement. Aucun excès, aucun écart notable n'ont marqué la jeunesse [...]. La cardialgie est presque habituelle, elle a été plus violente pendant les froids vigoureux de l'hyver (sic) dernier. Il n'y a jamais de toux, mais le malade se plaint en outre de la faiblesse de la perte de son embonpoint. Je ne suis parvenu à calmer la diarrhée que par l'emploi du lait d'ânesse allié à l'eau de chaux" ’. Allopathe mais adepte de l'hydrothérapie, le futur médecin-inspecteur des eaux minérales de Vichy envisage les diverses possibilités de cure. D'emblée, il exclut les eaux de Spa et autres eaux gazeuses peu compatibles avec "la débilité du système digestif", et s'appuyant sur les conclusions du "bel ouvrage" du docteur Bertrand - sans jamais avoir "employé" les eaux du Mont Dore, reconnaît-il - il engage son malade à se rendre dans cette station où il ‘ "trouvera une température très convenable à la santé de sa femme et de son enfant et où il confiera la sienne aux soins de l'un des premiers praticiens de notre temps386." ’ Si, par la suite, Arlès-Dufour laissera trace de son passage dans diverses villes thermales, nous ignorons si la prescription du docteur Prunelle fut, un jour ou l'autre, suivie ; dans l'immédiat, certainement pas.

Quelques jours après cette visite, Alexandre Dumas, à Paris, dans ses Mémoires, couche les lignes suivantes : ‘ "...J'allais partir pour Alger. Alger, en effet, devait être une chose splendide à voir dans les premiers jours de la conquête. J'avais retenu ma place à la malle-poste de Marseille ; j'avais fait mes malles ; j'avais changé trois mille francs d'argent pour trois mille francs d'or ; je partais le lundi 26, à cinq heures du soir, quand Achille Comte entra dans ma chambre en disant : "Savez-vous la nouvelle? - Non. - Les Ordonnances sont dans "Le Moniteur"...partez-vous toujours pour Alger ? - Pas si niais ! Ce que nous allons voir ici sera encore plus curieux que ce que je verrais là-bas387 ! " ’ Charles X venait, en effet, de prendre quatre Ordonnances, la première restreignant la liberté de la presse, deux prononçant la dissolution de la Chambre et annonçant de nouvelles élections, la dernière écartant de l'électorat une partie de la bourgeoisie. La résistance armée est aussitôt décrétée par les républicains parisiens, tels Raspail et un dénommé Trélat388 dont le nom, celui de son fils, réapparaîtra plus tard parmi les relations d'Arlès-Dufour. Le 27, les habitants de la capitale sont dans la rue et, le lendemain, y élèvent des barricades. Alexandre Dumas pouvait se féliciter de sa décision...

A Lyon, la teneur des Ordonnances ne parvient que par le courrier du soir, du même jour. Aussitôt, le préfet enjoint, en l'absence du maire, à son adjoint Verna, de faire notifier à chacun des imprimeurs de la ville, les dispositions en découlant ; le nécessaire sera fait, "dès 4 heures du matin, auprès des commissaires de police concernés389", lui est-il assuré. Le Précurseur - Journal Constitutionnel de Lyon et du Midi, dans son édition du 30 juillet 1830, outre la mention de "graves événements dans la capitale" rend compte, de la descente de police à l'imprimerie du 44 Grande Rue Mercière : ‘ "Lyon 29 juillet - Hier soir à 9 heures, M. le commissaire de police Sèon se transporta chez M. Brunet, imprimeur de notre feuille, et lui remit une notification de l'acte qualifié "Ordonnance du Roi", contenu dans la Gazette de France et relatif à une prétendue suspension de la liberté de la presse... Aujourd'hui, dans la matinée, nouvelle notification a été faite à M. Brunet..." ’ Déjà, le 27, des bruits de coup d'état à Paris ont commencé à circuler en ville. ‘ "Les libéraux [lyonnais] habitués à se réunir et à s'entendre, comprirent que le moment était venu de faire un grand effort pour secouer le joug qui les opprimait depuis quinze ans. Eux aussi, se réjouissaient des Ordonnances, car elles étaient de nature à soulever l'indignation des plus timides ; et ils ne doutaient pas que la tentative audacieuse de Charles X ne leur donnât pour auxiliaires la masse entière des habitants de Lyon390."

