XII - LE SAINT-SIMONIEN

Le 19 mai 1825, s'éteignait Claude Henri de Rouvroy, comte de Saint-Simon, petit-cousin du célèbre mémorialiste de Louis XIV. A son chevet, son collaborateur Olinde Rodrigues499, successeur à ce poste d'Auguste Comte, et son médecin le docteur Gall, auteur de la physiologie intellectuelle désignée sous le nom de phrénologie - cette "science" que nous avons déjà rencontrée. Le praticien souhaite-t-il vérifier sa théorie lorsque, peu après, il autopsie le crâne du cadavre ? ‘ "Il crut reconnaître les preuves d'une absence complète de circonspection à côté d'une infatigable persévérance500" ’.

Il est vrai que Saint-Simon se croyait destiné à devenir le messager d'une nouvelle philosophie, ‘ "la philosophie de Dieu" ’ ; il est vrai aussi que ses idées, marquées parfois de puissance prophétique, avaient foisonné, souvent incohérentes ou désordonnées. Nous ne nous y attarderons pas, d'autant que, comme on l'a dit, et depuis maintes fois répété, ‘ "l'histoire des saint-simoniens commence le jour de la mort de Saint-Simon501" ’. Il l'avait écrit lui-même : ‘ "Il doit exister dans la société une prévention contre moi... Ma vie, en un mot, présente une série de chutes ’ ‘ 502 ’ ‘ ."

En fait, c'est à la veille de sa disparition, que Saint-Simon commençait à faire école et à grouper autour de lui une pléiade de jeunes gens. Ce jour-là justement, autour du maître, pour la lecture des meilleures pages de son dernier ouvrage Le Nouveau Christianisme 503, sont réunis quelques intimes. Entre autres504 :

Ce Nouveau Christianisme dont Saint-Simon leur donne la primeur, avec son projet de réorganisation sociale, va devenir l'évangile de ses principaux disciples.

Encore que, également convié - cette unique fois - dans ce cénacle par Olinde Rodrigues, Prosper Enfantin l'interprètera et l'appliquera selon ses conceptions personnelles. Avant de se hisser au rang de grand-prêtre d'une nouvelle religion ! Soulignons cependant que Saint-Simon, tant dans cet ouvrage que dans son Catéchisme des Industriels (1823), assigne comme but essentiel à la société industrielle qu'il préconise ‘ "l'amélioration du sort de la classe la plus nombreuses et la plus pauvre" ’. Un futur leitmotiv dans la pensée et sous la plume d'Arlès-Dufour !

Comme d'autres, on s'en souvient, Barthélemy-Prosper Enfantin, né à Paris le 8 février 1796 et ancien boursier du Lycée Napoléon, entouré de ses condisciples de l'Ecole polytechnique, avait vainement tenté de barrer la route de la capitale aux alliés de 1814. La même année, la faillite de son père, banquier, entraînait sa démission de l'Ecole où il avait été admis l'année précédente et l'amenait, pendant les Cent-Jours, à la carrière des armes, bientôt interrompue par les circonstances. Attiré par le négoce, il entrait au service d'un cousin, Louis Nugues, négociant en vins dans la Drôme, à Romans, d'abord pour le seconder sur place, puis pour le représenter à l'étranger, en Suisse, en Hollande, en Allemagne.

"Ce fut dans un de ces voyages à l'étranger qu'il rencontra en Allemagne un jeune homme, passé comme lui du métier des armes dans le commerce à la suite des événements politiques, et dont l'affection persévérante, à travers les vicissitudes d'un demi-siècle, devait l'entourer jusqu'à sa dernière heure et le suivre au-delà de la tombe : Arlès-Dufour506." ’ Ainsi le rappellent, dès leur troisième page, les Notices historiques consacrées à Enfantin, parmi les 47 volumes des Oeuvres de Saint-Simon et d'Enfantin. Il nous faudra aller bien avant dans ces longues Notices, jusqu'au 3e volume, pour apprendre que, selon elles507, cette rencontre se situait en 1820508, aussi pour relever une seconde citation du nom d'Arlès-Dufour, datée de 1831 seulement. En réalité, les deux hommes se retrouveront plus tôt, sans attendre onze ans.

En mai 1820, Enfantin est de passage à Lyon, où il visite un ancien camarade de chambrée de l'Ecole polytechnique, Drut509. L'année suivante le retrouve au service d'un banquier commissionnaire à Saint-Pétersbourg. Là, il fréquente une chapelle formée de quelques anciens élèves de l'Ecole polytechnique, des esprits jeunes, ouverts, enthousiastes, parmi lesquels les ingénieurs Lamé, Clapeyron et Raucourt. Lui, comme eux, est avide de connaissances. On étudie les travaux des philosophes politiques, Condorcet, Volney.... ‘ "L'économie politique est aussi une branche de nos études et ce n'est pas la moins intéressante, je vous assure510" ’, écrit Enfantin qui s'initie aux principes d'économie politique de Jean-Baptiste Say...

De retour en France en 1823, suite à une rencontre avec son ancien maître du Lycée Napoléon, ardent disciple de Saint-Simon, Olinde Rodrigues, il souscrit au Catéchisme des Industriels ; c'est le résumé de la doctrine du maître où celui-ci apparaît comme le Messie ! ‘ "J'ai reçu, dit-il, la mission de faire sortir les pouvoirs politiques des mains du clergé, de la noblesse et de l'ordre judiciaire pour les faire entrer dans celle des industriels511." ’ Enfantin, la même année, répond à une question d'économie politique mise au concours par l'Académie de Lyon ; ‘ "un reflet des doctrines d'Adam Smith et surtout de Jean-Baptiste Say512" ’ avouera-t-il ; ce qui n'échappe sans doute pas au jury qui décerne le prix à F. de Corcelles513, né en 1803, fils du député du Rhône ami de Lafayette, lui-même futur député, spécialiste des questions économiques. L'année suivante, la lutte des Grecs pour leur indépendance émeut le monde, nous l'avons vu à Leipzig ; il est choisi, avec Jean Reynaud, par ses anciens camarades de Polytechnique pour organiser à Paris une souscription, abandonnée pour désaccord sur la destination des fonds.

Et, bien que ‘ "tellement choqué par la forme, que beaucoup de fond [lui] échappa" ’ des idées entendues de la bouche même de Saint-Simon, l'influence de Olinde Rodrigues fut si grande que l'adhésion d'Enfantin devint totale et absolue. Ceci, malgré les principes de sa doctrine ‘ "épars et souvent confus" ’, ‘ "la tournure bizarre avec laquelle Saint-Simon a présenté souvent ses opinions" ’, comme il en préviendra son ami Pichard, ajoutant : ‘ "Les formes qu'il emploie dégoûtent quelques fois d'aller jusqu'à la recherche du fond514."

Tous deux, Rodrigues et Enfantin - celui-ci venant d'être nommé, avec l'appui des banquiers Jacques Laffitte, Ternaux et Ardoin, co-liquidateur de la maison Chaptal fils à Paris, aux appointements de 6.000 F par an, - se mettent donc en devoir d'assurer la pérennité de la pensée du disparu, de la commenter pour en éclairer les obscurs méandres, d'en tirer les applications. Quel doit en être l'outil ? Pressentant déjà l'important pouvoir de la presse et selon le projet déjà formé avec Saint-Simon quelques mois avant sa mort, c'est la publication d'un journal de doctrine, Le Producteur, : ‘ "Toutes les questions qui intéressent réellement la société humaine [y] seront examinées avec la lorgnette ou la loupe saint-simonienne515" ’. Cet objectif ne devait ouvertement être avoué qu'après une polémique avec Stendhal et à la neuvième livraison. Pourtant, depuis son premier numéro daté du 1er octobre 1825, le journal affiche cette épigraphe de Saint-Simon : ‘ "L'âge d'or, qu'une aveugle tradition a placé jusqu'ici dans le passé, est devant nous." ’ Son programme est contenu dans son sous-titre : Journal philosophique de l'Industrie, des Sciences et des Beaux-Arts. Un prospectus le précise : ‘ "Unir les savants, les artistes et les industriels par une doctrine philosophique en harmonie avec l'état actuel de la civilisation et favorisant les progrès futurs de l'humanité dans les directions scientifique, morale et industrielle516."

Parallèlement, se forme ‘ "un noyau d'hommes raisonnables et ne craignant pas l'étude517" ’, venu entourer l'équipe des rédacteurs principaux (Enfantin, Bazard, Rodrigues, Laurent (de l'Ardèche), Buchez) et des rédacteurs ordinaires (Cerclet, Decaen, Adolphe Blanqui, Armand Carrel, Léon Halévy, Auguste Comte, etc.), tels que Michel Chevalier, Abel Transon, Euryale Cazeaux, élèves de Polytechnique. ‘ "Il faut que l'Ecole polytechnique soit le canal par lequel nos ’ ‘ idées se répandront dans la société ; c'est le lait que nous avons sucé à notre chère Ecole qui doit nourrir les générations à venir518."

Mais bientôt s'ouvre la liste des désaveux, des abandons, des reniements, des schismes519, avec des démissions en chaîne, celle, d'abord, de Cerclet - devenu auparavant "rédacteur général" -, suivi par Léon Halévy, Armand Carrel, etc. Qu'importe ! Au gré de l'état d'esprit de ceux qui demeurent, car le saint-simonisme n'est encore qu'un ‘ "état d'esprit520" ’, les thèmes les plus variés sont exposés. On traite de l'organisation sociale, des sciences, du pouvoir, du crédit et des banques, du remplacement de l'impôt par l'emprunt, de l'association, de l'association universelle, de l'association de la classe ouvrière à l'industrie, de l'amélioration de la classe ouvrière, des beaux-arts, et nous en passons. D'abord hebdomadaire, Le Producteur devient mensuel le 1er mai 1826, amenuisant les moyens.

