XX - "UNE BELLE PART DANS L’HISTOIRE"...

Avec sa fougue habituelle, ses ‘ "élans de tête" ’comme aurait répété le préfet Jayr, Arlès-Dufour, littéralement saisi par le démon du "chemin", l’est aussi, par voie de conséquence, par celui de la houille et de la sidérurgie. D’abord, il tâte le domaine des mines de charbon : au 30 septembre 1845, il est porteur de 10 actions de la Grand Combe d’une valeur de 1.600 F qui ne figurent plus dans son actif l’année suivante1420. Le 2 janvier 1846, il déclare à Enfantin sa ‘ "prétention d’être le banquier des machines, à Vaise ou à Perrache, nécessaires au chemin de fer1421." ’ Quatre jours après, il lui signale que le haut fourneau et la fonderie de la Mulatière pourraient être rachetés à vil prix et ‘ "si nous avions l’Ardèche, cela pourrait être une bonne affaire1422".

Dans ce département, il s’agit de la ‘ "bataille de concessions1423", selon le mot de Pierre Cayez, qui oppose la société des Mines de fer de Privas, co-fondée par Enfantin et Laurent, pour la concurrencer, et la puissante Compagnie des forges et fonderies de la Loire et de l’Ardèche1424. Dans l’historique de cette société qu’il a largement traité, Pierre Cayez rappelle, à juste titre, qu’Arlès-Dufour, comme Dufournel, Laurent Dugas et Charles Gautier, figurent parmi les actionnaires à raison, chacun, de 550 actions1425. Ces souscriptions sont les plus importantes. Parmi les dix-huit autres actionnaires "de Lyon", Brosset et Delahante, cités immédiatement après, ne figurent que pour 100 actions ; parmi ceux "de Paris", au nombre de 11, Enfantin souscrit pour 400, immédiatement suivi de Isaac Pereire avec 200, puis de Drut, "chef de bureau du chemin de fer de Lyon", de Barrault, "ingénieur du chemin de fer de Lyon", et Fournel, "ingénieur des mines de l’Algérie", chacun pour 501426. Cette déclaration de souscription est signée, à Lyon le 15 décembre 1845, par Arlès-Dufour, Enfantin, Charles Gautier, Armand Coste et Laurent [vraisemblablement de l’Ardèche]1427. Mais déjà, le 24 janvier 1846, sont dénoncées auprès du ministre des Travaux publics, les lenteurs de l’ingénieur des mines de l’arrondissement, chargé des mines de Privas, ‘ "au très grand préjudice d’une importante contrée, des intérêts généraux de l’Etat et de l’industrie métallurgique ’ ‘ 1428 ’ ‘ ." ’ Isaac Pereire, incité par Enfantin dans cette affaire et l’ayant crue ‘ "prochainement réalisable1429" ’, se retire en septembre 1846, demandant de considérer sa souscription comme nulle et non avenue. La dissolution de la société apparaît évidente après le décret du 10 février 18491430. Ainsi, Arlès-Dufour eut seulement à régler les frais engagés à raison de 3,65 F par action1431, et non la colossale somme pour laquelle il s’était engagé, soit 275.000 F ...

C’est peut-être par suite de ces atermoiements et certainement devant l’insuffisance de la production métallurgique nationale, en matière de rails et de locomotives, qu’il songe en 1846 à faire appel à la fabrication britannique, en position d’excellence. Enfantin ne l’entend pas ainsi. ‘ "Je vous confesse que je ne suis pas parvenu à avaler vos locomotives anglaises, ’ lui rétorque-t-il, ‘ cela me paraît même une opinion ’ ‘ de voltigeurs ’ ‘ , ceci soit dit sans porter atteinte au sapeur Paulin [Talabot] et au tambour-major Arlès. Si je ne me trompe, il y a une différence de quelques 10.000 F dans le prix, et c’est surtout pour de tels engins que la France actuelle doit se mettre en train de fabriquer bien et beaucoup. Vous ne tenez pas beaucoup, je pense, à avoir une montre anglaise, un piano anglais, ni même un cheval anglais ; mais ce à quoi nous devons tenir, ce me semble, c’est à ce que le Français sache faire les fusils et canons de l’armée avec laquelle nous devons conquérir le monde, et qui s’appelle, au dix-neuvième siècle, machine à vapeur. J’aimerais donc infiniment mieux que Paulin et vous, vous vous occupassiez de rêver à nos ateliers, de nos deux et même trois chemins à Lyon, de manière à les rendre capables, non seulement de réparer, mais de renouveler les cinq cents locomotives que nous aurons de Paris à Marseille. [...] Je vous engage donc à avoir les yeux sur les faiseurs de rails, de coussinets, de locomotives françaises, si vous voulez que les Français continuent leur apostolat1432." ’ Une possibilité, française et même locale, semblera s'offrir en 1853/1854 avec la Compagnie des hauts fourneaux, forges et ateliers de construction d'Oullins. Arlès-Dufour s'y penchera particulièrement au sein d'un conseil d'administration déjà composé, avec lui, de Drut, Jacques Breittmayer de la Compagnie générale de bateaux à vapeur du Rhône, Enfantin, etc. Depuis sa création par Clément Desormes en 1846/1847, soixante locomotives, des ponts métalliques, étaient notamment sortis de ses ateliers. Mais le projet échouera1433.

Pour l’heure, il est un autre champ d’action vers lequel convergent aussi leurs regards et leurs ambitions : la réalisation de la grande oeuvre du canal de Suez. Hélas, cette ‘ "belle part dans l’histoire1434" ’ - selon les termes d’une correspondance de Ferdinand de Lesseps dont le contenu sera examiné plus loin - ne leur sera reconnue ni de leur vivant, ni guère depuis d’ailleurs. Pour les générations à venir, sont définitivement associés le nom de Suez et celui de Lesseps, ce personnage dont la colossale statue, à l’entrée de l’ouvrage d’art, fut, plus tard1435, symboliquement détruite, mais pour des raisons étrangères à celles d’une paternité désavouée. Le 17 novembre 1869, 87 années avant cette mise à bas, le modèle avait été somptueusement fêté, dans un faste tout oriental, au milieu d’une foule considérable, l’Impératrice Eugènie à ses côtés, parmi de nombreuses têtes couronnées : le vice-roi d’Egypte Ismaïl, l’Empereur François-Joseph d’Autriche, le prince royal de Prusse, l’émir Abd-el-Kader, etc. Dans la foule, des ministres, des ambassadeurs, des savants, des membres de l’Institut de France, des journalistes, des peintres, accourus de tous pays sont présents1436. Aux cotés de Théophile Gautier, Eugène Fromentin décrit l’ambiance : ‘ "Salves d’artillerie, toutes les batteries saluent, l’immense foule applaudit. C’est vraiment formidable" et, plus loin : "C’est magnifique, spectacle unique1437." ’ Eugènie et Lesseps sur la dunette, le yacht impérial L’Aigle quitte la rade de Port-Saïd ouvrant le passage du Canal à plus de soixante dix navires, tous pavois multicolores hissés flottant au gré de la brise, sirènes hurlantes de leurs machines à vapeur... Un contretemps, la partition inachevée de Aïda, sur un livret du Directeur général des fouilles, Auguste Mariette. Des absents dont il n’est même pas question, les derniers saint-simoniens...

Dans le silence de sa maison d’Oullins, quelques jours après, dès l’arrivée des gazettes, ‘ le "président-né du futur conseil d’administration de [la] Compagnie" ’ de Suez, comme le lui avait écrit Lesseps lui-même, ne peut que ressasser le passé. Non sans quelque amertume... Ses pensées se tournent d’abord vers le souvenir de son inséparable compagnon, disparu cinq ans plus tôt, le 31 août 1864, qui, avec lui, a vainement dépensé tant de ténacité, d’énergie fougueuse, au service de cette prodigieuse perspective, l’union géographique de l’Occident et de l’Orient : le premier des ‘ "grands travaux d’aménagement de la planète1438", ’ écrira la Revue des Deux Mondes.

Dans son ouvrage de 1834 Un mot sur les fabriques étrangères..., on s’en souvient1439, Arlès-Dufour se réjouissait, la promettant pour bientôt, de la réalisation de ce plan qui mettrait ‘ Paris ’ ‘ "aussi près de Calcutta que de Saint-Petersbourg". ’ Malgré son échec égyptien, Enfantin n’avait jamais abandonné son idée première. Déjà, et depuis peu en fonction dans le cadre de la Commission scientifique en Algérie, il rêve en 1840 d’une réduction des dépenses militaires de tous pays qui, ‘ "mieux employé(e)s, politiquement, philanthropiquement, commercialement, moralement, religieusement1440". ’ donnerait, en échange, ‘ "avant dix ans, un canal de Suez à la Méditerranée" ’Et d'ajouter à l'intention d'Arlès-Dufour : ‘ "De tout cela, sans doute, vous êtes aussi convaincu que moi ; mais comment arriver à en convaincre les peuples et les rois1441." ’ De toute façon, les insuccès d’Enfantin ne le déroutent jamais ‘ "dans cette grande mer de la vie" ’. Il l’assure à son correspondant, citant Saint-Simon qui disait ‘ : "J’ai eu dans le champ des découvertes l’action de la marée montante ; ma force ascendante l’a toujours emporté sur la force opposée1442."

De retour d'Algérie fin octobre 1841, il fait le siège des ministères, grâce aux relations des Talabot1443, et ‘ "ce qui roule dans sa tête" ’ les Notices historiques nous le livrent : "Il entendait déjà sonner l’heure de percement de l’Isthme et des grandes lignes de chemin de fer1444 ."