Devant cet acte de trahison de la part du pouvoir, les travaux de la fabrique sont arrêtés ; des groupes se constituent dans les rues et sur les places, pour se reformer le lendemain. Il convient de s'organiser pour résister à l'oppression ! D'autres s'en font les défenseurs. Datée du 29 juillet, parmi d'autres souvent anonymes, une lettre de dénonciation de ce qui se trame391 parvient à M. de Verna, adjoint au maire, - ‘ "homme en qui le royalisme était un devoir ’ ‘ de religion392" ’ ; le baron de Saint-Aimé, tenant à manifester la ‘ "preuve de [son] dévouement à la famille Royale" ’, lui dévoile tenir de la bouche même d'un libéral que ‘ "l'on doit s'emparer, ce soir, de la poudrière, de l'arsenal et du télégraphe." ’ Apparemment bien renseigné, il complète ses informations en annonçant que le 10e régiment de ligne ‘ "doit faire main forte aux furieux" ’ et ajoute : ‘ "Une garde nationale s'organise pareillement ce soir, à 6 heures, aux Brotteaux, et c'est un nommé Trumel ou Prunel, médecin qui doit en être le chef393." ’ Rien d'étonnant à ce qu'il soit inféodé à ce mouvement, le docteur Prunelle, lui qui a accueilli Lafayette, lui dont le maire Lacroix-Laval, dix jours plus tôt à Paris, a demandé, sans l'obtenir, l'autorisation d'expulsion ou de mise en état d'arrestation, avec celles du négociant Bontoux394. Cependant, selon la narration de cette réunion improvisée et tumultueuse, réunissant mille à douze cents personnes au café du Grand-Orient des Brotteaux, le docteur Mornand, apparemment soucieux de laisser une trace dans l'histoire, s'attribue la proposition de réorganisation de la garde nationale, une garde nationale licenciée trois ans plus tôt mais non désarmée... Cette ‘ "dissolution avait été un moyen d'oppression et [son] rétablissement assurerait le retour de la liberté et le maintien de l'ordre395." ’Parmi les "patriotes" présents, MM. Second et Tabareau sont signalés pour leurs interventions répétées.

La nomination de douze commissaires, dont Thierry Brölemann, chargés de présenter un plan d'organisation ne survit pas à la réunion du lendemain 30 juillet tenue dans les bureaux du Précurseur transformés en siège de permanence. La mairie fait placarder une proclamation, sous la signature de l'adjoint au maire Verna, : ‘ "Depuis plusieurs jours, une sourde agitation règne dans la cité. La malveillance qui profite de tout s'est emparée de cette inquiétude pour répandre les nouvelles les plus désastreuses, pour prétexter des projets qui ne tendent à rien moins qu'à jeter la société dans un état complet de désorganisation. [...] Habitants de Lyon, méfiez-vous de ces manoeuvres perfides396 [...]." ’ Egalement, de son côté, par voie d'affiches vite lacérées, le préfet, comte de Brosse, diffuse un arrêté menaçant de la peine de mort quiconque ferait partie d'un rassemblement armé. On continue néanmoins de s'organiser ; la ville est divisée en 24 quartiers, avec chacun à sa tête un capitaine, un lieutenant et un sous-lieutenant, tous convoqués pour le lendemain à sept heures du matin au Précurseur. A l'heure dite, à de rares exceptions près, ils y sont tous. Le président du jour est le docteur Terme. Malgré la venue prochaine d'un enfant dans son foyer397, Arlès-Dufour ne peut être que du nombre !

On juge opportun de transférer le quartier général au premier étage du café Minerve, rue Puits-Gaillot, à mi-distance de la garde ‘ nationale "rangée en bataille sur le quai de Retz" ’ et de l'Hôtel de Ville où siègent les généraux Paultre de Lamothe et Rouget, commandant l'un la division et l'autre le département, le préfet et le premier adjoint Verna faisant fonction de maire. Ces autorités tergiversent, tentent de gagner du temps dans l'attente des nouvelles de Paris ; de chaque côté, on s'efforce d'éviter l'effusion de sang, tandis que la situation prend une tournure de plus en plus inquiétante. Au milieu du tumulte, la foule impatiente dépave la place des Terreaux. Après avoir contourné le chantier du théâtre en construction, des détachements de la garde nationale se joignent à elle, telle la compagnie Saint-Clair, commandée par M. Second398, avec, notamment Cazenove, Adrien Devillas399, bientôt suivie d'une autre ‘ "composée de l'élite des fabricants de Lyon".