Hormis le concours d'Enfantin, de Rodrigues et Laurent, le journal avant de devoir suspendre sa parution, le 12 décembre 1826521, ne dispose plus que de celui de Saint-Amand Bazard et de Buchez. Ils avaient été tous deux, avec Dugied et Flottard, les fondateurs de la Charbonnerie française, en relations avec Lafayette et Béranger ! S'agit-il de l'un de ces ‘ "hommes bien intéressants" ’, qu'Arlès-Dufour avait rencontré, lors de ‘ "cette petite soirée chez un ami" ’ - voire cet ami - à propos de laquelle il était resté bien mystérieux dans sa lettre à sa future femme, fin 1822 ?

Avec la fin du Producteur, s'achève la "phase philosophique", et lui succède l'"expansion silencieuse" du saint-simonisme que le public pouvait penser définitivement sombré. ‘ "Nos deux années de repos ont été employées à former de bons élèves, d'utiles collaborateurs522" ’, écrira Enfantin le 6 janvier 1828, peu de jours avant sa nomination, le 29, en qualité de caissier à la Caisse hypothécaire. En fait, l'exposition publique de la doctrine - également faite à l'adresse des femmes -, en 1829 et au début de 1830, constitue le seul signe d'activité ; mais elle contribue à réunir des auditoires grandissants, successivement au domicile d'Enfantin, ensuite rue Vivienne, puis rue Taranne.

En avril 1830, Enfantin pourra écrire : ‘ "Les ingénieurs des mines, des ponts-et-chaussées, les ingénieurs militaires et artilleurs, enfin tout ce qui se recrute à l'Ecole polytechnique est affecté du poison saint-simonien, et il circule rapidement parmi les médecins et même au barreau523." ’ Ainsi, sont apparus ou vont apparaître progressivement, malgré quelques dissidences, Emile Barrault, homme de lettres, Henri Fournel, Gustave d'Eichthal, Emile et Isaac Pereire (cousins de Rodrigues), Jules Lechevalier, Adolphe Guéroult, Léon, Paulin et Edmond Talabot, Laurent et Hippolyte Carnot ainsi que Charles Duveyrier524, ‘ "le plus tendre coeur et l'esprit le plus naïf525" ’.

A ce dernier, Enfantin, dans son style bien personnel, écrit, en août 1829 : ‘ "Mon cher Charles, mon cher fils en Saint-Simon, mon cher frère en Dieu, [...]. J'ai lu votre lettre à Eugène526, l'affection que vous lui témoignez m'a fait le plus grand plaisir ; il en est bien digne ; et en disant cela, je crois dire beaucoup, parce qu'il faut, pour un coeur comme le vôtre, des perles, des diamants ; vous êtes tombé sur la mine, mon cher ami, et vous êtes réellement sauvé, puisque, dans le siècle où nous sommes, à votre âge, si vous n'aviez pas rencontré la doctrine sur la route, vous vous seriez peu à peu glacé au degré de l'atmosphère critique qui nous enveloppe." ’ Dans cette même lettre, il lui annonce son départ pour visiter quelques-unes des chambres de garantie de la caisse hypothécaire et ajoute aussitôt : ‘ "Vous pensez bien que je ne fais pas ce voyage sans but de doctrine527" ’.

Charles Duveyrier, « le plus tendre cœur… »
Charles Duveyrier, « le plus tendre cœur… » (Histoire du saint-simonisme, Ed. Paul Hartmann, Paris, 1ère édition 1896, réédit. 1931)

Son voyage à destination du Midi l'amène à passer à Lyon. Y retrouve-t-il son vieil ami Arlès-Dufour ? Il n'en dit ni n'en dira mot. Leurs retrouvailles, après une si longue séparation, vont-elles avoir lieu ? Ou, plutôt, ont-elles déjà eu lieu ? Nous restons dans l'incertitude. Des Notes prises par Pauline Arlès-Dufour, revivant longtemps après son passé, ne nous sont guère d'un grand secours à ce sujet : ‘ "Enfantin passe chez nous une grande partie de l'hiver de 1828 ou de 1829 (je ne puis me souvenir exactement laquelle de ces deux années).

C'est alors qu'il fit partager à mon mari ses idées sur le Saint-Simonisme, idées qu'il a professées et répandues jusqu'à la fin de sa vie528." ’ Le biographe d'Arlès-Dufour, le saint- simonien C[ésar] L['Habitant], puisant vraisemblablement à la même source, date pourtant ceséjour avec plus de certitude : ‘ "En 1829, assure-t-il, Enfantin étant venu se reposer de ses fatigues apostoliques, fut accueilli à bras ouverts par son ami Arlès ; il y passa un hiver tout entier, et pendant ce contact ininterrompu, s'acheva la conversion d'Arlès au saint-simonisme529."

Une aussi longue retraite lyonnaise de l'hôte, au cours de cette phase de propagation de la doctrine, paraît, là encore, tout aussi surprenante que la saison elle-même. Mais la concomitance, soulignée par Pauline, de la venue d'Enfantin et de la "conversion" de son mari est, ici, battue en brèche, puisque César L'Habitant nous indique que son ami était déjà ouvert aux idées d'Enfantin, avant le séjour de celui-ci. Rude, tout en faisant mention d'un voyage - en fait, halte rapide - abonde en ce sens : ‘ "Dès 1828, nous trouvons Arlès-Dufour parmi les premiers saint-simoniens lyonnais, un an avant le voyage qu'Enfantin fit à Lyon en août-septembre 1829530" ’. De plus, le même auteur fait état, par ailleurs, d'une lettre qu'Enfantin adresse à Decaen531, le 19 septembre 1828 : ‘ "Nous sommes convenus avec Arlès que vous vous occuperiez avec ardeur de votre projet de réunion et que vous vous arrangeriez pour que Le Précurseur fût l'organe des nouvelles idées532" ’. Et, du même au même, le 24 octobre suivant : ‘ "Je m'en rapporte bien à votre persévérance, à votre zèle et aux secours que vous donneront Arlès, Plantin533, Camille Drut et peut-être bientôt quelques adeptes que vous aurez formés534" ’.

Mais, de ses confusions, plusieurs décennies après, Pauline Arlès-Dufour est bien excusable. Tout comme l'est son mari, tout obligeant qu'il soit pour son ami, de l'apparente modestie de ses "secours" dont on ne sait d'ailleurs la mesure. Rappelons-nous ! Cette année-là, pour ne parler que de voyages en Angleterre, il visite ce pays pour la troisième fois ! Et, à défaut d'être un "prêtre", il ne peut être qu'un ami sincère et attentif, et non pas un "fidèle dévoué". Peut-être, reste-t-il d'ailleurs sur une prudente réserve, surtout au moment où la doctrine se transforme en religion, l'école en église, où Enfantin - le "Père" comme on l'appelle maintenant - se voit une mission apostolique et que ses disciples qualifient de "fils" et "filles" les auditeurs de leurs prédications !

A sa mère qui lui reproche, dit-il, ses ‘ "ambitieuses illusions" ’, Enfantin répond : ‘ "Je veux changer le monde, parce que toi et papa y avez souffert et que j'ai été nourri de vos douleurs ; [...] Je suis ambitieux de donner aux derniers jours de mon père et de ma mère le spectacle de l'amour que leur fils aura su inspirer535..."

Cet "amour" s'étend à la province, même hors métropole. ‘ "L'Eglise du Midi marche rapidement536" ’, Rességuier s'y emploie. La vie saint-simonienne prend corps à Toulouse, Castres, Carcassonne, Montpellier. Jusques et y compris l'armée d'Alger ‘ "qui aura en Bigot notre représentant ; deux autres officiers du génie, Lamoricière537 et Chabaud-Latour, ont déjà des germes de doctrine que Bigot développera." ’ Tel est le constat que le "Père" dresse, fin mars 1830, à l'intention de Henri Fournel ‘ "qui vient de quitter Paris pour aller prendre la direction de la grande usine du Creusot" ’.

Mais, l'extension que prend la propagation du saint-simonisme, entre enseignements et prédications suivis de conversions, crée des besoins accrus. La publication de L'Organisateur - Journal des progrès de la science générale 538, celle escomptée de deux ouvrages, la location de la salle de réunions de la rue de Taranne, une correspondance volumineuse, des missions en province et même à l'étranger, ‘ "un logement convenable pour nos réunions quotidiennes539" ’, dans l'ancien hôtel de Gesvres rue Monsigny, sont sources de dépenses croissantes. D'autant que le second étage se révèle vite insuffisant ; on y reçoit, entre autres sympathisants, Liszt, Berlioz, Sainte-Beuve, le ténor Adolphe Nourrit, le peintre Raymond Bonheur, le compositeur Félicien David540. Aussi doit-on louer également l'étage inférieur pour les prédications dominicales, puis, en raison de leur succès, la vaste salle du 9 de la rue Taitbout où ‘ "beaucoup de femmes commencent à s'approcher" ’. Heureusement les ‘ "meilleurs frères en Saint-Simon" ’ répondent à l'appel financier, devancés en cela par Enfantin, Duveyrier, Carnot et Pereire dont ‘ "la position pécuniaire est la meilleure" ’.

La prise en charge du quotidien Le Globe allait constituer un nouveau support de propagande. Elle avait été facilitée par la proximité des locaux, ce journal occupant, rue Monsigny, l'étage immédiatement supérieur de celui des saint-simoniens. Ce journal, libéral avant la Révolution de Juillet, abandonné dès après par certains de ses collaborateurs, conservait trois rédacteurs, Pierre Leroux son fondateur, Lherminier et Sainte-Beuve. L'ancien élève de l'Ecole polytechnique devenu ingénieur des mines du département du Nord, Michel Chevalier, seulement âgé de 26 ans, ‘ "plus expert en matière de charbon, de chemins de fer et d'usines qu'en matière de journal541" ’, en prend la direction et la rédaction en chef. Selon les consignes d'Enfantin, il s'agit ‘ "de tailler des croupières à tous ces bourgeois en moustaches, à tous ces tribuns en jabot, à tous ces pairs en manchettes542."