Au mois de décembre 1842, à l’adresse du commissionnaire en soieries, il recommande : ‘ "Travaillez à la grande oeuvre du XIX° siècle, à l’union des deux mondes [...]. Vous pouvez bien, vous, l’homme de la soie, songer à la Chine, d’où nous vient le ver industrieux qui a bâti et nourri Lyon depuis des siècles1445." ’ ‘ De cet "intéressant pays1446", ’ dès 1834, son correspondant en avait entretenu ses lecteurs.... Mais, tout en s’inquiétant de son existence recluse, du faible écho rencontré par les interventions répétées de son ami auprès des grands du royaume, Enfantin poursuit ‘ "de front sa correspondance philosophique et religieuse, ses travaux dogmatiques, ses études et ses plans sur le canal de Suez et sur le développement des voies ferrées1447." ’ A son éternel confident, toutefois peu enclin à susciter le courroux de l’Angleterre, il s’ouvre de son projet, celui ‘ "de former une société composée de dix ingénieurs français, dix ingénieurs anglais, dix ingénieurs autrichiens et autant de banquiers ou négociants des trois royaumes pour provoquer, proposer et exécuter la communication des deux mers1448." ’ Dans le même temps, Linant de Bellefonds, ancien officier de marine et ingénieur en chef des ponts et chaussées en Egypte, poursuit ses études de faisabilité de canal, lié à Enfantin ‘ par "une communauté d’espoir et de travail1449", ’ pressé sur place par Lambert, directeur de l’Ecole polytechnique de Boulac, lui-même poussé par son "Père" en Saint-Simon. Quant à Charles Duveyrier, il fait ‘ "en Angleterre comme en France une minutieuse enquête sur la partie de la statistique commerciale qui se rattache à la communication des deux mers1450."

L’année 1844 s’ouvre, contre toute attente, sur une éclaircie dans la vie monotone du "Père", avec sa prise en charge du journal L’Algérie 1451, malgré une laborieuse parution. Il y publie des articles sur l’Egypte, l’Orient et, bien entendu, sur l’Algérie, comme il le rappelle à Arlès-Dufour dans sa lettre du 26 mars 1844. Dans la perspective de leurs retrouvailles, il lui promet de ‘ "reparler de Suez en causant de l’Algérie, car c’est une seule et même chose pour moi1452." ’ Dans les premiers jours de l’année suivante, c’est, avec l’exultation que l’on devine, la réception d’un mémoire, détaillé et complet, établi par Linant, concluant à la possibilité de l’ouvrage, plans à l’appui. Dès lors, les choses se précipitent.

Le projet de constitution d’une provisoire Société d’études est ressorti. Arlès-Dufour et son cousin par alliance, Albert Dufour-Feronce, important banquier et négociant de Leipzig, poursuivent plus assidûment que jamais leurs contacts. Dufour-Feronce qui, pour parfaire l’étude, recommande un jeune architecte autrichien, vivant à Vienne, Louis Negrelli, est chargé des démarches à effectuer auprès du prince de Metternich et prend sur lui, au bénéfice de ses bonnes relations d’affaires, de faire du prosélytisme en Angleterre. De son côté, à l’occasion d’un voyage à Londres, Paulin Talabot prend langue auprès de l’ingénieur Robert Stephenson, fils du constructeur de locomotives.

Enfantin se voit déjà de retour en Egypte. Il revit l’époque de son expédition avortée. Pour la perpétuer dans l’histoire, il dresse la longue liste des fidèles compagnons qui l’entourèrent au cours de la période. En ces termes, il en fait l’hommage à Arlès-Dufour ‘ : "Je remets en vos mains l’original de cette note. Elle est pour vous, et c’est une dette que j’acquitte pour les morts et les vivants de cette liste, quand je vous remets ce titre de noblesse de vos frères, à vous qui avez été et êtes toujours leur appui vigoureux et dévoué, et qui m’êtes depuis si longtemps et me serez toujours si cher1453."

Une nouvelle preuve de l’affection réciproque de ces deux hommes allait être apportée. Sous l’influence d’Arlès-Dufour, le "Comité lyonnais pour la construction du chemin de fer de Lyon à Paris et Avignon", le 3 mai 1845, prie Enfantin, nous l’avons dit1454, d’accepter la "haute direction morale et matérielle" de l’entreprise. Afin de mieux atteindre son but, le Comité complète : ‘ "La ligne qui nous occupe spécialement, celle de l’Océan à la Méditerranée, se rattache si directement à la grande pensée dont vous poursuivez la réalisation depuis quatorze ans, le canal de Suez, que nous n’hésitons pas à vous proposer cette délicate mission1455." ’Pour Enfantin, la position à prendre dans les chemins de fer doit plus sûrement lui donner la stature lui permettant de reprendre le but poursuivi depuis si longtemps en Egypte.

Les contacts se précipitent, les réunions s’organisent. Arlès-Dufour tente de concilier ses divers impératifs. Cet ‘ "assommant voyage" ’ à faire en Angleterre, il compte s’en débarrasser ‘ "entre l’adjudication et le rendez-vous Suez, selon sa date1456." ’En transit à Lyon, de retour de Suisse et sur le départ pour Zurich, il recommande à Enfantin : ‘ "Entendez-vous bien avec Paulin [Talabot], à qui j’ai aussi écrit, sur l’époque à laquelle lui et Stephenson seront à Paris afin de prévenir Dufour[-Feronce]1457." ’Quelques divergences d’approche naissent entre partenaires, d’autant qu’Enfantin doit faire face à de difficiles négociations ferroviaires. On en vient même à lui reprocher d’y consacrer trop de temps, au détriment du canal... Arlès-Dufour le presse.

Finalement, le 27 novembre 1846, au 34 rue de la Victoire à Paris, le domicile d’Enfantin, se trouvent réunis les trois ingénieurs, Paulin Talabot, Stephenson et Negrelli, ‘ "représentants des grandes entreprises techniques1458", ’ respectivement de France, d’Angleterre et d’Allemagne. Le premier est accompagné d’Arlès-Dufour, de Brosset et de ses frères Jules et Léon1459, le second d’Edward Starbuck, un important financier britannique, le dernier de Louis Sellier.

Un mot, au passage, sur Louis Sellier, personnage apparemment peu connu1460. Né à Paris le 25 juillet 1790, dix-septième de dix-neuf enfants d’une famille dont deux oncles guillotinés sous la Révolution, il quitte la France, à l’arrivée de "l’usurpateur haï", pour s’installer, d’abord à Hambourg où il trouve un emploi grâce à son beau-frère Plantin1461, ensuite, lorsque cette ville tombe sous la domination française, à Saint-Petersbourg rejoint après l’arrivée des troupes françaises, enfin à Leipzig, sous un nom d’emprunt. Après la chute de Napoléon, il se marie à Paris avec la fille du gouverneur de l’île française de Saint-Martin (Petites Antilles), Annette Hure ; de retour en Allemagne, d’abord à Hambourg puis à Leipzig où il acquiert droit de cité en 1815, ses succès commerciaux d’import-export vont grandissants1462. Ce sont l’implantation de filiales de cette entreprise à Paris et Hambourg, la création en 1825 d’une fabrique de capsules de cuivre - une innovation, semble-t-il, à l’époque -, avec, là encore, des succursales à Prague et Magdebourg, l’acquisition en 1835 d’une importante maison de commerce à Leipzig, sur le lieu même où, en 1865, sera construit l’Hôtel des Commerçants1463. Son activité ne s’arrête pas là. Proche collaborateur de Friedrich List et Gustave Harkort, il construit avec eux le premier grand chemin de fer reliant Leipzig à Dresde et en est le premier président-directeur. Co-fondateur de la Bourse de Leipzig, de la Compagnie d’Assurances de Leipzig, il est en rapport depuis 1837 avec le grand banquier Charles1464 G. Frege et fonde avec lui la banque Allgemeine Deutsche Credit Anstalt. Quant à la famille Frege, elle est apparentée à la famille Dufour, toutes deux voisines installées à Abtnaundorf - aux environs, à l’époque, de Leipzig - dans cette grande propriété, là-même où François et sa jeune épouse, Pauline, ont vécu leurs premiers mois de mariage... Tout ceci, afin de souligner la qualité des relations familiales unissant les Saxons Albert Dufour-Feronce et Louis Sellier aux Arlès-Dufour.

Enfin, et pour en revenir à l’objet du présent chapitre, le descendant de Louis Sellier, Arthur Sellier senior cité, ajoute à l’énumération des titres de son aïeul, : ‘ "De même Louis Sellier en compagnie des citoyens de Leipzig, Messieurs Arlès-Feronce [sic], R. Georgi et G. Harkort fonda la Société d’Etudes pour le percement du Canal de Suez. Ce canal devait être bâti sur les plans de l’ingénieur autrichien A. Negrelli. Grâce aux nombreux livres écrits sur ce sujet, on connaît la manière dont ces projets furent déjoués par les troubles agissements du Français1465 Ferdinand de Lesseps..." ’Mais n’anticipons pas !