Soudain, ils se trouvent face à deux bataillons de ligne. Les insurgés, soucieux de maintenir la légalité, multiplient les ambassades auprès du préfet afin, non plus de lever la garde nationale, cela est réalisé, mais d'approuver l'organisation qui en a été faite. L'autorité renâcle, maintient son attitude dilatoire. Il est signifié au préfet que son autorité n'est plus reconnue, lorsqu'à une barricade se présente le 14e de chasseurs à cheval, son chef, le colonel Verdière, en tête. Des fusils sont braqués vers sa poitrine ; on frise l'affrontement, l'irréparable drame. Par bonheur, grâce au sang-froid de l'officier, on en vient à fraterniser et son régiment à se ranger du côté de l'insurrection. Pendant ce temps et depuis la fin de matinée, un ancien officier de l'armée impériale licencié en 1815, le capitaine Prévost, chargé de négocier avec les autorités, tente d'obtenir du préfet un protocole : l'admission d'un poste de cinquante gardes nationaux à l'Hôtel de Ville en échange de sa parole de faire retirer la foule en armes de la place. Finalement, l'accord du préfet, "pâle et tremblant", ayant pu lui être arraché, cette rude journée, fertile en événements et émotions intenses, s'achève de façon heureuse. Ainsi, voit-elle la détermination du peuple de Lyon et de sa garde nationale, les multiples efforts, fermes et courageux, du valeureux capitaine, couronnés d'un succès quasi inespéré.

C'est la première fois que le parti libéral et celui du gouvernement de Charles X s'affrontent "‘ face à face et sur un champ de bataille [...] [et] sans la puissante excitation de l'exemple des Parisiens". ’ Justement, on reste dans l'ignorance des événements de la capitale. Ce n'est que le dimanche 1er août, à dix heures du matin, enfin, que la malle-poste impatiemment attendue, partie de Paris le 29, à six heures du soir, arrive avec plus de dix huit heures de retard. Dès l'abord, un signe encourageant, son écusson royal a été enlevé à coups de hache. Il en est un autre ; le paquet destiné au Précurseur contient un feuillet du Moniteur annonçant l'établissement d'un gouvernement provisoire et contenant ses proclamations énergiques. Mais on ignore où sont le roi et ses ministres, les dispositions qu'ils ont prises.

Le premier adjoint Verna dirige toujours l'Hôtel de Ville, malgré la présence d'un poste de cinquante hommes ; le général et le préfet siègent, chacun, à leurs postes. Eux seuls sont en liaison avec Paris, par le courrier et le télégraphe ! Le retour en force de l'armée reste toujours à craindre. A nouveau, on songe à enlever les autorités et on y renonce encore pour retenir une autre idée : celle de profiter de la présence des gardes nationaux sur leurs places d'armes, pour les engager à nommer des députés par compagnies ; réunis en assemblée générale, ils choisiront une composition de vingt-et-un membres qui formera le "gouvernement provisoire de la ville de Lyon". Les députés nommés, au nombre d'une cinquantaine, se retrouvent à la maison Bontoux. Parmi les élus, Prunelle, Second, Tabareau, Terme, Gilibert, Mornand. On convient ensuite, par prudence d'‘ "ôter à nos ennemis la faculté de nous nuire. Le plus sûr moyen d'y parvenir est de dépouiller les autorités d'un pouvoir qu'elles ont rendu criminel, pour l'exercer [nous]-mêmes." ’ Tabareau est mandaté pour rédiger le texte d'un arrêté portant déchéance des autorités civiles et militaires instituées au nom de Charles X. Ce document officialise la commission de vingt-et-un membres, constituée comme dit ci-dessus, ‘ "pour maintenir l'ordre public, administrer provisoirement la ville de Lyon, et diriger toutes les opérations de la garde nationale propres à assurer le triomphe de la cause constitutionnelle." ’ Cet arrêté stipule enfin que cette commission administrative s'installera le soir même à 7 heures à l'Hôtel de Ville. Une délégation, comprenant Gilibert, Prunelle et Tabareau, est chargée d'aller informer immédiatement les autorités du contenu de cette décision.