Indépendamment du coût de l'achat de ce nouvel organe, les charges générales ne peuvent que s'alourdir avec la sortie de son premier numéro, le 11 novembre 1830. La probité des nouveaux gérants attaquée, Le Globe se fit un devoir de faire paraître la liste des divers donateurs, arrêtée au 31 janvier 1831 pour un total de 344.816 F, non compris la valeur du mobilier et des propriétés mobilières543. "Arlès" dont ce ne sera pas l'unique soutien financier en est vraisemblablement544. Mais ces efforts, des uns et des autres, s'avéreront insuffisants face à un nombre d'abonnés en régression et au besoin, ensuite éprouvé, d'une distribution gratuite pour répandre l'"enseignement" : Le Globe, à terme, est d'évidence condamné545.

"Bien qu'ils eussent la conviction d'être les adversaires les plus résolus et les plus redoutables du passé féodal et clérical qui s'était fait provocateur" ’, les journées "glorieuses" de 1830 déterminent les ‘ "apôtres du progrès pacifique546" ’ à ne prendre collectivement aucune part à la lutte fratricide.

On saisit toutefois la circonstance pour ‘ "faire entendre directement la parole de Saint-Simon au peuple lui-même" ’ et afficher sur les murs de la capitale une proclamation sous la signature des deux ‘ "chefs de la doctrine de Saint-Simon" ’, Bazard et Enfantin : ‘ "Gloire à vous qui, les premiers, avez dit aux prêtres chrétiens, aux chefs de la féodalité, qu'ils n'étaient plus faits pour guider vos pas. Vous étiez plus ’ ‘ forts ’ ‘ que vos nobles et toute cette troupe d' ’ ‘ oisifs ’ ‘ qui vivaient de vos sueurs parce que vous ’ ‘ travailliez ’ ‘ ; vous étiez plus ’ ‘ moraux ’ ‘ et plus ’ ‘ instruits ’ ‘ que vos prêtres, car ils ignoraient vos travaux et les méprisaient ; [...]. "Nous avons partagé vos craintes, vos espérances, et nous nous glorifions de votre triomphe, car c'est pour le ’ ‘ progrès ’ ‘ que vous triomphez. [...] La féodalité sera morte à jamais lorsque TOUS LES PRIVILEGES DE LA NAISSANCE, SANS EXCEPTION, SERONT DETRUITS, ET QUE CHACUN SERA PLACE SUIVANT SA CAPACITE, ET RECOMPENSE SUIVANT SES OEUVRES. Et lorsque cette nouvelle parole RELIGIEUSE, enseignée à tous, réalisera SUR LA TERRE le REGNE DE DIEU, le règne DE LA PAIX et DE LA LIBERTE, que les chrétiens avaient placé DANS LE CIEL, l'église catholique aura perdu toute sa puissance, elle aura cessé d'être547."

Le Jugement de la doctrine de Saint-Simon sur les derniers événements, ample déclaration solennelle rédigée par Bazard, complète cette pensée. Malgré leur longueur, il ne nous parait pas superflu d'en extraire les passages les plus significatifs afin de connaître un peu plus en détail la théorie saint-simonienne :

‘Les peuples sont aujourd'hui divisés, isolés ; [...] Les peuples seront unis, ou plutôt l'humanité entière ne formera plus qu'un seul peuple ; aux associations partielles et rivales que nous voyons exister, succédera l'ASSOCIATION UNIVERSELLE ; la guerre alors aura pour toujours disparu de la surface du globe. [...]
Tous les individus seront unis, associés par un même amour, dans une même pensée et pour un même but ; les différentes activités individuelles se confondront dans une activité commune. [...]
La société sera organisée pour le progrès de la RELIGION, de la science et de l'industrie ; elle aura directement pour but, par cette organisation, l'amélioration morale, intellectuelle et physique du sort de la classe la plus nombreuse. [...]
Les chefs de la société seront ceux qui l'aimeront le mieux, qui lui révéleront sa destination et qui seront les plus capables de l'y conduire [...] Les chefs de ces travaux, religieux, scientifiques et industriels seront, à ce titre seul, les chefs politiques de la société.
Les classes oisives, celles qui vivent du loyer des terres et des capitaux, c'est-à-dire du loyer des instruments de travail, dont elles ont la propriété, sont les classes les plus favorisées, les plus considérées : il n'y aura plus de propriété conférant à quelques hommes le privilège de l'oisiveté, tous travailleront ; et ceux seulement qui travailleront le plus, ou dont les travaux auront le plus d'importance, seront les plus favorisés, les plus considérés. [...] Aucune classe ne sera plus vouée à la déprédation, à l'ignorance, à la misère ; il n'y aura plus entre les hommes que des inégalités d'amour, de science et de richesse ; et ces inégalités ne seront plus déterminées par le hasard de la naissance. Toutes les chances seront égales pour tous, [...] chacun alors sera véritablement placé dans le monde selon sa capacité et récompensé selon ses oeuvres.
Les femmes, à peine sorties de la servitude, sont encore partout tenues en tutelle et frappées d'interdiction, religieuse, politique ; l'homme, lui seul, constitue l'individu social, le mariage est un acte social et individuel. [...] Les femmes seront définitivement affranchies, l'individu social sera l'homme et la femme ; toute fonction religieuse, scientifique, industrielle, sera exercée par un couple. Le mariage sera à la fois un acte social et individuel.
Nous ne parlerons pas du droit de propriété et du droit d'héritage, tels que nos codes les consacrent, et qui sont restés intacts dans cette occasion, car ils n'ont pas même été mis en discussion, et, qui plus est, il n'est venu à l'idée de personne qu'ils pussent être discutés, et cependant ces droits [...] résument tout le passé contre lequel la société se débat.[...]
Nous annoncions que tous les peuples aujourd'hui divisés allaient être unis par un même amour [...]. Eh bien ! nous avons vu l'Europe accueillir avec transport la nouvelle de nos efforts et de nos succès ; nous avons vu l'Angleterre, cette ancienne ennemie de la France, cette nation dont les débats avec la nôtre résument aujourd'hui le vieil antagonisme européen, saluer de ses vives acclamations le triomphe que nous venons de remporter, et se l'approprier en quelque sorte en prenant sa part de la dette que nous avons contractée envers ceux qui l'ont acheté de leur sang. Or, voilà le signe certain de l'alliance, de l'association universelle que nous prédisons ; car, le jour où la France et l'Angleterre seront unies, l'Europe entière le sera par elles, et le jour où l'Europe ne formera plus qu'une seule nation, l'humanité ne formera plus qu'une seule famille. [...]
Nous disions que l'industrie, affranchie de ses chaînes, allait être appelée enfin à prendre place dans l'Etat, à devenir une puissance politique et à substituer l'action régulière, la pacifique influence de ses chefs, aux turbulentes intrigues des représentants abâtardis de la féodalité. [...] C'est encore avec les affections et les idées de la bourgeoisie féodale et oisive, que [les industriels] arrivent au pouvoir et qu'ils l'exercent. Mais, [...] cette puissance pourtant est parvenue à se faire jour et elle n'a plus aujourd'hui qu'un pas à faire pour revêtir son véritable caractère. [...]
La classe ouvrière, la classe qui forme l'immense majorité de la population, ces hommes enfin que nos doctrinaires libéraux ont scientifiquement condamnés à un éternel ilotisme, sous le titre insolent de prolétaires, viennent d'être les maîtres de l'opulente capitale de la France, et lorsque la mitraille les avait décimés, lorsque les efforts qu'ils venaient de faire les condamnaient à un surcroît de misère, ils ont déposé les armes, ils sont rentrés dans leurs tristes demeures, les mains pures du sang de la vengeance et de la dépouille du riche. [...]
Et, "pour retrouver la vie qui l'abandonne", "cette société [qui] marche vers une dissolution complète", "une seule issue lui reste donc, c'est celle que Saint-Simon lui a ouverte. Au milieu de cette société qui tombe en ruines, une autre société s'élève pleine de jeunesse et de vigueur : là, chacun est placé selon sa capacité et récompensé selon ses oeuvres ; là on obéit avec amour, car c'est avec amour qu'on commande [...] - L'avenir vous appartient, nous disait notre maître... - L'avenir s'est rapproché, l'humanité, que nous appelons avec amour, va bientôt se jeter dans nos bras548.’

Cette longue proclamation devait être ‘ "le premier acte d'intervention directe du saint-simonisme dans les affaires du monde549."

"Nous faisons une percée à Lyon550" ’, avait annoncé Enfantin à Rességuier, en septembre 1828 ; triomphalement et... prématurément. ‘ "Lyon va moins vite" ’, déchante-t-il en juin suivant. Si le saint-simonisme rencontre un certain succès parisien, s'il s'implante, plus ou moins modestement, dans certaines villes, le prosélytisme laisse à désirer dans d'autres. L'envoi de missions s'impose ; quatre sont ainsi préparées pour sillonner le pays. Celle du Midi, dirigée par Laurent, et comprenant Pierre Leroux et Jean Reynaud du "2e degré551", s'ébranle de Paris le 20 avril 1831. Après Macon, réunissant 150 personnes, elle aborde Lyon. Elle y est ‘ "chaleureusement accueillie et patronnée par deux anciens amis d'Enfantin, Drut et Arlès552" ’. Certes, il n'y a pas lieu de s'interroger sur la qualité de l'accueil réservé et du concours éventuel apporté par eux comme par Decaen. ‘ "Drut est pour nous d'un zèle remarquable, Decaen est tout plein d'ardeur" ’, écrit Jean Reynaud qui se plaint, par contre, de l'indifférence des chefs parisiens : ‘ "[...] nous sommes là isolés, indépendants, luttant de nos bras à travers ces ’ ‘ torrents qui se choquent autour de nous, comme si nous étions seuls dans le monde, abandonnés à nos propres forces, sans personne qui encourage nos efforts d'une voix amicale et rejette, par quelques paroles, un peu de courage et de force à ces coursiers qui s'épuisent553..."

