XVII - UN NOUVEAU DEPART : LA MAISON ARLÈS-DUFOUR

Bien des années après ce malheur, Mme Arlès-Dufour, devenue veuve, consignera dans ses notes : ‘ "En mai 1837, éclata la formidable crise d'Amérique qui engloutit, non seulement la petite fortune si péniblement acquise par mon mari, mais encore celle de mes parents qui acceptèrent ce coup avec une admirable résignation. Mon mari n'eut pas un instant de découragement ; il se remit au travail avec un redoublement d'activité, ne s'accordant que le repos nécessaire1038."

Mais pour connaître les transes qui agitèrent l'esprit d'Arlès-Dufour en cette période de désillusion et de désolation, mieux vaut se référer directement à l'intéressé lui-même et à ce qu'il devait coucher, par la suite, dans ses Souvenirs à mes enfants. Voici ce qu'il écrivit : ‘ "Mes chers enfants, il est impossible de vous dire les angoisses de votre pauvre père pendant ce terrible mois de juin, où chaque jour voyait arriver la nouvelle d'une perte ou d'une faillite pouvant causer des protêts. Cette affreuse idée d'avoir par ma gestion compromis ce vieux nom de Dufour et Cie, cette idée qu'il faudrait s'arrêter et peut-être faire perdre, cette idée, mes bons enfants, me poignait et me rongeait jour et nuit.

"Que vous dirais-je ! Vous savez combien je vous aime. Eh bien, je me souviens qu'en 1829, le 15 septembre, lorsque j'eus le malheur de perdre votre soeur aînée qui avait quatre ans, et que j'aimais tant, la douleur que j'éprouvais n'était pas comparable à celle qui me rongeait pendant ces cruelles journées. Dieu me pardonne cette comparaison1039 ! ’ "

L'Amérique avait subi ‘ "plus qu'une crise ; ce fut un tremblement de terre commercial1040" ’, conséquence de la guerre du président Jackson engagée contre la Banque unitaire et centralisatrice des Etats-Unis. Les répercussions sur les banques américaines et anglaises se firent incroyablement sentir dans chacun de leur pays et, bien évidemment, sur leurs homologues français. Les faillites des banquiers étrangers devaient faire revenir à Lyon pour environ 60.000 £ [ou $ ? : illisible] de traites protestées frappant essentiellement les maisons en relations avec l'Amérique. Pour la seule Banque Welles et Cie de Paris, des traites d'un global de 3.000.000 de francs acceptées par elle, pour des maisons de Lyon, étaient revenues protestées. A charge, pour les fabricants d'en rembourser le montant ! A Lyon, de multiples réunions furent organisées. Il y fut décidé de présenter les livres de comptes à l'examen de Laurent Dugas - ‘ "l'honorable M. Laurent Dugas, homme à part et tout à fait antique par ses vertus et son beau caractère1041" ’ - à la fois président de la Chambre de commerce et [vice ?] président du conseil général de la Banque de Lyon. Tacitement, il fut convenu que le remboursement des protêts ne serait pas exigé et que serait patiemment attendu le paiement des factures, grâce à une souscription lancée par Rothschild et la plupart des banquiers parisiens.

Et Arlès-Dufour termine en ces termes la relation de cette tragique époque : ‘ "Heureusement, mes chers enfants, je crois en Dieu et je sais qu'il n'est ni méchant, ni capricieux et que les maux ’ ‘ qu'il envoie sont des enseignements utiles à tous, et même à ceux qui en souffrent. Je me résignai donc avec foi, persuadé que je connaîtrai un jour le but et le sens providentiel de ces terribles événements qui semblaient devoir, en si peu de temps, m'enlever la petite fortune acquise par douze ans de travail et toute la fortune que m'avait confiée votre grand-père P. Emile Dufour. Je trouvai chez lui et votre grand-mère, et chez votre brave mère, non des reproches mais des encouragements et de l'affection. Je trouvai aussi dans toutes mes connaissances et surtout chez les fabricants de grands témoignages d'intérêt, de bienveillance, de confiance qui me firent du bien et maintinrent ma foi en l'avenir. Que la conduite des Lyonnais, des fabricants surtout, envers votre père ne s'efface pas de votre mémoire. Elle fut aussi honorable pour eux que pour lui1042."

Les marques de sympathie ne manquèrent pas, en effet. Mais - du moins, dans l'immédiat le semble-t-il - le confident ne vécut pas, sur place, l'entier développement de la crise. Il lui incombait de faire l'impossible pour tenter de sauver ce qui pouvait encore l'être. Il se devait de réparer ses inconséquences personnelles au plan financier de la Maison, de réhabiliter son image auprès de sa belle-famille et de Pauline, en même temps que celle de son entreprise et de sa personnalité à l'égard de tous ceux qui avaient ou non jalousé sa réussite. Alors, en quelques jours, sa décision prise, toutes dispositions sont arrêtées.

Tout d'abord, à l'égard de ses associés. Il est inutile de rappeler qu'Albert Dufour-Feronce est le cousin de Pauline Arlès-Dufour et que demeurant à Leipzig, il ne peut évidemment être joint immédiatement. Quant au second, il s'agit de Louis Hoffmann1043, l'époux d'une demoiselle Mayer, issue de la branche Mauclerc, née de la 3e fille des neuf enfants de Rapin de Thoyras ; les deux jeunes couples s'étaient aimablement fréquentés, à Leipzig et notamment à Abtendorf, dans le cadre champêtre de l'ancienne propriété Christian Gottlob Frege II1044 et des agréables villas familiales qui y avaient été construites1045. Le 5 mai, Arlès-Dufour obtient de Louis Hoffmann, à Lyon, tout pouvoir de liquider l'ensemble de leurs affaires avec les maisons des Etats-Unis1046. Pour cela, il reçoit mission de se rendre dans ce pays afin de faire rentrer les créances en obtenant remises ou règlements. ‘ "Mais, est-il ’ ‘ formellement stipulé, sans entrer en de nouvelles affaires avec des maisons du dit pays jusqu'à nouvelle convention entre les associés." ’ Par la même occasion, Louis Hoffmann se réserve, en son nom et en celui du troisième associé, Albert Dufour-Féronce, le droit de reporter de fin septembre à fin octobre le prochain inventaire.

A propos de ce dernier point, datées toutes deux du 7 mai, les deux hommes échangent des contre-lettres, à l'initiative vraisemblablement du mandataire, l'autre partie signant "Louis Hoffmann de Trieste". Les termes reproduits ci-après en explicitent la raison et donnent un aperçu de la rectitude en affaires de celui-là : ‘ "L'article 13 de notre contrat de société dit qu'en cas de mort d'un des associés, la reconnaissance délivrée à l'inventaire précédant la mort sera le seul titre constatant ce que les héritiers auront à prétendre. Les pertes extraordinaires qui pourront résulter de la crise actuelle rendent nécessaire, pour cette année, la suppression de l'article 13. J'entends et désire donc au contraire qu'en cas de mort, l'avoir des héritiers soit constaté par l'inventaire qui suivra le décès et je m'engage, pour moi et mes héritiers, à reconnaître le dit inventaire qui sera fait par mes associés et M. J.R. Mahler que je charge de ma procuration à cet effet1047."

La mort l'obsède depuis sa jeunesse, on le sait. Cependant, sur son Livre particulier, ouvert le 1er mai 1825, ce n'est que le 10 janvier 1836, qu'il transcrit sur la page de garde les premières dispositions testamentaires que, du moins, nous lui connaissions : ‘ "En cas de mort, ma volonté est qu'outre le montant de sa dot, ma femme ait encore le tiers de ma fortune liquide, à condition cependant que, conjointement avec les enfants et au prorata de leur avoir respectif, elle fasse à ma mère une pension viagère de douze cent francs au moins. ’" A la suite de ces lignes, le 9 mai 1837, la perspective d'une longue absence, l'insécurité de la navigation maritime, toujours à voile1048, les vicissitudes d'un pays lointain et inconnu l'amènent à compléter ses dernières volontés (là, encore, sous la signature de "F.B. Arlès" et non de son nom composé) : ‘ "S'il plaisait à Dieu de me retirer de ce monde, je prie M. Laurent Dugas, l'homme que j'estime le plus, de vouloir bien se charger de la tutelle de mes enfants. Mon vieil ami Enfantin l'assisterait dans leur direction morale et religieuse." ’ Evidemment, on ne peut qu'être surpris de voir associés la conduite d'enfants, notamment morale, et le nom du Père, lui qui n'a pas encore - certes, à quelque jours près - reconnu son fils Arthur, âgé de dix ans, fruit d'une ancienne liaison avec Mme Morlane, et dont il ne s'occupe guère ... L'amitié rend-elle à ce point aveugle ?

Le lendemain, peut-être même dans la nuit qui précède, il rédige, avec la lettre qui l'accompagne, la procuration accordée à J.R. Mahler. Vraisemblablement, elle s'adresse à ce même collaborateur, jeune et dynamique, qui l'a poussé dans la dangereuse ornière1049 dont, maintenant, coûte que coûte, il lui appartient de se dégager. La procuration, datée du 10 mai, est annoncée dans sa lettre de transmission comme étant ‘ "la plus étendue qu'un homme puisse donner à un autre homme" ’ et remise "en toute conscience." Mahler reçoit ainsi le pouvoir de représenter le mandant dans toute affaire le concernant, ce qui lui ‘ "impose ainsi l'obligation de débattre mes intérêts comme je le ferais moi-même. Elle vous place vis à vis de mes associés le défenseur de mes droits et de mes intérêts présents et à venir1050."

A l'envoi, se trouvent jointes les 35 actions de la Banque de Lyon ‘ "dont le produit appartient à mon compte" ’. La procuration donne le droit à Mahler de les déposer ou de les vendre en cas de besoin ; une préférence est toutefois marquée pour la première solution car elles sont ‘ "destinées à prendre plus de valeur lorsque la crise sera passée." ’ Les noms de Laurent Dugas et F.V. Beaup, ses collègues de la Chambre de commerce et de la Banque de Lyon, sont fournis pour recevoir, en cas d'évènements imprévus, conseils et assistance, eux qui ‘ "ont dans cette crise, donné des preuves d'amitié et dans lesquels vous pouvez avoir la plus grande confiance. Vous pouvez aussi compter sur Rémond et Brosset [tous deux de la Chambre de commerce] que je crois ’ ‘ 1051 ’ ‘ pouvoir considérer comme des amis." ’ Dans le cas d'une nécessaire liquidation, autorisation n'est donnée d'y consentir qu'après consultation de Dugas, ‘ "car vous comprenez que ce serait sacrifier les chances que l'avenir nous laisse de travail."