Simultanément, on s'inquiète de priver effectivement les autorités de leur moyen de communication avec la capitale, à savoir le télégraphe aérien de Saint-Just - celui-là même qui a reçu la nouvelle de la prise d'Alger -, en haut de la montée qui, de nos jours encore, porte le nom de Montée du Télégraphe ; ordre est donné de former un détachement de quarante hommes et d'en confier le commandement à M. Arlès-Dufour. Ainsi le désigne l'auteur du récit de ces faits qui poursuit : ‘ "Ce détachement dont faisaient partie MM. [...] Camille Rey, Second cadet, Morin400, Vernes, etc., s'acquitta de sa mission avec courage, promptitude et succès. Le télégraphe qu'on s'attendait à trouver gardé par la troupe de ligne fut occupé sans coup férir, et sans donner aux hommes qui en faisaient le service le temps de demander du secours ou de prévenir l'autorité. Un poste y fut laissé avec ordre d'arrêter les signaux, et de veiller à ce que rien ne fut détruit, brisé ou désorganisé. On doit des éloges à tous ceux qui firent partie de ce détachement, et particulièrement à M. Arlès qui déploya dans cette circonstance la prudence et la fermeté dont il a constamment fait preuve toutes les fois que son dévouement a été mis à contribution401." ’ Beaucoup plus tard, Mme Arlès-Dufour glorifiera, peut-être de façon quelque peu exagérée, l'action de son mari : ‘ "En 1830, écrira-t-elle, il joue un rôle politique très actif et rend un grand service à la Ville de Lyon en s'emparant, au risque de sa vie, d'un télégraphe qui était menacé de tomber aux mains des insurgés402." ’De toutes façons, à travers cet hommage rendu dans la narration de M. Mornand403, on voit que la réputation d'Arlès-Dufour, déjà solidement établie dans la ville, ne pouvait que sortir renforcée par le retentissement de son succès.

Le 2 août, la garde nationale s'empare de l'arsenal et il faut attendre encore le mardi 3 pour avoir connaissance du déroulement des événements de Paris. Dans une joie délirante, on apprend simultanément la déchéance de Charles X, la proclamation du duc d'Orléans lieutenant-général du royaume et le retour du drapeau tricolore. ‘ "Après la lutte énergique entre le peuple et le pouvoir absolu, la victoire est restée à la liberté404", ’ affiche-t-on dans les rues, en recommandant le respect aux propriétés, aux vaincus et à tous. Une autre affiche s'adressera à la garnison : ‘ "Officiers et soldats, Il y a trois jours que les couleurs nationales flottent sur nos édifices. Contenus dans vos casernes, vous n'avez pas encore pu les déployer à nos yeux ; l'ordre ’ ‘ en a été donné par le duc d'Orléans, Lieutenant-Général du Royaume : la Garde Nationale vient vous offrir ce drapeau. Vous le connaissez tous, vous vous rallierez pour le maintien de nos libertés, sous le même étendard qui a servi à les conquérir405 [...]." ’ Les choses vont, dès lors, aller vite. Le premier adjoint au maire Verna donne sa démission, le préfet Brosses en fait autant, le général Paultre de Lamothe, destitué, quitte la ville, de nuit, difficilement protégé par un commissaire de police. Il est remplacé par le général Bachelu qui prend immédiatement ses fonctions et un nouveau préfet, Paulze d'Ivoy, remplace l'ancien. Investi des pleins pouvoirs par le duc d'Orléans, le général Bachelu offre à la commission administrative le soin d'élire la municipalité provisoire de Lyon.