Les résultats sont malgré tout réconfortants, les auditoires, de prédications ou d'enseignements publics, nombreux : 1.200 à 1.500 personnes - dont "quelques dames" - dans la salle de la Loterie et 3.000 dans celle du cirque des Brotteaux. Quelque temps plus tôt, le même Reynaud - ‘ "un homme qui parle admirablement bien554" ’ - consignait : ‘ "Vraiment, il me faut voir Lyon pour le croire. C'est comme une maladie, comme une peste. Je crois qu'à la halle on ne cause que des saint-simoniens." ’ C'est qu'ils ne laissent pas indifférents ces croisés des temps modernes ; ils inspirent même de la sympathie. Mais pas à tous, loin de là, dans cette ville que Reynaud, bien que Lyonnais de naissance, semble découvrir : ‘ "Tout le monde est religieux, catholique et protestant ; aussi, grande accumulation de passions haineuses contre nous555." ’ Le préfet Bouvier-Dumolard leur refuse une salle.

La "famille" lyonnaise organisée et confiée à deux médecins, les docteurs François et Peiffer, la Mission du Midi reprend sa difficile route, le 25 juillet, pour recruter de nouveaux adeptes.

Arlès-Dufour, lui aussi, est sur le départ. Dans la perspective d'un déplacement professionnel en Allemagne, il a amicalement proposé à Enfantin d'emporter pour les y diffuser quelques brochures saint-simoniennes556, non sans émettre vraisemblablement quelques réserves : son intention n'est certainement pas d'imiter Charles Duveyrier, ‘ "chargé des missions et églises extérieures" ’, qui, de ville en ville à travers la Belgique557, harangue des auditoires plus ou moins nombreux et curieux, parfois sarcastiques, voire même hostiles.

Il n'empêche qu'Enfantin exulte :

‘"Mon cher Arlès, je puis vous dire aussi mon cher fils, car vous êtes à nous aujourd'hui, plus encore par les promesses d'avenir que nous, enfants de Saint-Simon, vous avons données, que par les souvenirs de notre ancienne et bonne amitié ; nous avons élevé votre âme, agrandi votre intelligence et votre énergie, bien plus que n'auraient pu le faire toutes les caresses de l'amitié. Vous, ainsi qu'Holstein, j'étais bien sûr que vous viendriez où j'allais, car nous ne devions pas nous quitter. Je rends grâce à Jean [Reynaud] et à Leroux du service personnel qu'ils m'ont rendu en vous communiquant la vie que je leur avais donnée. Nous n'avons encore rien fait directement avec l'Allemagne, et nous nous réjouissons que vous soyez un des premiers à y porter notre doctrine. Vous y êtes aimé ; annoncé par vous, nous sommes certains que vous y laisserez quelques coeurs généreux, bien disposés à nous recevoir...
"Vous craignez de ne pas être assez fort pour faire des conversions, vous vous trompez, et vous allez en juger par vous-même. Jusqu'ici, avant la doctrine, vous ne vous sentiez guère embarrassé pour parler politique avec qui que ce soit, aujourd'hui vous seriez en présence du plus fort publiciste, vous le tiendriez dans votre main : or, toute question spéciale d'art, de science ou d'industrie peut-être ramenée à une question sociale, politique, et nous nous inquiétons fort peu en ce moment de discuter une théorie chimique, mécanique, physiologique, et toutes les iques du monde, sur le terrain étroit où sont placés ceux qui les traitent ; ce qu'il nous importe, c'est de les faire sortir de leurs masures d'égoïstes pour les amener dans le temple de l'Association universelle ; c'est en leur qualité d'hommes, et non en leur qualité de savants en us, en x ou en y, que nous leur parlons ; quant à ceux qui n'adopteront la doctrine que lorsqu'on leur montrera qu'avec elle on peut faire mieux qu'avec le catholicisme et le libéralisme, des têtes d'épingle, nous n'en avons pas encore besoin, leur temps n'est pas venu. [...]
"Eh bien, ne possédez-vous pas maintenant tout ce qu'il faut pour convertir à la foi nouvelle les hommes généreux qui aiment l'humanité avec ardeur, qui voudraient contribuer largement à diminuer ses misères, qui souffrent de la voir ballottée par les privilèges de l'incapacité, qui sentent en eux, avant de nous connaître, que la place doit être au capable et la rétribution à l'oeuvre. Ce sont ces sentiments qu'il vous faut aller chercher là où ils sont, les développer, les affermir par l'espoir certain de les réaliser558."’

Mais la croyance d'Arlès-Dufour dans la nouvelle "religion" prêchée par son ami reste tiède. Il y a de quoi ! De retour d'Allemagne, le capitaine grenadier, tout pacifiste qu'il est, n'apprécie sans doute guère que quatre de ses amis, Bazard, Michel Chevalier, Jules Lechevalier et Cazeaux, soient condamnés à 24 heures de prison... Ils ont argué de leur qualité de membre du ‘ "clergé de la foi saint-simonienne" ’ pour rejeter leur immatriculation sur les contrôles de la Garde nationale.

Pis encore ! Jusqu'alors, le mariage est la règle, la base de la société et, comme l'a encore dit Enfantin, : ‘ "C'est par l'affranchissement des femmes que sera signalée l'ère saint-simonienne559" ’. Mais voici que le problème se pose différemment : ‘ "Tant que la femme ne sera pas libérée de ’ ‘ la loi de la fidélité, elle sera toujours esclave, car la fidélité ne tient pas compte des instincts de la nature humaine560..." ’ Là, le mari aimant, le père de famille561 honorable ne peut que se faire réprobateur à l'égard de cet outrage à la morale. L'attente de la ‘ "Femme-Messie" ’ et l'avènement du ‘ "couple suprême" ’, symbolisée par un fauteuil vide à côté de celui du Père lors de discussions orageuses et exaltées, achève le tout. Ces théories extravagantes du Père Enfantin entraînent, en ce début novembre 1831, - malgré une tentative de médiation de Michel Chevalier, Edmond Talabot et Cazeaux - le schisme du "Père" Bazard, et la protestation suivie du départ de dix-neuf dissidents, et non des moindres : Carnot, Cazeaux, Charton, Dugied, Cécile et Henri Fournel, Pierre Leroux, Jean Reynaud.

Dès lors, prend fin le duumvirat Bazard - Enfantin . Désormais, il n'y a plus ‘ "qu'un centre, qu'une direction, qu'un chef, et ce chef est notre père suprême Enfantin562" ’. L'affliction des militants est grande ; aussi s'efforce-t-on de les rassurer. ‘ "Le désaccord entre [l]es chefs n'avait porté que sur une théorie conjecturale d'Enfantin, relative au règlement futur des rapports moraux des deux sexes563" ’, minimisera-t-on plus tard, dans les Notices historiques.

Dans le même temps, l'insurrection des canuts n'apaise pas une opinion publique et politique ébranlée par les théories saugrenues du Père dont la presse s'empare ; bien au contraire. On s'en souvient, les insinuations du soupçonneux Prunelle lui avaient valu la sèche réplique d'Arlès-Dufour. Un rapport de police du 16 décembre accuse, lui, formellement, les saint-simoniens d'avoir fomenté ces troubles lyonnais : ‘ "Nous vous dénonçons ces hommes comme des républicains qui, sourdement, travaillent à tout renverser pour s'emparer du pouvoir564." ’ Le député du Rhône Fulchiron, trois jours après, condamne aussi le saint-simonisme, ‘ "prêché plusieurs fois par jour à Lyon [...] [qui] a eu une action qui n'est que trop réelle565." ’ La nouvelle église de Lyon, aux membres ‘ "trop peu connus" ’ s'était pourtant comportée avec prudence, essayant de prêcher le calme et pansant ‘ "les blessés des deux partis566."

Dans la perspective de l'application du tarif dicté par l'autorité, le journal Le Globe, publié à Paris, avait prévenu de ses dangers dans son numéro du 31 octobre : ‘ "Il nous appartient à nous qui sommes particulièrement les représentants des classes inférieures de demander si, dans cette circonstance, il a été possible de ne pas sacrifier les intérêts des fabricants à la sécurité publique ? Il nous appartient à nous, défenseurs de tous les travailleurs, des directeurs d'industrie comme des ouvriers des rangs les plus humbles, il nous appartient de demander si en raison de l'augmentation des salaires, le manufacturier pourra trouver l'écoulement de ses produits, pourra soutenir la concurrence de Zurich, d'Elberfeld, des fabriques anglaises ? Le fabricant lyonnais ne sera-t-il point obligé de suspendre ses travaux, de diminuer le nombre des métiers ? [...] Et ce cas échéant, quelle ne sera point la détresse de la classe ouvrière ?" ’ Cette situation restera inextricable ‘ "tant qu'à la politique d'exploitation et de haine, on n'aura pas substitué la politique d'association pour les individus, les classes et les peuples."

L'analyse ressemble fort à celle qu'Arlès-Dufour adresse quelques jours après à Prunelle ; en est-il l'inspirateur auprès de Michel Chevalier, rédacteur en chef du Globe, ou y a-t-il simplement similitude de pensée ?

Malgré toutes les vicissitudes rencontrées sur le chemin de la propagation de la foi, l'avenir reste ouvert pour un nouvel élan ! ‘ "Le Père Enfantin avait toujours été homme du progrès" et "le temps était venu de nous donner en exemple au monde, et de réaliser le monde nouveau de travail et d'amour en qui nous avons foi567."