Ces mesures prises, la mort dans l'âme, Arlès-Dufour rejoint Paris puis Londres, sans doute pour s'entourer des conseils de son ami William Leaf. L'Angleterre vit dans le même marasme, ses commerçants victimes des mêmes raisons et dans les mêmes conditions. Les banques d'Angleterre ne peuvent continuer à les soutenir ; les plus fortes et les plus respectables maisons de Londres et de Liverpool, comme Thomas Wilson, G. Wildes & C°, Timothy Wiggin, Bell & Grant sont dans l'obligation de cesser leurs activités. Et Arlès-Dufour qui fournit cette énumération ajoute : "‘ Baring Frères et Morrison Cryder ne restèrent debout que parce que Alexandre Baring secourut son ancienne maison avec 8OO.OOO £ et J. Morrisson la sienne avec de fortes sommes1052."

A Lyon, Pauline Arlès-Dufour a le moral de plus en plus bas, d'autant que le temps n'est pas de la partie : des torrents de pluie et un froid de loup. C'est ce qu'elle écrit en un français quasi parfait, le mercredi 17 mai, à son mari dont elle vient de recevoir "une bonne lettre". Pour nous, qui avons noté précédemment qu'il n'était pas "homme de bureau", sauf pour y rédiger rapports, articles et courriers multiples, la missive de sa femme est riche d'enseignements sur ses qualités et surtout ses défauts en matière administrative1053. Sans conteste, malgré la cruauté de sa vérité, son importance est grande afin de mieux appréhender la personnalité de notre personnage, - tout en se réservant de faire la part des choses. Pauline raconte à François la visite d'Hoffmann, son associé, reçue la veille au soir et jusqu'à une heure tardive, pour lui parler des affaires : ‘ "Il était tellement démoralisé et me dit tant de mal (sic) de ta conduite envers les associés - Que tu leur avais manqué de parole, agi comme un écervelé et tellement compromis la maison que, sans son aide, elle aurait été obligée de suspendre [paiements et/ou activité] - Que vous travaillez sans bénéfice et que, par ton amour-propre de vouloir mettre la maison au premier rang, tu avais tellement poussé les affaires que vous aviez été obligés d'emprunter de l'argent à un intérêt ruineux - Que, du reste, l'organisation intérieure de la maison était pitoyable et qu'il y régnait un désordre effrayant." ’ Après avoir fait état de son bouleversement et de son insomnie consécutifs à cet entretien, l'opulente héritière de Paul Emile Dufour de Leipzig poursuit : ‘ "Malheureusement, mon bon ami, je n'ai pas confiance pleine et entière en ta prudence, tu te laisses emporter par une ardeur trop grande ; tu as peu d'ordre et n'a jamais su calculer pour les petites choses ; il doit en être de même des grandes. Et avec ta grande bonté et facilité, je crains que tu te sois laissé entraîner à donner des crédits trop illimités. C'est ce qui me fait frémir de te voir marcher seul un jour, si toutefois il nous reste quelque chose."

Ne plus avoir de comptes à rendre à ses associés - s'il en rend, en dehors des inventaires annuels... -, acquérir son indépendance et pouvoir agir en toute liberté morale et financière, donner libre cours à son dynamisme, saisir selon son flair les opérations opportunes, posséder "son" affaire, telle est bien l'ambition secrète qui anime Arlès-Dufour. Mais, il n'en n'est plus là... pour le moment du moins.

Pauline poursuit son réquisitoire : ‘ "[...] C'est pour la première fois, que la confiance sans borne que j'ai en toi me manque [...]. Pense donc que tu as trois enfants auxquels il faut faire un avenir et qu'alors il ne faut pas agir en jeune homme. Tu sais bien qu'en affaires, il faut être chien et ne pas avoir de coeur. Malheureusement, tu ne comprendras jamais cela. Prends Drut1054 pour exemple : c'est sa bonté seule qui l'a perdu. Dieu veuille que qu'il ne nous arrive de même [...]. Mon Dieu, quand est-ce que cela finira ? Certainement, ton voyage d'Amérique va se décider et je t'aurais dit adieu pour plusieurs mois ; une si longue séparation est bien dure ; deux mois sans nouvelles et j'en perds la tête1055. ’" Quelques nouvelles diverses concluent la correspondance : une visite à l'homéopathe, le docteur de Guidi, pour y chercher des "prises", le début de leçons de grammaire [française], etc., non sans, malgré les termes peu amènes qui précèdent, l'expression de tendres pensées.

Une lettre de son mari, seulement datée "‘ Mai 1837 Park Hill" ’, la résidence de son ami William Leaf, lui parvient, brève dans la décision arrêtée, longue dans ses recommandations. ‘ "Ma chère femme, Je n'ai pas besoin d'excuser mon départ pour New York. Tu connais trop mon attachement pour toi et nos enfants pour penser que, sans une impérieuse nécessité, je ne me déciderais pas à une aussi longue absence. Mais la nécessité est impérieuse. Il y va de notre existence qui serait compromise si nos principaux débiteurs d'Amérique ne se soutenaient pas ou nous faisaient trop attendre leurs remises." ’ Voici pour le départ à destination du Nouveau Monde.

Les injonctions, elles, sont abondantes : ‘ "Avant de quitter l'Europe, j'éprouve le besoin de te répéter au sujet de nos enfants ce que je t'ai souvent dit. Tu vas être pendant trois mois seule à les diriger sans mon aide. Suis ma voix t'appelant à l'indulgence pour leur âge ou leur faiblesse. Que cette lettre retentisse lorsque, poussée à bout par les ennuis inévitables des leçons et aussi par l'ennui de mon absence, tu te surprendras brusquant cette pauvre Mips1056 ou ce lambin de Gustave. Je ne parle pas de Titi1057 parce qu'il te tourmentera peu." ’ La psychologie de chaque enfant est scrupuleusement analysée avec, chaque fois, des conseils dans la meilleure façon de les fortifier moralement et physiquement : éviter les épithètes négatives, leur donner des preuves de confiance, ne pas leur inspirer de la crainte, ce mot revient à plusieurs reprises. Le croyant mais anticlérical époux multiplie les références à Dieu : ‘ "Ne pas craindre de [...] parler de Dieu, lors même que ce ne serait que très vaguement. Qui peut donc parler de Dieu clairement ! Dieu se sent, se voit, se respire mais on ne l'explique pas. Dieu est tout ce qui est, tout est en lui, rien n'est en dehors de lui et cependant rien n'est ’ ‘ lui ’ ‘ . [...] Le soir, en les couchant et le matin en se levant, il faut les faire prier pour lui par quelques mots adressés à ’ ‘ Dieu ’ ‘ qui voit et entend tout. Développons de bonne heure la confiance des enfants en ’ ‘ Dieu ’ ‘ . Qu'ils le croient tout puissant, lors même qu'ils ne comprennent pas comment il peut l'être. Ce recours à ’ ‘ Dieu ’ ‘ devient en grandissant une ancre de miséricorde dans les tourments dont aucune vie ne saurait être exempte. [...] ’ ‘ Dieu ’ ‘ ne veut pas que tous les individus soient semblables ; sans quoi, il leur donnerait à tous la même force. Le grand problème, c'est de diriger chacun selon ses dispositions et ces dispositions sont la conséquence, la manifestation de son organisation1058."

Après ces nombreuses références à Dieu, Enfantin, quant à lui, fait l'objet de deux allusions au passage : ‘ "Quant à la morale, ainsi que le dirait le Père, tenez-vous à l'évangile. Faites ce que vous voudriez qu'on vous fit. Soyons indulgents car nous avons besoin d'indulgence. N'oubliez pas en jugeant les autres que vous n'êtes pas parfait. Et pour les domestiques, n'oubliez pas qu'ils ne peuvent avoir la même délicatesse de sentiment que vous-même qui n'avez eu que de bons exemples et entendu que de bons propos et qui surtout n'avez jamais été usé par la terrible action de la misère." ’ Une remarque générale en apparence, mais orientée peut-être. Plus loin, regrettant quelque peu d'avoir trop tôt "fatigué" l'intelligence des deux aînés, il rappelle de nouveau les propos du Père : ‘ "Ce que l'esprit donne plus tôt, il ne le donne pas plus tard. Les arbres qui verdissent les premiers sont les premiers à perdre leurs feuilles1059."

De son côté, Enfantin tente d'étancher la souffrance morale de François : ‘ "Pas de tristesse, cher ami, votre voyage est ’ ‘ bon ’ ‘ . [...] Il vous fallait ’ ‘ voir ’ ‘ l'Amérique pour pouvoir ’ ‘ faire ’ ‘ en France ce que vous aurez certainement à y faire un jour ; vos correspondances d'affaires et le voyage de Michel [Chevalier] ne suffisaient pas ; Michel est ingénieur et savant, mais il n'est pas négociant, ’ ‘ commerçant ; il a vu les machines et les idées, vous verrez les comptoirs et leurs hommes. Il en a rapporté un livre, je crois que vous en rapporterez des affaires et un homme1060."

Est-ce sur les rives de la Tamise ou sur celles de l'Hudson que le destinataire reçut cette lettre et, par l'intermédiaire de Thurneyssen et Cie [banquier] à Paris, cette autre de Pauline du 24 mai ? Il s'agit de la dernière que nous lui connaissions, comme d'ailleurs de François, pour cette période. ‘ "Au moment de ton départ, j'ai toujours cru au voyage de New York" ’ écrit-elle, avant de faire part de la visite de Brosset qui ne l'a pas égayée et des dernières et consternantes nouvelles apprises : ‘ "Ce qui m'inquiète et m'afflige beaucoup, c'est que, par ce que j'ai pu entendre à droite et à gauche, je vois que l'on commence à jaser sur votre compte sur la place, sur les pertes que vous faites et de ce que vous ne payez pas les fabricants ; je t'avoue que cela m'angoisse beaucoup. Tâche de me rassurer si c'est possible ; cependant ne me cache rien, je t'en conjure. Dis- moi franchement si tu crois que la Maison est obligée de s'arrêter." ’ De plus, apprend-elle, Albert Dufour-Feronce, son cousin associé de Dufour frères à Lyon, perdrait lui aussi beaucoup à Leipzig et elle déplore son obstination à ‘ "ne pas venir ici et surtout à ne pas faire des fonds1061."