En préambule à cette réunion du 27 novembre 1846, le maître de maison donne un aperçu apologétique de sa mission égyptienne depuis 1833. ‘ "Nous avons conscience, ’déclare-t-il‘ , d’avoir préparé cette grande oeuvre comme jamais oeuvre industrielle n’a été préparée ; il nous reste à l’accomplir avec vous comme jamais grande entreprise industrielle n’a été faite, c’est-à-dire sans rivalités nationales, avec le concours cordial des trois grands peuples que la politique a souvent divisés et que l’industrie doit unir ; [...] il nous reste à tracer sur le globe le signe de la paix et à vrai dire le trait d’union entre les deux parties du vieux monde, entre l’Orient et l’Occident1466. ’" Après le compte rendu des réflexions positives des trois ingénieurs, il est décidé de procéder à la création d’une société civile sous le nom de "Société d’études du canal de Suez". Une nouvelle assemblée pour entendre la lecture du projet d’acte de cette société est fixée le lundi suivant, soit le 30 novembre 18461467. Dufour-Feronce, non mentionné à la réunion précédente, complète le groupe. Les opérations de la société, au capital de 150.000 F, et les relations entre les associés seront centralisées à son siège, établi au 34 rue de la Victoire. Trois groupes d’associés, anglais, allemand, français, sont prévus, chacun, avec leur ingénieur national, souscrivant dix parts d’une valeur unitaire de 5.000 F. Les associés se réuniront à Paris, au domicile d’Enfantin, le premier lundi de chaque mois, deux réunions par an, celles du premier lundi de décembre et de juin, étant plus spécialement consacrées à délibérer sur les points les plus importants.

Les ingénieurs avaient été chargés, lors de la réunion précédente, de poursuivre les études nécessaires : Stephenson pour le port de Suez, en s’assurant des dispositions de la Compagnie des Indes ; Negrelli, tout en s’entendant à ce sujet avec le Llyod autrichien1468, effectuerait les sondages de la Méditerranée en vue de l’établissement d’un port dans le golfe de Péluse ; Talabot, après contact officieux avec le consul de France à Suez, l’établissement du canal entre ce port et celui de Péluse.

Sans attendre, Arlès-Dufour effectue sa mise de fonds personnelle, soit 5.000 F1469, correspondant au montant de l’une des trente actions mises en souscription. Les signataires de l’acte du 30 novembre régularisent leur adhésion selon modèle. Pour le groupe allemand, viennent s’ajouter, grâce à l’entregent et aux relations de Dufour-Feronce1470, celles de la commune de Trieste, de la Bourse de Trieste, du Llyod autrichien de Trieste, de la Chambre de commerce de Venise - hautement intéressés par le prolongement de débouché de la mer Adriatique -, de la Société industrielle de la Basse-Autriche à Vienne, et - comme signalé par Arthur Sellier senior - de Jacques-Henri Thieriot, de Robert Georgi et de Gustave Harkort1471. Les Anglais Robert Stephenson et Edward Starbuck se distinguent par une simple lettre.

En ce qui concerne l’extension du groupe français, ‘ "par priorité sur l’ordre du jour" ’, lors de la séance du 25 février 1847 placée sous la présidence du préfet Jayr, le président en exercice de la Chambre de commerce de Lyon, Brosset, traite de la participation de l’organe consulaire aux ‘ "frais d’études du canal de Suez". ’ Parmi les considérants de la délibération, on lit : ‘ "L’oeuvre qui a pour objet l’union des deux mers, si elle était accomplie, amènerait les résultats les plus grands et les plus utiles pour le commerce de la France en général, et en particulier pour celui de Lyon, qui deviendra le passage obligé des marchandises et des voyageurs entre l’Angleterre et les Indes ; [...] à ce double titre, cette entreprise inspire à la Chambre de commerce de Lyon la plus vive sympathie.". ’ Treize ans plus tôt, Arlès-Dufour avait formulé l’espoir de voir "bientôt" Lyon devenir ‘ "l’un des entrepôts du commerce du monde1472"... ’ Faute pour la ville de pouvoir juridiquement adhérer à un acte de société, la Chambre "tient à honneur de manifester ses sentiments par une participation matérielle aux études qui vont être faites1473" pour une somme de 5.000 F prélevés sur les fonds libres de la Condition des soies. Le préfet Jayr approuve la délibération le 15 mars.

Notification de la décision entérinée, texte de la délibération relative à l’appui, est faite le 17 à Enfantin ; elle souligne que ‘ "la Chambre de commerce a montré le plus noble empressement à concourir à l’entreprise glorieuse que se propose la Société1474" ’destinatrice. Celle-ci, sous la signature d’Enfantin et sur papier à en-tête de la Société d’Etudes du canal de Suez, le 20 mars 1847, ne tarde pas à manifester à la ‘ Chambre "l’expression de la vive satisfaction que nous fait éprouver son noble empressement à concourir à notre oeuvre." ’ En outre, elle souligne que le premier cinquième du versement de chaque groupe ayant été effectué, la Chambre doit verser, dès à présent, le cinquième de sa souscription ‘ "chez M. F. Arlès qui en donnera reçu en nom et pour compte de la Société". ’ Son esprit ‘ "étant précisément de rester en dehors de toutes les stipulations conventionnelles de la Société d’études du canal de Suez" ’, la Chambre répond, le 29 même mois qu’elle ‘ "a décidé que la réalisation de son vote serait immédiat et de l’intégralité de la somme votée1475." ’ Aussi, le même jour, délivre-t-elle, ‘ "à M. F. Arlès un mandat de paiement du montant des cinq mille F." ’ - ce qui est fait par lettre n° 97 à l’adresse de l’intéressé, Port Saint-Clair à Lyon - à qui le montant sera fourni contre acquit par le directeur de la Condition des soies. Pour mémoire, ajoutons que le ministre du Commerce s’inquiètera, le 28 mai suivant, de ‘ "ce qui a été fait par la Chambre en faveur de la Société" ’ [d’études] et qu’une expédition de la délibération du 25 février lui sera adressée1476.

Dès le 5 mars, la Chambre de commerce de Marseille emboîte le pas. Elle concourt ‘ "par un vote de fonds à la réalisation de cette heureuse pensée1477", ’ pour un montant identique à celui de son homologue lyonnais, ‘ "ce concours financier ne [sachant l’] engager en rien pour l’avenir."

En 1843, Arlès-Dufour avait envoyé son fils aîné Gustave à Leipzig afin d’y suivre les cours de l’Ecole de commerce pour une durée de trois ou quatre ans. Enfantin, toujours tourné vers un avenir égyptien, avait mis le sien, Arthur, entre les mains de ses amis Abderahman Rouchdy, imprégné de saint-simonisme1478, professeur de l’Ecole polytechnique de Boulac, et Lambert, directeur de cette école. Arthur apprend là à ‘ "devenir un homme utile et surtout utile pour une grande oeuvre à laquelle il faudra bien qu’[il] s’attelle avec nous tous1479" ’: ‘ "inspection, rapports, secrétariat et continuation d’études arabes, anglaises, turques et mathématiques" ’ constituent son lot ordinaire. Son père attend de lui qu’il prenne en charge Stephenson, Negrelli et Talabot à leur arrivée dans le pays pour y mener à bien leurs travaux. Si l’équipe autrichienne termine ses études préliminaires début juillet, la brigade française tarde. Arthur vient à Paris afin de presser le départ qui s’effectue enfin en septembre, avec lui, sous la conduite de l’ingénieur Bourdaloue.

La perspective du retour en France de leur fils pose, à nouveau, la régularisation de la situation des parents, d’autant que la position du père de l’enfant se stabilise1480. Arlès-Dufour s’en mêle, non pour la première ni pour la dernière fois, au nom de l’amitié, aussi de la commisération à l’égard de cette femme, Adèle Morlane, : ‘ "Que vous n’épousiez pas la mère de votre fils, je le comprends ; que vous ne la laissiez pas dans un coin sans vous en inquiéter, je le comprends aussi ; mais ce que je ne comprends pas encore, c’est que vous ne cherchiez pas et ne trouviez pas un moyen d’établir vos relations avec Adèle de manière à ce qu’elles soient plus nettes, plus franches, plus avouables pour elle... Quoi que vous me disiez, la croix que vous portez ’ ‘ ensemble est plus lourde pour elle que pour vous, parce qu’elle ne comprend pas pourquoi elle la porte1481." ’ Dans sa lettre du 12 janvier aux divers objets, Enfantin répond particulièrement sur ce point : ‘ "Vous me dites que je suis trop disposé à entretenir les épines ; je vous assure que je n’y suis pas disposé du tout et que je voudrais bien que vous puissiez m’indiquer un de ces moyens que vous croyez possible d’arranger la vie d’Adèle d’une façon plus nette, plus franche, plus avouable, comme vous le dites. Entre une séparation positive et le mariage (proprement ou salement dit), je crois qu’il est très difficile au contraire de trouver un juste milieu qui ne soit pas une indécence selon la morale publique, indécence plus grande que les tableaux vivants. Mais il est évident qu’en fait de morale publique, j’ai été si indécent en parole qu’il est difficile que je ne le sois pas en action, à moins de vouloir passer pour un cornichon sans foi ni loi, sans principes. [...] je penche, moi qui aime la règle, pour un jour fixe, le dimanche, mais je ne me dissimule pas qu’il n’y a rien de plus prussien que cette consigne d’affection1482."