Cependant, l'observateur privilégié de l'environnement lyonnais et aussi parisien, Arlès-Dufour, croit utile, en ce 28 décembre 1831, de conseiller à Talabot : ‘ "Si le Père Enfantin a l'intention d'envoyer quelqu'un ici, ce doit être un homme fort, mais religieux, capable de moraliser et de relier les prolétaires, mais capable aussi de répondre à des arguties d'avocat568." ’ Nécessité ou précaution personnelle valant simultanément éloignement ? Nécessité en tout cas, car le gouvernement s'inquiète de plus en plus, tant à Paris qu'ailleurs, des agissements des saint-simoniens. Outre des prédications, les voici qui fondent des maisons d'ouvriers et délivrent des secours !

Après quatre ans de tolérance, les autorités excipent inopinément de l'interdiction, prévue par le Code pénal, des réunions dépassant vingt personnes, engagent des poursuites, apposent les scellés salle Taitbout, perquisitionnent et saisissent des archives rue Monsigny, tandis que, dans d'autres salles négligées par l'autorité, se pérennise l'exercice du "culte"... L'instruction du procès va durer six longs mois.

Pendant ce temps, répondant à la demande d'Arlès-Dufour, Enfantin envoie à Lyon deux missionnaires, Ribes et Massol afin de donner un essor accru à l'église de Lyon. Par prospectus, ils en appellent, en février 1832, au ‘ "coeur généreux" ’ des Lyonnais et des Lyonnaises pour venir les rejoindre : ‘ " Notre voix s'adresse à toutes les classes. [...], [à] tous ceux qui, par leur intelligence ou leur activité, leur science ou leur richesse, peuvent contribuer à l'édification du temple nouveau, à la formation de la société nouvelle des travailleurs569." ’ C'est vers ces travailleurs, désormais conscients de la force qu'ils représentent, que les saint-simoniens vont tourner plus directement leurs regards.

C'est également à leur intention que, depuis le 30 octobre 1831, s'adresse un tout nouvel hebdomadaire dominical L'Echo de la Fabrique, le journal des "prolétaires" rappelons-le570. Dès son second numéro du 6 novembre 1831, et tout en se défendant bien fort de partager les doctrines des disciples de Saint-Simon, il reproduit, ‘ "emprunté à l'un de leurs ouvrages" ’, divers passages paraissant "opportuns", et notamment celui-ci : ‘ "Si nous envisageons l'état de la société, nous y remarquons des savans ’ ‘ (sic) ’ ‘ , des industriels, des artistes ; tous sont réduits à des travaux isolés, tous sont privés de la force puissante de l'association571."

Le 18 décembre, dans son numéro 9, il récidive : ‘ "L'homme est né pour l'association ; tous les hommes, individus et peuples, sont solidaires entre eux."

Cette politique de l'association, les saint-simoniens l'ont enfourchée à la suite de ce peintre lyonnais, L'Ange, à qui en revient la paternité, et de Fourier qui l'a faite sienne. Elle est pour eux le remède à tous les maux afin de réaliser le bien-être du peuple, des peuples. Un avenir proche démontrera, du moins dans cette conjoncture, que ce n'est pas la panacée572 ; néanmoins, l'hebdomadaire lyonnais n'en persistera pas moins dans cette voie, à la suite de son confrère parisien. Et pour cause ! Arlès-Dufour s'y emploiera personnellement, d'autant que, faute de moyens suffisants, Le Globe paraît le 20 avril 1832, pour la dernière fois.

Fort curieusement, alors quele journal de la généreuse doctrine sociale est à la veille de clore son apostolique carrière, Ribes, une semaine auparavant, le 14, semblant ignorer cette fin imminente, dresse, à Lyon, la ‘ "liste des personnes dignes de recevoir ’ ‘ Le Globe573" ’ : en tête, Arlès-Dufour, ‘ "bon saint-simonien" ’, puis les noms de Derrion, Reverchon, Cognat, Léon Favre574, Bouvery et Charnier, fondateurs du Mutuellisme, des docteurs Peiffer, Gilibert575 et Terme, adjoint au maire, et même... du préfet Gasparin !

Et, comme pour prendre aussitôt, symboliquement, le relais du journal en voie de disparition, Arlès-Dufour débute sa bénévole collaboration à L'Echo de la Fabrique, dans le numéro 25 du 15 avril 1832576. Quelques jours auparavant, le 1er du mois, l'hebdomadaire a rappelé sa vocation : ‘ "Ferme dans ses principes, rien ne le fera dévier de la route honorable qu'il s'est tracée, et ce sera toujours la digue contre laquelle viendront se briser les efforts de l'égoïsme et de la cupidité. ’" C'est bien de ce bois dont se chauffe notre commissionnaire en soieries. A propos d'une question douanière touchant à la Fabrique, la série d'articles qu'il inaugure est l'occasion pour lui - imprégné du défunt Globe où ‘ "durant seize mois577 [Enfantin aura fait] graver en termes toujours nouveaux la CHARTE D'AVENIR578" ’ - d'en perpétuer les idées, de les appuyer des siennes et d'en apporter de nouvelles.

La date du 20 avril 1832 est doublement tragique pour son ami Enfantin : la mort de sa mère, emportée de façon foudroyante par le choléra dont l'épidémie décime la population, et le terme de ses espérances journalistiques avec le dernier numéro de sa feuille. Outre des articles de Michel Chevalier, de Barrault et de Charles Duveyrier, il y a fait insérer, lyriquement et bien immodestement, un manifeste : ‘ "Au Monde, Moi Père de la Famille Nouvelle..." ’. ‘ "Dieu, soutient-il, m'a donné mission d'appeler le Prolétaire et la Femme à une mission nouvelle" ’ avant d'annoncer, une phase de sa vie accomplie, qu'il se retire du monde avec quarante de ses "fils", ses "enfants". Avant d'achever son écrit, il émet le souhait que ‘ "du milieu de nous, la dernière trace du servage, la domesticité disparaisse."

Et de fait, dans la maison de son enfance, à Ménilmontant, rejointe en compagnie d'un cortège de trois cents personnes, le 22 avril, Enfantin et ses disciples se retirent du monde. Ils sont trente-huit à vivre en reclus, tous ces ‘ "fous de bon vouloir, atteints de la monomanie, des grandeurs et de sacerdotisme579" ’. Selon un horaire rigoureux, ils vaquent, à tour de rôle, aux ‘ "travaux ’ ‘ domestiques ’ ‘ , accomplis sans ’ ‘ domestiques ’ ‘ et sous la ’ ‘ règle ’ ‘ d'une ’ ‘ hiérarchie ’ ‘ toute d' ’ ‘ amour580." ’ Les ‘ "fils rapproprient et réparent581" ’. Lorsque, sous la direction d'Henri Fournel, ils ne sont pas brouetteurs, pelleteurs, terrassiers, jardiniers, peintres - comme Raymond Bonheur582"doué de facilité" ’ -, ils gèrent l'intérieur de la maison selon des attributions variables.

L'on voit ainsi s'illustrer de singulière façon des hommes à l'esprit supérieur et à l'avenir brillant : tels, entre autres apôtres, Michel Chevalier et Holstein frottant le parquet et assurant le service de table ; Charles Duveyrier cumulant les fonctions d'aide-cuisinier et de chef de la musique quand, remplaçant Gustave d'Eichthal et Edmond Talabot - ancien substitut -, il ne lave pas la vaisselle ; Emile Barrault et Duguet - ancien avocat - cirant les bottes ; Terson - ancien prêtre - épluchant les légumes, etc. Quant à Félicien David, réfractaire à ces travaux, il compose des hymnes ou des chants religieux saint-simoniens qui, entrecoupés de lectures, rythment la vie monacale du lever au coucher du soleil.

Autre symbole de leur renoncement au monde, cette prise de l'habit apostolique, au protocole rigoureux, organisée le 6 juin. ‘ "Symbole de la fraternité" ’ que ce gilet incommode se laçant par derrière, ‘ "ayant l'avantage de rappeler chaque fois au sentiment de l'association583" ’, dit Enfantin. ‘ "Signe de paix et d'affranchissement" ’, dit-il encore de ce costume, dessiné par Raymond Bonheur, composé d'une tunique bleue ouverte en coeur, d'un pantalon rouge en hiver et blanc en été, d'un gilet blanc584. Sur ce gilet, le nom brodé en rouge : "Le Père" s'inscrit en grosses lettres sur celui d'Enfantin, ‘ "Le Poète de Dieu" ’ sur celui de Duveyrier, comme il s'est lui-même qualifié, ‘ "toujours prêt à donner une expression, une forme nouvelle aux pensées d'avenir585."

"Un vrai costume d'opéra" ’, juge Hippolyte Castille586. L'enjoué Arlès-Dufour n'est-il pas tenté de penser comme lui et de s'esclaffer devant cette nouvelle excentricité ? Malgré cette mascarade peu digne d'hommes raisonnables, il n'en continue pas moins de ‘ "servir de conseil" ’ aux saint-simoniens lyonnais dans l'attente du procès décidément long à venir. Son aide va être de plus en plus sollicitée.

"Nous avons là une scène plus vaste que jamais, grâce à la publicité des actes de justice. Que nous faut-il de plus587" ’, se réjouit Enfantin. Dans une lettre du 3 août, il adresse ses recommandations à son vieil ami lyonnais : ‘ "Il faudra que nos enfants de province et ceux de Lyon surtout, profitent de la situation où nous mettra le procès, pour se placer en face du monde avec quelque chose de plus neuf à lui dire que ce qu'ils ont puisé jusqu'ici dans nos ouvrages ; nous fournirons, je l'espère, un vigoureux aliment à leur ACTIVITE apostolique.- Dites à Cognat que j'ai été content de sa lettre à d'Eichthal, toutefois en lui recommandant le CALME, vertu SACERDOTALE, et même un peu de PATIENCE, vertu THEOLOGIQUE qui lui manque encore588..."

