XVI - DES BALLES ET DES BOULETS...

L'exposition des produits des fabriques étrangères passée, la rédaction de son Mot sur les fabriques étrangères... achevée, l'ouvrage publié, après tant d'efforts dans ce domaine comme en bien d'autres, Arlès-Dufour poursuit sa tâche à la Chambre de commerce, en pleine maîtrise de son talent, sans défaillance, possédé du désir de convaincre avec toujours la même passion.

En 1835, en vertu des articles 1er et 9 de l'ordonnance royale du 16 juin 1832, il fait partie du tiers sortant de la juridiction consulaire. Sous le numéro 34, parmi les quarante notables votants, il participe aux opérations de renouvellement qui se déroulent, le 6 juillet, dans la salle de la Bourse, au Palais du Commerce et des Arts. Les sortants se représentent. Pour un exercice de trois ans, commencé le 1er juillet 1835, ils sont réélus, avec des fortunes diverses : Laurent Dugas, président sortant, avec 39 voix, Arlès-Dufour et F. V. Beaup avec 33 voix, Vachon-Imbert 23, Chaurand 22. S'il s'était fait représenter par M. Valois, conseiller de préfecture lors de ces élections, le préfet J.C. Rivet est présent, le 16 juillet, pour l'installation de la nouvelle Chambre. Il vient de succéder à Gasparin, nommé ministre de l'Intérieur. On ne sera pas étonné du retour de Laurent Dugas à la présidence, de Vachon-Imbert au poste de secrétaire-trésorier, d'Arlès-Dufour à la commission des manufactures, aux côtés de Brosset, Goujon, Berne, Reverchon et Sabran-Berna.

Depuis quelque temps, une nouvelle émeut la ville. Le bon fonctionnement de son commerce risque d'en ressentir les conséquences nuisibles : la malle-poste de Paris à Marseille supprimerait son passage entre Rhône et Saône ! A cette même séance du 16 juillet, le préfet ordonne d'urgence une conférence, pour profiter du passage à Lyon de l'inspecteur des finances. En compagnie de cette personnalité et du directeur des postes, dès le surlendemain, à quatre heures du soir, le président Dugas, Arlès-Dufour et Chaurand sont chargés de débattre de cette question. Toutes affaires cessantes...

En août, nouveau voyage en Angleterre. Le 3 septembre, le voyageur rend compte à la Chambre des observations qu'il a recueillies. Un autre rapport suit, le 19 novembre 1835, toujours du même, sur la situation locale du commerce et de l'industrie ; un bilan, somme toute, satisfaisant et prospère. Depuis la terrible crise de novembre 1831, notamment depuis 1833, constate Arlès-Dufour, la tendance aux établissements dans la campagne s'est constamment développée - soit 3 à 4.000 -, sans pour autant se faire au détriment de la cité. Les débouchés étrangers sont énumérés. Arrivent en tête, et de loin, les Etats Unis, aux besoins toujours plus importants, où règne un ‘ "mouvement extraordinaire d'affaires et de spéculation" ’. Mais une crainte est, à nouveau exprimée, à propos des effets néfastes pouvant découler de perturbations venues d'Outre-Atlantique : "Les crises commerciales des Etats-Unis nous sont plus funestes que celles de la France." Aussi, la nécessaire liberté commerciale à promouvoir n'est pas, cela va de soi, absente du discours... Avec une évidente satisfaction, l'amélioration de la situation des ouvriers est relevée : ‘ "Le prix de la main d'oeuvre a dépassé, pour la majeure partie des articles, le taux du malheureux tarif de novembre 1831, tarif que cependant les ouvriers avaient à peu près fait eux-mêmes. Le prix du pain et du vin, joint à la rétribution élevée de la main d'oeuvre, permet à l'ouvrier de vivre convenablement, de payer les dettes contractées dans les moments de détresse, et à beaucoup de faire même des économies." ’ La progression notable des dépôts à la caisse d'épargnes (sic) en est le témoin.

Enfin, et pour la première fois, un sujet est directement abordé auprès de l'autorité de tutelle, celui des moyens de communication ; leur développement, dans les pays importateurs de soieries lyonnaises, n'est pas étranger à leur mouvement ascendant : ‘ "Ces résultats sont tout à fait conformes à la conviction où nous sommes que [...] spécialement l'ouverture de chemins de fer sur les continents et l'établissement des bateaux et navires à vapeur sur les fleuves et sur les mers doivent bientôt exercer une influence plus ou moins directe, moins infaillible, sur les progrès du travail, de la richesse, et du bien-être des peuples921 . ’ ‘ "

Indépendamment de certaines questions d'importance sur lesquelles nous reviendrons plus loin, le rédacteur enthousiaste ajoutera de nouvelles études, dans le cadre de la commission des manufactures ou de commissions spéciales, sur les sujets les plus variés : origine de pièces de laine saisies, levée éventuelle de la prohibition sur les fils de laine, nouveaux procédés - ou revendiqués tels - de tirage de fils de soie, de teinture, de fabrication des étoffes, ou encore ‘ "afin d'augmenter la puissance de la mécanique Jacquard" ’.

A la fin de 1836, après cinq ans d'exercice, l'opiniâtre élu consulaire voit ses efforts pour la défense du commerce lyonnais couronnés à leur juste mérite. Déjà porté au Conseil général du commerce en décembre 1835 par les soins de la Chambre de commerce, celle-ci souhaite faire maintenant de lui - avec Fulchiron, député du Rhône - son élu au Conseil supérieur du commerce.

L'origine de cet organisme prépondérant remonte à Colbert qui l'a créé en 1664 ; des délégués de villes manufacturières y siégeaient ainsi que des fonctionnaires royaux. Un arrêté du 29 juin 1700 avait créé le Conseil général du commerce et limité sa composition à douze négociants dont un de Lyon922. En 1831, l'ordonnance royale du 29 avril réorganisait les organismes représentatifs des activités économiques du pays ayant en charge, à titre consultatif, la législation commerciale et douanière : les Conseils généraux du commerce, des manufactures et de l'agriculture et, plus important qu'eux, le Conseil supérieur du commerce923. Un poste qui siérait à merveille à Arlès-Dufour !

Il convient d'ailleurs de reconnaître que c'est lui-même qui, au cours de la séance du 10 novembre 1836, signale à l'attention de la Chambre la vacance de deux postes dans cette dernière instance ; il va même plus loin en suggérant que Fulchiron fasse, pour ce mandat, le sujet d'un voeu formel au ministre du Commerce. Le courrier du 24 novembre emporte le voeu unanime de la Chambre au ministre ; un autre l'accompagne, cette fois à l'adresse du député du Rhône : ‘ "[...] si, en raison de l'importance de la ville de Lyon, tant sous le rapport de son commerce que de sa population, M. le Ministre trouvant bon qu'elle comptât deux organes dans le Conseil supérieur, vous consultait sur le choix du collègue à vous donner ; [...] si la première condition de cette candidature n'était pas d'appartenir à la Chambre des Pairs, à la Chambre des députés ou au Conseil d'Etat, cercle dans lequel le gouvernement paraît jusqu'à présent s'être renfermé, nous serions jaloux d'y voir appelé M. Arlès-Dufour, notre collègue et notre délégué [sic] au Conseil général du commerce. Vous le connaissez assez pour savoir combien il y serait convenablement placé. C'est une idée que nous vous soumettons avec confiance924."

Deux ans avant, le sort avait été favorable à Arlès-Dufour en ne le désignant pas, le 29 mai 1834, parmi le tiers sortant de la Chambre de commerce de Lyon. Le 17 juillet suivant, il est tout naturellement réélu au sein de la commission des manufactures. Au cours de la même séance, il n'est vraisemblablement pas surpris du contenu de la lettre du préfet du 1er du même mois dont il est donné connaissance. Elle porte sur la question de savoir "s'il y aurait convenance, avantage et opportunité au rétablissement d'un comptoir d'escompte à Lyon."

Fort curieusement, dans cette ville à l'ancestral passé bancaire et commercial, initiatrice de l'usage des "quatre paiements" pratiqué dans la Loge des changes - l'oeuvre de Soufflot -, un organisme de l'espèce, créé par décret impérial du 24 juin 1808, avait vite cessé d'exister. "Cette succursale de la Banque de France avait été liquidée avec perte925" et supprimée par ordonnance royale du 5 février 1817926. Le souvenir des assignats restait tenace dans les mémoires devant la monnaie de papier. Quelques années plus tard, la Chambre de commerce de Lyon, elle-même, repoussa, en 1822, une nouvelle tentative d'établir ‘ "une banque ou comptoir d'escompte" ’, sous la pression, vive et prompte, des négociants de la ville. Ils étaient intervenus auprès d'elle, le 5 décembre, le jour même de la délibération prévue, ‘ "pressés par le temps et justement alarmés d'une pareille mesure927" ’ : ‘ " [...] Non seulement un établissement de ce genre ne serait pas utile au commerce de Lyon mais, au contraire, [...] lui serait très nuisible, et même dangereux" ’. Un mémoire daté du 20 décembre 1820 avait déjà usé des qualificatifs de "dangereux" et d'"inutile", assurant que ‘ "les capitaux ne manquent jamais aux affaires928" ’... Malgré cette opposition sans réplique, les études pour parvenir à ce but ne cessèrent pas.

A leur propos, et pour une période apparemment voisine de 1834, l'historien de la Banque de Lyon, Louis de Larrard fait état - hélas sans référence - du résultat de ses recherches. ‘ "Nous avons retrouvé, explique-t-il, une dissertation, malheureusement anonyme, dans laquelle un économiste local, certainement très averti des besoins commerciaux de sa ville, expose avec un luxe de détails un peu prolixe que, non seulement l'établissement d'une Banque à Lyon ne serait pas ’ ‘ dangereux929, mais qu'il y trouverait les éléments d'une durable prospérité." ’ Des extraits de cette "dissertation" sont cités. Quelques-uns retiennent particulièrement notre attention ; nous les reproduisons à notre tour, en partie, : ‘ "Les capitaux qui circulent dans le commerce consistent en marchandises, en lettres et billets de change, en billets à ordre et en numéraire ; ’ ‘ [...] c'est l'échange de ces valeurs entre elles qui constitue le Commerce, car toute opération de commerce n'est qu'un échange ; dès lors, tout ce qui contribue à la rapidité et à la multiplicité des échanges est favorable au commerce. [...] En commerce, [le principe], c'est d'atteindre la plus grande somme d'opérations avec un moindre capital ; en d'autres termes, c'est d'échanger les capitaux dans toutes les circonstances favorables." ’ Achevant citations de cet écrit et commentaires personnels, Larrard complète : ‘ "En terminant son plaidoyer, notre auteur affirme sa foi libre-échangiste et exprime le voeu "que la France renoncera bientôt à un système de prohibition qui, sous prétexte de favoriser l'industrie, ne fait qu'entraver le commerce et qu'il en résultera avec l'étranger de nouveaux échanges, éléments de travail et de prospérité pour Lyon et pour le Comptoir d'escompte qui y sera établi."930"

Est-il aventureux de faire le lien entre cet "économiste local", ‘ "très averti des besoins commerciaux de la ville" ’, "prolixe", à la ‘ "foi libre-échangiste" ’, prêchant en faveur du commerce et de la banque, comme on le lit, et le saint-simonien Arlès-Dufour ? Organiser la banque ! Elle, ‘ "le germe d'une institution directrice, d'un véritable gouvernement de l'industrie. Ce sont les banques qui devront donner à l'industrie une vie unitaire et sociale" ’ ; ainsi l'imprimait Le Globe de 1831931. Auparavant, dans Le Producteur, Enfantin avait affirmé : ‘ "Dans une situation industrielle, le grand problème à résoudre est celui de la circulation. La circulation est d'autant plus parfaite que les produits passent plus rapidement de mains en mains932."