Malgré ses délicats problèmes sentimentaux, malgré ses lourdes préoccupations industrielles, chemins de fer et Suez, Enfantin se met en tête de faire éditer, en un nombre restreint d’exemplaires, sa Correspondance philosophique et religieuse des années précédentes. Des témoignages de reconnaissance reçus, trois1483 nous paraissent utiles d’être rapportés. Sainte-Beuve, cet ancien familier de la rue Monsigny, le 4 novembre 1847, écrit à son ‘ "Cher Maître" : "Je suis bien touché de votre bienveillant souvenir ; vous avez raison de ne pas douter de celui que je vous ai toujours gardé. Vous êtes un de ceux auprès de qui j’ai le plus appris1484. Je vais retrouver en vous lisant quelques-unes de ces idées qui donnent à penser sur l’avenir et qui ouvrent les horizons. Merci encore et tout à vous1485." ’ ‘ Cuvillier Fleury, l’ancien précepteur du jeune duc d’Aumale devenu son secrétaire des commandements, s’était vainement déplacé au domicile de l’auteur pour le remercier de son envoi. Aussi, tient-il, par lettre datée du Palais-Royal du 17 décembre de la même année, à lui exprimer le ‘ "plaisir très-vif" ’ avec lequel il a pris connaissance de l’ouvrage. Aussi, ‘ "ne doute [-t-il] pas que sa lecture, si elle trouve place au milieu des préoccupations de M. le Gouverneur général [de l’Algérie], ne soit agréable à M. le duc d’Aumale. Votre livre sera prochainement entre ses mains. Vous savez le prix qu’il ’ ‘ attache à vos idées sur l’Algérie. Pour être moins pratiques, les aperçus philosophiques qui font l‘objet de votre récente publication n’en méritent pas moins l’attention, l’examen, et je dirais le suffrage, si je ne devais engager que moi, de tous les esprits sérieusement occupés de l’avenir de l’humanité1486." ’ A la fin du même mois, le 30, il revient à l’émancipatrice des femmes, au porte-parole des ouvriers, à l’ancienne maîtresse de Franz Liszt, à savoir Marie d’Agoult, d’accuser réception de l’ouvrage. ‘ "Dans la solitude dans laquelle [elle] vit", ’ depuis ‘ "ces déserts où [la] retient [son] incapacité absolue à goûter les charmes du temps présent", ’ ‘ "rien, assure-t-elle, ne saurait être plus flatteur ni plus agréable que la visite d’un esprit tel que le vôtre." ’ Puis, après avoir reproché à ceux qui ont "effrontément pillé" la doctrine de Saint-Simon ‘ "pour la renier ensuite comme des voleurs de grand chemin qui bâillonnent leur victime afin de n’être point trahis par ses cris", ’ elle ajoute : ‘ "J’espère ne pas me rendre coupable du même crime mais plutôt me montrer semblable à ces emprunteurs consciencieux qui ne renient jamais leur dette et s’efforcent d’en acquitter régulièrement l’intérêt1487."

L’expédition française, enfin partie de France le 4 septembre 1847, arrivée au Caire le 17, termine les travaux impartis le 6 décembre ; dans l’intervalle, elle avait reçu, de la part des autorités égyptiennes, à la fois témoignage de sympathie et concours matériel. A ceci, vient s’ajouter une conclusion bien inattendue et fortement encourageante : contrairement aux conclusions de Linant, la dénivellation entre les deux mers n’est que de 0,8 m au lieu des 8 m, calculés en 1799 et confirmés par lui. Cependant, dans le même temps, la défection des Anglais s’avère patente. Ils s’efforcent, en outre, de dénigrer le projet lui-même. De plus, précédée de mauvaises récoltes, de la crise venue d’Angleterre et étendue à l’Allemagne, survient la Révolution de février 1848. Un coup d’arrêt immédiat est donné à toutes les ambitions. Victor Hugo commente : ‘ "Les quatre mois qui suivirent février furent un moment étrange et terrible. la France stupéfaite, déconcertée, en apparence joyeuse et terrifiée en secret, éblouie d’un éblouissement plein d’épouvantes, aveuglée par toutes les lueurs du doute, ayant perdu l’autorité et tâchant de trouver le génie, en était à ne pas distinguer le faux du vrai, le bien du mal, le juste de l’injuste, le sexe du sexe, le jour de la nuit, entre cette femme qui s’appelait Lamartine et cet homme qui s’appelait George Sand1488."

Toutefois, Enfantin, s’adressant le 25 juin 1848, à Negrelli, à Vienne, ne désespère pas de la situation : ‘ "Quel que soit le sort de la reprise des chemins de fer par l’Etat, j’ai la conviction que le chemin de Paris à Marseille rentrera dans ses mains, et que toutefois je conserverai quant à l’affaire de Suez tous les avantages, je dirai presque tous les droits, que me donnait précédemment ma position dans les chemins de Paris à Marseille1489." ’ La situation économique ne permettant pas aux financiers de s’intéresser à des investissements quelque peu problématiques, l’idée le gagne d’engager une vaste action diplomatique. Deux ans plus tard, il la reprend : le percement du canal de Panama auquel s’intéressent l’Amérique et l’Angleterre lui parait constituer, à la fois, un danger pour le projet de Suez mais aussi une occasion à saisir1490. Et sans avoir jamais cessé de tenir en haleine ses correspondants, qu’ils aient nom Negrelli, Arlès-Dufour, Talabot, Starbuck ou Dufour-Feronce, le 22 août 1850, il revient à la charge auprès de celui-ci. Décidément, Dufour-Feronce semble occuper une haute position dans les sphères internationales. Il lui est mandé : ‘ "Arlès m’a fait passer votre excellente lettre à Starbuck dont j’envoie copie à Talabot. Je crois que le moment approche où le gouvernement français, dans la personne du président Napoléon, devra être saisi de l’idée dont il s’emparera comme d’une relique, si, d’ici là, on en parle en Allemagne ou en Angleterre, de manière à ce que cela lui revienne ; il me paraît donc que vous ferez bien de chercher l’occasion d’en parler très sérieusement à Persigny qui a l’avantage de connaître l’Egypte et qui a même fait un ouvrage assez original sur les pyramides [...]. Il faudrait aussi que Stephenson fit une démonstration quelconque, privée ou publique, qui put retentir à l’Elysée, et y signaler l’existence de nos travaux d’études. En un mot, il faudrait faire désirer de connaître, avant d’aller offrir directement de montrer1491." ’ Ainsi donc, Enfantin plaçait tous ses espoirs dans la République. Mais le ‘ "franc-parleur de ses correspondants1492", comme les Notices historiques qualifient Arlès-Dufour, lui écrit début janvier 1851 : ‘ "La bonne velléité impériale du président a mis tout le monde en émoi, excepté moi ici du moins. Quand je vois ces réveils du président, je ne puis m’empêcher d’espérer qu’il a mission d’enterrer le parlementarisme1493" ’. Un "parlementarisme" honni en raison de son immobilisme traditionnel, notamment en matière de liberté commerciale...

Les prévisions politiques d’Arlès-Dufour ne seront pas démenties par les faits, ses appréhensions premières à l’égard du concours britannique pour le canal de Suez pas davantage : Stephenson, retour d’Egypte, y ‘ "a travaillé pour l’exécution d’un chemin de fer et combattu celle d’un canal1494" !

Prophète au plan gouvernemental, il ne pouvait prévoir, au plan personnel, le désastre auquel il n’échappe pas quelques semaines plus tard : le 30 mars 1851, ses bureaux et entrepôts, à l’angle du Port Saint-Clair et de la place Tolozan, sont la proie des flammes. Sa vie, par miracle, est épargnée, mais point sa fortune, encore une fois à rebâtir1495... Dans l’immédiat, il a bien d’autres soucis que le canal de Suez !

A propos de la réalisation de cet ouvrage et surtout de la défection anglaise, des échanges épistolaires qui suivirent, retenons seulement, et pour le moment, cet extrait de lettre d’Enfantin à Dufour-Feronce du 12 mai 1851 : ‘ "De son côté, Negrelli a tout sujet d’être blessé d’un procédé que sa loyauté autrichienne ne comprend pas, et qui laisse l’Allemagne et la France en dehors de l’oeuvre que le génie européen accomplirait en Egypte par l’influence unique et exclusive d’ingénieurs anglais1496." ’Ce légitime ressentiment, présentement partagé avec la France, ne pourra que se raviver par la suite ; et contre elle, nous en avons relevé l’expression ci-dessus sous la plume d’Arthur Sellier senior. Enfantin, quant à lui, pour le moment encore, garde confiance, tout en s’occupant activement de la fusion des chemins de fer de Paris à Lyon, Avignon et Marseille. Et avec succès ! Malgré ces efforts, son entrée dans le Conseil définitif de l’administration des chemins de fer de Paris à la Méditerranée n’est toujours pas décidée. Arlès-Dufour en est profondément affecté, comme il le lui exprime le 9 juillet 1852. Dès le lendemain, il intervient à ce sujet auprès d’un ‘ "financier parisien, influent dans la compagnie1497". ’ Justement, une décision favorable vient d’être prise : Enfantin est nommé membre de ce conseil. Qui plus est, il sera bientôt délégué pour représenter cette administration à Lyon. C’est là, en octobre, qu’il retrouve, bien sûr, Arlès-Dufour, mais aussi Holstein, ‘ "ses plus anciens et intimes amis1498", ainsi que son fils Arthur qu’il fait embaucher dans les services des chemins de fer1499.

Si le vieil objectif reste toujours en vue, sa foi inébranlable dans sa réalisation est quelque peu altérée, en raison de l’indifférence du pays. ‘ "Mais [...] pourquoi en France même, le gouvernement n’a-t-il jamais voulu patronner officiellement cette entreprise ou avoir l’air d’y songer1500 ?" ’ interroge-t-il, tout en la qualifiant de "vraiment napoléonienne". La question à peine posée dans une lettre à Dufour-Feronce, le 10 janvier 1854, il fournit la réponse : ‘ "Le gouvernement ne veut pas compromettre et embarrasser, par cette question délicate, ses relations avec l’Angleterre." ’ C’est bien ce qu’Arlès-Dufour craignait déjà, dix ans plus tôt ! En tout état de cause, l’éternel "tambour-major" presse de façon réitérée son condisciple, apparemment assombri, à agir‘ . "Après deux soirées orageuses1501", il obtient de lui, non sans peine, d’adopter d’autres voies. Telle celle du baron de Bruck, ministre d’Autriche à Constantinople. Ce personnage, pourtant ‘ "associé de grand cœur au projet1502" ’ et à la Société d’études, laisse sans réponse le courrier d’Enfantin suggérant l’intervention de la Russie dans l’affaire de Suez afin de faire lever les obstacles opposés par l’Angleterre. Certes, le contexte international n’est guère favorable1503. Sous la forme d’une copie de ce courrier, un rappel est adressé le 17 février 1854. Tout en assurant ne pas avoir varié d’opinion, le diplomate réplique que ‘ "le chemin de fer par l’Egypte démontrera à l’évidence la grande utilité de la canalisation de l’isthme1504." ’ La fin de non-recevoir est évidente...