Son échec profondément ressenti, son honneur commercial et sa fierté sévèrement atteints, la crainte de devoir se dessaisir de ses actions de la Banque de Lyon1062, Arlès-Dufour démissionne de son poste de censeur de la Banque de Lyon. Le 8 juin 1837, sous les signatures conjointes de Laurent Dugas et F.V. Beaup, le Conseil général de l'établissement accuse réception de sa lettre du "7 courant" (sic !). ‘ "Le Conseil, lui est-il répondu, nous a donné la mission de vous exprimer le regret qu'il éprouve de se séparer de vous et d'être privé des lumières d'un collègue dont les avis lui ont toujours été si utiles. Je partage l'espoir que les circonstances qui ont dicté votre résolution, venant à cesser, vous viendrez reprendre une place où il vous voyait avec tant de plaisir1063."

La Chambre de commerce est saisie, elle aussi, d'une notification identique. Elle répond le 14 juillet, tout aussi rapidement et curieusement, à la lettre du "11 du courant". Sous la signature de son président, le même Laurent Dugas, les termes employés sont encore plus chaleureux : ‘ " [...] La Chambre a été spontanée et unanime dans son refus d'agréer une détermination qui la ’ ‘ prive d'un collaborateur dont elle a si souvent occasion d'apprécier le zèle, le dévouement et les lumières. Elle se plaît à espérer que les circonstances sur lesquelles vous motivez votre retraite auront un terme prochain. Et dût-elle attendre jusque là, pour vous voir revenir prendre dans son sein la place que vous y avez occupée d'une manière si honorable et si distinguée, elle se résignera à la privation temporaire de votre coopération, mais ne saurait consentir à la séparation complète dont vous avez eu la pensée. En me rendant son organe, elle m'a particulièrement chargé de vous témoigner toute la satisfaction qu'elle éprouvera à apprendre que vous renoncez à une démarche qui ajoute, s'il est possible, à son estime et à sa considération pour vous, mais qui ne lui semble point commandée aussi impérieusement que vous l'avez cru par les circonstances qui l'ont dictée. Agréez, à cette occasion, Monsieur et cher Collègue, la nouvelle assurance de tous les sentiments les plus affectueux et les plus distingués1064." "Cédant aux voeux de la Chambre" ’, Arlès-Dufour, par courrier du même jour, ‘ "lui exprime sa profonde reconnaissance, consent à retirer quant à présent, la démission qu'il avait cru devoir lui adresser1065."

En cette triste fin de juillet pour toutes les parties prenantes de la Fabrique, les manifestations de bienfaisance s'organisent une nouvelle fois au profit des ouvriers sans travail. Après avoir reçu pendant trois mois l'hospitalité de George Sand à Nohant, la comtesse Marie d'Agoult, alias Daniel Stern, accompagnée de Franz Liszt, arrive à Lyon le 27. ‘ "On [y] monte le concert pour les pauvres1066" ’ qui sera donné, le 3 août suivant, par Liszt et le ténor Adolphe Nourrit - une nouvelle fois en représentations au Grand-Théâtre1067. Le 30 juillet, au cours d'une réunion intime, la comtesse entend le chanteur. Cet "artiste distingué", cet "homme estimable", loue-t-elle, ‘ "médite ce que les grands artistes méditent aujourd'hui : la diffusion de la musique parmi le peuple, l'initiation et le progrès des petits par l'art ; [...]. Ses plans sont beaux et véritablement humanitaires. A notre retour en France1068, Franz entreprendra probablement quelque chose de semblable et, peut-être verrons-nous de grands résultats de la réunion des efforts partiels et des tentatives jusqu'ici trop incomplètes et trop isolées1069." ’ Il convient de rappeler ici, que tant Liszt que Nourrit ont fréquenté le saint-simonien hôtel de Gèvres de la rue Monsigny, comme le souligne elle-même, au sujet de Franz, Marie d'Agoult dans ses Mémoires1070.

Sans aucune transition, la comtesse poursuit : ‘ "Enfantin est retiré dans le voisinage de Lyon1071. Je me sens une grande vénération pour lui, un vif désir de le connaître, quelque chose de pareil que j'éprouvais pour M. de Lamennais. Voici quelques passages que j'ai copiés de lettres écrites par lui à M. Arlès, négociant récemment ruiné par la banqueroute américaine : "Baisser la tête dans l'adversité m'a toujours paru une platitude ; la baisser quand nous vient la gloire est et sera toujours la noble humilité. [...]" ’. Après avoir reproduit longuement l'écrit en question - il occupe plus de deux pages de ses Mémoires ! -, la comtesse conclut : ‘ "Le besoin de faire partie d'une communauté, de rattacher le peu de bien que je pourrais faire à un but unique, de devenir d'un individu isolé le membre d'une famille, un des mille rayons qui convergent à un centre, se fait quelquefois sentir en moi. Si je voyais Enfantin, peut-être me ferais-je saint-simonienne, sans une vive foi pourtant, mais simplement parce que, parmi tous nos systèmes sociaux modernes, la doctrine de Saint-Simon est celle qui embrasse le plus complètement mes sympathies1072."

Cette profession de foi une fois reproduite, la question se pose de savoir en quel lieu Marie d'Agoult a bien pu prendre le temps de recopier de si nombreuses lignes, si ce n'est au domicile de leur destinataire. En l'absence de son mari, Pauline aurait-elle reçu, seule, Quai d'Albret, Nourrit, Liszt et Marie d'Agoult, anciens disciples et admiratrice du Père ? Dans l'affirmative, se serait-elle crue autorisée à déflorer, même aux profit d'amis du nouveau christianisme, une lettre personnelle d'Enfantin, ceci dans la mesure où cette lettre lui aurait été particulièrement réexpédiée de New York ?

Plus simplement et en définitive, ne serait-ce pas Arlès-Dufour qui, personnellement, aurait accueilli ses invités... ayant renoncé, au tout dernier moment, au voyage américain ? Un voyage dont nous venions à douter et que nous excluons en définitive, malgré les divers éléments épistolaires qui précèdent. Sinon, comment expliquer les délais de réaction, extrêmement brefs, aux lettres de démission adressées à la Banque de Lyon et à la Chambre de commerce ?

D'ailleurs, Enfantin recevant une "bonne lettre" de son ami lyonnais, lui apprenant que ses "craintes étaient moins terribles" lui répond, de Curson, le 7 août : ‘ "Si Litz ( ’ ‘ sic ’ ‘ ) est encore à Lyon, faites-lui mes amitiés, dites-lui que son souvenir me fait grand plaisir, que j'avais été touché de quelques mots que George Sand met dans sa bouche et que je suis bien content qu'en composant il songe à moi. Quant au bon et digne artiste Nourrit, comme vous le nommez, je vous envie de l'avoir entendu1073. ’" Ainsi donc, Arlès-Dufour avait lui-même reçu Marie d'Agoult Listz et Nourrit et assisté au concert des deux derniers. D'ailleurs, aussi et pour en revenir aux souvenirs de Pauline cités en tête de chapitre, celle-ci poursuit : ‘ "Il [son mari] ’ ‘ forma1074 le projet d'un voyage à New York mais il se rendit d'abord en Angleterre. Son ami, Monsieur Leaf, lui vint en aide par l'offre d'un ’ ‘ crédit illimité1075 sur la maison d'Old Change et par ses conseils d'ami et de négociant expérimenté1076."

Mais les conseilleurs ne sont pas toujours les payeurs... A "[s]on cher Arlès" qui le presse de réponses immédiates1077 à ses lettres, Adolphe d'Eichthal, frère de l'ex-"apôtre" Gustave1078 et d'esprit saint-simonien lui aussi, ‘ "entièrement absorbé par l'arrangement de l'affaire Welles" ’ et par les siennes propres, écrit avec retard de Paris, le 28 juin 1837. Non sans lui infliger une leçon, apparemment non imméritée : ‘ "[...] Je sais apprécier votre amitié et les conseils que me donne votre dernière lettre ont été reçus avec reconnaissance : je suis bien jeune et cependant mon père me montre une confiance tellement illimitée qu'il me laisse presqu'exclusivement maître de conduire nos affaires à mon gré. Vous apprécierez ce degré de prudence que j'ai montré, malgré mon enthousiasme sur certains points, quand je vous aurais dit que, de toute cette année, nous n'avons pas perdu un centime avec nos correspondants. Certes nous avons quelques pertes entre autres par notre commandite de New York qui, malgré toute sa réserve, sera écornée comme tout le monde. Mais heureusement pour nous, l'affaire de Saint-Germain1079 fera, et bien ’ ‘ au-delà, face à des petits accrocs" ’... A son tour de prodiguer des conseils à celui qui dans l'instant semblait bien mal placé pour en donner... ! ‘ "Pour vous, cher Monsieur, il me semble que vous voyez votre position trop en noir. Certes, je ne crois pas que vous devez continuer votre maison sur le même pied : cette crise vous a fait reconnaître le mauvais côté, il faut l'éviter.

"Mais vous restez avec une réputation plus intacte que jamais, une grande expérience et beaucoup d'amis : un seul de ces éléments suffit souvent pour réussir. [...] Peut-être, reconnaîtrez-vous aussi qu'il faut se méfier de ses élans pour le bien public et ne pas donner trop de temps aux affaires des autres. Une chose me frappe aussi, c'est qu'il vaut mieux, en thèse générale, opérer pour son compte qu'en commission : voyez les maisons près de vous qui ont adopté ce système, elles ont plus gagné et probablement perdent moins que vous." ’ Après avoir disserté sur ‘ "l'imminente nécessité de la création d'un système général de banques, liées entre elles, non seulement dans chaque pays, mais dans le monde entier" ’, après avoir évoqué à nouveau l'affaire Welles, puis le revirement du Conseil général de la banque [de France]1080 obtenu de haute lutte en faveur des débiteurs lyonnais, il précise transmettre à son frère Gustave la dernière lettre d'Arlès-Dufour. Gustave, lui dit-il, ‘ "a pris le chemin de fer avec la même passion que tout ce qu'il a entrepris précédemment ; j'espère que cette application aux affaires lui fera grand bien : néanmoins, je ne suis pas sûr que cela marche longtemps, il se laisse aller à son besoin de domination qui pourrait bien blesser mes collègues ou les ingénieurs1081." ’ La lettre se clôt sur les voeux formés pour une amélioration rapide de la situation...