D'autre part, ne perdons pas de vue que le saint-simonien lyonnais se double d'un professionnel de la soie à l'échelle au moins européenne et américaine. Comme ses confrères, son négoce l'amène, nous l'avons vu933, à pratiquer de véritables opérations de crédit et à faire office, dans une certaine mesure, de banquier934. Les besoins d'argent sont élevés, à divers stades et en certaines périodes de l'année, tant pour les uns que pour les autres. En outre, ‘ "la grande valeur de la matière première935" ’ - soulignée à plusieurs reprises dans Un mot sur les fabriques... - nécessite des capitaux importants. L'auteur de cet ouvrage en donne un ordre de grandeur dans son rapport au nom de la commission des manufactures le 19 novembre 1835. Ce rapport est adressé par la Chambre de commerce au préfet : ‘ "3.600 à 4.000 F le quintal [de soie], tandis que la valeur moyenne d'un quintal de coton filé est de 3 à 400 F et celle d'un quintal de laine filée de 5 à 600 F936."

Ne peut-on donc pas être perplexe devant cette concordance d'éléments qui porterait à penser qu'Arlès-Dufour est l'initiateur du comptoir d'escompte qui va voir le jour ? Serait-il exagéré de considérer que, dans ce domaine, comme dans celui du libre-échange, surmontant obstacles et réticences, il a amené l'illustre et ancienne compagnie à revenir sur une opinion bien ancrée ? Même si cette supposition peut être accueillie avec réserves, même si la monographie de Louis de Larrard ne mentionne pas son nom937, il n'est pas douteux qu'Arlès-Dufour se préoccupa fort - également ! - de cette création. Ce ne sera pas la dernière fois que, pour l'intérêt général et selon ses vues, sans apparaître au premier plan, il oeuvre dans la coulisse, à l'écart de toute publicité, laissant aux autres le devant de la scène et le mérite de l'initiative. Quoi qu'il en soit, l'auteur des cinq longues pages de critiques et de suggestions des statuts, article par article, faisant l'objet d'un projet de lettre au préfet, daté du 7 avril 1835, n'est autre que lui938 ! L'écriture fine, encore relativement facile à lire, est irréfutablement celle que nous lui connaissons bien.

Pour parvenir à cette phase consensuelle à propos du rétablissement éventuel du comptoir d'escompte, quelles qu'aient pu être l'influence et l'estime réciproques d'Arlès-Dufour et du préfet Gasparin, les choses sont rondement menées. Les documents transmis par ce haut fonctionnaire - dont un ‘ "mémoire [...] récemment reçu sur cette question939" ’ - sont mis à la disposition des membres de la Chambre le 17 juillet 1834, à l'appui de sa consultation. Une discussion générale s'engage aussitôt ; afin de statuer définitivement, elle reprend, comme prévu, lors de la réunion suivante du 31. Arlès-Dufour qui, le même jour, souhaite présenter son projet de notice pour "son" exposition, est bien sûr présent. Le président Dugas, nouvellement réélu, pose deux questions. La première est de savoir si ‘ "l'établissement d'un comptoir d'escompte offre [...] au commerce des avantages supérieurs aux inconvénients qui ’ ‘ peuvent s'y rattacher." ’ Mise aux voix, elle est résolue affirmativement. L'autre concerne les bases de son organisation. Elle est estimée être du seul ressort des auteurs du projet qui doivent le compléter par l'exposé des moyens d'exécution. Une lettre n° 410 du 27 août apporte cette réponse au ‘ "pair de France, conseiller d'état et préfet du Rhône" ’.

Me Casati, notaire place des Carmes, déjà rédacteur du projet de statuts de 1822, se remet à l'ouvrage ; il adresse sa nouvelle copie à M. Delahante, receveur général des finances, et tous deux se préoccupent déjà de trouver la personnalité indiscutable qui assumera la future gestion administrative. Emilien Teissier sera le directeur de la Banque de Lyon - puis de la Banque de France à Lyon, jusqu'en 1866940 année de sa mort. Raoul de Cazenove décrira comme suit cet allié de sa famille, de celles de Devillas, Belz et Brölemann, et aussi d'Arlès-Dufour par ces derniers, : " [...] homme d'une grande capacité et du plus honorable caractère. [...] abord un peu froid, stiff [guindé] ; on l'estime et on l'aime beaucoup, mais on le craint un peu941." Evidemment, avant qu'Emilien Teissier puisse exercer ses talents, de nombreux impératifs demandent à être respectés, législatifs et pratiques.

Sur ce second plan, le projet commande l'existence d'un local dans l'Hôtel de Ville ou dans le Palais Saint-Pierre ‘ "pour la plus grande surveillance et sûreté de cet établissement942" ’. Suite à leur courrier du 12 novembre, Laurent Dugas et F V. Beaup, président et membre de la Chambre de commerce, obtiennent de la municipalité, par un arrêté du 20 même mois, l'usage gratuit des parties disponibles de l'Hôtel de Ville pendant dix-huit mois, puis au Palais des Arts943. Au vrai, peu de difficultés étaient prévisibles de la part d'une municipalité dirigée par le docteur Prunelle secondé par son secrétaire, le docteur Terme, - tous deux amis d'Arlès-Dufour - et comprenant des adjoints comme Vachon-Imbert, secrétaire-trésorier de la Chambre de commerce, ou Arthur de Cazenove, fils de Quirin qui avait été membre du Comptoir d'escompte de la Banque de France, en 1811-1812.

Quant aux statuts, conformément au paragraphe 7 de l'ordonnance royale de 1832, leur projet doit être soumis, pour avis, à l'examen de la Chambre de commerce. Adressé par le préfet, le 7 mars 1835, il fait l'objet de trois délibérations des 12, 18 et 20 mars944 ; à ces deux dernières séances extraordinaires, comme à la précédente, Arlès-Dufour n'est sûrement pas le dernier à multiplier ses observations dans la discussion ‘ "approfondie et prolongée945" ’ qui entoure l'analyse du texte et l'élaboration des modifications proposées. ‘ "Cette question était en effet, une des plus délicates qui pussent être présentées aux méditations d'une Chambre de commerce" ’, arguera-t-elle pour justifier du retard de sa réponse au préfet en date du 7 avril, selon - presque - les termes empruntés au brouillon d'Arlès-Dufour946 : une rédaction, longue et complexe en effet, nourrie d'une partie de sa prose et, beaucoup, de ses réflexions. Pourtant, il n'apparaît pas parmi les signataires des statuts947, dans les bureaux de Delahante, le 22 juin 1835. Son nom ne figure pas davantage aux côtés de ceux des membres du Conseil général de la Banque de Lyon, auteurs de la lettre au maire du 6 août de la même année948, pour rappeler les buts poursuivis et souhaiter d'urgence l'installation du comptoir "dans des boutiques" du Palais Saint-Pierre. L'avant-veille, Le Courrier de Lyon avait publié, avec le texte de l'ordonnance de Louis-Philippe du 29 juin les approuvant, les statuts de la banque, constituée au capital de deux millions divisé en 2.000 actions de mille francs et dotée d'un privilège de vingt ans. Toutefois, en raison des nombreuses nécessités de la mise en place de l'organisation administrative, la Banque de Lyon ne peut débuter ses opérations qu'à partir du 1er octobre 1836. Au 31 décembre, son budget, certifié véritable par son directeur, Emilien Teissier, s'élève à 9.501.983, 07 F949.

Lors de la délibération du 20 mars 1835 consacrée à l'étude des statuts, la garantie, exigée par les articles 31 et 35 des statuts, de vingt actions de la Banque pour les régents et censeurs, et de dix pour les membres du Conseil d'escompte avait été jugée excessive et devoir être réduite de moitié. Il était estimé ‘ "que le choix à faire pour les régents, censeurs et négociants notables, ’ ‘ membres du conseil d'escompte, devant porter sur les plus capables parmi les intéressés, et non pas seulement sur les plus intéressés, il pourrait arriver que le choix à faire fut trop restreint à cause du nombre des actions exigées pour ces fonctions950" ’. L'organisme consulaire ne fut pas entendu.

Le 30 octobre 1836, sur son Livre particulier, Arlès-Dufour porte très précisément en dépenses une somme de 20.122,65 F951. Son objet ? L'achat de 20 actions de la Banque de Lyon, montant de la garantie exigée du régent et des censeurs. Non seulement réputé être - à juste titre semble-t-il - ‘ "l'un des fondateurs de ’ ‘ la Banque de Lyon952" ’, le voici, en charge de veiller à l'exécution de ses statuts et règlements. L'un des trois premiers censeurs de la nouvelle Banque de Lyon, c'est lui953 !

L'année 1837 s'ouvre sous les meilleurs auspices et, dès ses premières semaines, semble pressée de vouloir le combler. En janvier, malgré les incertitudes liées à la crise américaine, il consacre 21.750 F à l'achat de 15 nouvelles actions de la Banque de Lyon954.

Le mois suivant, à l'âge de quarante ans, il est fait chevalier de la Légion d'honneur sur la proposition du préfet Rivet955. Sa réussite dans cette débauche stupéfiante d'activités dont Gasparin, devenu ministre de l'Intérieur, avait été le témoin, reçoit sa consécration officielle.

Contrairement à ce que l'on pourrait craindre, sa bénévole "universalité" ne le prive pas, grâce à un courage et une ténacité sans pareils, de vouloir accroître encore l'expansion de la firme dont il est responsable. Plein de projets, avec un dynamisme appuyé, déclarant abandonner saint-simonisme et homéopathie - ce qui n'est qu'apparence pour l'un et l'autre -, il s'enthousiasme, en août 1834, auprès de ses amis saint-simoniens arrivés en Egypte : ‘ "Cette masse d'activités, je la porte de toute la puissance de mes moyens sur mes affaires commerciales et je la pousserai parce que j'en ai les moyens et la volonté et aussi parce que je jouis, ainsi que la maison que je dirige, d'une grande réputation de loyauté. Loyauté, franchise, capacité, vieille ’ ‘ réputation, jeune activité et capitaux, j'ai tout cela. Je dois donc réussir si Dieu me prête vie et santé. Vous savez que mes affaires de commissionnaire ou marchand de fabrique étaient considérables. Je veux y ajouter la vente en consignation des matières premières, soie, coton, fantaisie et je compte faire à cet effet un voyage à Londres. Jusqu'ici, j'ai été le rameur dans ma galère, à l'avenir, je participerai aussi aux bénéfices de l'armateur. Je vous donne ces détails parce que je sais qu'ils intéresseront le Père et vous. J'arriverai cricoquin de D... quoique saint-simonien956."