Arlès-Dufour ne se laisse pas abattre et instruit son ami de ses convictions le 30 septembre 1854 : ‘ "Dieu seul sait comment j’emmancherai Suez, mais je sais que je l’emmancherai si Dieu me prête vie1505." ’ Dans ce but et devant la lassitude marquée d’Enfantin, il en vient à envisager, en cas d’accord de Saïd Pacha, une entente financière avec Isaac Pereire. Egalement, comme il l’écrit de Paris à Enfantin le 12 octobre, à la suite d’une rencontre fortuite avec l’ancien consul général au Caire ‘ "chez un de [leurs] amis communs, Emile de Girardin1506", ’en son hôtel de la rue Marbeuf1507, d’y associer Lesseps !

En effet, c’est, pour le rédacteur de la Notice historique d’Enfantin, ‘ "dans les derniers mois de cette même année (1854), [qu’] un auxiliaire inattendu s’offrit à la Société d’études". ’ ‘ Cet auteur, nommant Ferdinand de Lesseps, assure qu’il était ’ ‘ "étroitement lié avec Enfantin et Arlès1508". ’ Si nous connaissons la qualité des rapports nés à Alexandrie, vingt ans plus tôt, entre le Père et le jeune vice-consul de France, nous ignorons par contre dans quelles conditions se nouèrent des intelligences entre cet ‘ "excellent jeune homme qui nous aime1509" ’ et Arlès-Dufour1510. Il est vrai que les amis de nos amis sont nos amis. Mais il est vrai également que ce dernier est devenu persona grata dans le cercle impérial, préparant activement, à un poste de premier plan, l’Exposition universelle de Paris de 1855 voulue par Napoléon III lui-même.

Selon différentes sources, dès son arrivée en Egypte, Ferdinand de Lesseps a porté grand intérêt aux antécédents historiques de l’isthme. Jules Charles-Roux1511, date de 1826 l’étude par le fringant diplomate du mémoire de l’ingénieur J. M. Le Père, chargé par Bonaparte d’étudier la possibilité de faire communiquer "la mer des Indes" avec ‘ "la Méditerranée par la Mer rouge et l’isthme de Soueys1512". ’ Mais l’indication de cette année, par ce vice-président de la Compagnie universelle du canal de Suez, de beaucoup antérieure à l’arrivée des saint-simoniens en Egypte en 1833, est fausse. Elle se trouve d’ailleurs rectifiée et fixée en 1832 - année d’ailleurs sujette à caution - par l’hagiographe de son aïeul, Alex de Lesseps1513, dans les circonstances suivantes. Venant de Tunis, le navire Diogène, est frappé de quarantaine au large d’Alexandrie avec, à son bord, le vice-consul de France qui vient y prendre son poste. Pour lui permettre de supporter ce désagrément, son supérieur, le consul Mimaut, lui fait parvenir "un paquet de livres" parmi lesquels le fameux mémoire de Le Père. Et Alex de Lesseps prête à son personnage le propos suivant ‘ : "J’étais fasciné. [...] La lecture du rapport enflamma mon imagination. La première idée que je me fis du canal n’avait rien à voir avec le commerce ou la politique, c’était plutôt la vision magique d’une oeuvre immortelle1514." ’Une date erronée et une version contredite par son ancêtre...

De toute façon, promu consul au Caire, aidé par le souvenir éminent laissé par son père dans le cœur du vice-roi Mehemet Ali1515, le représentant de la France devient vite familier de la famille et l’ami intime du jeune prince Saïd, avant d’être nommé consul général à Alexandrie. Il regagne l’Europe en 1838 pour y occuper différents postes dont celui d’ambassadeur à Madrid où devait lui succéder le prince Napoléon, cousin du futur Empereur. En désaccord avec l’Assemblée législative sur la question romaine, il demande sa mise en disponibilité de la carrière en juin 1849 pour se livrer entièrement à sa famille, à Paris, puis dans le Berry. ‘ "Depuis 1849, je n’ai cessé d’étudier sous toutes ses faces une question qui avait déjà occupé mon esprit pendant que nous formions en Egypte, il y a vingt ans, nos liens d’amitié1516", ’ allègue-t-il le 8 juillet 1852 auprès du consul général des Pays-Bas en Egypte. A l’appui, il lui adresse, pour être éventuellement soumis au vice-roi Abbas-Pacha, successeur de Mehemet Ali décédé, un mémoire secret‘ , "résultat de (s)es anciennes et nouvelles recherches". ’ L’idée du percement de l’isthme n’ayant aucune chance d’être acceptée, le mémoire est mis en sommeil "en attendant des temps plus propices1517".

Il est bien difficile d’imaginer, à propos de ces "anciennes recherches", qu’elles ne furent pas influencées par les longs entretiens, les relations cordiales nouées avec ces saint-simoniens venus à l’époque pour cette oeuvre. Depuis lors, il ne peut pas ne pas avoir eu vent de la création de la Société d’études et de ses efforts. Malgré ses dénégations ultérieures, l’oubli est loin d’être aussi total. En 1853, Enfantin écrit à Arlès-Dufour : ‘ "F. de Lesseps me courait après, tous ces jours-ci, et moi après lui sans pouvoir nous trouver. Il est venu déjeuner hier chez Vachette et m’a communiqué ce qu’il fait en vue de Suez ; c’est assez curieux, le voilà lancé et je ne serais pas surpris que ce fut la bonne voie... de Lesseps est en instance de concession du canal1518." ’ C’était, semble-t-il, même pour un ancien ambassadeur, pécher par un manque de prudence et un excès d’optimisme. Il lui fallut attendre juillet/août 1854 pour apprendre par le journal, ‘ "la mort d’Abbas-Pacha et l’avènement au pouvoir de [son] ami de jeunesse, l’intelligent et sympathique Mohammed Saïd1519." ’ De déférentes félicitations suivent aussitôt à l’adresse du futur souverain, avec la promesse de venir lui présenter ses hommages dès son retour d’investiture de Constantinople. Le vice-roi n’est pas oublieux de sa difficile jeunesse, des soins attentifs prodigués et des connivences qui les liaient. Il fixe leur rencontre début novembre à Alexandrie. En avisant son ami, le consul général des Pays-Bas, de son prochain voyage, une phrase bien significative conclut la missive de Lesseps : ‘ "Pas un mot à qui que ce soit du projet de percement de l’isthme avant mon arrivée1520."

Sur le chemin de Marseille et d’Alexandrie, Lesseps fait une halte à Lyon, plus exactement à Oullins dans la propriété d’Arlès-Dufour, à la suite de leur rencontre chez Emile de Girardin. Malgré ses réticences, Enfantin est présent. Dans la perspective de cette réception et l’espoir d’une issue favorable, l’hôte de Montroses1521, dès son retour de Paris, n’a cessé de compulser ses archives dans une sorte d’agitation bouillonnante. Sous l’impulsion générale de l’Empereur en maints domaines, la période n’est-elle pas propice aux desseins ambitieux ? Déjà, en 1842, le prisonnier du fort de Ham ne s’est-il pas préoccupé, avec sérieux, du moyen d’exécuter le canal américain interocéanique1522 ? Ces éléments encourageants à l’esprit, Arlès-Dufour a rassemblé, avec fièvre, tous documents en sa possession sur l’affaire, rapports de travaux, études et plans, notamment ceux établis en 1847 pour la Société d’études, afin d’en munir, avec une lettre d’introduction auprès de Talabot à Marseille, celui qu’il considère désormais comme son associé. Peut-être légèrement, pensera-t-on, venant de cet homme aux ‘ "intentions droites1523", ’ trop confiant bien souvent en la nature humaine.