Dans l'immédiat, cette situation est catastrophique. Arlès-Dufour, de retour à Lyon plus tôt qu'on pouvait le penser, en chiffre l'ampleur. Il la confie à son Livre particulier : ‘ "La crise de 1837 a coûté, non compris les intérêts, à la maison Dufour frères et Cie une perte de 1.367.000 F dont ’ ‘ 743.OOO1082 à ma charge, emportant donc tout mon avoir de 439.721 plus 303.000. Sur ces 439.000 F, 200.000 appartenaient à mon beau-père.[...]"

Avec une force de caractère retrouvée et une inébranlable résolution, prêt à tous les sacrifices pour regagner sa parfaite réputation, Arlès-Dufour se tourne à nouveau vers l'avenir. A en croire Frédéric Passy, cet avenir, apparemment, est envisagé avec philosophie : ‘ "Madame Arlès, dit-il à sa femme après avoir constaté que la ruine était complète, tu vas ouvrir une épicerie et vendre du sucre et de la chandelle : il n'y a pas de sot métier." ’ Et Frédéric Passy s'empresse de préciser : ‘ ""Monsieur Arlès", lui vint-on dire de toutes parts, "un homme comme vous n'est jamais ruiné : il vous reste votre intelligence et votre activité." Et, des crédits lui étant de divers côtés ouverts, il refit sa fortune1083..."

Certes, mais ce fut loin d'être aussi vite fait. Pour l'aider à se relever, ainsi que le remarque également son hagiographe, il fut ‘ "encouragé par l'affectueuse estime de tous ceux qui avaient été témoins de son inébranlable résolution et qui l'avaient trouvé prêt à tous les sacrifices pour satisfaire aux lois de l'honneur commercial." ’ Parmi eux, nous l'avons vu, son ami Leaf. Et César L'Habitant d'assurer : ‘ "Arlès-Dufour trouva, dans le concours de tous, la juste récompense de son honorable attitude1084." ’ De son côté, Michelet, après sa rencontre avec Arlès-Dufour du 29 mars 1839, rapporte : ‘ "Il y a deux ans, obligé de liquider, les banquiers lui offrent plusieurs millions1085..."

La dissolution de la société Dufour frères et Cie, créée le 28 novembre 1834 pour une durée fixée au 1er novembre 1842 entre Albert Dufour-Féronce, Arlès-Dufour et Louis Hoffmann1086, est convenue par les intéressés avec effet du 31 août 1837. Par cet acte signé le 22 du même mois et enregistré dès le lendemain, F.W. Boell1087 reçoit tous pouvoirs pour signer par procuration de Dufour frères et Cie en liquidation. Tout espoir de récupérer sur place les créances américaines n'est cependant pas définitivement écarté ; si l'un des associés ‘ "était obligé de se rendre en Amérique" ’, l'acte stipule qu'il aurait la même faculté de signature. Une circulaire en date du 31 du même mois avise de la continuation de la société1088.

Ici comme ailleurs, ‘ "on temporise encore dans l'espérance que les débiteurs américains ne tarderont pas à s'exécuter1089" ’. C'est ce qu'affirme, le 6 août, la Chambre de commerce au président du Conseil des ministres qui, "par un hasard favorable", est en même temps secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères et ministre par intérim des Travaux publics, de l'Agriculture et du Commerce. Mais un signal d'alarme est lancé sur la gravité immédiate de cette suspension de paiements. Il s'agit d'une "crise générale" dont ‘ "il serait difficile d'en rappeler de semblable" ’, ‘ "laissant notre place sous le poids d'un découvert de près de vingt cinq millions de francs1090" ’. En conséquence, une démarche diplomatique de notre ambassadeur auprès du gouvernement des Etats-Unis est vivement souhaitée pour la protection des intérêts français si malheureusement compromis ; largement compréhensive, la réponse du 22 août du président du conseil n'en est pas moins dilatoire1091.

A l'approche de l'hiver, la situation devient de plus en plus inquiétante et de pressants besoins se font déjà sentir. La caisse de prêts en faveur des chefs d'ateliers de soieries, créée à Lyon par ordonnance royale du 9 mai 1832 à l'initiative de la Chambre de commerce, ne peut plus faire face à la demande1092. Les prêts accordés, au nombre de 2.400 en 1835, sont passés à 4.080 alors que les emprunteurs sont devenus insolvables, lorsqu'ils n'ont pas disparu. Non sans difficultés, une subvention de 20.000 F est seulement obtenue du ministre du Commerce1093 au lieu des 60.000 F sollicités par la Chambre, le 29 novembre 1837. Arlès-Dufour qui s'est félicité de la création de cet établissement d'intérêt public et en a suivi la gestion, de son propre chef et aussi en tant que membre de la Chambre de commerce, partage le désappointement général.

Au plan professionnel, il se reprend à espérer à l'occasion de ses séjours à Paris. En octobre, il y retrouve Leaf ‘ "amical comme toujours et disposé à faire tout ce qui pourrait [le] servir." ’ Les perspectives de printemps sont bonnes à Londres, aussi le travail s'annonce pour janvier et février. De plus, un certain Vouillon, nommé marchand pour le couronnement de la reine Victoria prévu le 28 juin suivant, envisage de venir à Lyon pour composer avec lui "un bel assortiment". De quoi le réjouir encore, alors que tous ses amis le reçoivent à bras ouverts et que le brave Charles Depouilly, un fabricant lyonnais, n'oublie pas une occasion de lui être utile1094.

En mars 1838, il est de nouveau dans la capitale. Une lettre de Leaf, satisfait de la manière dont il a été servi cette saison, se propose d'augmenter encore ses affaires avec lui, et, pour ce faire, lui suggère un déplacement à Londres. Non, est-il assuré à Pauline, il ne se rendra pas à cette invitation, également conseillée par Vouillon : ‘ "J'aime mieux remettre cette visite au moment où j'aurai terminé avec Hoff[mann], [son associé dans Dufour frères et Cie] et où la maison prendra mon nom" ’ ! Décidément, malgré son lourd échec, malgré les appréhensions encore récentes de sa femme, il n'en démord pas. Encore moins, car il complète : ‘ "La place d'une maison de commission est toujours très belle ici, surtout avec les bonnes intentions de Leaf1095." ’ Trois jours après, il modifie ses projets de déplacement. ‘ "Dans la crainte de laisser refroidir le feu qui s'est ranimé chez Leaf" ’, il est sur le chemin de Londres, en compagnie de Vouillon. C'est promis : le mercredi 4 avril, il en repartira, sera à Paris, le vendredi ou le samedi, qu'il quittera par la malle du lundi 9 - ‘ "il s'agit seulement de trente heures" ’ - pour être de retour à Lyon le mercredi ‘ "pour causer et nous promener toutes les fêtes de Pâques" ’... Quelques mots sur les affaires : ‘ "Je ne t'ai rien dit sur l'Amérique parce que je ne sais rien non plus que les plus malins. Dieu seul sait comment et quand cela se débrouillera. Mais ce que je puis t'affirmer, c'est que, quoiqu'il arrive, je ne perdrai pas courage et pourvu que ’ ‘ Dieu ’ ‘ me maintienne en santé j'aurai bientôt regagné le temps et l'argent perdus1096."

Le programme prévu est à peu près respecté. Le 5, deux heures et demie après son départ de Douvres "sans mal de mer", de Calais, il s'emploie à rassurer Pauline : ‘ "Mon voyage a été si heureux jusqu'ici que je tremble de trouver de mauvaises nouvelles à Paris où je n'arriverai que demain soir après le départ du courrier. Nous avons cependant eu tant d'épreuves qu'un peu de repos et de succès sans mélange serait bien mérité. Mais quand on a été froissé, on tremble longtemps." ’ Et s'il se plaît à faire participer sa femme à ses espoirs, elle ‘ "sai[t] que si [il] n'aime pas partager [ses] soucis, [il] aime beaucoup à partager [ses] plaisirs qui sont toujours bien incomplets lorsqu'[il] n'a pas pour les partager ceux qu'[il] aime1097."

Bien qu'"incomplets", ces plaisirs continuent néanmoins d'exister. Il ne faut pas croire qu'il ne met pas à profit, comme par le passé, ses séjours parisiens pour se distraire et visiter ses relations ; au contraire, il continue d'en jouir pleinement. Le jeudi de la mi-carême 1838, avec Sevenne, Vouillon et Sieber, il inaugure le bal masqué de Musard : ‘ "En vérité, ça vaut la peine ’ ‘ d'être vu" ’, même s'il s'agit d'‘ "une source d'intrigues pour les filles ou plutôt pour les dominos." ’ Visite de Versailles avec Leaf, puis de Saint-Germain après avoir "payé son tribut de badauds" à son "chemin" [de fer]. Au fil de ses différents séjours, les invitations à dîner ‘ "irrefusables et qui [l]'empêchent d'aller au spectacle" ’ complètent le programme. Ses hôtes sont Félix Vernes, Charles Vernes, Thurneyssen - tous banquiers ! -, l'ancien maire de Lyon Prunelle toujours député, ou encore Pereire, Holstein. Ce sont aussi, entre autres, "Michel" [Chevalier] et Samuel Hahnemann chez qui son ami Leaf, de passage, l'accompagne parfois. Une autre fois, en décembre 1840 - quelques semaines avant de se rendre en Italie1098 -, il réunit à déjeuner, chez Tortoni, Duveyrier, Vinçard, Gullet [? ou Gallé ?]. ‘ "De quoi pourrions-nous parler ?" ’ demande-t-il à Enfantin, en Algérie ; apparemment peu de la cérémonie fastueuse qui, l'avant-veille, a entouré le retour des cendres de Napoléon, et de répondre : ‘ "Duveyrier disait que ses idées s'étaient bien modifiées sur l'héritage et qu'il ne croyait plus à la nécessité de son abolition1099. Moi, je disais y croire plus que jamais1100."

"Demain ’ ‘ , écrit-il le mardi 11 janvier 1842 à Pauline ’ ‘ , je dîne chez Fulchiron [député du Rhône] et j'avais quatre invitations. Pour vendredi, j'en avais six, mais j'ai accepté chez Talabot. Jeudi, chez M. Rivet1101." ’ Le samedi précédent, il a passé la soirée "chez Pereire" et, le lendemain, dîné "chez Michel" [Chevalier], avant d'assister à une ‘ "soirée-concert chez le garde des Sceaux" ’ et de prendre "un petit sommeil". Un séjour harassant et bien rempli, une fois encore, motivé par sa participation aux Conseils généraux du commerce. Si, comme c'est le cas ici, il dresse, durant les débats sur la question des sucres, ce compte rendu à l'intention de Pauline, s'il lui arrive de s'échapper d'une séance pour ‘ "aller entendre le ’ ‘ Stabat ’ ‘ de Rossini dans la loge de Madame Paturle" ’, sa présence n'est pas seulement physique. ‘ "Lundi, commente-t-il, les trois Conseils [du Commerce, des Manufactures et de l'Agriculture] réunis sous la présidence du ministre. Chacun y demande protection pour son intérêt. J'ai fait un petit discours pour rappeler les Conseils aux intérêts généraux et j'ai conclu en disant que les demandes des conseils ’ ‘ mèneraient, si elles étaient écoutées, à l'isolement du système chinois." ’ Même devant un tel aréopage, il conserve son franc-parler.