"Arriver" certes, mais non sans obstacles, tant est fluctuant le marché de la soie, tributaire des conditions climatiques ou endémiques de la production, de la conjoncture politique et économique, intérieure et extérieure. En permanence, l'esprit en éveil, il s'agit de s'adapter. Témoin cette démarche d'ordre commercial, déjà mentionnée, auprès de ses amis sur les lieux du barrage du Nil957. Remarquons au passage que le secret demandé fut éventé ou que d'autres eurent la même idée. Arlès-Dufour se rend à cette évidence en présentant à la Chambre de commerce, le 19 novembre 1835, son rapport sur la situation du commerce et de l'industrie à Lyon : ‘ "Nous n'avons pas à [...] signaler [de relations] nouvellement établies à l'extérieur ; mais nous citerons pourtant celles avec l'Orient comme paraissant prendre une plus grande importance qu'elles n'en avaient eue depuis assez longtemps958." ’ En 1837, il est personnellement en passe de réussir son projet d'approvisionnement de cocons en provenance de Syrie959, grâce à l'intermédiaire des ex-capitaines Hoart960 et Bruneau dont il les avait chargés ; Enfantin l'a mis en relations avec Jules Sonnerat, implanté en Egypte avant la venue des saint-simoniens, fonctionnaire de l'école d'Abou Zahbel, puis de l'école d'infanterie de Kanka961.

Durant cette période, le bilan financier des années 1835 et 1836 de la Maison Dufour Frères et Cie ne cesse de s'améliorer. Selon l'usage général et comme à son habitude personnelle, Arlès-Dufour laisse ses fond propres dans les comptes de la Maison, après retrait de "levées" oscillant annuellement entre 11.000 et 20.000 F. Au 30 novembre de chacune de ces années, le "solde à nouveau" progresse de façon spectaculaire : 286.087,64 F en 1835 (+ 19%962), 423.529, 50 F en 1836, soit cette fois une augmentation de 48% ! Dans ces conditions, il n'est pas du tout surprenant de voir figurer, dans l'Indicateur de Lyon de 1835, Dufour Frères et Cie parmi les principaux commissionnaires de la ville, aux côtés de Belz et Cie, Brölemann et Cie, Adrien Devillas et Cie.

Ses ambitions ne s'arrêtent pas pour autant. Ayant fait un rêve, il le confie, le "dimanche - jour des travailleurs - 3 avril 1836", à Enfantin. ‘ "Depuis que le rêve de votre retour m'a traversé la cervelle, je crois que mon désir de ’ ‘ gagner de l'argent ’ ‘ a doublé, car je veux pouvoir donner l'exemple et l'impulsion pour le paiement de la dîme963 et, pour cela, il faut que ma position soit faite et bien en évidence." ’ Cependant, sans attendre l'opportunité d'un meilleur confort financier, les subsides parviennent au Père aussi généreusement et régulièrement que possible, en fonction des possibilités du donateur.

Plus haut, dans la même lettre du 3 avril - qu'il achève avec la formule suivante, ‘ "Je vous embrasse comme un frère, comme un ami, comme un fils" ’ - il avait raconté : ‘ " [...] J'avais rêvé qu'après un voyage ’ ‘ pratique ’ ‘ en Orient, voyage qui vous aurait inspiré des ’ ‘ actes ’ ‘ , vous pourriez revenir parmi nous et y occuper une belle et noble position, celle d' ’ ‘ inspirateur ’ ‘ ; je vous voyais, habitant un ’ ‘ palais ’ ‘ près de Paris, et réunissant, pour les inspirer et les diriger, tous les hommes avancés du siècle964." ’ De quoi stimuler une imagination, même celle du Père pourtant jamais à court ...

Et pendant que le fondé de pouvoirs de la Maison Dufour Frères et Cie s'enrichit, que sont justement devienus les bâtisseurs des sables ? Le projet de canal est abandonné. L'existence du barrage, pourtant en construction depuis le 12 mai 1834, paraît, elle aussi, de plus en plus compromise. Même si le pacha a eu l'idée d'envoyer trois émissaires ‘ "pour voir celle des pyramides qu'il conviendrait le mieux de jeter dans le Nil au barrage965" ’... Ces mauvais coups du sort n'entravent pas, au contraire, les échanges épistolaires entre notre captivant personnage et ses amis lointains. Souvent, ils sont émaillés de considérations de divers ordres, économique et souvent politique. A de rares exceptions, telle celle-ci du Lyonnais : ‘ "Je ne vous parle pas politique, je ne m'en occupe pas et les journaux doivent vous suffire. Les affaires d'avril donnent du répit au gouvernement966" ’, décide-t-il auprès de ses amis Hoart et Bruneau, le 23 août 1834, insatisfait des errements gouvernementaux.

Ce sentiment n'est pas nouveau. Son sens critique s'exerce depuis longtemps, non par tempérament mais par conviction. Qu'avait-il écrit, en 1832, à cet ami de longue date, Armand Aubert, pour que celui-ci le sermonne encore, après l'avoir déjà fait à propos du saint-simonisme, : ‘ "Tu me parles d'abord de politique...Il me semble en gros que nous avons de l'avenir, que tout marche après tout. S'il existe quelque danger qui soit la suite nécessaire de l'allure actuelle, je ne suis pas capable de l'apercevoir ! Il me semble qu'il y a chez le roi et ses ministres avec la ferme intention de se maintenir au pouvoir, la ferme intention aussi de rester autant que possible dans la légalité.... Vous autres, raisonneurs sublimes, vous ahurissez le gouvernement, vous entravez la marche à chaque pas ; si peu qu'il ait de bonne foi, vos cris et vos appréhensions doivent l'intimider et le faire douter de tout... Avec les garanties immenses obtenues, la force de la raison publique, la leçon donnée aux rois en juillet [1830], la confiance que le caractère personnel du Roi doit inspirer, il me semble enfin que ce serait le cas de laisser faire, de vous abstenir et d'attendre, sauf à prendre une autre attitude si nos libertés étaient encore menacées967."

En s'adressant longuement, en février 1834, à cet autre et cher ami Holstein, Arlès-Dufour analyse abondamment la situation :

‘Comme il doit importer au Père de connaître la position de la France et d'avoir là-dessus l'opinion d'un homme calme que le célibat, la vie d'aventure n'a pas trop détraqué, voici : Le gouvernement est dans une position que ses membres et ses amis croient belle et qui, dans le fait, est fausse et dangereuse. Il comprend que pour marcher et se soutenir, il faut améliorer le sort du peuple, mais il sent aussi que pour cela, il faut qu'il froisse et dépouille même ses amis qui l'ont fait et qui le soutiennent. - Poussé par l'influence non avouée et non comprise, mais patente, des idées saint-simoniennes dans la voie des intérêts matériels, il s'y est jeté comme dans un port et voilà qu'il se trouve dans un défilé dangereux d'où il ne pourra sortir qu'en jetant à la mer ou à fond de cale les privilèges et les monopoles des hommes qui tiennent le gouvernail, commandent et exécutent la manoeuvre. - Elle est surtout dangereuse sa position parce qu'il a contre lui des ennemis actifs, jeunes dont la force et les rangs grossissent des fautes de son fait et des événements indépendants de sa volonté, comme les crises commerciales. Et pour lui, des amis maladroits, violeurs, entiers qui le poussent ou l'entravent. Selon moi, en ce moment ses amis lui font plus de mal que ses ennemis. [...]
Ces gens ne parlent des ouvriers, du peuple, de tout ce qui n'est pas eux qu'en termes menaçants ou méprisants qui, répétés et envenimés, augmentent la haine et l'irritation. - Parce que la République a été battue à la Chambre, comme elle devait l'être, et qu'il n'y en a pas vestige dans les salons, on chante victoire, on plaisante agréablement, on méprise, comme si la force du pays était à la Chambre ou dans les salons ! - Nos bourgeois sont comme les Carlistes avant Juillet ; comme ils ne se mêlaient pas aux masses ni aux libéraux, qu'ils vivaient entre eux et comptaient sur l'armée, ils se croyaient vraiment la majorité du pays. Ce qui m'effraie, moi, c'est justement ce qui rassure les bourgeois, c'est de voir les salons, les rangs élevés du peuple sans représentant de la république. - La volonté de Dieu serait-elle d'écarter du mouvement qui se prépare les privilégiés même les plus philanthropes afin que, cette fois, tous les privilèges soient bien et radicalement abolis ? - Le fait est que partout le peuple s'organise, s'associe, se coalise, et cela, sans la participation des bourgeois qui, depuis 89 surtout, n'ont cessé de l'inspirer et de le diriger. [...] En 1829 et 30, un ouvrier rougissait de ne pas être libéral ; aujourd'hui, ici du moins, il n'oserait, devant d'autres ouvriers, dire qu'il n'est pas républicain. [...] En bien examinant les circonstances et les éléments qui ont donné naissance à notre gouvernement et qui le soutiennent, je ne puis lui croire un long avenir, car tout gouvernement qui ne voudra pas ou ne pourra pas améliorer sensiblement le sort du peuple ne tiendra pas longtemps. Le nôtre voudrait, je le crois, mais il ne peut pas et ne sait pas. - Mais, diras-tu, crois-tu donc plus de puissance et plus de science aux républicains ? Non certainement et leur règne ne peut être que très court, car il me semble que leur mission ne doit être que de destruction, et on a tout détruit, tout est si chancelant que l'oeuvre sera bientôt accomplie. - Qui viendra après ? Dieu le sait quant aux hommes ; mais quant aux principes, tout annonce que ce seront ceux de la direction du classement selon la vocation, de la rétribution selon les oeuvres, de l'égalité de chances pour tous. - Il est cruel de penser que le règne de la paix n'est pas encore venu mais il semble difficile que l'oeuvre républicaine s'accomplisse sans commotion violente968. [...]’

Tant elle est riche, on n'en finirait pas de reproduire cette lettre de huit pages, précédant de deux mois la nouvelle révolte des canuts qui ensanglantera la ville de son expéditeur.

Malgré ses sévères réserves sur la conduite politique du pays, Arlès-Dufour, ainsi que déjà relevé à quelques reprises, n'en est pas moins bien en cour ; sa compétence, sa personnalité hors du commun y sont appréciées969. Enfantin ne l'ignore pas. Les travaux du barrage définitivement abandonnés, faisant du tourisme ‘ "dans ce beau jardin du monde970" ’ pour fuir la peste, sa foi en lui un moment épuisée, un vent hostile balayant les Européens, il espère réintégrer rapidement la société française. Et avec panache ! Il se voit déjà "l'homme du duc d'Orléans", son ministre du Commerce et des Travaux publics971.