Enfin, le procès tant attendu débute le 27 août 1832 devant la Cour d'assises. Une foule nombreuse a accueilli le passage et l'arrivée du cortège des apôtres en tenue, descendus à pied de Ménilmontant pour rejoindre le Palais de Justice. A la suite de deux journées d'audience, tumultueuses et émaillée d'incidents provoqués par Enfantin et Duveyrier589 en particulier, le verdict tombe. Il est accueilli avec sérénité par les prévenus. Enfantin, Duveyrier et Chevalier sont condamnés à un an de prison et cent francs d'amende pour infraction à la législation des réunions et outrages à la morale publique et aux bonnes moeurs590 ; la "société dite saint-simonienne", quant à elle, est dissoute. Trois jours après, les condamnés se pourvoient en cassation.

Ainsi que l'écrira Etienne Vacherot, en 1868, : ‘ "les fâcheuses conséquences touchant les relations de sexes qui, avant même d'avoir abouti à une formule dangereuse, indignaient l'opinion publique et inquiétaient les plus ardents disciples, ont pu exercer une certaine influence sur l'issue du procès591..."

Mais, l'essentiel est que ‘ "notre habit soit installé à Paris592." ’ Les apôtres regagnent Ménilmontant pour poursuivre leurs conversations magnifiées, leurs discussions métaphysiques frisant le délire. Pour combien de temps encore ? L'inactivité commence à peser. Quelques-uns, comme Flachat, se retirent "amicalement". Déjà, Barrault avait demandé la dispersion afin de se mêler au peuple : ‘ "Allons à ses ateliers ! " ’ Duveyrier, toujours poètiquement inspiré, lance au Père : ‘ "En Orient ! dit la voix de Dieu, par la bouche de son jeune enfant, le poète, à son jeune Messie593 ! "

Alors, il commence à être ‘ "temps de lancer sur le monde les hommes muris par cette éducation intérieure dont la prolongation commençait à devenir pesante594." ’ D'ailleurs, par la décision judiciaire rendue, la dispersion s'impose. Michel Chevalier est chargé de l'expansion de l'apostolat et de l'organisation des missions en France et à l'étranger. ‘ "Hoart et Bruneau vont montrer à la province notre habit, protégé du souvenir de l'habit militaire, et du prestige de la croix d'honneur sur la poitrine de Bruneau595." ’ Lyon est leur première destination.

Cependant, ‘ "le Palais de Justice est en ce moment notre lieu de prédilection", ’ ‘ constate amèrement Enfantin 596 . Le vendredi 19 octobre, à 11 heures, il y est effectivement de retour, cette fois devant le tribunal correctionnel ; son père adoptif en Saint-Simon, Olinde Rodrigues, est à ses côtés, mais ’ ‘ "toujours aussi éloigné des idées émises par Enfantin597."

Cette nouvelle affaire, sous prévention d'escroquerie, fait suite aux rumeurs calomnieuses ayant entraîné la mise au point du Globe à propos des dons reçus jusqu'au 31 janvier 1831. Avant le mois de décembre 1830, écrivait-il, toutes les dépenses ont été supportées par notre père suprême Enfantin ; elles s'élèvent environ à 14.000 F. Le tableau indiquait ensuite qu'il avait été apporté depuis par Fournel, d'Eichthal, Ollivier, Carnot, Tanson, Bruneau, Lemonnier, Rességuier, Huguet, Drouot, Rodrigues, Pereire frères, Machereau, Holstein, Marie Talon, Rigaud, Reynaud, Michel Chevalier, Arlès, etc. "et divers anonymes" une somme de 344.816 F598. Par bonheur, rapidement, l'issue favorable du procès n'apparaît plus douteuse. ‘ "Déjà même pendant que M. l'avocat du roi récitait son réquisitoire, quelques-uns des apôtres, assis derrière le PERE, écrivaient à leurs amis des départements et des pays voisins de la France qu'un jugement d'acquittement est infaillible599."

Arlès-Dufour qui figure parmi les donateurs est justement du nombre. ‘ "Mon vieux, écrit-il à Hoart qu'il croit à Lyon, le procès marche bien, nous avons l'air d'avoir gagné. Peut-être te le dirai-je en P.S. si j'en ai le temps. Je ne fais que préparer ce petit mot pour que tu es (sic600) des nouvelles de nous aujourd'hui et te tranquilliser aussi ainsi que tous ceux qui t'entourent. Le Père se porte bien, tous nous jouissons d'une très bonne santé et tout à toi [Signé] Arlès. "

Sans commentaire superflu, un P.S. est ajouté : ‘ "Acquitté après dix minutes de délibération601."

Aussitôt, la Famille se réunit, fort joyeusement, dans la grande salle de restaurant du Veau Qui Tette, place du Châtelet - ‘ "couverte de monde602" ’ à cette occasion -, au milieu des vivats et des chants. Arlès-Dufour accompagne-t-il ensuite Duveyrier, d'Eichthal, Lambert, David, Urbain, etc., à l'Opéra ? Ou un autre groupe pour assister aux spectacles populaires sur les boulevards ? Ou se résigne-t-il à se précipiter sur la première diligence et prendre le chemin du retour ? Oui, apparemment.

Sa bonne ville de Lyon retrouve Arlès-Dufour trois jours après. Il l'avait quittée pour assister le Père au cours de cette nouvelle épreuve. Son amitié, son coeur généreux l'y ont sans doute porté. Peut-être aussi, le fait qu'il ait été cité comme témoin, à l'instar de tous ceux qui avaient fait des apports financiers importants, comme don volontaire ou prêt à l'église saint-simonienne ; mais il ne figure pas dans le détail des participations individuelles, seulement divulgué pour des sommes considérables, comprises entre 8.000 et 150.000 F !

Dès son retour, sa lettre précédente parvenue après leur départ de Lyon, il s'empresse de confirmer la bonne nouvelle à ‘ "MM. Hoart et Bruneau, Saint-Simoniens, Poste restante Montpellier603" ’ : ‘ "Le procès est jugé et gagné, mes braves [...]. J'ai écrit le 19604, au Père pour le tranquilliser sur Ribes et lui parler du bon effet de votre passage. Malheureusement, depuis votre départ, la famille est sans vie, faute de direction et de point de réunion... Il est certain que, libre de procès, vous allez marcher vite maintenant, n'était le lourd fardeau du passé qui est un fâcheux embarras. Mais sans doute, cet embarras est providentiel, car il vous force à mûrir bien des choses que vous ne feriez qu'ébaucher si la force majeure ne vous retenait ... [Signé] A-D"

Par lettre du 8 octobre, Michel Chevalier l'avait prévenu de la venue à Lyon de ‘ "Hoart et Bruneaux, les deux capitaines, les deux anciens de la famille, les deux camarades du Père, les deux excellents croyants, hommes graves et bons, ardents, sages" ’. Ils avaient reçu pour ‘ "mission d'aller à Lyon, et de là à Montpellier, montrer l'homme et l'habit nouveaux" ’. Il évoquait ‘ "la tendre affection" ’ dont Arlès-Dufour avait entouré le groupe lyonnais : ‘ "Lyon est devenu digne de recevoir la première mission apostolique" ’ grâce aux efforts de Cognat et Derrion. Mais il ne manquait pas de rendre cet hommage appuyé au destinataire de sa lettre : ‘ "Gloire aussi à vous, mon ami, dont les conseils, la bonté, l'assistance constante en cent façons, ont puissamment contribué à établir cet heureux état de choses" ’. Enfin, annonçait-il, : ‘ "La retraite est finie, nous allons déborder sur le monde" ’, avant de recommander : ‘ "Pensez au ’ ‘ Précurseur605 et à l' ’ ‘ Echo606."

Consigne respectée et, dans ce dernier, daté du 14, Cognat, sous sa signature, invitait les ‘ "membres de la famille saint-simonienne" ’ à ‘ "recevoir dignement" ’, le même jour, ‘ "MM. Hoart, ex-capitaine d'artillerie, Bruneau, ex-capitaine d'état-major et Ribes607, ex-avocat de la cour de cassation" ’, rue Casati, n° 1, à 10 heures du matin. Sur la page suivante, suite à une prière d'insérer venue de Paris, s'étalait le catalogue de la "bibliographie saint-simonienne" : ‘ "Nous avons ’ ‘ donné ’ ‘ nos écrits aussi longtemps que cela nous a été possible, aujourd'hui le temps est venu de les vendre."

L'Echo de la Fabrique est né de l'idée de la nécessaire association des ouvriers ; il souhaite "l'association universelle des travailleurs608". Pour autant, il n'est pas saint-simonien. Tout en le rappelant, son numéro du 21 octobre rend compte du séjour dans la ville de Bruneau et Hoart. Il souligne la ‘ "bienveillance et presque une sympathie générale, auxquelles la population de la capitale ne les a pas accoutumés" ’, rencontrées par les missionnaires auprès de la population ouvrière. Et c'est pour ajouter que l'‘ "on ne peut refuser estime et admiration à des hommes qui, afin de réaliser leurs convictions généreuses, ont quitté des positions brillantes ou aisées pour se faire peuple, c'est-à dire pauvres, misérables, exposés à souffrir la faim, la soif et les injures et forcés au travail609."

"Ce mouvement nouveau a dû vous faire impression ’ ‘ , écrit, dans une nouvelle lettre du 24 octobre 610 , ’ ‘ Michel Chevalier à Arlès-Dufour. Il commence aujourd'hui. Retouret et quelques autres sont déjà, à cette heure, sortis et ils ne rentreront pas ici ce soir." ’ Pour ne citer qu'eux, Duveyrier et d'Eichthal vont suivre, désormais ‘ "indépendants du Père, [allant] au-devant de l'inspiration des FEMMES et de la MERE611" ’...