Maintes fois, face à ces mondanités parisiennes, il se déclare désolé si Pauline se croit obligée, dans le même temps, de refuser les invitations qui lui font plaisir : ‘ "Je te recommande deux choses. Combine le tout, d'abord pour que ta santé n'en souffre pas, ensuite pour que le méchant monde n'ait rien à dire. Pour cela, arrange-toi pour te faire mener et ramener par des amies comme Madame Sevenne, Madame Gros, Madame Antoinette [?]. Enfin, tu sens mieux que moi ce que tu peux et ce que tu ne peux pas faire et ce n'est pas pour rien que le Père t'appelle la ’ ‘ brave femme1102." ’ Ainsi, revenait-il à la charge sur ce que, quatre jours auparavant, il lui avait écrit : ‘ "Je suis charmé du repos que tu prends et dont tu avais si grand besoin ; mais je n'entends pas que, parce que je suis absent, tu te cloîtres. Ce sentiment de certains maris n'est guère plus charitable que celui qui, aux Indes, oblige les veuves à se laisser brûler. Il y a en tout un juste milieu qu'une femme de sens, comme toi, doit saisir1103."

Et s'il se plaint de ne pouvoir trouver le temps d'applaudir Guido et Ginevra, s'il promet à Pauline de réserver ‘ "les spectacles, les musées, les monuments pour le premier voyage où [il] pourra l'emmener1104" ’, le lendemain soir, profitant d'un désistement, il assiste à la représentation de Don Giovanni : ‘ "Certainement, Grisi, Lablache, Rubini, Tamburini forment une réunion admirable ; mais, décidément, les Italiens ne comprennent pas la musique allemande et l'orchestre et les choeurs font pitié1105." ’ Une autre fois, c'est le Théâtre Français qui l'attire, ‘ "une fois pour ’ ‘ La Popularité ’ ‘ " ’ - ‘ "une pièce peu intéressante mais bien écrite et bien jouée" ’ -, ‘ "une fois pour Rachel" ’ qui ‘ "joue la tragédie comme la meilleure tragédienne allemande et n'a rien de commun avec nos hurleuses Georges, Duchesnois, etc.1106" De même, il se réjouit du succès remporté par une "petite pièce1107" de son ami Charles Duveyrier, lancé dans la carrière d'auteur dramatique depuis quatre ans1108. Celui-ci, assagi selon toute vraisemblance, se marie le 1er mai de la même année 1839 à une jeune anglaise Ellen Claire Denie, née à Bath1109 (GB) mais à Paris depuis vingt ans1110.

La société parisienne en 1838 ? Elle est ‘ "en ce moment, comme sous le Directoire, dans un gâchis politique, industriel, intellectuel et moral qui dégoûte. Ce gâchis se manifeste à la Chambre, à la Bourse, au théâtre et aux bals masqués. Pour peindre l'époque, ou plutôt le moment, [on dira] que nous sommes dans un chahut général." ’ La Bourse, quant à elle, "‘ a tout à fait changé de physionomie. Elle est devenue trop petite pour la masse des joueurs aux actions petites et grandes. La hausse du bitume a tourné toutes les têtes, et partout on ne parle qu'actions1111." ’ Mais il est hors de propos qu'il en soit de même pour lui. Pour le moment du moins.

La durée des fastidieux trajets à Paris est souvent amortie, nous l'avons vu, par des prolongements en Grande-Bretagne. En 1839, sans doute dans le courant du mois de février, il vient de parcourir le nord de l'Angleterre et même l'Irlande. Trop longtemps peut-être pour ne pas se permettre "cet holiday", comme il en avise son ami Porter - ce haut-fonctionnaire du Board of Trade - qui lui propose d'assister au grand congrès national de Birmingham1112. Les termes qui suivent ne sont pas dénués d'intérêt ; la détresse de la classe démunie, que celle-ci soit française ou britannique, l'indigne : ‘ "Je ne puis cependant quitter l'Angleterre sans vous remercier de votre bon accueil. J'aurais bien voulu vous communiquer verbalement mes impressions de l'Irlande, impressions qui me poursuivent et ne s'effaceront de ma vie. Vous m'avez dit l'autre jour que vous aviez assisté à un meeting d'hommes éminents de toutes opinions associés dans le noble but de l'abolition de la traite des noirs en Afrique. J'ai aussi plusieurs amis, membres zélés des sociétés des Missions. En vérité, mon digne ami, je commence à croire que l'ostentation plutôt qu'une véritable charité est un fond de ces parades, car s'il y en était autrement, avant de penser aux esclaves et aux infidèles, vous penseriez à ces pauvres Irlandais cent fois plus misérables, cent fois plus ignorants que ces sauvages que vous convertissez au brandy. Si tous ces hommes qui font des ’ ‘ speeches ’ ‘ et des souscriptions voulaient seulement faire un voyage de 24 heures, ils rougiraient, s'ils sont vraiment touchés par la charité chrétienne, de voir l'état de dégoûtante, de révoltante misère dans lequel le gouvernement de leur pays a réduit ’ ‘ tout un peuple. Et même sans quitter leur île, si ces hommes visitaient les ouvriers et les suivaient un peu dans leur vie, ils verraient qu'ils ne manquent pas ’ ‘ at home ’ ‘ d'aliments à leur charité et à leur besoin de religieuse propagation1113."

Sa démission de censeur donnée le 7 juin 1837, acceptée par la Banque de Lyon dès le lendemain, Arlès-Dufour - qui, n'en doutons plus, est de retour seulement d'Angleterre et non d'Amérique - vend, le 9 du même mois, ses 35 actions à Delahante, à raison de 1.250 F l'une, pour un total de 43.750 F ; une plus-value de 1.877,35 F est réalisée. Le 4 janvier 1838, l'assemblée générale des actionnaires sera appelée à lui nommer un successeur1114...

Le chemin de la Chambre de commerce, abandonné depuis le 18 avril 1837, n'est pas repris dans l'immédiat. Trop de problèmes assaillent celui qui, malgré ses absences, a été confirmé au sein de la Commission des manufactures, lors du renouvellement du tiers sortant du 21 octobre 18371115. En dépit de l'intérêt qu'il attache à ces réunions nationales, il ne participe même pas à la session des Conseils généraux du commerce à Paris du 16 décembre 1837 ; il est vrai aussi que les questions à l'ordre du jour ne font pas partie de ses sujets favoris.

Son mandat consulaire non renouvelable de trois ans expirant officiellement le 30 juin 1838, mais le renouvellement n'intervenant que le 15 novembre, il fait sa première réapparition, depuis le 18 avril 1837, lors de la séance extraordinaire de la Chambre de commerce du 22 août 1838 motivée par la construction du quai Fulchiron. C'est aussi pour y enregistrer l'évolution favorable de la situation de la Banque de Lyon dont le bilan au 30 juin s'élevait à 17.942.231,85 F... Est-ce l'intérêt particulier qu'il attache aux caisses d'épargne qui le ramène le 6 septembre lorsqu'est évoquée la création de celle de la Croix-Rousse ? Le gouvernement souhaite la multiplication de ces établissements ; et, dans l'esprit de la loi du 5 juin 1835, le ministre du Commerce y voit, non pas uniquement une institution de bienfaisance, mais ‘ "comme un moyen puissant de rallier, au profit de l'ordre public, un grand nombre d'intéressés par la facilité qu'elles offrent à toutes les classes laborieuses pour le placement de leurs économies1116" ’.

Trois jours avant le renouvellement de la Chambre, le 12 novembre de la même année, il se fait un devoir d'assister à la séance extraordinaire présidée par le préfet Rivet et Laurent Dugas. Il tient à témoigner son affectueuse estime à celui qui, à l'issue d'une présidence longue de onze années, sort par ancienneté, tout comme lui, ainsi que François-Victor Beaup, Aimé Chaurand et Vachon-Imbert. Arlès-Dufour reste cependant l'un des deux délégués de la Chambre au Conseil général du commerce et l'on sait1117 qu'il y oeuvra notamment à deux reprises au cours de l'année 1839, sous la présidence de Brosset, successeur de Laurent Dugas.

Durant plus de deux ans, il avait cessé de se manifester au Palais du Commerce et des Arts pour des raisons professionnelles, puis réglementaires1118. Il devait en payer la rançon lors du renouvellement partiel du 4 juillet 1839, en recueillant seulement 23 voix sans même atteindre la majorité de 27 voix1119. Il n'assistera donc pas à l'installation de la nouvelle Chambre, le 18 juillet, placée sous la présidence du récent préfet du Rhône, Jayr, dont c'est l'une des premières sorties officielles. L'année suivante, il présente à nouveau sa candidature. Douze concurrents sont en lice. Sa revanche est éclatante à l'occasion des élections du 6 juillet 1840. La majorité absolue nécessaire est de 32 voix ; il en obtient 59, arrivant derrière J.B. Dolbeau (62) et Quisard fils aîné (61). ‘ "Le zèle avec lequel vous n'avez cessé de prendre part aux travaux de la Chambre, lorsqu'elle vous comptait au nombre de ses membres, ne me permettent pas de douter que vous ne défériez au voeu des électeurs qui vous ont appelé, de nouveau, à en faire partie1120." ’ Par lettre du 15 juillet, Arlès-Dufour reçoit ainsi du président Brosset, son ami, notification officielle de son élection et invitation à assister à la séance du vendredi 17 en vue de son installation ; le récipiendaire n'y manque pas et se voit affecté, une nouvelle fois, à sa Commission de prédilection, celle des manufactures. Il en sera encore de même après sa réelection du 29 août 1843 où il arrivera en tête des compétiteurs avec 65 suffrages1121, et son installation le 19 octobre.