Comment ? Bien sûr, par l'entremise de son ami ! Un ami qui intrigue en sa faveur, en vue de sa réintégration ‘ "d'ici à deux ans972" ’ dans la société. Et n'importe pas laquelle ! La lettre ‘ "de février sur l'Egypte973" ’, après en avoir donné connaissance à un certain M. Bertin, puis à Michel Chevalier et Barrault, il veut ‘ "la faire lire à Lamartine et à quelques hommes politiques" ’. Si le duc d'Orléans n'était pas parti en Allemagne, il aurait ‘ "peut-être trouvé moyen de lui ’ ‘ faire inspirer ’ ‘ le [même] désir" ’, un prince ‘ "qui, à ce qu'on assure, se ronge les poings de n'avoir rien à faire." ’ Toujours assuré de son crédit, jamais ne doutant de son influence, il ‘ "espère bien arriver au roi, qui, après tout, est le seul qui puisse, à cause de sa position inamovible, suivre et faire suivre une idée, soit en l'imposant, soit en l'insinuant à tous les farceurs, blagueurs, bateleurs, etc., etc., que le représentatif lui donne pour ministres ; mais des intimes m'assurent que c'est trop élevé pour lui, qu'il veut du terre à terre, de la politique d'épicier. Cependant, je n'abandonne pas encore l'idée." ’ Ses ambitions, toujours dans semblable but, dépassent même le cadre des frontières : ‘ "Il est bien possible qu'à Londres, je trouve occasion d'arriver à Lord Palmerston" ’. Et plus loin encore, sous le même pli, : ‘ "Si une occasion ’ ‘ convenable ’ ‘ se présentait, je ferais donner copie de cette dernière lettre sur l'Egypte à M. de Metternich et à l'Empereur Nicolas974" ’...

Dans l'attente de ce retour sur scène, ‘ "l'opinion de ceux qui vous aiment est qu'il faut que vous fassiez de la pratique." ’ Une mission commerciale, doublée d'un souci politique, en Orient, ‘ "sous votre nom M. Prosper Enfantin975" ’, constituerait une solution d'attente idéale.

A l'occasion de la réception providentielle - mais non exceptionnelle976 - d'un envoi de 500 F venus de son "cher Arlès" et de Drut, l'autre se récrie : ‘ "Etre voyageur de MM. Dufour Frères et Cie dont le but serait de gagner de l'argent par mon voyage [...] me paraît un rêve de votre tendre affection pour moi. [...] Je serais donc volontiers voyageur de la maison Arlès, Drut et Cie, vous ai-je dit, et je serais aussi volontiers voyageur de la maison Thiers, Palmerson, Metternich et Cie ou même de la maison Louis-Philippe977. ’" Cette pensée de faciliter la rentrée dans le monde de son ami Enfantin par la voie commerciale, même s'il s'en était fait l'écho, Arlès-Dufour se défend vivement, auprès de lui et par courrier tournant, d'en être l'initiateur : ‘ "Je suis trop ’ ‘ poète ’ ‘ pour cela. [Cette idée] m'a été inspirée ou plutôt imposée par le brave et bon poète de Dieu [Duveyrier] qui m'a fait, en présence de Madame Aglaé, deux ou trois heures de raisonnements métaphysiques pour me prouver qu'il fallait qu'après avoir été l'homme social, l'homme du Monde, le Père, vous devinssiez enfin l'homme privé, le bourgeois, ’ ‘ l'épicier978..." ’ Le 20 septembre, Arlès-Dufour est invité à dîner chez le préfet du Rhône, Rivet, ‘ "jeune homme de coeur qui nous comprend et qui est lié avec les deux ex-ministres" ’. Il s'agit de Montalivet et de Thiers. ‘ "Nous sommes dans le représentatif ou parlementaire jusqu'au cou. Le Roi use successivement tous les chefs de nuances et bientôt, vraiment, on ne saura plus où prendre des ministres neufs" ’, est-il commenté dans le même courrier, avec une assurance : ‘ "J'aviserai avec lui [le préfet], sans, bien certainement, compromettre en rien votre dignité." ’ Puis une autre promesse : ‘ "En octobre, j'irai à Paris. Je verrai M. de Gasparin [l'ancien préfet] devenu ministre ; je le tâterai979."

Rassuré, Enfantin se reprend à espérer. Il compte bien sur ‘ "les bonnes relations d'Arlès avec les hommes éminents du monde politique de France et d'Allemagne" ’, sur ses "relations officielles" qui peuvent ‘ "lui attirer la sympathie des hommes politiques et des membres de la famille royale980." ’ Ainsi, comme l'exprime H.-R. d'Allemagne dans son ouvrage cité, telle est la qualité des rapports privilégiés entretenus auprès des divers pouvoirs par Arlès-Dufour !

Et pour couronner ses voeux, une femme aimée, Pauline, accepte complaisamment ses heures de travail sans fin, à son magasin ou chez lui. Elle attend patiemment chacun de ses retours de voyages à Paris, en Allemagne, en Angleterre, se pliant docilement aux exigences de son mari et aux impératifs des diligences pour apporter, à bonne date, des nouvelles de la maisonnée. Enfant, puis adolescente, elle a connu cette même ambiance, laborieuse et itinérante, chez son père, à Leipzig, voici une dizaine d'années. Elle vient à peine de dépasser la trentaine. Malgré une santé fragile, elle est toute de cette grâce et de ce charme que, vingt ans après, on reconnaîtra encore à cette "bien excellente femme" participant avec une "sécurité d'âme et un attachement dévoué" à la vie familiale. Un ‘ "bon ménage981" ’, résumera-t-on à propos de Pauline et de François.

Depuis leur mariage, comme partout, les joies ont alterné avec les peines. A la joie de la naissance d'une fille, Pauline Claire982, le 28 août 1825, puis d'un fils, François Gustave983, le 12 février 1829, a succédé l'immense douleur de perdre cette petite fille, âgée de quatre ans, le 15 septembre 1829. L'année suivante, la venue d'Adélaïde, Claire en second prénom, le 28 octobre 1830984, atténuera, quelque peu, cette douleur longtemps vivace. En 1833, la famille Arlès perdra encore un bébé, François Prosper985 Eugène, né le 7 janvier, décédé le 17 du même mois. Après la concession à perpétuité de 2 mètres carrés acquise, le 16 décembre 1829, au récent cimetière lyonnais de Loyasse, par F. Platzmann, au nom de "M. François Arlès, Port Saint-Clair n° 22", pour la sépulture de Pauline Clarisse (sic)986, c'est un certain Louis Chappuis qui renouvelle, en vue de l'inhumation de Prosper Eugène, la funèbre démarche "pour M. Arlès-Dufour987". Une démarche qui aurait été au-dessus des forces du père !

Le long du Quai Saint-Clair, la construction de "grandes maisons" qui se poursuit depuis 1830 sur la rive opposée du Rhône [rive gauche], a jeté l'alarme dans les esprits. Ils craignent que viennent à manquer l'espace, l'air et le soleil et que la vue du Mont-Blanc leur soit cachée ! En est-il de même des Arlès-Dufour ? Est-ce pour Pauline l'opportunité de voir, enfin, son mari prendre quelque distance entre bureau et domicile, pour le moment dans le même immeuble de la Place Tolozan ? Dût-il acquitter le péage au pont Morand988, à chaque traversée du Rhône ! En tout état de cause, on les retrouve installés au 4 Quai d'Albret989, au moment de la naissance de cet autre fils, François Prosper Alphonse, le 15 octobre 1835, à onze heures du soir. Dès le lendemain, l'heureux auteur des jours se rend à la mairie de la ville de la Guillotière pour sacrifier à l'habituelle formalité, consacrant en même temps ce second hommage au Père Enfantin990 !

Pour ce faire, il est accompagné de deux témoins : Jean Marie Régnier, négociant, domicilié cours Bourbon, âgé de 39 ans, et Louis François Castelbon, maître serrurier rue d'Orléans. Le premier, en particulier, est bien connu de lui. Ce dessinateur fabricant, né en 1796, élève de P. Révoil à l'Ecole des Beaux-Arts de Lyon991, a peint, un an après leur installation à Lyon, en 1826, son portrait et celui de sa jeune femme, avant d'être, sauf homonymie, commandant de la garde nationale de la Guillotière.

"Bon ménage", mentionnait-on plus haut ; certainement. L'activité débordante du chef de famille ne l'empêche pas de gérer mille détails, domestiques ou non, sur place ou de loin, et depuis toujours. Deux ans après leur mariage, le 8 décembre 1826, de Paris, François, décidément l'oeil à tout, lui avait écrit : ‘ "Je t'envoie une gravure du ’ ‘ Journal des modes ’ ‘ pour te prouver que j'avais raison à propos de la palatine992 ; à l'opéra [...] je n'ai vu que des palatines comme celle de la gravure, les autres ne sont plus du tout de mode. Mais jamais ma vieille ne veut me croire993 !! " ’ Quelques jours après : ‘ "Je bénis le ciel que les deux vilains mois d'hiver soient passés. J'avoue que je les craignais pour toi. Voilà le moment critique qui approche, il te faut redoubler de précautions et de ménagements994." ’ Déconseillant un matelas à ressorts pour sa petite fille, ‘ "il n'y a rien de mieux pour les jeunes personnes qu'un simple matelas sur une planche ; pour éviter qu'elles prennent l'habitude de se coucher plutôt d'un côté que de l'autre, on met alternativement la tête sur l'oreiller d'un côté et de l'autre995." ’ Pauline ne lui ayant pas écrit si "son mal de poitrine l'a quittée", il insiste pour qu'elle continue son lait d'ânesse. Quelques lignes après, à propos de sa fille : ‘ "Aussitôt que tu le pourras, sans inconvénient, fais porter des caleçons ou culottes à Clarisse, car je crois que c'est très sain996."

Plus tard, en 1834 vraisemblablement, de Francfort, veillant à l'harmonie de la maison, il intervient auprès de sa femme : ‘ "Dis de ma part à ce brave Gustave que s'il veut que je sois bien content, il faut qu'il t'obéisse et qu'il ne tourmente pas sa soeur. [...].Et pour toi, n'oublie pas non plus que, si tu tiens à me rendre bienheureux, il faut que tu cherches à vaincre tes premiers mouvements qui te portent à la brusquerie envers les enfants que cela gâte ou fausse. Souviens-toi qu'ils ne peuvent avoir la raison que tu as et que ce n'est que par la douceur et la bonté que tu les rendras doux et bons. Par la brusquerie ou l'emportement, tu les rendras emportés ou hypocrites. Sois donc aussi douce que possible envers eux, je ne saurais trop te le recommander997." ’ Après la perte de deux enfants en bas âge, à la tête de deux autres de cinq et trois ans, avec un mari absorbé et souvent absent, une maison lourde à porter malgré l'aide de plusieurs domestiques, la nervosité chez la mère prend parfois le pas, sous l'emprise de sa rigide éducation protestante mêlée d'ataviques rudesse et intransigeance saxonnes.

Outre les tâches courantes et les obligations familiales accrues après une nouvelle naissance - celle Alphonse -, Pauline doit concourir également aux impératifs de la vie mondaine, sociale et professionnelle. Telle la réception qui se prépare, en grande pompe, Quai d'Albret, ce 7 février 1837, à l'occasion du "retour vers le monde998" du Père Enfantin !