Et Michel Chevalier, plein d'enthousiasme, poursuit : ‘ "Quant au centre à fonder à Lyon, ce ne sera évidemment que la constatation d'un fait existant. Lyon est la clé de la vallée du Rhône et de la Saône, le centre d'un mouvement industriel colossal qui comprend une vigoureuse population chez qui la foi n'est pas éteinte, et qui s'enflammera instantanément au flambeau étincelant que nous allons faire luire."

Quant à Arlès-Dufour, voici précisément ce que l'on attend de lui : ‘ "Votre rôle à vous, dans tout ceci, prend une gravité considérable. Pendant que les jeunes gens, comme Derrion et ce pauvre Cognat [souffrant] agiront sur les masses et leur communiqueront l'ébranlement avec animation, vous, et les hommes comme Corrèze, comme Decaen, aurez à constituer une sorte d'autorité qui commandera le respect aux ouvriers, dont les voltigeurs sauront se faire aimer, comme de bons enfants.

"D'autre part, auprès des bourgeois, vous serez la garantie des sentiments pacifiques du Père et de ses fils. C'est pour cela qu'il est fort heureux que votre considération auprès d'eux se maintienne et ne change que pour croître. Vous devez à tout prix la soigner."

A ce courrier, deux lettres sont jointes. La première "pour Petetin" ; c'est le rédacteur en chef du journal sympathisant Le Précurseur. Décidément, les relations publiques sont loin d'être négligées... Dans la seconde, à l'intention de Hoart et Bruneau, Enfantin définit but et moyens : ‘ "Il s'agit pour nous d'entrer dans la vie politique pratique ; [...] C'est par le culte et par le nombre [...] que nous devons agir. Le costume et les chants portés et répétés par un grand nombre, voici notre moyen d'action" ’. De fait, les missions venues à pied de Paris vont se succéder, les chants de la famille être entonnés de La Mulatière à La Guillotière, les excentriques costumes défiler dans les rues de la presqu'île et des Brotteaux. La ville est promue quartier général de la religion nouvelle. Arlès-Dufour en devient le chef d'état-major, un chef d'état-major efficace, semble-t-il, néanmoins discret.

Va-t-il seulement avoir le temps de rêver à l'utilisation de cette nouvelle612 et ingénieuse invention du baron de Drais, ‘ "une machine dont le but est de transporter sur le papier, avec une rapidité aussi grande que la parole, un discours quelconque613" ’ ? Il est vrai que, pour le moment, elle ne parvient pas à écrire les mots dans leur orthographe naturelle et ne peut fournir à la fois plusieurs copies...

Notes
499.

Cousin des frères Pereire. Les premiers volumes des Oeuvres de Saint-Simon et d'Enfantin - Notices historiques orthographient ce sous-titre (sans "s") ; cette chose est redressée par la suite. Le volume 1 de ces Oeuvres (224 p.), paraît en 1865, chez Dentu, Paris. Ces Oeuvres seront désormais signalées par l'abréviation "OSSE".

500.

Henry-René d'Allemagne, Les saint-simoniens... , op. cit., p. 13.

501.

Sébastien Charléty, Histoire du saint-simonisme..., op. cit., p. 25. Outre ceux provenant des OSSE, les emprunts à cet auteur et à H-R. d'Allemagne, Les saint-simoniens... , op. cit., ainsi qu'ultérieurement à son second ouvrage Prosper Enfantin et les grandes entreprises du XIX° siècle, op. cit., seront nécessairement nombreux, l'un et l'autre ayant scrupuleusement dépouillé les volumineuses archives saint-simoniennes de la Bibliothèque de l'Arsenal, Paris ; le second en fut d'ailleurs l'archiviste.

502.

Lettre de Saint-Simon, 1810, citée par Sébastien Charléty, Histoire du saint-simonisme..., op. cit., p. 9.

503.

Publié en avril 1825.

504.

Dominique Desanti, op. cit., p. 96.

505.

La présence à cette réunion du "très jeune avocat de 22 ans, Charles Duveyrier" signalée par Desanti, op. cit., p. 97, est sujette à caution. D'Allemagne relève celle de "Duvergier, avocat,". Les Notices des Oeuvres de Saint-Simon..., ne font pas mention de cette réunion. Charléty, Histoire du saint-simonisme... , op. cit., pas davantage, mais cite, parmi les "fidèles" du moment, le "juriste Duvergier". En note, p. 26, il précise à propos de la Caisse hypothécaire : "Enfantin en devint le caissier, le président du conseil d'administration était Duvergier père." Cette dernière affirmation semble, elle aussi, erronée. Selon J. de Lander, La famille du Veyrier - Généalogie et historique, 1990, h.c., Honoré Duveyrier, père de Charles, était "commissaire du roi auprès de la Caisse hypothécaire". Les Notices historiques précitées (Vol. 2, p. 113) spécifient que "la proclamation de la hiérarchie eut lieu le 31 décembre [1829] dans l'appartement de Duveyrier" et ajoutent, en note, "A la Caisse hypothécaire, auprès de laquelle M. Duveyrier père remplissait les fonctions de commissaire du gouvernement". Mais, en 1825, le personnage de Charles Duveyrier - effectivement avocat - n'est pas encore apparu, semble-t-il, au premier plan et sa présence, ici, reste incertaine.

506.

OSSE, Vol. 1, p. 137. Il convient de préciser toutefois que le nom d'Arlès-Dufour est cité en page V en tant que légataire universel, selon l'extrait des instructions testamentaires d'Enfantin. Les Notices historiques consacrées à Saint-Simon puis à Enfantin occupent 13 des 47 volumes de cette collection.

507.

OSSE, Vol. 3, p. 174.

508.

Pour mémoire, Arlès-Dufour fait remonter cette rencontre à 1817 (Cf. chapitre II - L'errance allemande).

509.

OSSE, Vol. 2, p. 101, et F. Rude, "Les saint-simoniens et Lyon", art. cit., p. 331.

510.

Lettre du 20 avril 1822 à Pichard à Lausanne, ancien camarade de Polytechnique (OSSE, Vol. 1, p. 139, et Vol. 24, p. 10).

511.

Catéchisme des industriels, XXI. Cité par d'Allemagne, Les saint-simoniens... , op. cit.

512.

OSSE, Vol. 1, p. 142.

513.

Ibid.

514.

Lettre du 23 août 1825 (OSSE, Vol. 1, p. 156).

515.

Id. (Ibid., p. 157).

516.

Cité par d'Allemagne, Les saint-simoniens, op. cit., p. 35.

517.

Lettre d'Enfantin, 2 février 1826, à Pichard (OSSE, Vol. 1, p. 164).

518.

Ibid., p. 165.

519.

Schismes de Buchez, Bazard, Rodrigues.

520.

S. Charléty, Histoire du saint-simonisme, op. cit., p. 31.

521.

Selon d'Allemagne, Les saint-simoniens, op. cit., pp. 35-36 ; en octobre 1826 selon Charléty, op. cit., p. 45.

522.

Lettre d'Enfantin, 6 janvier 1828, à Resseguier (OSSE, Vol. 1, p. 217).

523.

Lettre au docteur Bailly à Constantinople (OSSE, Vol. 2, p. 160).

524.

Sous la réserve de la note supra.

525.

George Sand, Correspondance, V, pp. 145-146, cité par Charléty, Histoire du saint-simonisme, op. cit., p. 72.

526.

Frère d'Olinde Rodrigues, également saint-simonien.

527.

OSSE, Vol. 2, p. 61.

528.

Copie de notes prises par ma mère... sur la vie de notre père François Arlès-Dufour par Adélaïde, épouse MauriceEX \f nom «Chabrières (Adélaïde)», cité (Archives familiales).

529.

C.[ésar L['Habitant], op. cit., p. 48.

530.

Préfet Rude, Commémoration du centenaire de la S.E.P.R., op. cit.

531.

Après avoir participé en 1826 à la rédaction du Producteur, Decaen s'était établi comme manufacturier dans les environs de Lyon (OSSE, Vol. 3, p. 174).

532.

F. Rude, "Les saint-simoniens et Lyon", art. cit., p. 330-331.

533.

Collaborateur d'Arlès-Dufour, dans son activité de commissionnaire en soie, déjà mentionné dans une lettre de celui-ci, datée de Portsmouth "septembre 1828". Cf. note VI - La découverte de l'Angleterre.

534.

F. Rude, "Les saint-simoniens et Lyon", art. cité supra, p. 332.

535.

Lettre du 20 juin 1830 (OSSE, Vol. 2, p. 176).

536.

OSSE, Vol. 2, p. 153 & s.

537.

Lamoricière, polytechnicien, futur créateur des Bureaux arabes pour administrer et protéger les Algériens, futur général.

538.

Initiative de Victor Augier (père d'Emile) et accord personnel du saint-simonien Laurent, en raison de l'absence de reprise, toujours différée, du Producteur, et sous la condition de réserver plusieurs colonnes aux matières philosophiques développées par Enfantin et Bazard entre autres. Finalement, le journal devint la propriété des seuls saint-simoniens, son premier numéro paraît le 15 août 1829, le dernier le 15 août 1831.

539.

Appel de fonds d'Enfantin à Dufresne, Vieillard, Thibaudeau "restés étrangers à la doctrine" de janvier 1830 (OSSE, Vol. 2, p. 140).

540.

H.-R. d'Allemagne, Les saint-simoniens, op. cit., p. 116. Les trois derniers, futurs saint-simoniens.

541.

Lettre de Michel Chevalier, ? janvier 1832, à M. de Latouche, rédacteur du Figaro en riposte aux attaques de ce journal (OSSE, Vol. 5, p. 99).

542.

OSSE, Vol. 3, p. 57.

543.

OSSE, Vol. 5, p. 222.

544.