Cette charge consulaire retrouvée ne constitue pas la seule responsabilité publique présentement exercée par notre personnage. En effet, depuis le 28 septembre 1839, il occupe les fonctions, bien inattendues pour l'ancien adjoint au maire de Lyon, de... conseiller municipal de la commune voisine, celle de la Guillotière1122, la seconde ville du département en plein essor. Qu'est-il venu y faire ? Certes, est-il domicilié sur le territoire de cette commune. Mais nous ne lui connaissons pas d'affinité particulière avec le maire Pierre Grillet ou ses adjoints Ardin et Trouvé, à moins que le conseiller municipal Régnier, prénommé Jean François dans les délibérations, ne soit ni plus ni moins ce négociant ami, déjà cité sous le prénom de Jean Marie1123. Ce n'est certainement pas pour emboîter le pas de cet autre familier Clément Reyre, fondateur avec Terme et lui de la Société d'instruction primaire du Rhône ancien maire puis ancien conseiller municipal de la Guillotière ; démissionnaire en décembre 1834 pour changement de résidence, il est devenu conseiller municipal de Lyon. Nous ne pensons pas davantage que ce soit par dépit de sa défaite à la Chambre de commerce, quelques mois plus tôt, en juillet de cette même année 1839. Il s'agit plutôt de la manifestation de son esprit civique et de son besoin de dévouement au profit de cet ancien ‘ "petit faubourg [en Dauphiné]" ’ devenu ‘ "une ville de vingt-quatre mille habitants1124" ’, à la fois industrieuse et en cours d'agrandissement1125.

Effectivement, le nouvel édile ne tarde pas à présenter un rapport le 13 novembre, deux mois après son élection, sur la nécessité de faire appel à un emprunt en vue des nombreux travaux de remblais devant assainir la commune et la préserver des inondations : construction des digues du Grand-Camp, digue du pont Lafayette au pont de la Guillotière, digue en aval du pont de la Guillotière jusqu'à la Vitriolerie. C'est que ‘ "par malheur, le Rhône tend à quitter Lyon et à se jeter sur la Guillotière1126." ’ C'est encore le cas en cette fin d'octobre 1840 qui voit tomber en quelques jours une impressionnante quantité de pluie. Le 31 octobre, la digue appelée "‘ de la Tête d'or et du Grand-Camp" ’ s'effondre sur cent mètres. Les Brotteaux, la Guillotière, Gerland sont inondés. La Saône grossit et déborde à son tour. Certaines rues de Lyon sont transformées en canaux, la place Bellecour en un vaste lac que des bateliers font traverser moyennant quelques sous1127. La douane est envahie ; il s'ensuit un préjudice notable pour le commerce en général, en particulier avec l'Allemagne avec qui il est complétement arrêté1128.

Dans les nombreux échanges, politiques d'ordre national - questions sociales, colonisation de l'Algérie -, ou international - l'inquiétante question d'Orient -, que le conseiller municipal a avec Enfantin, il évoque naturellement la calamité qui a frappé. ‘ "J'ai reçu votre lettre du 6, mon cher ami, lui répond celui-ci de Bône ; la Saône et le Rhône sont des ruisseaux à côté des torrents humains qui grondent, et pourtant ces ruisseaux renversent tout sur leur passage ; que sera-ce donc, à la fonte des neiges qui couvrent les vieilles cimes de notre société ; que sera-ce, lorsque les tempêtes seront déchaînées et que des pluies d'orage viendront grossir les moindres affluents du grand fleuve1129 ? ..."

Face au désastre général, Arlès-Dufour n'est certainement pas le dernier à voter, au Conseil municipal de la Guillotière du 3 novembre, un crédit de 15.000 F en faveur des familles les plus nécessiteuses victimes de l'inondation. Le même jour le voit à la Chambre de commerce réunie pour le même objet. Une proposition faite "par un membre" a pour but d'engager l'assemblée à venir en aide au ‘ "grand nombre de malheureux [...] momentanément dépourvus de toutes ressources" ’, soulignant ‘ "qu'il est urgent de venir à leur secours par tous moyens possibles1130." ’ C'est lui-même qui le consigne en qualité de secrétaire de séance, en l'absence du titulaire Beau.

Ses activités au sein du Conseil municipal de la Guillotière mériteraient, certainement, d'être plus complètement étudiées. Mais si les premiers temps, il monte à peu près régulièrement au premier étage de la maison Charbonnier de la place du Pont, siège de la mairie depuis 18361131, il ne tarde pas à s'y ennuyer. Même plein de projets, à peine deux mois après son élection, le 8 novembre 1839, il s'adresse au général Saint-Cyr Nugues, en réponse à un courrier de l'avant-veille : ‘ "C'est du milieu du Conseil municipal de la Guillotière, dont je suis ’ ‘ membre, que je vous écris ces lignes. Ne vous étonnez donc pas si elles n'ont ni queue ni tête, vu le brouhaha inséparable des réunions parlementaires." ’ La lettre en effet décousue, entrecoupée de nouvelles diverses (sa chute, l'arrivée de Baron, des conseils homéopathiques, etc.) dépeint aussi l'ambiance de la réunion. "‘ Sacrebleu ! Chiens de bavards ! Chiens de conseillers ! Ils se disputent, à casser les vitres, pour l'établissement ou le non établissement de quelques réverbères. [...] Nom d'un chien ; b....., vont se battre pour leurs maudits réverbères et pour les voitures des vidangeurs. Les voilà dans la matière. Dieu les y laisse1132 ! "

Malgré les ravages effrayants causés par l'irruption du Rhône et la calamité qui pèse sur le riche comme sur le pauvre1133, les secours sont notoirement insuffisants. Le maire et ses deux adjoints démissionnent. Un nouveau maire est nommé ainsi qu'un adjoint ; un seul. Personne ne brigue le second poste vacant, pas même Arlès-Dufour. Le désordre s'amplifie ; faute de quorum, des séances sont ajournées. Dans ce contexte, ‘ "ne pouvant remplir avec exactitude les devoirs de conseiller municipal1134" ’, François Barthélemy démissionne de son poste le 12 mai 1843.

En dépit de sa dissolution récente, comme relevé plus haut, la maison Dufour frères et Cie avait averti ses correspondants, le 31 août 1837, de la poursuite de ses activités, chose courante à l'époque. Rapidement, compte tenu de la gravité de la situation, les jours apparaissent moins sombres, les affaires reprennent sensiblement. Dès le 19 décembre, Arlès-Dufour peut adresser de ‘ "bonnes nouvelles sur les affaires1135" ’ à Curson et les confirmer en mai 18381136.

Après le foisonnement de dissolutions de 1837, de nouvelles sociétés naissent, renaissent ou modifient leurs statuts1137. Laurent Dugas, négociant et son fils, Claude Marie Prosper François, demeurant ensemble rue Pisay, forment le 5 janvier 1839 une société en nom collectif pour l'achat et la vente de soie sous la raison sociale de "Laurent Dugas". Les ex-saint-simoniens ne sont pas exclus du lot. Par acte du 8 janvier 1839, la société "Arboras" formée en 1836 pour la fabrication de la fayence [sic] anglaise et porcelaine opaque, voit son activité prolongée de cinq ans, avec effet rétroactif de sa création. Elle a été constituée entre Benjamin Olinde Rodrigues1138, Docteur es-sciences de la Faculté de Paris, 2 rue Grange Batelière, Paris, et Auguste Agricole Decaen1139, manufacturier de fayence [resic], demeurant à Arboras (commune de Grigny) par Givors (Rhône). Parmi les actionnaires, les cousins de Rodrigues, Isaac Pereire - "sous-directeur de l'administration du chemin de fer de Saint-Germain et de Versailles, 16 rue de Rivoli, Paris" - Joseph Peraire [sic], "rentier, 26 rue Poissonière, Paris" et Decaen Henri Théodore, 146 quai de Bourgneuf, Lyon1140. Le mois suivant, le 1er février, se crée la société "P. Z. Viret et Cie" pour le commerce des soies par commission sous l'égide d'Edouard Duseigneur, 23 quai Saint-Clair, (100.000 F), Pierre Zénon Viret (300.000 F) et Chomel (20.000 F).

Au cours de 1838, en effet, la Condition des soies a enregistré un record d'exploitation : 766.214 kgs de soie ont été conditionnés, soit 24.089 kgs de plus qu'en 1835, année représentant ‘ "jusqu'à présent la plus forte somme de travail de la Condition1141." ’ Aux yeux de certains, cette croissance apparait factice en ce qu'elle traduit davantage l'état du commerce que celui de l'industrie1142 ; de fait, ladite année ne s'achévera pas sans voir l'ouverture d'ateliers de charité1143. Mais ce regain d'activités mercantiles donne des ailes à notre commissionnaire en soieries.

Le jeudi 4 avril 1839, s'ouvre-t-il de ses projets à Michelet, aussi franchement que lors des confidences livrées à l'occasion de leur précédente rencontre du 29 mars ? En tout cas, celui-ci n'en dit mot. Ils montent ensemble à la Croix-Rousse, l'un conduisant l'autre soucieux de connaître la condition des Canuts et les raisons de leurs révoltes répétées. Arlès-Dufour souligne que le défaut d'association des capitaux maintient la petite fabrique. Après l'avoir rapporté, Michelet raconte : ‘ "Nous montâmes, à l'entrée de la Croix-Rousse, dans une grande vilaine maison, sale sur les murs, sale d'escaliers, et cependant pas plus sale que la plupart des ’ ‘ maisons bourgeoises de Lyon. Nous entrâmes d'abord chez un pauvre diable de tisseur républicain que M. Arlès a sauvé d'être envoyé à la Cour des Pairs en 1834. Déjà, il avait passé sept mois dans la prison de Perrache ; huit enfants sans pain, une femme enceinte, la mort en perspective. Il sortit stupide de prison. Sa femme, errant sans pain avec tous ses enfants, était ’ ‘ comme une lionne1144, dit M. Arlès ; elle lui fut envoyée, en reçut des secours et la liberté de son mari1145." ’ Puis vient, à proximité, la visite à un ‘ "chef d'atelier plus aisé et plus intelligent" ’, ‘ "un inventeur qui, sans cesse, trouve des perfectionnements" ’, qui les ‘ "reçut avec une dignité modeste. [...] Le principal ornement était un tableau-pendule exécutant des airs, tandis que le pauvre tisseur républicain orne ses murs de Napoléon à deux sols et de vieilles images ( ’ ‘ Crédit est mort ’ ‘ , etc.)" ’ ‘ "Enfin, continue le narrateur, M. Arlès me mena chez un chef d'atelier qui a trouvé des perfectionnements moins importants mais dont la maison est une image de vie sérieuse, morale, quelque chose de sec et de triste." ’ Avec sa femme, il fabrique ‘ "les plus riches ornements d'église. Le mari est membre du tribunal des prud'hommes. Ceci est visiblement l'ouvrier aimé du clergé et de l'autorité, unissant les deux principes lyonnais : industrie et religion1146."