Laissant derrière lui quelques saint-simoniens, Lambert, Bruneau, Linant, dispersés en Orient, Enfantin avait quitté l'Egypte le 30 octobre 1836, pour rejoindre la France après trois ans d'absence. Plusieurs mois avant son départ, son indigence était devenue si notoire qu'Arlès-Dufour, Isaac Pereire et Decaen avaient jugé opportun d'ouvrir une "liste civile" pour le secourir. Déjà, en avril, Arlès-Dufour l'avait définie auprès de lui : ‘ "Votre ’ ‘ liste civile ’ ‘ , votée par vos enfants, chacun selon ses moyens et réglée par vous selon vos besoins, vous assurerait une belle et noble position999." ’En novembre, il croyait opportun de rappeler à Michel Chevalier : ‘ "J'ai, je crois, le premier eu l'idée d'une souscription volontaire et je suis prêt à payer. J'offre mille francs et, Dieu aidant, j'espère pouvoir offrir le double en 18381000." ’ Après la préparation par Duguet, Arlès-Dufour était chargé de l'exécution de cette aide1001. Ribes adhérait au principe en offrant la moitié de ses émoluments, ainsi qu'il l'annonçait lui-même à Enfantin. Mais ce professeur de médecine de Montpellier, ville que le "Père" avait un instant choisi comme première résidence, s'interrogeait - loin d'être le seul - sur les capacités de réinsertion du "Père". Aussi, lui écrivant à Marseille dans la perspective de son arrivée au port, s'était-il autorisé, par la même occasion, à prodiguer quelques recommandations : ‘ "Mais que de précautions vous avez à garder, Père, tant à l'égard de ceux qui vous aiment que de ceux pour qui votre présence pourrait devenir une occasion de lutte ! [...] Croyez-moi, faisons en sorte qu'on ne sache qu'insensiblement que vous êtes parmi nous. Le peuple surtout doit en être instruit le plus tard possible... Donc, point d'habit étranger... [...] Point d'habit égyptien, car le peuple ne le distinguerait pas de l'habit saint-simonien, [...]. Reprenez, je vous prie, l'habit du bourgeois, quelque disgracieux qu'il soit. [..] J'irais à votre rencontre si je n'écoutais que mon désir ; mais mon empressement aurait quelques inconvénients : je dois montrer peu d'enthousiasme et raisonner sur votre retour qui sera ébruité petit à petit1002."

La tenue égyptienne, lors de sa quarantaine sanitaire à Malte, Enfantin l'avait justement troquée contre un "bel habit bourgeois". Il avait déjà songé à cette métamorphose dans une missive à sa cousine Thérèse Nugues, le 27 octobre 1836, tout en reconnaissant objectivement : ‘ "Je me suis fait une si drôle de réputation dans le monde que ceux-mêmes qui, me jugeant utile, voudraient m'employer, y regarderont à deux fois1003."

Michel Chevalier, le 4 décembre de la même année, plus que réticent à l'idée de la liste civile comme envers son ancien maître, avait cavalièrement dicté sa conduite à Arlès-Dufour : ‘ "Votre tâche doit se borner à l'édifier [Enfantin] sur les dispositions actuelles du public à son égard, afin que son premier pas, seul sur lequel vous avez en réalité quelque influence, ne soit pas un faux pas1004..." ’ Enfantin et Arlès-Dufour, ni l'un, ni l'autre, n'en doutaient : le "retour vers le monde" de celui-là allait inquiéter et gêner les saint-simoniens casés. "Mais il faudra bien qu'ils s'y fassent1005..."

Débarqué à Marseille dans les premiers jours de janvier 18371006 et animé de son ‘ "désir actuel d'incognito1007" ’, Enfantin a, en définitive, préféré répondre à l'invitation de Thérèse Nugues et se réfugier directement dans la demeure familiale de celle-ci et de son frère, le général Saint-Cyr Nugues, à Curson, dans la Drôme. Depuis son arrivée, le 12 janvier, il goûte quelque repos, non sans songer à ses anciens fidèles, restés ou rentrés en France. Charles Duveyrier alterne théâtre et collaboration au Monde 1008 ; Barrault et Urbain1009 y sont également rédacteurs. Ils sont nombreux dans le journalisme : Jules Lechevalier [au] ‘ " ’ ‘ Journal de Paris ’ ‘ , Michel Chevalier travaille beaucoup aux ’ ‘ Débats ’ ‘ , ’ ‘ La Presse ’ ‘ d'Emile Girardin est pleine de saint-simoniens1010." ’ Michel Chevalier, Fournel, Pereire, Flachat ont reçu ou sont sur le point de recevoir la croix de la Légion d'honneur1011, tout comme son ami Arlès-Dufour qu'Enfantin ne tarde pas à venir "embrasser1012".

L'invitation lui en a été lancée, le 25 janvier, dans les termes suivants : ‘ "Il me semble que, tôt ou tard, il faudra que vous vous mêliez au monde bourgeois [...]. Si vous admettez cette nécessité de votre rentrée, il vaut mieux qu'elle ait lieu bientôt. C'est une médecine qu'il faut avaler, mais je suis sûr que vous l'avalerez sans sourciller et que les bourgeois qui vous la verront prendre s'y tromperont et croiront que c'est de l'eau sucrée.

"Si vous jugiez que Lyon convient pour ce premier pas qui aura du retentissement, il faudrait ’ ‘ me faire l'honneur ’ ‘ de venir passer la soirée chez moi mardi 7 février." ’ Une soirée... dansante1013 est annoncée, aussi la présence de... 180 personnes, pas moins, dont ‘ "l'élite de la ville, le préfet, le général, etc., etc. Qu'en dîtes-vous1014 ?" ’ Ce ‘ "bon premier pas1015" ’ pose certes problèmes, mais qu'importe. Du général qui ‘ "paraissait craindre de dire à Paris que le ’ ‘ fameux ’ ‘ Père Enfantin réside en ce moment chez lui" ’, Arlès-Dufour en fait son affaire ; il décide l'officier supérieur à l'annoncer ‘ "à tous ses nobles amis de la Chambre. Il est bon, conclut-il à l'intention du destinataire, qu'on s'accoutume à l'idée de vous revoir bientôt bourgeois1016." ’ Du bon accueil des bourgeois lyonnais justement, de ceux ‘ "qui ont le plus fulminé contre vous ’", Arlès-Dufour en donne la certitude. Une ultime précaution s'impose : ‘ "Quoique vous fassiez, tôt ou tard, il faudra bien vous décider à vous faire faire un habit queue de morue. Je vous réponds que mon tailleur le bouclera en trois ou quatre jours1017." ’ A ses premières lignes adressées en poste restante à Marseille pour accueillir le voyageur à sa descente de bateau, Arlès-Dufour avait joint, sur sa "contribution de 1837", un acompte de 250 F devant suffire aux premiers besoins ; ‘ "plus tard, vous verrez et me direz s'il vous faut davantage1018." ’ Un nouvel effet fut joint à la lettre suivante du 25 janvier1019. Le montant de ce titre, inconnu, est certainement limité, des inquiétudes suscitées par "la crise commerciale" se trouvant manifestées.

Sans compter la coqueluche des enfants, est-ce cette situation préoccupante, ajoutée à une santé "encore ébranlée" par un état "languissant1020", qui prive l'hôte de la joie d'accueillir son ami ? Les horaires d'arrivée des diligences variant de deux à trois heures, Arlès-Dufour n'a pu aller l'attendre. Mais il lui laisse un mot pour l'inviter à venir tout droit chez lui, ‘ "de l'autre côté du pont Morand, aux Brotteaux, maison Gubian, au 1er ; elle fait le coin du quai en débouchant du pont à gauche1021."

Laissons la plume, maintenant, à Enfantin qui, de Lyon le 11 février, raconte à Lambert, laissé en Egypte, l'accueil qu'il y reçoit : ‘ "Enfin le 2 de ce mois, je suis parti pour Lyon où Arlès m'appelait pour faire ma rentrée dans ce qu'on appelle tout à fait le monde, et cela sous la forme consacrée dans ’ ‘ le monde ’ ‘ , une rentrée par un ’ ‘ bal ’ ‘ , bal chez lui, dans la nuit du 7 au 8 février, [...]. En quelques heures, mes habits de bal furent faits (habit grenat comme à la rue Monsigny, comme à la prise d'habit) ; [...]." ’ Nous ne connaissons pas la réaction d'Arlès devant ce choix, mais il est à supposer qu'il acquitta lui-même la facture du bon faiseur où il l'avait conduit... ‘ "Je m'essayai, poursuit Enfantin, par une soirée de proverbes chez un ami d'Arlès, et enfin le 7 ma rentrée se fit supérieurement. Grande curiosité de la part des dames, mais curiosité non importune, affectueuse même, et bonne tenue de la part des hommes de tous les partis, car Arlès est la seule personne de Lyon qui reçoive chez lui : juste-milieu, légitimistes et républicains, et saint-simoniens par dessus le marché. Drut, mon vieux Drut, nageait dans une joie où il y avait presque un certain orgueil. Je restai jusqu'à la fin sans aucun ennui, sans fatigue, sans déboire d'aucun genre, et cette soirée m'a donné bon espoir pour la suite. [...] Ma rentrée en France n'a fait jusqu'ici aucun bruit ; je pense que ma visite à Lyon ne donnera également lieu à aucun cancan qui gêne ma marche1022. [...]"

Des "bruits", des "cancans", son hôte, lui, n'en a cure ! Mieux, il s'emploie à multiplier les contacts afin d'aider son vieux camarade à se réinsérer dans la vie active. Dans ce but, le soir même où Enfantin écrit à Lambert - qu'il charge de faire ses "amitiés à M. de Lesseps" -, il dîne chez Arlès-Dufour en la seule compagnie du préfet Jean Charles Rivet. ‘ "Tous trois seuls, précise-t-il, femme et enfants dînant en ville, pour mieux causer ; le préfet est un charmant homme, enfant au lycée quand j'étais déjà grand garçon, qui aime beaucoup Arlès, et qui aura et mérite un bel avenir politique. Les grandes questions lui vont ; il les porte bien ; Arlès ira sans doute dans quelques jours avec lui à Paris ; l'occasion et le moment sont importants à saisir." ’ Et aussi, quelques lignes avant, : ‘ "Arlès et [le général] Saint-Cyr [Nugues, pair de France], se sont donné rendez-vous bientôt à Paris pour agir ensemble et voir ce que je pourrai faire dans ce monde où je veux rentrer1023, [...]." ’ Avant de se rendre à Pougues (Nièvre) pour y voir son fils Arthur, âgé de dix ans, et sa mère, Adèle Morlane, "directrice des Postes", il découvre les charmes de la ville, sous la conduite d'Arlès-Dufour. Une visite particulière est réservée à l'école de la Martinière1024. Voici maintenant dix ans qu'elle forme les "sous-officiers de l'industrie", selon l'expression de celui qui s'est battu pour elle et continue de suivre avec intérêt les améliorations apportées à son équipement.