Arlès-Dufour figure également parmi les titulaires de titres de rente saint-simonienne, selon H.-R. d'Allemagne, in Supplément - Fonds Enfantin au Catalogue.., op. cit., p. 92.

545.

Cessation de parution le 20 avril 1832.

546.

OSSE, Vol. 2, p. 185. Pour mémoire, la démarche personnelle, à l'Hôtel de Ville, de l'ex-carbonaro Bazard, en compagnie de Michel Chevalier, auprès de son ancienne relation Lafayette. "Ma foi, si vous m'aidez à me tirer de là, vous me rendrez un grand service" lui répondra celui-ci, selon Enfantin à Ste Pélagie le 5 janvier 1833. Ibid. p. 197.

547.

La typographie a été, ici, respectée. Sur les "conventions typographiques" des saint-simoniens, cf. notes de Philippe Régnier, in Le Livre Nouveau des Saint-Simoniens, op. cit., p. 321.

548.

OSSE, Vol. 2, p. 223 et s.

549.

OSSE, Vol. 7, p. 182.

550.

OSSE, Vol. 2, p. 8.

551.

La "famille" avait été organisée hiérarchiquement en mars 1830, les premiers disciples formant le "Collège" secondé par deux puis trois "degrés", classés selon leurs capacités.

552.

OSSE, Vol. 3, p. 173.

553.

Lettre de Jean Reynaud, ? mai 1831, à Charton (OSSE, Vol. 3, p. 143).

554.

Sébastien Commissaire, op. cit., p. 33.

555.

Lettre de Jean Reynaud, ? mai 1831, à Charton, citée supra.

556.

H.-R. d'Allemagne, Les saint-simoniens, op. cit., p. 152.

557.

Il y fonde même un hebdomadaire L'Organisateur belge qui paraîtra du 29 mai au 27 novembre 1831.

558.

Lettre d'Enfantin, ? juillet 1831, à Arlès-Dufour (OSSE, Vol. 3, p. 174).

559.

Lettre d'Enfantin, 15 novembre 1828, à Duveyrier, citée par S. Charléty, Histoire du saint-simonisme, op. cit., p. 126, selon OSSE, Vol. 25, p. 99.

560.

H.-R. d'Allemagne, Les saint-simoniens, op. cit., p. 216.

561.

A ce moment, après le décès de leur premier enfant Clarisse (°28/8/1825, +15/9/1828), le couple Arlès-Dufour a deux enfants : Gustave (né le 12 février 1829) et Adélaïde (née le 28 octobre 1830).

562.

OSSE, Vol. 5, p. 2.

563.

Ibid., p. 39.

564.

Cité par S. Charléty, Histoire du saint-simonisme, op. cit., note 3, p. 105.

565.

Ibid.

566.

Lettre de Peiffer, 24 novembre 1831, à Enfantin (H.-R. d'Allemagne, Les saint-simoniens, op. cit., p. 140).

567.

Circulaire à la famille saint-simonienne des provinces et de l'étranger (OSSE, Vol. 5, p. 4 & 6).

568.

Rude, Commémoration centenaire SEPR, citée, et H.-R d'Allemagne, Les saint-simoniens, op. cit., p. 147, selon ARS 7645/352.

569.

Le Globe, 17 février 1832, cité par d'Allemagne, Les saint-simoniens, op. cit., p. 147.

570.

Cf. VII - L'antidote à la pauvreté.

571.

L'Echo de la Fabrique, 6 novembre 1831.

572.

Ibid., 12 février 1832, par exemple.

573.

F. Rude, Commémoration centenaire SEPR, cité, et "Les saint-simoniens et Lyon", Actes du 89° Congrès..., cité, p. 337.

574.

Frère aîné de Jules Favre. Il publiera divers articles dans L'Echo de la Fabrique.

575.

Cf. I - L'enfance, "la jeunesse et la misère".

576.

La paternité de cet article, sans aucune signature ni initiales, est attribué à Arlès-Dufour dans la table des matières arrêtée au numéro du 31 décembre 1832. Pour mémoire, nous avons déjà parcouru deux de ses articles à propos de l'Ecole de la Martinière in VII - L'antidote à la pauvreté.

577.

En fait, plus de dix-sept...

578.

Manifeste d'Enfantin dans le dernier numéro du Globe du 20 avril 1832.

579.

Maxime Du Camp, Souvenirs d'un demi-siècle, op. cit., t. 1, p. 62.

580.

Lettre de Stéphane Flachat à Holstein, dépêché par Enfantin auprès de son père, à Genève, pour l'aider à surmonter le deuil de sa femme (OSSE, Vol. 6, p. 242).

581.

OSSE, Vol. 6, p. 232.

582.

Père de Rosa Bonheur.

583.

H.-R. d'Allemagne, Les saint-simoniens, op. cit., p. 281 - A propos de ce costume, cf. ibid. pp. 281-285.

584.

Chacune de ces couleurs est également symbolique, selon Maxime Du Camp, Souvenirs Littéraires, op. cit., p. 413.

585.

OSSE, Vol. 8, pp. 64-65

586.

Hippolyte Castille, op. cit., p. 20. Cet auteur remarque en note : "Chose assez singulière, c'est que l'armée a adopté la ceinture, la tunique et le pantalon rouge des saint-simoniens, et qu'aujourd'hui beaucoup d'hommes du monde portent la barbe longue."

587.

Lettre du 6 août 1832 à Decaen (OSSE, Vol. 7, p. 195).

588.

Lettre d'Enfantin, 3 août 1832, à Arlès-Dufour (OSSE, Vol. 7, p. 193).

589.

"Vingt ans après, le magistrat qui avait rempli les fonctions du ministère public reconnaissait : "En portant la parole contre les saint-simoniens, j'ai cru remplir un devoir, non seulement officiel mais de conscience. Je voyais clairement le danger de leurs doctrines ; et cependant, personne ne rendait plus justice que moi à l'élévation de leurs idées, à la générosité de leurs sentiments. - Pour ce qui est de M. Duveyrier en particulier, je n'hésite pas à vous dire que jamais parole, ni au barreau, ni à la tribune, n'a produit sur moi une impression comparable à celle que m'ont fait éprouver les deux discours prononcés par lui dans cette circonstance." (OSSE, Vol. 7, note p.239).

590.

Entre autres articles reproduits dans Le Globe : "Relations de l'homme et de la femme" d'Enfantin (n° du 19 février 1832) et "De la femme" de Duveyrier (n° du 12 janvier 1832). Dans ce dernier, on pouvait lire : "...On verrait des hommes et des femmes unis par un amour sans exemple et sans nom, parce qu'ils ne connaîtraient ni le refroidissement ni la jalousie ; des hommes et des femmes qui se donneraient à plusieurs sans jamais cesser d'être l'un à l'autre, et dont l'amour serait au contraire comme un divin banquet augmentant de magnificence en raison du nombre et du choix des convives [...] la salle sera devenue la maison du Seigneur [...] le bal sera la Sainte-Communion." ! Cité par H.-R. d'Allemagne, Les saint-simoniens, op. cit., p. 236.

591.

Etienne Vacherot, "La crise religieuse au XIX° siècle", Revue des Deux Mondes, 15 octobre 1868.

592.

Lettre d'Enfantin, 2 septembre 1832, à son père (OSSE, Vol. 8, p. 33).

593.

ARS 7641/236, cité par H.-R. d'Allemagne, Les saint-simoniens, op. cit., p. 314.

594.

Lettre de d'Eichthal, ? octobre 1832, à Laurent, retiré à Bourg-Saint-Andéol (OSSE, Vol. 8, p. 43).

595.

Ibid., p. 45.

596.

Lettre d'Enfantin, 6 octobre 1832, à son père (ARS 7668, citée par H.-R. d'Allemagne, Les saint-simoniens, op. cit.).

597.

Propos du 14 (?) novembre 1832 tenu par Rodrigues à Alexis Petit (OSSE, Vol. 8, p. 179).

598.

OSSE, Vol. 5, p. 221 et 222. La liste des donateurs n'a pas été reproduite intégralement dans le texte ci-dessus.

599.

OSSE, Vol. 8, p. 105. Id. OSSE, Vol. 47, p. 545.

600.

Exceptionnelles sont les fautes d'orthographe commises par Arlès-Dufour, celle-ci due à la hâte de rassurer ses amis lyonnais...

601.

Lettre d'Arlès-Dufour, 19 octobre 1832, à Hoart (ARS 7688).

602.

OSSE, Vol. 8, p. 107.

603.

Cette lettre du 22 octobre 1832 (ARS 7688) a été réexpédiée à Castres.

604.

Cette date semble erronée, puisque ce jour là, il était aux côtés d'Enfantin selon lettre supra. A moins que cette lettre ait été écrite après l'avoir quitté. Dans sa réponse, Chevalier reprend cette date.

605.

Journal "récemment acquis à l'opinion républicaine", selon L'Echo de la Fabrique du 6 janvier 1833 qui cite Lortet, ami d'Arlès-Dufour, parmi ceux favorables à cette opinion.

606.

OSSE, Vol. 8, pp. 97-99.

607.

"Resté malade en cours de route" (L'Echo de la Fabrique du 21 octobre 1832). Ce journal juge leur costume "très gracieux et commode".

608.

"Lyon - A nos concitoyens", L'Echo de la Fabrique, 9 septembre 1832

609.

"Nous ne comprenons pas la religion saint-simonienne et ne croyons pas que du chaos qui règne en matières religieuses puisse sortir une religion nouvelle et générale", ajoute le journal.

610.

Et non le 25, comme daté par erreur in OSSE, Vol. 8, p. 121, selon les termes de cette lettre.

611.

Lettre de d'Eichthal et Duveyrier, 9 novembre 1832, à Hoart (OSSE, Vol. 8, p. 164), typographie respectée.

612.

Avec celle des "vélocipèdes".

613.

L'Echo de la Fabrique du 14 octobre 1832.