Malgré les appréhensions d’Enfantin, Arlès-Dufour n’a pas à regretter son initiative. Débarqué à Alexandrie le 7 novembre, huit jours sont seulement nécessaires pour que le principe du projet présenté par son hôte soit accepté par Mohammed Saïd. Le 30, les pouvoirs, le firman d’ailleurs préparé par Lesseps, sont signés. Ils confient le soin de constituer et de diriger la compagnie du canal des deux mers au ‘ "dévoué ami de haute naissance et de rang élevé ’ ‘ 1524 ’ ‘ ". ’ Le jour même où celui-ci informe le consul général de France en Egypte de cette régularisation afin de la porter à la connaissance de l’Empereur, sans attendre, il avise, Arlès-Dufour : ‘ "Réjouissez-vous et que nos1525 amis se réjouissent. J’ai réussi au-delà ce que je pouvais espérer. Je vous raconterai plus tard moi-même tous les détails de ma négociation : l’essentiel aujourd’hui est de vous faire connaître la conclusion par les documents suivants1526" ’. Parmi ces pièces, outre une copie de son mémoire au vice-roi, ‘ "ma première liste en projet, sauf à la revoir et à l’augmenter plus tard avec vous, des premiers souscripteurs ou membres fondateurs. [...] Je serai probablement de retour à Paris dans la première quinzaine de janvier. Nous poserons ensemble les bases définitives de notre grande affaire. En attendant, et sans rien conclure, je crois convenable que vous fassiez dès à présent toutes les ouvertures et démarches que vous jugerez à propos1527." ’ Dans leur reproduction partielle de cette lettre, les OSSE se contentent de citer, sous la signature de Lesseps, entre deux "etc." : "Audience de l’Empereur1528" et, en note de bas de page ‘ : "Entente de ma part avec mes amis le baron de Rothschild, Benoît Fould, Achille Seillière. De votre côté, vous conférerez avec Pereire et vos ’ ‘ amis en France1529." ’ Mais Lesseps pense également à l’Angleterre, toujours et à la fois, adversaire acharné mais partenaire nécessaire. Il n’ignore pas non plus l’excellente qualité des relations et la forte influence de son correspondant dans ce pays, comme dans le nôtre. Il compte bien sur sa collaboration la plus entière puisqu’il ajoute : ‘ "Vous jugerez sûrement nécessaire d’aller le plus tôt possible à Londres où votre situation vous permettra d’aller voir les ministres, notre ambassadeur, les hommes politiques importants, où vous serez en mesure par vos relations commerciales d’amener à notre entreprise les grands capitalistes anglais... Vous ferez sans doute tout ce qu’il faudra pour que l’opinion publique se prononce, tant en France qu’en Angleterre, en faveur du canal des Deux mers. Richard Cobden que vous pourrez voir ou auquel vous pourrez écrire de ma part sera disposé à vous aider dans cette oeuvre de paix1530."

Ce patronage apparaît bien superflu ! Lesseps, lui-même, ne l’ignore pourtant pas. Le 3 décembre suivant, se présentant ‘ "comme ami de la paix et de l’alliance anglo-française" ’, il s’adresse au parlementaire britannique, afin de pouvoir "compter sur [sa] juste influence" et précise en effet : ‘ "J’ai déjà écrit à notre ami, M. Arlès-Dufour, secrétaire général de la Commission impériale à l’Exposition universelle de Paris, de s’entendre avec vous1531"... ’ Pour Arlès-Dufour, Richard Cobden, cet autre "révolutionnaire pacifique", est loin d’être un inconnu. De chaque côté de la Manche, ils luttent, l’un et l’autre, pour le libre-échange et pour la paix. Leurs relations remontent au moins à 18461532, facilitées sans doute par Bowring qui fit, en 18381533, la connaissance de Cobden, lui aussi et précédemment, commissionnaire en étoffes...

Après ceux des 30 novembre et 6 décembre, un nouveau courrier de Lesseps en date du 14 - le troisième en quinze jours ! - tient Arlès-Dufour fidèlement au courant. De la Société d’études, c’est bien lui le destinataire privilégié, apparemment unique, des correspondances d’affaires du protégé de Mohammed Saïd, même si, comme tel est le cas en fin de lettre du 30 novembre, celui-ci le prie de partager ‘ ses "mille bonnes amitiés1534" ’ avec Enfantin. Auparavant, il précise : ‘ "Le départ du paquebot anglais ne me permet pas de vous communiquer aujourd’hui mon idée sur la formation de notre compagnie, dans laquelle les gros bonnets financiers de Paris et de Londres pourront tirer leur profit dans l’intérêt commun, mais qu’il ne conviendra pas de leur livrer en pâture. [...] Le voyage d’exploration dans l’isthme est retardé jusqu’au 24, pour les préparatifs. Maintenant, tout ce qu’il y avait à faire ici me semble en bon train. - Travaillez l’opinion en Angleterre. Aide toi, le ciel t’aidera1535."

Apparemment ravi d’avoir à le faire, Lesseps transmet, le 25 décembre, au maître d’oeuvre de la prochaine exposition universelle l’extrait d’une lettre d’un certain M. Girette1536 d’Alexandrie : ‘ "Lorsque j’ai parlé de M. Arlès-Dufour, disait M. Girette, M. H*** m’a dit qu’il était l’ami intime de M. Anderson, le chef principal de la Compagnie péninsulaire orientale [de navigation à vapeur], j’ai ajouté que M. Arlès-Dufour serait un des promoteurs les plus puissants de l’affaire du canal de Suez [...]1537". ’ Cette lettre s’achève on ne peut plus aimablement : ‘ "Je prie Dieu qu’il vous ait en sa sainte garde jusqu’à ce que nous assistions tous les deux, dans cinq ans, au mariage des deux mers, dont je suis en train, en allant de l’un à l’autre, de célébrer les fiançailles1538."

Toujours à l’adresse de son correspondant attitré, ‘ "un de [ses] premiers soins est de [...] faire connaître en résumé les résultats de [son] intéressant voyage1539", ’ à peine de retour, la veille, de son exploration de l’isthme. Dans ce courrier du 16 janvier 1855, il exprime ses ‘ "impressions sur la situation européenne et ottomane" ’ et son souhait, dans l’immédiat, de ‘ "conserver à ’ ‘ notre ’ ‘ affaire son caractère d’initiative égyptienne en dehors des complications de la politique européenne". ’ Puis, plus loin, : ‘ "Parlons un peu de la constitution de notre Société dont nous aurons à nous occuper ensemble en France1540", ’ avant d’en aborder lesdiverses modalités : forme juridique, statuts, siège social, nomination du directeur, etc. Enfin, cette affirmation : ‘ "Je sais que j’ai choisi ’ ‘ un autre moi-même ’ ‘ en m’adressant à vous, et en émettant le voeu que ’ ‘ vous ’ ‘ soyez appelé à me succéder ’ ‘ si Dieu le décidait ainsi1541" ’. Un voeu que s’abstiennent évidemment de mentionner, dûment caviardés, les lettres et documents réunis, plus tard, par Lesseps1542.

Malgré cette lettre de cinq pages et demie - même tronquée -, dès le lendemain même, Lesseps revient à la charge, et, selon les OSSE, ‘ "pour témoigner de plus à Arlès qu’il se considère comme son associé et non plus seulement comme son ami1543." ’. Il est vrai que, sans ambages, c’est pour lui déclarer : ‘ "Vous me semblez être le président né du futur conseil d’administration de notre compagnie1544." ’ Le 27 janvier 1855, en partance d’Alexandrie pour Constantinople, il justifie, auprès de lui, ce voyage imprévu1545, jugé nécessaire par le vice-roi, ‘ "dans le cas où il y aurait des difficultés pour l’organisation actuelle de notre compagnie1546".

Toutefois, sans doute à la suite de plusieurs courriers qu’il rappelle, l’un en provenance de son correspondant habituel du 2 janvier et deux autres d’Enfantin des 30 décembre et 6 janvier, c’est avec fermeté, cette fois, qu’il poursuit ‘ : "Je n’ai donc à répéter ce que je vous ai écrit dès le principe, c’est qu’il n’y a aucune disposition définitive à prendre en Europe avant mon retour." ’ Toutefois, après avoir relevé avec sarcasme, ‘ que "le projet Talabot [...] tient donc toujours au cœur de notre ami" ’ et rappelé que le vice-roi s’est déclaré pour un tracé différent, le ton se radoucit ‘ : "En tout cas, vous devez penser comme moi qu’il faut, dans notre grande entreprise, mettre de côté les considérations de personnes, et ne faire que ce qui pourra contribuer à la réussite1547." ’Embarqué à bord du Pharamond à destination de Constantinople, c’est encore, semble-t-il, au "président-né" qu’il décrit avec ‘ complaisance "la marche triomphale" ’ ‘ qui a été ’ ‘ celle "de l’un des promoteurs de la grande entreprise et de l’ami du vice-roi d’Egypte1548" ’, le long de la côte de Syrie, depuis Jaffa jusqu’à Alexandrette.

Face à ces témoignages, chaleureux et réitérés, à la fois de sympathie et de franche collaboration, comment ne pas s’enthousiasmer davantage encore ? Comment ne pas apporter son concours le plus déterminé à celui qui, loin de là, retenu bien davantage que prévu, oeuvre pour la cause commune, et ne pas la faire avancer ici ? Arlès-Dufour s’y emploie de la façon la plus active qu’on lui connaît. Il étudie la formation de la future Compagnie universelle, en compose le conseil d’administration avec Enfantin. Celui-ci n’apprécie guère l’absence de la Société d’études et de sa Société d’exploration de 1833 dans la première liste de fondateurs dressée par Lesseps1549, vis à vis duquel subsiste sa réticence. Malgré tout, fin 1854, il prend la liberté de s’adresser directement à Napoléon III. Dans son préambule, sans omettre ses antécédents personnels, il en vient à l’objet de sa requête : ‘ "Notre désir à M. de Lesseps, à moi et à notre ami Arlès-Dufour serait que l’Empereur trouvât bon de nous voir constituer cette année, chez M. Arlès-Dufour, la Société universelle du canal de Suez, pendant l’exposition qui amènera à Paris, chez le secrétaire de la Commission Impériale [Arlès-Dufour], tous les hommes que leur position en France, en Allemagne, en Angleterre et même dans tous les pays, appelle à former cette société universelle1550." ’ Environ un mois après, transmis au souverain, les documents rédigés ‘ "d’après [l]es inspirations très établies manifestées dans deux audiences que j’ai eues1551" ’ avec l’Empereur, partent, bien entendu, simultanément le 27 janvier 1855, à l’adresse de l’associé...