A cette époque et selon l'expression qu'il avait employée auprès de Pauline, François semble en avoir "terminé" avec Hoffmann, son ancien associé de la société Dufour frères et Cie1147. Effectivement, un acte intervient entre les seuls Albert Dufour-Feronce et François Arlès-Dufour. Il spécifie qu'‘ "il a été ’ ‘ amicalement1148 convenu que la société [...] est et demeure dissoute à compter du 30 du présent mois d'avril et que la liquidation en sera exclusivement ’ ‘ opérée par Monsieur F. Arlès-Dufour1149." ’ Le document est établi en deux exemplaires à Leipzig, signés par Dufour-Feronce le 20 avril 1839, et le 30 avril par Arlès-Dufour, à Lyon, avant d'y être enregistré le 2 mai. Grâce à [aux] l'aide[s] financière[s] accordée[s]1150, Arlès-Dufour a la possibilité de créer "sa" maison. Ce rêve entretenu depuis de si nombreuses années va enfin devenir réalité. La maison Arlès-Dufour voit le jour ! Mais ces créanciers, familiaux et extérieurs, il va bien falloir les désintéresser, pour ce faire donner le maximum de lui-même et, entre autres, tenter de récupérer les dettes contractées par les clients américains. A cet égard, une nouvelle encourageante accompagne ses premiers pas indépendants : une lettre du préfet du 24 septembre, aussitôt affichée à la Bourse, communique une dépêche télégraphique aux termes de laquelle la maison Rothschild frères accepte les traites fournies par la Banque des Etats-Unis sur MM. Hottinguer à Paris1151. Certaines de ses créances pourront être récupérées par Arlès-Dufour, nous le verrons plus loin, et elles faciliteront la nouvelle marche ascendante de ses résultats pour son seul compte personnel.

Triomphalement, le 11 mai 1843, il peut écrire : ‘ "La maison que j'ai fondée est une mine d'or, si l'exploitation se soutient sur la base droite et loyale que j'ai suivie et même tracée1152."

La chose est vraie. Certes, sa nouvelle réussite - la "maison Arlès-Dufour" -, il ne la doit qu'à lui-même, à sa compétence, à ses exceptionnelles qualités, à son honorable réputation de droiture en affaires. Son redressement financier renforce son crédit moral que les épreuves n'ont pas entamé. Toutefois, Arlès-Dufour, un peu promptement, n'apparaît-il pas oublieux des toutes premières origines de ses succès et de sa promotion professionnelle et sociale... ?

Notes
1038.

Copie de notes prises par ma mère..., cité.

1039.

Livre particulier de F.B. Arlès, cité. Ces "Souvenirs à mes enfants" se trouvent intercalés dans ses pages de comptes.

1040.

Ibid.

1041.

Ibid.

1042.

Ibid.

1043.

Selon certaines sources familiales récentes (Andreas Beckmann, Brême, lettre du 8 mai 1996), il conviendrait de lire Louis von Hoffmann (1795-1856), à moins que son anoblissement soit ultérieur à la période dont il s'agit.

1044.

Fils du fondateur de l'importante "Frege Bank" de Leipzig de l'époque.

1045.

Pour mémoire, cf. chapitre IV - La maison Dufour frères de Leipzig.

1046.

Archives familiales.

1047.

Ibid.

1048.

La première liaison maritime par un navire à vapeur entre l'Europe et New-York sera effectuée l'année suivante. Le navire Sirius, mu entièrement à la vapeur et armé par une firme irlandaise, entrera dans le port de New-York le 22 avril 1838 (Marthe Barbance, op. cit., p. 28).

1049.

Cf. chapitre précédent.

1050.

Les archives familiales comprennent seulement la copie de la lettre de transmission de cette procuration. Mais cette lettre est suffisamment explicite en elle-même.

1051.

Souligné par nous, les relations avec le dernier ne paraissant pas encore totalement assises, ce qu'elles deviendront par la suite.

1052.

"Souvenirs à mes enfants", Livre particulier..., cité.

1053.

Pourtant, Enfantin, de son côté, avait jugé la "vue très administrative des choses" de son ami (Lettre d'Enfantin, Sainte-Pélagie, 19 avril 1833 à Holstein (OSSE, Vol. 29, p. 39).

1054.

Dans la même lettre reprise le vendredi, Pauline fait part de la visite de Drut : "Il est bien malheureux ce pauvre garçon, son affaire ne s'arrange pas du tout."

1055.

Lettre de Pauline Arlès-Dufour à son mari du 17 mai 1837 (Archives familiales). Rappelons que, native de Leipzig, sa langue maternelle est l'allemand, mais qu'en famille on s'exprime le plus souvent en français.

1056.

Mips : surnom d'Adélaïde, soeur cadette de Gustave.

1057.

Titi : surnom de (Prosper) Alphonse, le troisième enfant.

1058.

Pour mémoire, en P.S. à la lettre d'Arlès-Dufour, 29 mars 1838, à Pauline (Archives familiales) : "N'oublie pas, bonne amie, de faire chaque matin, en te levant, la prière avec Adélaïde, et le jeudi et le dimanche avec Gustave. Je la leur fais faire à genoux parce qu'ils se recueillent plus facilement."

1059.

Lettre d'Arlès-Dufour, Londres, à sa femme, "Mai 1837 Park Hill (Archives familiales).

1060.

Lettre d'Enfantin, Curson, 14 mai 1837, à Arlès-Dufour (OSSE, Vol. 31, p. 75).

1061.

Lettre de Pauline Arlès-Dufour à son mari du 24 mai 1837 (Archives familiales).

1062.

Comme précisé plus loin, ces actions sont vendues le 9 juin 1837.

1063.

Lettre de la Banque de Lyon à Arlès-Dufour du 8 juin 1837 (Archives familiales).

1064.

Lettre CCL à Arlès-Dufour du 14 juillet 1837 (Archives familiales).

1065.

CCL, Registre des Procès verbaux et délibérations 1834/1838, n° 8, séance du 27 juillet 1837.

1066.

Lettre n° 35 du 27 juillet 1837 de Marie d'Agoult - qui signe Mirabella - à George Sand, citée par Charles F. Dupêchez, Marie d'Agoult George Sand - Correspondance, op. cit., p. 171.

1067.

Trois siècles d'opéra à Lyon, op. cit., p. 120. La Revue du Lyonnais n° 1844/2 se montrera réservée à l'égard du concert de 1837 : "[...] Le passage de l'illustre pianiste avait été assez froid, il y a huit ans ; son talent a-t-il grandi depuis, notre éducation musicale s'est-elle perfectionnée ? "

1068.

Ils partent pour l'Italie via la Suisse.

1069.

Comtesse d'Agoult, Mémoires - 1833-1854, op. cit., p. 99.

1070.

"Il [Franz] fréquentait les assemblées des disciples de Saint-Simon. Sous les ombrages de la Chênaie, il avait écouté d'une oreille avide les enseignements de ce Croyant illustre que déjà Rome condamnait." Comtesse d'Agoult, Mémoires..., op. cit., p. 26.

1071.

Sauf erreur, Enfantin prolonge sa retraite à Curson (Drôme).

1072.

Comtesse d'Agoult, Mémoires..., op. cit., pp. 100-102.

1073.

Lettre d'Enfantin, Curson (Drôme), 7 août 1837, à Arlès-Dufour (OSSE, Vol. 31, p. 123).

1074.

Souligné par nous.

1075.

Souligné dans le texte.

1076.

Copie de notes prises par ma mère..., cité.

1077.

Ce qui tendrait encore à prouver qu'Arlès-Dufour est bien déjà de retour en France.

1078.

Adolphe et Gustave, fils du banquier Louis de la maison de banque Louis d'Eichthal et fils.

1079.

Il s'agit évidemment du chemin de fer voyageurs Paris/Saint-Germain construit par les frères Pereire, avec le concours financier d'Adolphe d'Eichthal, chef de la maison de banque Louis d'Eichthal et fils. Il sera inauguré le 26 août 1837 (Cf. XIX - "Le cadeau de l'Angleterre au monde").

1080.

Il sera régent de la Banque de France de 1839 à 1849.

1081.

Lettre d'Adolphe d'Eichthal, 28 juin 1837, à Arlès-Dufour (Archives familiales).

1082.

Souligné dans le texte.

1083.

Frédéric Passy, "Ceux qu'il faut honorer : Arlès-Dufour", art. cit.

1084.

C.[ésar] L.['Habitant], op. cit., p. 37.

1085.

Jules Michelet, op. cit., p. 296.

1086.

Selon acte de dissolution du 22 août 1837 (ADR, 6 U, Actes de sociétés - Constitutions et modifications - Dissolutions - Germinal an V / Juillet 1867). La procuration d'Albert Dufour-Feronce est donnée par acte du 5 août 1837 à Leipzig (Archives familiales).

1087.

François, William (ou Guillaume) Boell, "négociant, 23 Port Saint Clair", ami de la famille Arlès-Dufour et comparant lors de diverses déclarations d'état civil la concernant. Egalement, semble-t-il, l'un des principaux collaborateurs d'Arlès-Dufour que l'on retrouve cité comme tel par celui-ci dans une correspondance du 30 avril 1853 à son cousin Etienne Arlès, responsable de la succursale de Paris ; ceci même si mentionné comme rentier en tant que comparant sur l'acte de naissance d'Armand Arlès du 3 juin 1842.

1088.

Selon acte de dissolution définitive du 30 avril 1839 (ADR 6 U, cité).

1089.

CCL, Registre Copie de lettres n° 6, 1837/1839, lettre n° 124, 6 août 1837.

1090.

Ibid. Le découvert de la maison Dufour frères représente près de 6% de ce montant.

1091.

CCL, Registre des délibérations 1837/1839, séance du 2 septembre 1837.

1092.

Cf. AML, dossier 784 WP 003 “Bourse, Stés de crédit, banque de France”. Cf. également L’Echo de la Fabrique 28 octobre 1832, 18 novembre 1832, 16 décembre 1832. La situation de la Caisse de prêts est évoquée plus longuement au chapitre XXI - Le “printemps” et ses orages.

1093.

CCL, Registre des délibérations, 11 décembre 1837.

1094.