Il fait très chaud, en ce 6 août, ‘ "le thermomètre de Lavergne, opticien, quai des Célestins, est monté à 28°" ’ et, tient à préciser Le Précurseur du jour, "au-dessus de zéro". Mais le journal se fait surtout l'écho du résultat des suffrages et le public d'apprendre ainsi les nominations suivantes : M. Prunelle, maire, remplace M. de Lacroix-Laval, et MM. Terme, Victor Beaup et Arlès-Dufour adjoints, remplacent respectivement MM. de Verna, Chalandon et de Gatellier. Quant à MM. de Boisset, Evesque et T. Dugas, ils conservent leurs fonctions d'adjoints. Le quotidien lyonnais présume que ‘ "ces nominations sont telles qu'elles seront probablement confirmées lors de la constitution définitive de la municipalité par le choix des citoyens." ’ Pourtant, la proclamation de Prunelle du même jour ne semble pas s'inscrire dans cette apparente logique. Il rappelle à ses "chers concitoyens" les circonstances qui ont conduit à sa désignation : ‘ "L'attentat du 25 juillet a soulevé toute la France et, pour la première fois peut-être, une insurrection a été légale. Cette insurrection était commandée par la loi qui avait remis la défense de la Charte aux Gardes nationales du Royaume, c'est-à-dire à une nation libre. Ces devoirs que vous imposait la loi, vous les avez énergiquement accomplis pendant les glorieuses journées qui viennent de s'écouler." ’ Et il poursuit : ‘ "C'est dans ces graves circonstances que votre confiance m'arrache, contre toutes mes convenances, aux occupations ordinaires de ma vie, en m'élevant à présider votre Administration Municipale [...]. Dans quelques jours, je l'espère, le pénible fardeau que vous m'avez imposé pèsera sur un autre que moi406 [...]." ’ Quoi qu'il en soit, le 21 août 1830, à ses côtés, "M. Arlès" (sic) fait son entrée, sous les voûtes de l'Hôtel de Ville, non plus cette fois en tant que secrétaire de la Commission exécutive du comité de bienfaisance, mais en qualité d'adjoint provisoire au maire de Lyon.

Quelques mois auparavant, ici, dans cette même ville, Lafayette, idole d'une foule en délire, avait été follement acclamé. La même scène se répète, théâtrale cette fois, sous le balcon de l'Hôtel de Ville de la capitale, en cette fin juillet, tandis que le général et le duc d'Orléans se donnnent l'accolade ; certains espoirs républicains et bonapartistes s'évanouissent. Lafayette, nommé commandant de la Garde nationale, officiellement rétablie et considérée comme le rempart de la nouvelle dynastie, ordonne sa réorganisation. Le 24 août, la Garde nationale lyonnaise procède au recensement de ses légions. Avec toute sa conscience de parfait sous-officier, le sergent-major Delaval s'attelle à cette tâche pour sa 2e compagnie407 de grenadiers, du 1er bataillon de la 1ère légion408. Elle est commandée par le capitaine Arlès (sic), demeurant 22 Port Saint Clair, qui a sous ses ordres un lieutenant et deux sous-lieutenants409. La compagnie dispose de cinquante quatre fusils dont plusieurs sont signalés en mauvais état. Quant à l'effectif, par suite de "réclamations" et de "mutations", il ne peut être établi... L'homologue de Delaval, à la 1ère compagnie de voltigeurs du 3e bataillon de la 3e légion est-il plus efficient ? Il nous apprend que cette compagnie, commandée par l'ami d'Arlès-Dufour, le capitaine Lortet - médecin de son état et ‘ "démocrate impénitent410" - demeurant Maison Pilata, Montée des Capucins comprend, elle, "252 hommes, officiers, sous-officiers compris, et 60 hommes armés non compris les officiers411."

Pour ne plus y revenir, ajoutons qu'à deux reprises, au cours du même mois de juillet de l'année suivante (1831), Arlès-Dufour est signalé, parmi d'autres, à l'occasion de deux manifestations. La première, le 2 juillet, dans le cadre de la "reconnaissance" par leurs bataillons et du "serment" de leurs chefs et officiers de la Garde, tous rassemblés sur la Place Louis le Grand, au pied de la statue équestre de Louis XIV en place depuis six ans. A cinq heures de l'après-midi, dit le procès-verbal, ‘ "M. Prunelle, Maire de la ville de Lyon, en vertu de l'article 59 de la loi du 22 mars 1831 a fait reconnaître, au nom de la loi et pour obéir en tout ce qu'ils commanderont pour défendre la royauté constitutionnelle de la charte et les droits qu'elle a consacrés pour maintenir l'obéissance aux Lois, conserver ou rétablir l'ordre et la paix publique, seconder l'armée de ligne dans la défense des frontières, assurer ’ ‘ l'indépendance de la France et l'intégrité de son territoire, les chefs de bataillons indiqués dans le présent tableau ci-après et ceux-ci en présence et avec les mêmes termes employés par M. Prunelle ont fait à leur tour reconnaître les officiers de leurs bataillons. Ces reconnaissances achevées, M. Prunelle, Maire de Lyon, a reçu le serment individuel de fidélité au Roi des Français, obéissance à la Charte Constitutionnelle et aux lois du Royaume de tous les officiers présents et dont les noms suivent ’ ‘ 412 ’ ‘ :...." ’. Parmi eux, le 1er Capitaine Grenadier de la 2e Compagnie, 1er Bataillon, 1ère Légion, après avoir prêté serment, signe le procès-verbal : Arlès-Dufour. Et lorsque l'on sait que l'élection des officiers est faite par les citoyens-soldats, on a une idée du renom dont jouit ce capitaine.