Arrivé à Pougues, Enfantin s'adresse à Arlès. Il reprend l'apostolat séculier après l'apostolat régulier, une ‘ "vie exceptionnelle, lui dit-il, que vous avez parfaitement sentie n'être pas à votre usage" ’. Et, selon ses propres expressions, il reconnaît que son ami s'est ‘ "tenu si judicieusement hors de la pratique, toujours anormale, qu'une grande foi impose à ceux qui doivent s'en faire les apôtres hors du monde ’ ‘ 1025 ’ ‘ ."

De retour à Curson, le voyageur, sur ‘ "les instances du général Saint-Cyr Nugues, les conseils d'Arlès-Dufour et de M. Rivet ’ ‘ 1026 ’ ‘ ", ’ adresse, le 26 mars, une longue exhortation d'ordre politique au roi, par l'aimable entremise de ce dernier. Dans l'attente d'une suite - qui ne viendra pas -, il ‘ "bêche et ratisse comme un gaillard1027" ’. Mais l'encrier est toujours à portée. Cette fois, vers la fin avril, il se tourne vers son lointain et fidèle disciple Lambert, pour lui communiquer les dernières nouvelles, n'omettant pas, encore, ‘ "compliments et amitiés à M. Lesseps1028."

Ainsi donc, un homme comblé par le succès, une famille heureuse malgré d'inévitables peines, une activité commerciale prospère, une notoriété certaine dans les milieux lyonnais et les allées du pouvoir, son fidèle ami Enfantin de retour, Arlès-Dufour, décidément, ne se trompait pas lorsque, jeune homme, il était confiant en sa bonne étoile !

Cependant l'une des nouvelles qu'Enfantin apporte à Lambert vient jeter une ombre sur l'image de cette réussite parfaite. D'importance, elle concerne leurs amis communs :‘ "La crise commerciale a beaucoup occupé et préoccupé Arlès. Mon vieux camarade Drut a été frappé par elle, malgré sa grande prudence. Lyon est encore assez ému de cette terrible situation1029." ’Cette situation est inquiétante, en effet. Et si elle remonte à plusieurs mois, on n'en voit toujours pas la fin. La Chambre de commerce a dû, en janvier 1837, ouvrir une souscription pour venir en aide aux ouvriers en soie les plus nécessiteux, par l'intermédiaire des bureaux de bienfaisance de Lyon (5.600 F), la Croix-Rousse (2.400 F) et la Guillotière (1.000 F). Le préfet a versé 500 F, les membres de la Chambre 1.500 F, M. Delahante receveur général et M. Riboud président du Conseil des prud'hommes chacun 500 F, la Banque de Lyon 1.000 F et un prélèvement de 5.000 F a été opéré sur le compte de la Condition des soies1030. Lors de la délibération du 18 avril, connaissance est donnée d'un ‘ "appel aux sympathies des membres de la Chambre" ’, lancé par le préfet dans le même dessein ; 2.500 F sont recueillis dont 300 versés par le président Laurent Dugas et 100 par Arlès-Dufour. Evidemment, celui-ci ignore encore qu'il ne réapparaîtra plus dans cette enceinte avant une quinzaine de mois !

Si durant le premier semestre de l'année 1836, le nombre de métiers en activité s'élevait à 36.000 environ, depuis le mois d'août ce nombre n'a cessé de décroître pour être ramené au début de l'année suivante à seulement 15.000. Mais cette fois, la crise n'est pas due à un excès de production suivi d'un trop plein sur les marchés ; elle est causée par la crise financière qui désole depuis huit mois l'Angleterre et depuis plus d'un an l'Amérique. Et l'on sait que ces deux pays constituent les débouchés principaux de la Fabrique ; également que ce n'est pas l'effet du hasard si le gouvernement des Etats-Unis a installé à Lyon, depuis quelque temps, son premier consulat en France, aussitôt confié au futur auteur du Dernier des Mohicans 1031. ‘ "Toutes les nouvelles de New York annoncent que les ventes sont actives et se font à des prix ’ ‘ raisonnables. Mais l'argent y est si rare que chacun est obligé d'attendre l'échéance des règlements, les banques n'escomptent plus et les négociants réduits à leurs propres ressources sont obligés d'attendre l'échéance de leurs règlements. De là, retard dans les retours [de paiement] et gêne de toutes les maisons qui travaillent avec l'Amérique1032."

En Angleterre, à Spitafields, une députation considérable des malheureux ouvriers en soie, composée de plusieurs centaines de personnes, s'est réunie le 17 mars, devant Mansion House, dans le but d'exposer au lord-maire l'état de détresse dans lequel ils se trouvent par suite du manque d'ouvrage ; le numéro 251 de La Presse, daté du mardi 21 mars 1837 le rapporte. De même, il signale qu'à Lyon, trente mille ouvriers se trouvent également sans travail et sans pain ; ‘ "des familles entières, hommes, femmes, enfants, souligne-t-il, la tête couverte de quelques mauvais linges, se rencontrent dans les rues, implorant la charité d'une voix troublée et inexpérimentée ; c'est un douloureux spectacle impossible à décrire et qui cause une émotion impossible à faire partager à qui ne l'a pas vu." ’ Aussi, "‘ en présence d'une telle calamité, ’ ‘ La Presse ’ ‘ , qui a toujours cherché à attirer l'attention du gouvernement sur les classes ouvrières" ’, lance-t-elle une souscription en faveur des ouvriers lyonnais, s'inscrivant lui-même pour mille francs. Parallèlement, dans un copieux éditorial, le quotidien, ‘ "plein de saint-simoniens1033" ’ comme déjà dit, étudie la façon de tarir la source du paupérisme et de rendre l'aumône inutile et ‘ "appelle de tous ses voeux une organisation des classes ouvrières qui rende la mendicité impossible."

Arlès-Dufour qui conserve ce journal avec soin - il l'annotera ‘ "1837 - Grande misère à Lyon" ’ - s'inquiète chaque jour davantage de la détérioration grandissante de la situation et des mesures pour tenter d'y remédier. Le 29 mars, il revient par écrit, à l'adresse de "Mon cher Monsieur", sur une proposition transmise la veille. Une lettre, moins officielle, adressée à nouveau au préfet ? Et, comme il croit cette proposition ‘ "la plus pratique de toutes celles qui nous occupent depuis trois mois" ’, il soumet quelques observations qui ‘ "serviront à l'appuyer auprès du ministre" ’ : ‘ "En principe, les primes d'exportation qui ont pour but d'encourager l'industrie malhabile sont mauvaises, onéreuses au pays et même souvent nuisibles aux industries mêmes qu'elles doivent protéger. Mais ici, il ne s'agit pas de cela, mais bien de sauver une grande industrie d'une perturbation nuisible à tous, et surtout de sauver de la misère et du désespoir les agents de cette industrie, ceux qui procurent au pays les immenses bénéfices qu'il fait sur la ’ ‘ soie ’ ‘ ’ ‘ et les ’ ‘ soieries ’ ‘ . ’" La crise est la conséquence des perturbations financières causées aux Etats-Unis et en Angleterre par des spéculations exagérées. Il confirme que des lettres des 16 et 21 février parvenues de New York annoncent des ventes en soieries ‘ "considérables et à bons prix. Tous nos correspondants, parlent d'ordres, mais ils n'osent pas les donner parce que ne pouvant escompter le papier, ils sont dans l'impossibilité de solder, même une partie de l'arriéré." ’ Et puisque les marchandises exportées en novembre et décembre aux prix les plus élevés se vendent bien, il est plus que probable que celles expédiées en mai pour l'automne à un prix inférieur laisseront encore leur bénéfice. Aussi, accorder une prime temporaire de 5% sur les marchandises exportées à partir du 1 ou du 30 mai donnerait vie aux ateliers durant avril et mai. La mesure serait bienvenue aussi sur un autre plan : elle ‘ "aurait un effet moral sur l'esprit de l'ouvrier qui aime ce qui a un caractère national. Cela lui prouverait d'ailleurs que ses soi-disant amis le trompent lorsqu'ils lui disent que le gouvernement est bien aise de voir se désorganiser, même par la faim et la misère, l'agglomération industrielle de Lyon."

Plus loin, on lit : ‘ "Il me semble qu'il est temps qu'on comprenne et qu'on prouve que l'homme qui produit mérite autant de sollicitation que celui qui détruit. Et je dis que, si, en Afrique ou ailleurs, un ou plusieurs régiments se trouvaient compromis et que, pour les délivrer, il fallut un sacrifice de quelques millions, le gouvernement prendrait sur lui de les donner. Ici, il s'agit de plus de vingt mille ouvriers qui sont compromis par la faim." ’ - Et, avant de retrouver le destinataire le soir même comme il le lui rappelle, agitant le spectre cuisant d'événements récents, il conclut : ‘ "Enfin, si nos ouvriers pour une cause ou une autre se ’ ‘ révoltaient ’ ‘ , le gouvernement n'attendrait pas la sanction législative pour appliquer des millions à la répression de la révolte1034."

Cependant, la sauvegarde de l'intérêt général ne saurait effacer les affres qui le tenaillent pour ses propres affaires. A son activité de commissionnaire en soieries, il avait voulu ajouter depuis trois ans la vente en consignation et ‘ "participer aussi aux bénéfices de l'armateur" ’, comme il l'avait triomphalement écrit en Egypte. C'était, il s'en rendait compte maintenant mais bien tard, prendre des risques financiers trop importants, se laisser entraîner à des affaires exagérées. Pourtant Dieu sait si, au fil des ans, il s'était fait constamment l'écho au sein de la Chambre de commerce, des espoirs et surtout des craintes que lui inspirait l'évolution de la situation entre notre pays et les Etats Unis et l'état de leurs rapports commerciaux !

Espérant que ce cauchemar leur sera exemplaire, plus tard, toujours marqué de sa trace indélébile, il en couchera sur le papier ce "Souvenir à mes enfants" : ‘ "Moi-même emporté par mon ambition et par le souci d'une gestion, jusqu'alors et depuis dix ans, heureuse, je suivis le courant, et de plus je me lançais dans le commerce des soies que j'aurais dû faire seulement à la commission. Outre que les affaires en soie nous causèrent des pertes (120.000 F), elles employèrent des capitaux qui nous firent défaut quand la crise éclata. N'étant pas homme de bureau, j'avais placé ma confiance en M. Mahler, jeune homme et capable, mais qu'un long séjour en Amérique avait rendu facile et très confiant. Disposé d'ailleurs par tempérament à voir l'avenir en beau, loin de me retenir, il me poussa aux affaires, et, lorsque vint la crise, l'Amérique nous devait 2.800.000 F1035. ’"

Arlès-Dufour était ruiné. Il avait ruiné ses beaux-parents. La maison Dufour Frères et Cie de Lyon sombrait...

Vingt ans plus tard, le 21 novembre 1857, il écrira à l'explorateur Henri Duveyrier, le fils de son ami Charles, : ‘ " En 1837, après seize ans de travail, j'avais amassé 239.000 F1036 qu'une crise m'enleva, sans cependant m'abattre. Ce n'est pas seulement à la guerre qu'il y a des balles, des boulets et des bombes. Aucune carrière n'en est exempte1037."