Quant à Arlès-Dufour, plus ardent que jamais, il rêve de Suez tous les jours ‘ "de quatre à sept heures du matin1552", ’ outre l’attribution des rôles dans l’organisation administrative future, il envisage, en vue de l’installation du futur siège social de la Compagnie, la construction d’un local dans une artère nouvellement ouverte entre les rues Bergère et Richer1553... Mais, dans cette agitation, a-t-il toujours pris attentivement connaissance des lignes qui lui étaient adressées ? Sans doute, en en pesant les termes. Mais peut-être, après lecture, en cédant à son vieux fonds d’optimisme forcené ? De plus, le temps s’écoule et Lesseps diffère encore son retour de plusieurs mois. Avec la certitude de bien faire, ne convient-il pas de se hâter ?

"Je compte aussi sur l’appui moral et les sympathies de l’Empereur en faveur d’un projet qui va à ses idées1554", ’ assurait le négociateur lointain à Arlès-Dufour. Selon son voeu d’ailleurs, les contacts se poursuivaient auprès du souverain et une première audience est accordée à Enfantin le 4 janvier 1855. Fort de cette occasion, Arlès-Dufour, de son côté, sollicite la haute protection de l’archiduc Maximilien d’Autriche pour le même objet1555. Mais, lui parvient cette lettre du Caire du 16 janvier 1855, à la fois flatteuse et menaçante, sous l’indisposition d’écrits parvenus d’Enfantin à l’immixtion de plus en plus marquée. Malgré ses perspectives encourageantes, déjà citées, elle ne laisse que peu de doutes sur les ambitions de son auteur : ‘ "Je tiens à rester le maître de l’affaire, sous le patronage du vice-roi, tant qu’il n’y aura que de la peine à recueillir." ’Puis, cette longue tirade : ‘ "Je n’ai demandé de conseils à qui que ce soit pour l’entreprise dont je poursuis la réalisation de tous mes efforts ; et tout en comptant sur vous, à votre insu, je partais pour l’Egypte sans vous prévenir, si le hasard ne m’avait fait vous rencontrer quelques jours avant de me mettre en route, chez un de nos amis communs, Emile de Girardin. Mes fonctions à l’étranger ne m’avaient pas permis de connaître, autrement que par ce qu’en avait dit le public, les travaux de votre ancienne Société d’études ; je ne les ai étudiés moi-même, avec vous et Enfantin, qu’à mon récent passage à Lyon. La noble et généreuse initiative de cette Société aura toujours une belle part dans l’histoire du canal des deux mers ; mais cette Société n’existe plus, et il n’y a aucun motif pour la faire revivre1556."

Tandis que les relations entre Enfantin et Lesseps se tendent davantage et s’enveniment après chaque courrier échangé, Arlès-Dufour, toujours combatif certes mais généreux homme de paix et de transaction, fidèle à lui même, le 10 février, prêche la modération : ‘ "Le hasard, que dis-je, Dieu a miraculeusement groupé trois hommes fanatiques de la même oeuvre dont ils font leur but, la gloire de leur vie ; chose plus miraculeuse peut-être, aucun d’eux n’est possédé du démon du jour, l’amour du gain ; chacun d’eux a des aptitudes propres et comprend celles des deux autres qui complètent la sienne. C’est donc une providentielle trinité que la nôtre. Pour ’ ‘ Dieu, conservons-la intime et ne l’affaiblissons pas par des doutes qui, heureusement, tomberont après la première poignée de main1557."

Brutalement, depuis peu à Constantinople, l’attitude de Ferdinand de Lesseps subit une métamorphose complète. Est-ce l’effet des hésitations subitement rencontrées auprès du conseil de la Sublime Porte pour l’aval du firman, sous l’influence du gouvernement britannique ? Peut-être, mais davantage, sûrement, les nouvelles parvenues de France. Le 26 février 1855, ses négociations difficiles auprès du Divan à peine rapportées à son frère, à Paris, il en vient tout de go à lui signifier le message suivant : ‘ "Je te serai obligé de dire, comme tu l’entendras, à Arlès-Dufour, que je n’ai ni le temps ni le désir, au beau milieu du travail de ma négociation, de répondre à sa lettre ainsi qu’à celle d’Enfantin du 10 février. [...] Que veut donc dire ce projet présenté à l’Empereur dont on ne m’avait jamais parlé ? Dis à Arlès que je persiste plus que jamais dans les opinions exprimées dans ma lettre du 16 janvier, surtout au sujet de l’ancienne Société d’études, qui pour moi est réduite à un état purement historique. Ces messieurs ont tort de me dire que je me laisse influencer par le milieu dans lequel je me trouve ; ils doivent savoir que je ne suis pas homme à me laisser influencer ni intimider, lorsque je crois marcher dans la bonne voie. Qu’ils sachent enfin que je n’accepterai jamais un renversement de rôle et qu’ils ne me trouveront pas disposé à aller à leur suite. Je n’ai aucune espèce de lien avec eux, pas plus qu’avec d’autres, et leurs propres engagements, auxquels je suis étranger, ne m’engageront pas1558." ’ ‘ Toutefois, l’apaisant courrier du 10 février d’Arlès-Dufour à Lesseps paraît, un instant, calmer le jeu, du moins entre eux deux. Sur le même ton conciliant, il y est répondu, le 19 mars, : ’ ‘ "Je vous retrouverai en France avec le plus grand plaisir et cinq minutes de conversation vaudront mieux que toutes nos correspondances1559."

Pendant ce temps, les échanges épistolaires ne s’en poursuivent pas moins entre les tenants de la Société d’études d’essence saint-simonienne. De Vienne, le 30 avril, Negrelli se plaît à souligner, auprès d’Arlès-Dufour, la parfaite et complète identité de vue régnant entre tous, d’une part Arlès-Dufour et Enfantin, et d’autre part, les ministres, le baron de Bruck et le chevalier de Toggenburg, "‘ toujours prêts à agir énergiquement", ’ ainsi qu'avec Dufour-Feronce à Londres. [...] ‘ Quand vous croirez le moment d’une réunion des groupes à Paris venu, écrivez- ’ ‘ moi [...]. Nous restons bien déterminés à naviguer d’un commun accord, et sans nous laisser décourager, vers notre noble but, le canal de Suez1560."

Mais, de cette belle association, Lesseps, prochainement de retour en France, s’emploie à détruire l’unité. Sur demande du vice-roi, affirme-t-il d’Alexandrie, le 4 mai, au baron de Bruck, S.A. Mohammed Saïd a fait inscrire son nom et celui de Negrelli ‘ "parmi les fondateurs d’une entreprise qui ne peut pas rencontrer de protecteurs plus éclairés et plus efficaces que l’illustre ministre de l’Autriche et le célèbre directeur des Travaux Publics de la Lombardo-Vénétie1561." ’ ‘ Et bien qu’il ne soit pas en relation avec Negrelli, il sent l’avantage qu’il peut retirer de la collaboration de ces deux personnages, tout en rejetant Arlès-Dufour qui, poursuit-il, a persisté, malgré ses observations, à soutenir un projet dont ne voulait pas le vice-roi... Le 20 du même mois, le baron de Bruck remercie et exprime néanmoins l’espoir que, Negrelli et lui étant membres de la Société d’études ’ ‘ , "S.A. aura la même bonté pour les autres membres fondateurs de ladite Société1562."

Devant cette félonie, mis en possession de ces deux correspondances par les soins de ‘ son "cher collègue et digne ami1563" ’ Negrelli, Arlès-Dufour réagit immédiatement, le 27 mai, à réception de leur envoi du 21, en provenance de Vienne. ‘ "Je ne sais vraiment, s’interroge-t-il auprès du destinataire, si c’est à M. Ferdinand de Lesseps ou à mon digne ami et associé Lesseps que je dois écrire maintenant. Ne recevant depuis trois mois aucune réponse à mes lettres, aucune communication relative à l’affaire que, d’accord avec vous, je croyais et crois encore pouvoir appeler notre affaire, je dois supposer que quelque chose d’étrange, de vraiment extraordinaire s’est passé dans votre esprit et votre cœur ordinairement si justes et si élevés. J’aurais cependant patiemment attendu votre retour pour avoir l’explication de cette conduite, au moins singulière à mon égard", ’ assure-t-il. Par contre, il dénie formellement l’assertion relative à la position qui lui est attribuée personnellement à l’égard du tracé de canal. ‘ "Je vous ai, en associé fidèle, transmis mes lettres à divers et les réponses reçues, et je défie que vous trouviez trace d’une opinion personnelle sur [cette] question qu’en homme pratique et raisonnable, j’ai toujours jugé du ressort exclusif des ingénieurs français, anglais, allemands et égyptiens. Je ne ’ ‘ me suis occupé que de l’affaire que vous m’avez confiée, en y mettant même beaucoup plus de réserve que vous ne m’en prescriviez dans le principe. Ainsi, vous m’avez dit d’aller à Londres voir le duc de Northumberland, Cobden, Lord Clarendon et mes amis. Je me suis borné à leur écrire en leur disant que je vous attendais pour aller les entretenir de notre grande affaire. Le seul pas en avant que j’aie fait, ou plutôt fait faire à M. Enfantin, votre ami comme le mien, n’a été que la conséquence obligée du désir de l’Empereur qui nourrit l’idée de Suez et de Panama depuis bien des années, et qui sans se préoccuper du tracé, nous pousse à la réalisation de la société universelle. Dans les trois audiences que M. Enfantin a eues de l’Empereur, il a toujours répondu à l’invitation à la mise en oeuvre par l’obligation morale de ne rien faire de décisif avant votre retour. [...] Cependant, comment qualifier dans un moment aussi solennel un silence de trois mois ! Des lettres d’un homme honorable, adressées à un homme honorable, son ami, son associé, laissées sans aucune réponse ! Enfin, tout cela s’expliquera sans doute à votre retour, car vous avez le cœur trop droit pour ne pas reconnaître le tort où il se trouve. Si vous revenez avant le 10 juin, vous trouverez Enfantin à Lyon ; quant à moi, je suis cloué ici, et j’y suis bien impatient de vous y voir. A vous1564."