Lettre d'Arlès-Dufour, 29 octobre 1837, à Pauline (Archives familiales).

1095.

Ibid., 25 mars 1838 (Archives familiales).

1096.

Ibid., Paris, 28 mars 1838 (Archives familiales).

1097.

Lettre d'Arlès-Dufour, 5 avril 1838, à Pauline (Archives familiales).

1098.

Lettre d’Enfantin, Constantine, 25 mars 1841, à Arlès-Dufour : “Je reçois votre bonne lettre de Turin, mon cher Arlès,...” (OSSE, Vol. 34, p. 27).

1099.

Est-ce en raison de sa récente paternité ? Pour mémoire, naissance d'Henri, son fils aîné, du 28 février 1840, au 48 rue de la Chaussée d'Antin Paris - le futur explorateur ; elle sera suivie de deux autres : Pierre le 16 janvier 1843 à Paris et Marie le 7 septembre 1849 à Passy. A la même époque, Arlès Dufour a 3 enfants : Gustave (11 ans), Adélaïde (10 ans) et Alphonse (5 ans).

1100.

Lettre Arlès-Dufour, Saint-Etienne, à Enfantin, membre de la Commission scientifique de l'Algérie, du 17 décembre 1840 (ARS 7681/102).

1101.

Lettre d'Arlès-Dufour, Paris, 11 janvier 1842, à Pauline (Archives familiales). L'ancien préfet du Rhône, devenu directeur au ministère de l'Intérieur et conseiller d'état, avant d'être envoyé à la Chambre des députés par le collège électoral de Brive en 1840.

1102.

Lettre d'Arlès-Dufour, 26 janvier 1839, à Pauline (Archives familiales).

1103.

Ibid., 22 janvier 1839.

1104.

Ibid., 28 mars 1838 susvisée.

1105.

"Visitant le bon M. Martin, il me pria de prendre sa place et d'accompagner sa femme" (Lettre d'Arlès-Dufour à Pauline du 29 mars 1838 - Archives familiales).

1106.

Lettre d'Arlès-Dufour, 22 janvier 1839, à Pauline (Archives familiales).

1107.

Ibid., 1er février 1839 (Archives familiales).

1108.

Nous ignorons si, à cette époque, il avait été mis un terme à ses fonctions d'inspecteur général adjoint des prisons auxquelles il avait été nommé par M. de Montalivet, ministre de l'Intérieur. A propos de l'activité théâtrale de Charles Duveyrier, cf. XVIII - Un prolétaire enrichi.

1109.

Archives familiales.

1110.

H.-R. d'Allemagne, Prosper Enfantin et..., op. cit., p. 45.

1111.

Lettre d'Arlès-Dufour, 25 mars 1838, à Pauline (Archives familiales).

1112.

Nous n'avons malheureusement pu déterminer la nature de ce congrès. S'agit-il d'un des premiers meetings organisés par Richard Cobden en faveur du libre-échange ?

1113.

Brouillon de lettre d'Arlès-Dufour à Porter (Archives familiales), seulement daté "Londres 1839". Février ?, la période parait vraisemblable selon délibérations et courriers de la Chambre de cette époque.

1114.

CCL, dossier Banque de Lyon 9301-9 n° 1, déjà cité.

1115.

Laurent Dugas est réélu président.

1116.

CCL, Registre des délibérations, 6 septembre 1838.

1117.

Cf. chapitre XV - Fabrique lyonnaise et fabriques étrangères.

1118.

Hormis ses trois présences citées dans le texte et le compte-rendu de sa mission fait le 21 février 1839 en tant que délégué au Conseil général des manufactures auprès de la Commission mixte pour la révision des tarifs douaniers anglais et français.

1119.

Les résultats du scrutin sont les suivants : Bodin Jacques 48 voix, Dugas Laurent 46, Arquillère 44, Tarpin fils 40, Mathevon Jacques 35, Arlès-Dufour 23, Beaup 5, Delore 5.

1120.

CCL, Registre Copies de lettres, Lettre n° 163 du 15 juillet 1840. Il est juste de noter que ces termes chaleureux sont également employés à l'adresse de Riboud père dans la même situation qu'Arlès-Dufour...

1121.

Les résultats de ces élections du 29 août 1843 sont les suivants : Arlès-Dufour 65 voix, Riboud 60, Arquillère 59, Bodin Jacques 54, les sept autres candidats n'étant pas été élus faute d'avoir atteint la majorité de 35.

1122.

La majeure partie de ce qui suit est tiré de Germaine Vieux, "La Guillotière et son conseil municipal 1790-1852", Rive gauche - Société d'étude d'histoire de Lyon rive gauche, Décembre 1968, juin 1874, septembre 1974, N° 27, 49, 50.

1123.

Cf. chapitre XVI - Des balles et des boulets.

1124.

Stendhal (1837), cité par Fernand Rude, "Les insurrections de 1831 et 1834 à la Guillotière", Rive gauche, N° 37/39, juin 1971.

1125.

Avec la Croix-Rousse et Vaise, la commune de la Guillotière sera réunie à celle de Lyon par décret du prince-président du 24 mars 1852.

1126.

Stendhal, texte cité ci-dessus.

1127.

Sébastien Commissaire, op. cit., p. 80.

1128.

CCL, Registre des délibérations, 3 novembre 1840.

1129.

Lettre d'Enfantin, Bône, 18 novembre 1840 à Arlès-Dufour (OSSE, Vol. 11, p. 126 et OSSE, Vol. 33, p. 169).

1130.

CCL, Registre des délibérations, 3 novembre 1840. Le montant du secours, prélevé sur les produits libres de la Condition des soies, s'élève également à 14.000 F.

1131.

Auparavant, les locaux municipaux se situaient dans des locaux exigus, le clocher de l'église Saint-Louis... Pour mémoire, les maisons de la place du Pont furent, en particulier, la proie des flammes en avril 1834.

1132.

Lettre d'Arlès-Dufour, 8 novembre 1839, au général Saint-Cyr Nugues (ARS 7688/7).

1133.

Conseil municipal du 16 novembre 1840, Germaine Vieux, art. cit.

1134.

Germaine Vieux, art. cit., n° 50, septembre 1994.

1135.

Lettre d'Enfantin, Curson, 19 décembre 1837, à Arlès-Dufour (OSSE, Vol. 31, p. 145).

1136.

Ibid., 15 mai 1838 (OSSE, Vol. 31, p. 177).

1137.

Les éléments qui suivent sont extraits de ADR, 6 U, cité.

1138.

Le plus ancien saint-simonien, séparé du Père en 1832. C'est lui qui avait présenté Enfantin à Saint-Simon (OSSE, 1er Vol., p. 149).

1139.

Egalement saint-simonien et ancien rédacteur du Producteur.

1140.

Selon acte de dissolution de la société d'Arboras du 27 août 1840 (ADR, 6 U, cité), Le nom de la raison sociale semble avoir changé entre temps pour devenir "Decaen et Cie". Selon lettre d'Enfantin, à Curson, du 13 décembre 1837 (OSSE, Vol. 31, p. 139), la saint-simonienne Mme Petit prit à cette époque "un assez fort intérêt chez Decaen". Arlès-Dufour lui rend visite en novembre 1838, selon lettre d'Enfantin à Arlès-Dufour du 17 novembre 1838 (OSSE, Vol. 31, p. 195).

1141.

CCL, Registre des délibérations, 18 avril 1839.

1142.

Cf. Pierre Cayez, Métiers Jacquard..., op. cit., p. 145.

1143.

CCL, Registre des Délibérations, 7 décembre 1839.

1144.

En italiques dans le texte.

1145.

Michelet poursuit sa description : "L'atelier était remarquablement sale et pauvre. Il contenait quatre métiers. Deux filles de seize ou dix-huit ans travaillaient, un peu mollement, comme filles de la maison. De même un garçon de douze ans. Enfin un pauvre petit de cinq ans à un tout petit métier ; il travaillait debout, parce que, me dit sa mère, il n'y avait pas de siège assez bas pour lui. Six énormes pains étaient entassés dans un coin. la famille mange soixante-six livres de pain par semaine. La mère, femme vive, énergique, jeune encore malgré ses neuf enfants, est l'âme de la maison. Le mari, grand, maigre, éteint, de nature visiblement douce et faible, semblait ne devoir jamais se relever du coup qui l'avait frappé. De petites soupentes contenaient les lits du père et des huit enfants ; le neuvième est en nourrice. La seule chose qui consolait un peu l'âme, c'est que la famille travaille seule et n'admet point de compagnons."

1146.

Jules Michelet, op. cit., p. 301 et 302. C'est vraisemblablement par l'intermédiaire du docteur Lortet, ami des deux - et aussi de Quinet au domicile de qui Michelet amène Arlès-Dufour -, que Michelet se rapprocha d'Arlès-Dufour (François Dutacq, op. cit., p. 302, note 2, - Michelet, op. cit., p. 296, et dans cet ouvrage, note 1, p. 796, de Paul Viallaneix). De plus, ce dernier auteur signale, p. 784, les liens existant entre Michelet et les frères d'Eichthal, Adolphe, le banquier, qui le conseilla souvent dans l'administration de ses biens, et surtout, dès 1830, avec Gustave, le saint-simonien. Pour mémoire, cf.note XV - Fabrique lyonnaise et ...

1147.

Leur différend devait cesser. Dans les archives familiales, nous retrouvons une copie de lettre d'Arlès-Dufour à Hoffmann, demeurant à Dresde, du 25 décembre 1845 aux termes suivants : "Votre lettre du 15 que je reçois à l'instant me touche profondément. Je suis heureux de penser qu'aucun sentiment de haine n'existe plus dans votre coeur ; il y a longtemps que dans le mien il n'existait que de la tristesse. J'accepte franchement la main que vous me tendez et je la serre bien cordialement. A.D."

1148.

Souligné par nous.

1149.

ADR, 6 U, cité.

1150.

Nous en sommes réduits à des suppositions concernant ces aides éventuelles : de Leaf sans doute - d'après Pauline, "par l'offre d'un crédit illimité" (Copie de notes... ), ainsi que vu supra - , des banquiers - selon Michelet - , éventuellement, d'Albert Dufour-Feronce, peut-être, puisque l'ombre de ce désastre n'a pas assombri leurs rapports ultérieurs.

1151.

CCL, Registre des délibérations, 10 octobre 1839.

1152.

Lyon le 11 mai 1843 - Instructions pour ma femme en cas de mort (Archives familiales). Ce document fait l'objet de divers additifs ultérieurs.