Notes
921.

Ce rapport d'Arlès-Dufour, présenté à la Chambre de commerce le 19 novembre 1835 et approuvé par elle, est "converti en une lettre à M. le préfet, par les soins de M. le président, de concert avec M. Arlès-Dufour" (Délibération CCL du même jour et lettre au préfet n° 631 du 26 même mois, Registres CCL).

922.

Lucien Jeanmichel, op. cit., p. 2.

923.

André-Jean Tudesq, op. cit., pp. 408-409. Cet auteur précise qu'Arlès-Dufour paie 635 F de cens, sans doute vers 1841.

924.

Cette suggestion ne semble pas avoir été retenue favorablement, sans doute en raison des conditions habituelles imposées et rappelées dans cette lettre. Pas davantage apparemment, celle concernant Fulchiron, selon A.J. Tudesq, op. cit., qui ne cite pas son nom. En 1840, début de son étude, cet auteur souligne que Lyon notamment n'est pas représenté. En ce qui concerne les conseils généraux du commerce, il indique que leurs travaux, interrompus en 1837, ne reprirent qu'à la suite d'une circulaire du 6 novembre 1840. Arlès-Dufour s'y trouve mentionné, avec Horace Say, fils de Jean-Baptiste, et Théodore Ducos, député de Bordeaux, tous trois partisans d'une politique commerciale libérale. Arlès-Dufour, comme vu dans le texte, y est nommé depuis 1835.

925.

Lettre du 12 novembre 1834 de Beaup et Dugas, tous deux membres de la Chambre de commerce, au maire et Conseil municipal de Lyon du 20 novembre 1834 (AML, dossier 784 WP 003, Bourse, Sociétés de crédit, Banque de France...).

926.

CCL, dossier 93 D19, n° 1, Banque de France, Comptoir national d'escompte 1814/1854.

927.

Ibid.

928.

Ibid.

929.

Qualificatif repris du mémoire du 20 décembre 1820 et de la lettre des négociants du 5 décembre 1822, cités dans le texte.

930.

Louis de Larrard, op. cit., pp. 22-23. Louis de Larrard a été nommé en juillet 1906 directeur de la Banque de France à Lyon. Son ouvrage achevé en 1914 est signé, à sa parution, en qualité de Directeur honoraire de la Banque de France.

931.

Sébastien Charléty, Histoire du saint-simonisme, op. cit., p. 106.

932.

H.-R. d'Allemagne, Les saint-simoniens..., op. cit., p. 44.

933.

V - L'installation lyonnaise.

934.

Jean Lhomme, op. cit., p. 110.

935.

Déjà mentionnée in V - L'installation lyonnaise.

936.

Lettre CCL au préfet n° 631 du 26 novembre 1835 (CCL, Registre Copies de lettres et CCL, Registre des délibérations, séance du 19 novembre 1835).

937.

Du moins en ce qui concerne la création de la Banque de Lyon et sa gestion.

938.

CCL, dossier 9301-9 n° 1, Banque de Lyon - 1836/1847 - Bilan - Projet de statuts 1838. Le projet de rapport d'Arlès-Dufour (2° pièce du dossier), non signé et daté du 7 avril 1835, comporte quelques corrections dans le texte partiellement respecté, vraisemblablement apportées par le président de la Chambre. Hormis quelques comptes rendus épars d'assemblées générales d'actionnaires, ce rapport est l'une des rares correspondances figurant dans ce dossier.

939.

Son contenu comme son auteur restent fort malheureusement inconnus.

940.

Ceci selon tableau en annexe de Louis de Larrard, op. cit.. Le successeur de Teissier et deuxième directeur de la banque, Monet, débute ses fonctions en septembre 1866. Cependant, Emilien Teissier fut le premier président du conseil d'administration de la Société Lyonnaise de Dépôts à partir de 1865. Il semble surprenant qu'il ait pu cumuler ces fonctions.

941.

Raoul de Cazenove, Notes sur la société lyonnaise..., op. cit., p. 146. Ces Notes... ont été rédigées par Raoul de Cazenove (1833-1910), d'octobre 1858 à mai 1859, "à l'usage exclusif de Lucie de Marveille" (1839-1927), sa fiancée, épousée le 14 juin 1859, à Lasalle (Gard). Pour mémoire, cf. Cahier du Centre de Généalogie Protestante - Société de l'Histoire du Protestantisme - 3° trimestre 1992, n° 39.

942.

Conseil municipal du 20 novembre 1834 (AML, dossier 784 WP 003, cité).

943.

AML, dossier 784 WP 003, cité.

944.

Malgré son caractère extraordinaire, cette troisième séance, présidée par Vachon-Imbert en l'absence de Laurent Dugas, est également consacrée à la "Conservation de l'Algérie". Pour mémoire, cf. chapitre XIV - lyon, tremplin de l'Orient.

945.

CCL, Registre des délibérations, 20 mars 1835 : "Banque de Lyon - statuts".

946.

Lettre n° 497 de la Chambre de commerce au préfet du 7 avril 1835 et brouillon de lettre d'Arlès-Dufour au préfet daté du même jour déjà cité (CCL, dossier 9301-9 n° 1, cité).

947.

Ces signataires sont : F.V. Beaup, Jean Bontoux et C°, A. Delahante, Louis Dugas, P. Galline et C°, E. Gautier, Gonin, Vve Guérin et Fils, L. Pons, Morin et Steiner (Louis de Larrard, op. cit.).

948.

AML, dossier 784 WP 003, cité.

949.

CCL, dossier 9301-9 n° 1, cité, et Registre des délibérations du 12 janvier 1837.

950.

Texte de la délibération CCL du 20 mars 1835 (CCL, Registre des délibérations). Pour mémoire, lettre au préfet n° 497 du 7 avril 1835 (CCL, Registre Copies de lettres) en rendant compte.

951.

Livre particulier de F.B. Arlès, cité (Archives familiales).

952.

Balteau, op. cit.

953.

Comme à la Chambre de commerce, fonctions gratuites avec attribution de jetons de présence.

954.

Livre particulier...., document cité.

955.

Le mois de cette nomination est fournie par G. Vapereau, op. cit. Cette nomination est confirmée en P.S. d'une lettre d'Arlès-Dufour à Enfantin, chez Mme Morlane à Pougues du 6 mars 1837 (ARS 7681/16) : "Si vous m'écrivez, dîtes un mot pour M. Rivet. Ayez l'air de lui savoir gré de m'avoir fait donner la croix."

956.

Lettre d'Arlès-Dufour, 23 août 1834, à Hoart et Bruneau (ARS 7688), déjà citée in XIV - Lyon, tremplin de l'Orient.

957.

Cf. XIV - Lyon, tremplin de l'Orient.

958.

Rapport de la CCL au préfet du 26 novembre 1835 cité supra, CCL, Registre des délibérations.

959.

Philippe Régnier, Les saint-simoniens en Egypte, op. cit., p. 110, précise qu'en 1837 Sonnerat se rend en Syrie pour le compte d'Arlès-Dufour et que les difficultés financières de celui-ci empêchèrent le bon accomplissement de cette opération. En effet, selon les lettres d'Enfantin à Arlès-Dufour des 13 janvier (OSSE, Vol. 10, p. 151) et 7 novembre 1836 (OSSE, Vol. 10, p. 162) Jules Sonnerat fit un aller-retour en France et servit d'intermédiaire entre les deux hommes ; les modalités de cette opération furent certainement envisagées en cette circonstance. Auparavant, Arlès-Dufour semblait toutefois réticent à l'égard de Sonnerat. Il écrit le 19 septembre 1836 (ARS 7681/10) à Enfantin, apparemment protecteur de Sonnerat, : "Pour honorer votre recommandation, j'ai réorganisé pour Sonnerat l'affaire de Syrie que j'avais créée pour Bruneau. Je ne vous cache pas cependant la confiance que m'inspirait Bruneau était bien plus grande que celle que m'inspire Sonnerat", qualifié d'"un peu léger" Cette impression ne fut peut-être que passagère, Sonnerat devant, par la suite, être employé à la compagnie de chemin de fer Paris-Lyon (Philippe Régnier, Les saint-simoniens en Egypte, op. cit., p. 182).

960.

Hoart décède le 12 octobre 1835 sur le barrage. Du barrage, Enfantin tient à l'annoncer lui-même et en priorité à Arlès-Dufour et à Decaen par lettre du 25 novembre 1835 (OSSE, Vol. 30, p. 116 et s.).

961.

H.-R. d'Allemagne, Les saint-simoniens, op. cit., p. 421, et Philippe Régnier, Les saint-simoniens en Egypte, op. cit., p. 110. Pour mémoire, cf. note ci-dessus relative à Sonnerat.

962.

Pour mémoire, 239.115,72 F au 30 novembre 1834. Cf. XIV - Lyon, tremplin de l'Orient.

963.

Il s'agit de la "liste civile" dont il sera question plus loin.

964.

Dans ce courrier du 3 avril 1836 (ARS 7681/5), "au Père Enfantin, aux soins du Consulat de France Egypte", Arlès-Dufour lui annonce, avec laconisme et retard malgré l'hommage rendu, la naissance de Prosper (prénom usuel ultérieur : Alphonse) né le 15 octobre 1835 : "J'ai maintenant trois enfants, le dernier qui a six mois s'appelle Prosper."

Le même courrier annonce également l'envoi de deux fois 500 F, ainsi que de 144 bagues et de 12 sautoirs (d'un coût global de 8 F), ignorant "si cela pourra vous servir".

965.

2e P.S. à lettre d'Enfantin à Arlès-Dufour du 13 janvier 1836 (OSSE, Vol. 10, p. 152), déjà citée in XIV - Lyon, tremplin de l'Orient. Cette lettre du 13 janvier d'Enfantin a été poursuivie le 18 janvier, puis par un nouveau post-scriptum le 21 février (OSSE, Vol. 10, p. 151-153).

966.

Lettre ARS 7688 citée.

967.

Lettre du 3 juin 1833 citée in XXII - Lyon, tremplin de l'Orient.

968.

Lettre d'Arlès-Dufour, 1er et 21 février 1834, à Holstein (ARS 7688/3), citée.

969.

Nous ne possédons malheureusement pas d'éléments précis permettant d'approfondir les conditions de cette ascension, largement facilitée par son entregent et ses convictions économiques.

970.

Lettre d'Enfantin, Vieux Caire, 25 octobre 1835, à Arlès-Dufour (OSSE, Vol. 10, p. 145), reproduite également in OSSE, Vol. 30, p. 180, mais à la date du 13 janvier 1836, plus vraisemblable.

971.

H.-R. d'Allemagne, Les saint-simoniens, op. cit., p. 431.

972.

Lettre d'Arlès-Dufour, de passage à Paris pour Londres, 5 mai 1836, à Enfantin (ARS 7681/6).

973.

Lettre d'Enfantin, 13 janvier 1836, complétée le 18, puis le 21 février, comme dit plus haut.

974.