Le 21 du même mois, la 1ère légion de la Garde est réunie, cette fois dans la grande salle de l'état-major. Malgré le lieu, le maire Prunelle préside bien naturellement la manifestation, la Garde nationale étant placée sous l'autorité des préfets et des maires, et non sous celle des militaires. Il s'agit de procéder au tirage des numéros des compagnies de chacun des quatre bataillons composant cette 1ère légion. Cet autre procès-verbal atteste de la rigueur des opérations : ‘ "[...] M. le Maire a fait successivement l'appel de chaque bataillon et a déposé, à chaque appel, dans l'urne un nombre de numéros égal à celui des compagnies de chaque bataillon. Un officier de chaque compagnie a ensuite été appelé pour tirer un de ces numéros et il est résulté du tirage que dans [...] le quatrième bataillon [...] : Mrs les Capitaines Second et Plantin ont eu le numéro un [...], Mrs les Capitaines Arlès et Devillas ont eu le numéro deux pour les compagnies de grenadiers et de voltigeurs qu'ils commandent413 [...]". ’ Ainsi, en ces diverses occasions, Arlès-Dufour retrouvait-il Prunelle ; mais entre-temps leurs relations étaient devenues beaucoup plus familières.

"En raison de l'état de dégradation et de désordre des Tuileries qui ne pourra être promptement réparé414", ’ c'est du Palais Royal que Louis-Philippe "roi des Français", par Ordonnance du 4 septembre 1830, le confirme, lui, "M. Arlès" (sic), dans ses fonctions d'adjoint au maire de Lyon ; tout comme Prunelle415 et Terme dans les leurs, ainsi que, également entre autres, Vachon-Imbert, Couderc et Jars, Arthur de Cazenove, Frédéric Brölemann, Elisée Devillas, Auguste Bontoux, César Dufournel, Trolliet, Gilibert, Etienne Evesque, etc., en tant que membres du conseil municipal416. En l'absence du maire417, l'installation solennelle par le nouveau préfet, Paulze d'Ivoy, a lieu, en séance publique, à l'Hôtel de Ville, le mercredi 15 septembre 1830, à midi. Le cérémonial de son installation provisoire du 21 août, séance précédente, se renouvelle. Malgré cela, c'est avec une émotion encore difficilement contenue, après avoir entendu, le même texte du serment des fonctionnaires publics : ‘ "Je jure fidélité au Roi des Français, obéissance à la Charte constitutionnelle et aux Lois du Royaume418" ’, que‘ , ’ ‘ "debout, la main droite levée", ’ Arlès-Dufour répète, ‘ "à haute et intelligible voix," ’ ‘ : "Je le jure".

A peine cinq ans auparavant, le nouvel adjoint au maire de Lyon, déjà secrétaire général de la Société d'instruction primaire, s'installait-il sur les rives du Rhône.

Notes
367.

Brouillon d'un rapport d'Arlès-Dufour sous le titre "N° 56 2 mai" (Archives familiales). "Le Précurseur" ? Son premier paragraphe a trait à la liberté commerciale.

368.

Selon l'expression de Prunelle dans son discours d'accueil au Moulin-à-Vent, à la limite du département du Rhône (J. Morin, op. cit., p. 82). Le développement qui suit sur la présence à Lyon de ce personnage est emprunté à cet ouvrage publié "au profit de la Société d'instruction élémentaire du Rhône".

369.

Ibid., p. 57.

370.

En réponse au toast de M. de Syon, au nom des habitants de Vienne, lors du banquet du 7 septembre 1829. (Ibid., p. 103).

371.

"Prunelle", Minitel 3614 Morin, et, sauf erreur, Gérard Corneloup, " ? ", Lyon Figaro, 11 mars 1989.

372.

Journal du Commerce, 15 janvier 1828.

373.

Cf. IV - La Maison Dufour de Leipzig.

374.

Le Précurseur, s.d. (J. Morin, op. cit., p. 61).

375.

Théodore Aynard, Souvenirs historiques et ..., op. cit.