Lettre d'Arlès-Dufour, 5 mai 1836, à Enfantin (ARS 7681/6), citée ci-dessus.

975.

Ibid. "J'aurai de la peine à amener mes associés, mais je les amènerai", ajoute-t-il.

976.

Ibid. La liquidation définitive des dettes saint-simoniennes coûte, cette année, 2.200 F à Arlès-Dufour qui ajoute : "Ce qui porte mes dons et prêts pour 1836 à plus de 5.000 F." Encore, et entre autres, Enfantin, retour d'Egypte, écrit de Marseille à Arlès-Dufour le 10 janvier 1837 (OSSE, Vol. 31, p. 37) : "J'ai reçu vos trois lettres, 6 et 15 décembre et 5 courant, avec 250 F qui sont venus on ne peut plus à point."

977.

Lettre d'Enfantin, au Caire, 17 juin 1836, à Arlès-Dufour (OSSE, Vol. 10, p. 159). De Malte, le 7 novembre, sur le chemin de retour en France, accusé de réception du même au même de 200 F reçus à Alexandrie, ibid. Cette lettre datée du 19 juin (et non 17) est également reproduite in OSSE, Vol. 31, p. 1 à 37.

978.

Lettre d'Arlès-Dufour, 14 août 1836, à Enfantin (ARS 7681/9).

979.

Lettre d'Arlès-Dufour, Lyon, 19 septembre 1836, à Enfantin (ARS 7681/10).

980.

H.-R. d'Allemagne, Les saint-simoniens..., op. cit., p. 426-427.

981.

Raoul de Cazenove, Notes sur la société lyonnaise [en] 1858, op. cit., p. 149.

982.

Prénommée Pauline Claire sur l'acte de naissance et Pauline Clarice (sic) sur l'acte de décès. Sur le premier acte, les comparants sont le père, Frédéric Guillaume Boëll, 52 ans, négociant, 23 Port Saint-Clair, Benjamin Emmanuel Dufour, 34 ans, négociant, 34 ans, 51 Quai de Retz. Sur le second, les seuls comparants sont Ferdinand Platzmann, 38 ans, négociant, 19 Port Saint-Clair et Edouard Guesdon, 30 ans, agent de change, 20 Rue Royale. Apparemment, il s'agit de Clarisse, selon lettre d'Arlès-Dufour, 28 septembre 1827, à Pauline, Archives familiales.

983.

Comparants à l'acte de naissance de Gustave : "François Arlès" (il signe F. Arlès) et les mêmes que pour la naissance de Clarisse.

984.

Comparants à l'acte de naissance d'Adélaïde : François Barthélemi (sic) Arlès [il signe F.B. Arlès], Etienne Evesque, 69 ans, Négociant, Chevalier de l'Ordre royal de la Légion d'honneur, [?] Quai Saint-Clair, Antoine François Martin, 66 ans, ancien magistrat, rue de l'Archevêché n° 4.

985.

Cf. dans le présent chapitre note supra et texte infra.

986.

Au prix de 100 F plus 50 pour la Caisse des hôpitaux - Masse 229 - Procédure de reprise de concession - Constatée à l'état d'abandon en septembre 1968. Procès verbal d'exhumation de 1988 : "Aucun reste mortel", selon Registre alphabétique et dossier des Pompes funèbres municipales de Lyon.

987.

Nouvelle concession à perpétuité de 2 m2, Case 8, allée 53 (Carré du Pont-Levis) (ex 8° ligne, B, terrain des protestants, selon Registre alphabétique et dossier des Pompes funèbres municipales de Lyon. Le "carré protestant" a été prévu par le décret impérial du 12 juin 1804 portant création du cimetière où les premières inhumations remontent à 1808. Cette tombe a fait l'objet d'une reprise de concession, avec constats d'abandon de 1968 et 1973. En 1992, les restes n'avaient pas été exhumés.

988.

Droit supprimé, suite au passage de Napoléon III à Lyon, par décret impérial du 25 août 1860.

989.

Cette nouvelle adresse (actuellement Quai de Serbie) est apprise par l'acte de naissance d'Alphonse Arlès. Selon une mention "logement", portée sur le Livre particulier sous rubrique "Mes levées 13 mois" pour 17.860,54 F, le déménagement aurait eu lieu entre le 1er novembre 1833 et le 30 novembre 1834.

990.

Après l'attribution de ce prénom à cet autre fils, François Prosper Eugène né le 7 janvier 1833 et décédé le 17 du même mois, ainsi que précisé dans le présent chapitre.

991.

Selon E.-C. Martin-Daussigny, directeur des Musées, Notice des tableaux exposés dans les galeries du Musée de Lyon au Palais des Arts, Lyon, Perrin, 1877. Vers 1860-1865, l'artiste Jean Marie Régnier peignit un autre portrait d'Arlès-Dufour offert, à sa mort en 1865, par sa veuve au Musée des Beaux-Arts où il a, depuis, disparu des réserves.

992.

Collet de fourrure.

993.

Lettre d'Arlès-Dufour, Paris, 8 décembre 1826, à Pauline (Archives familiales).

994.

Ibid., Paris, 16 décembre 1826, à Pauline (Archives familiales).

995.

Ibid., Leipzig, 21 septembre 1827 (Archives familiales).

996.

Ibid., Leipzig, 28 septembre 1827, citée même chapitre.

997.

Ibid., Francfort, non datée, [1834 ?] (Archives familiales) déjà citée in XV - Fabrique lyonnaise et...

998.

Lettre d'Enfantin, 17 juin 1836, à Arlès-Dufour, citée.

999.

Lettre d'Arlès-Dufour, 3 avril 1836, à Enfantin (ARS 7681/5), citée supra même chapitre.

1000.

Lettre d'Arlès-Dufour, 28 novembre 1836, à Michel Chevalier (ARS 7704, citée par H.-R. d'Allemagne, Prosper Enfantin et ..., op. cit., p. 22.

1001.

Lettre d'Enfantin, avril/mai (?) 1837, à Lambert en Egypte (OSSE, Vol. 10, p. 201).

1002.

Lettre de Ribes, janvier 1837, à Enfantin, à l'occasion du retour en France de celui-ci (OSSE, Vol. 10, p. 214 et s.).

1003.

Lettre d'Enfantin, 27 octobre 1836, à Thérèse Nugues (ARS 7615/245, citée par H.-R. d'Allemagne, Les saint-simoniens, op. cit., p 432).

1004.

Lettre de Michel Chevalier, 4 décembre 1836, à Arlès-Dufour (ARS 7704, citée par H.-R. d'Allemagne, Prosper Enfantin et ..., op. cit., p. 22).

1005.

Lettre d'Arlès-Dufour, 30 janvier 1837, à Enfantin, à Curson (ARS 7681/15).

1006.

Les OSSE, Vol. 10, p. 163, ne fournissent pas la date exacte. H.-R. d'Allemagne, Les saint-simoniens..., op. cit., p. 432, est plus précis, mais, à trois lignes d'intervalle, se contredit en indiquant d'abord la date du 7 janvier, puis celle du 16.

1007.

Lettre de Brothier, Toulouse, 17 janvier 1837, à Enfantin (OSSE, Vol. 10, pp. 166-167).

1008.

Il en sera congédié en mai 1837, le journal, passé aux mains de Lamennais, celui-ci étant "effarouché des feuilletons du "poète de Dieu"" (H.-R. d'Allemagne, Prosper Enfantin..., op. cit., p. 45).

1009.

En avril 1837, Urbain part à Alger comme secrétaire interprète de Bugeaud.

1010.

Lettre d'Enfantin, Lyon, 11 février 1837, à Lambert (OSSE, Vol. 10, p. 167 et s.).

1011.

Lettre d'Enfantin, octobre 1837, au Dr Bowring (ARS 7615/194, citée in H.-R. d'Allemagne, Prosper Enfantin..., op. cit., p. 11).

1012.

OSSE, Vol. 10, p. 167.

1013.

Ce genre de mondanités ne paraît pas exceptionnel au foyer de François et Pauline. Pour mémoire, cf. XV - Fabrique lyonnaise et fabriques étrangères.

1014.

Lettre d'Arlès-Dufour, 25 janvier 1837, à Enfantin (ARS 7681/14).

1015.

Lettre d'Arlès-Dufour, 30 janvier 1837, à Enfantin, Curson (ARS 7681/15).

1016.

Lettre d'Arlès-Dufour, 25 janvier 1837, à Enfantin (ARS 7681/14).

1017.

Lettre d'Arlès-Dufour, 30 janvier 1837, à Enfantin (ARS 7681/15).

1018.

Lettre d'Arlès-Dufour, 5 janvier 1837, à Enfantin, poste restante Marseille (ARS 7681/13). Etait joint un effet de 500 F ... "à l'ordre de Duguet, votre nom étant encore un épouvantail pour les épiciers."

1019.

Lettre d'Arlès-Dufour à Enfantin du 25 janvier 1837, citée.

1020.

Lettre d'Arlès-Dufour, 30 janvier 1837, à Enfantin, citée ; une nourriture absorbée "cet été à Cette, ma patrie, m'a donné une espèce de choléra".

1021.

Ce feuillet non daté (ARS 7681/4), y est supposé de 1836. Il ne peut l'être que de 1837. Rappelons que la famille Arlès-Dufour demeure au 4 Quai d'Albret, sur le territoire de la commune de La Guillotière, sur la rive gauche du Rhône.

1022.

Lettre d'Enfantin, 11 février 1837, à Lambert, Egypte (OSSE, Vol. 10, p. 167-172).

1023.

Ibid., pp. 170-171.

1024.

H.-R. d'Allemagne, Prosper Enfantin..., op. cit., p. 21.

1025.

OSSE, Vol. 10, p. 175/176.

1026.

OSSE, Vol. 10, pp. 178-195, et H.-R. d'Allemagne, Prosper Enfantin..., op. cit., p. 9 et 10.

1027.

Lettre à Vinçard, s.d. (OSSE, Vol. 10, p. 198).

1028.

Lettre d'Enfantin à Lambert, s.d. (OSSE, Vol. 10, p. 205).

1029.

Ibid., p. 204.

1030.

Délibération de la Chambre de commerce du 26 janvier 1837.

1031.

En mars 1837, Thomas W. Oldfield, l'un des successeurs de Fenimore Cooper, est nommé aux fonctions de "consul des Etats Unis de l'Amérique à Lyon" (Délibération de la Chambre de commerce du 16 mars 1837).

1032.

Brouillon de lettre d'Arlès-Dufour, non daté, adressée au préfet (Archives familiales).

1033.

OSSE, Vol. 10, p. 171.

1034.

Lettre d'Arlès-Dufour, 29 mars 1837, destinataire non précisé (Archives familiales).

1035.

Livre particulier de F.B. Arlès, cité. Cf. XVII - Un nouveau départ...

1036.

Cf. XVII - Un nouveau départ...

1037.

Lettre d'Arlès-Dufour, 21 novembre 1857, à Henri Duveyrier (Lionel de Lander, Henri Duveyrier - Inventaire de sa correspondance, Vautubière, 1989, manuscrit familial, h.c.).