376.

Actuelle rue Joseph Serlin ("Rues de l'histoire", Vivre à Lyon - Revue municipale, Mai 1986).

377.

Allocution d'ouverture des toasts de Prunelle (J. Morin, op. cit., p. 93).

378.

Décédée le 15 septembre 1829.

379.

Discours de Lafayette (J. Morin, op. cit., p. 94-96).

380.

Paul Gaffarel, op. cit., p. 38 et s.

381.

Le Précurseur, 26 juin 1827, n° 142.

382.

Cette dénomination "Algérie" n'apparaîtra qu'avec l'ordonnance du 31 octobre 1838, après que les termes suivants aient été successivement utilisés dans les ordonnances précédentes : "Ancienne régence d'Alger", "Régence d'Alger", "Royaume d'Alger", "Pays d'Alger", "Barbarie", "Afrique", "Possessions françaises dans le Nord de l'Afrique". (Georges Bensadou, "Du nom de l'Algérie", L'Algérianiste, juin 1990, n° 50).

383.

AML, I 2/35 (99, 99 bis & 100) : Troubles politiques 1818-1830.

384.

CCL, Registre copies de lettres, 13 juillet 1830.

385.

AML, 1217 WP 49.50 : Procès-verbaux des séances du conseil municipal (26 janvier/25 juin 1830).

386.

Ordonnance médicale du Docteur Prunelle, consultation d'Arlès-Dufour, 22 juillet 1830 (Archives familiales).

387.

Alexandre Dumas, op. cit., p. 32.

388.

Cf. note in VII - L'antidote à la pauvreté.

389.

AML, I/2 35 (104), Troubles politiques 1818-1830.

390.

M. Mornand, op. cit., p. 2. Cet ouvrage a largement contribué à l'évocation de ces journées. Mornand, sur cette publication, fait suivre son nom d'auteur de sa qualité de "membre de la Commission administrative de la Ville de Lyon".

391.

AML, I 2/35 (104), cité.

392.

M. Mornand, op. cit., p. 57-58.

393.

Alexandre Dumas, op. cit., p. 32.

394.

A. Kleinclausz, op. cit., p. 72. Pour mémoire, ajoutons que, selon Raoul de Cazenove, Notes sur la société lyonnaise..., op. cit., Paul Bontoux, protestant, a épousé vers 1830, Emilie de Schaetzler, soeur de Mme Gustave Platzmann.

395.

M. Mornand, op. cit., p. 6.

396.

AML, I 2/35, cité.

397.

Naissance d'Adélaïde Arlès, future épouse Chabrières, le 28 octobre 1830.

398.

Les ménages Second et Arlès-Dufour sont ou seront amis ; ils se fréquenteront beaucoup, ainsi que ceci ressort de divers courriers des années 1860/1870.

399.

Les familles Cazenove et Devillas (ou de Villas), toutes deux protestantes également, sont alliées.

400.

Morin, rédacteur du Précurseur.

401.

M. Mornand, op. cit., pp. 67-68.

402.

Copie de notes prises par ma mère Pauline Arlès-Dufour..., op. cit., (Archives familiales).

403.

M. Mornand, op. cit.

404.

AML, I 2-35 (112), cité.

405.

AML, I 2-35 (113), cité.

406.

AML, I 2/35 (114), cité.

407.

La 2e compagnie est recrutée sur le territoire formé des Grande rue et Petite rue des Feuillants, rue de Thou, place Croix-Paquet, rue du Griffon (Est), port Saint Clair, rue et impasse Lorette. (Almanach historique et politique de Lyon..., 1831).

408.

AML, H3 Garde nationale - Affaires générales.

409.

Ibid. : Perraudon, 24 Port Saint Clair, Lenoir, 22 Port Saint Clair et Lafond, 3 Montée du Griffon.

410.

A. Kleinclausz, op. cit.

411.

AML, H3 Garde nationale - Affaires générales.

412.

Ibid.

413.

Ibid.

414.

Le Précurseur, vendredi 13 août 1830, n° 1122.

415.

Par Ordonnance particulière du 2 septembre 1830.

416.

Le Précurseur, dimanche 12 septembre 1830, n° 1148.

417.

A Paris, "chargé de porter à Sa Majesté les hommages et l'expression des sentiments de la seconde ville du Royaume", Prunelle sera installé le 12 octobre.

418.

Loi du 31 août 1830.