Cette lettre adressée à Alexandrie ne devait pas toucher son destinataire, du moins comme prévu. Quatre jours après son envoi, son rédacteur, sous le coup de la stupeur et profondément affligé, écrit, dans la même ville égyptienne, au dénommé Girette déjà cité : ‘ "Plusieurs des amis qui connaissent ma position dans l’affaire de Lesseps et qui savent avec quelle impatience j’attends son retour sont venues depuis deux jours me féliciter et me demander les nouvelles apportées. Vous comprenez quel sentiment pénible j’ai dû éprouver d’apprendre le retour d’un ami, d’un associé, par des tiers. Je respecte trop la dignité des autres et la mienne propre pour chercher à faire violence aux sentiments de Lesseps à mon égard1565."

Et comme ils s’étaient rencontrés chez Emile de Girardin - fortuitement selon Lesseps -, le même hasard les met en présence, dans les jours suivants, chez le prince Napoléon1566... De ce bref entretien, il ressort que Lesseps, dans le droit fil de sa lettre du 16 janvier de la même année à son interlocuteur1567, se refuse obstinément à faire ‘ "revivre la Société d’études1568". ’ Une rencontre entre les deux hommes, organisée au domicile de Lesseps, ne modifie en rien la situation, une situation que confirme Arlès-Dufour dès après : ‘ "[...] depuis que vos lettres d’Egypte m’ont autorisé à me considérer comme votre associé, j’ai, pendant votre absence, agi comme un fidèle associé. Après m’avoir poussé à l’action, dans laquelle je suis entré avec plus de réserve que vous ne m’en prescriviez, voulant vous attendre et vous suppliant de revenir pour cela, il vous a plu, votre absence se prolongeant, de blâmer l’action par vos lettres à des tiers et entre autres M. de Bruck, ainsi que par un silence de trois mois vis-à-vis de moi, votre associé ou tout au moins votre délégué, votre correspondant intime, que vous appeliez votre successeur. Depuis votre retour, vos démarches et vos paroles en donnant à croire que j’aurais faussé vos instructions et cherché à amoindrir votre position pendant votre absence, expliqueraient, justifieraient votre conduite actuelle envers moi aux yeux des personnes de tout rang et de tous pays que j’ai entretenus de Suez dans l’intérêt de l’oeuvre et dans le vôtre que je considérais aussi comme mien. Cette position je ne l’accepte pas. [...] J’ai repris ma liberté d’action en déplorant sincèrement les sentiments qui vous portent à briser le faisceau déjà formé si péniblement et avec tant de dévouement dans un but humanitaire pour lequel toute personnalité ne devrait chercher qu’à réunir le plus de forces possible1569." ’Deux jours après, le destinataire signifie que, seulement ‘ "représentant ou [...] négociateur du vice-roi", il n’a d’"association avec personne1570"... ’ La rupture est définitivement consommée.

Malgré les servitudes de tous ordres qui pèsent sur le Secrétaire général de l’Exposition universelle, Arlès-Dufour dresse, courant juin, à l’intention de Negrelli, l’état actuel de ce qu’aurait pu être ‘ "cette superbe question de paix dans la politique" ’. Une nouvelle fois, est affirmée l’assurance que ‘ "jamais la Société d’études n’a entendu se lier pour le tracé du canal" ’, Talabot n’ayant seulement fait que publier son opinion toute personnelle en faveur d’un plan différent : ‘ "Aucun esprit réfléchi ne saurait penser qu’un tracé quelconque puisse être imposé a priori à la compagnie universelle d’exécution [...]. Notre idée, comme la vôtre, a toujours été et ’ ‘ est encore de réunir toutes les forces, de réunir toutes les individualités marquantes, en Europe, en Egypte, dans le monde entier, car nous n’excluons ni les Russes, ni les Américains, et lorsque ces éléments de la compagnie universelle d’exécution seront organisés, alors seulement, nous aborderons la solution du tracé, en soumettant ce problème à l’examen des hommes les plus compétents en cette matière." ’Se prend-il réellement à espérer un changement de comportement de son ancien "associé" et, quoiqu’il en soit, à tenir pour certaine la pérennité de la Société d’études lorsqu’il poursuit, plus loin : ‘ "M. de Lesseps s’égare en ce moment d’une façon trop déplorable pour que nous perdions l’espoir de le voir reconnaître qu’il s’est trompé et qu’il a cédé à des sentiments, à des passions qui sont au-dessous de la grandeur de l’oeuvre. S’il persévérait dans son erreur, dans ses illusions, s’il persistait à croire que cette oeuvre universelle se met dans la poche comme un firman, nous ne maintiendrons qu’avec plus de force la Société d’études vivante, comme nous le disait M. de Bruck, car l’affaire de Suez n’est pas une affaire égyptienne ou turque seulement, ainsi que le prétend M. de Lesseps, elle est surtout européenne, et même universelle, et la volonté qui l’exécutera sera certainement l’expression de la volonté des puissances que cette oeuvre intéresse, elle ne sera pas le résultat du caprice ou de la bienveillance de [Mohammed] Saïd Pacha pour tel ou tel de ses amis1571. [...]"

Mais la partie est devenue par trop inégale. Après avoir manifesté tout son intérêt à l’entreprise, en recevant Enfantin par trois fois, l’Empereur oppose désormais un froid silence à ses sollicitations. Les relations cultivées aux Tuileries par Arlès-Dufour et Enfantin se situent à un niveau moindre que celles entretenues par Lesseps, notamment auprès de sa cousine au second degré, l’Impératrice. Quelques mois seulement après son mariage, Eugénie, ‘ sa "cousine et amie" ’ comme elle avait signé cette lettre, ne lui avait-elle pas écrit : ‘ "Donnez-moi, je vous prie, des conseils chaque fois que vous le jugerez utile, non pour moi, mais pour la France. Je suis toujours à l’écoute des conseils venant de mes amis dévoués1572." ’Ces conseils ainsi sollicités n’allaient pas lui être épargnés ; son concours pas davantage. Pour preuve, ce qu’il croit pouvoir écrire d’Alexandrie, le 18 avril 1855, à Mohammed Saïd : ‘ "L’impératrice fait dire que, sur ses nouvelles instances, l’Empereur lui aurait répondu qu’elle se rassurât, en ’ ‘ ajoutant ces mots "L’affaire se fera". ’ Elle a voulu garder les lettres et documents et dit ‘ qu’elle tenait à tout lire et à bien se rendre compte de tout1573" ’. La "régence" débutait...

Pour preuve encore, à peine de retour à Paris, les notes de Lesseps, remise ou destinée à l’Empereur, se succèdent, les 5 et 9 juin1574. Le 14, il passe la soirée aux Tuileries. Là, il aura ‘ "donc l’occasion de revoir l’Empereur et l’Impératrice et de prendre leurs directions pour [s]on voyage à Londres1575." ’ Aussi, avant son départ, - fort, également, en vue de ce déplacement de l’appui de Rothschild et de Thiers -, peut-il annoncer, le 18 du même mois, dans une ‘ "Circulaire à MM. les membres fondateurs en Egypte" ’ : ‘ "L’exécution du projet de percement de l’isthme de Suez ne paraît plus devoir être mise en doute aujourd’hui. Il est donc à propos de constituer régulièrement, dans un intérêt commun, la réunion des membres fondateurs désignés en vertu du firman de S.A. Mohammed Saïd1576."

Dorénavant, le combat ne peut qu’être d’arrière-garde et la bataille perdue. La question du tracé n’est qu’un prétexte invoqué par Lesseps pour exclure définitivement la Société d’études et, avec elle, ses représentants français, Enfantin, Talabot et Arlès-Dufour . Et comme ce dernier l’écrit à Negrelli, alors que, même sans traité signé1577, ‘ "nous avions tous droit de penser, moi surtout, que M. de Lesseps ne considérait pas lui-même cette tentative comme lui étant personnelle, mais comme étant commune entre lui et nous1578."

En réalité, ils avaient été joués. On s’était servi d’eux en profitant de la totalité des documents accumulés sur l’affaire au fil des années et confiés sans aucune arrière-pensée, des relations internationales qui étaient les leurs, en Autriche notamment, largement ouvertes sur un ‘ "pied d’intimité complète et d’espérances communes1579."

Cet état d’esprit était bien loin d’être réciproque. A lire l'ancien diplomate lui-même, il voulait régner seul en maître, sans aucun partage. Une lettre qu’il adresse du Caire, le 22 janvier 1855, à sa belle-mère Mme Delamalle, dévoile sa véritable personnalité et nous éclaire sur son comportement ambigu1580. Après s’être refusé à s’‘ "expos[er] à dépendre des autres", ’ il énonce : ‘ "Mon ambition, je l’avoue, est d’être le seul1581 à conduire tous les fils de cette immense affaire jusqu’au moment où elle pourra librement marcher. En un mot, je désire n’accepter de condition de personne, mon but est de les imposer toutes." ’ Et de rappeler ce que lui avait dit un jour Mehemet Ali : ‘ "Rappelez-vous, mon jeune ami, que si dans le cours de votre vie, vous avez quelque chose de très important à faire, c’est sur vous seul qu’il faut compter. Si vous êtes deux, il y en a un de trop1582." ’ Plus loin :"Des amis en France craignent que je prenne ici des engagements. Qu’ils soient tranquilles, je n’en prends pas plus en Egypte qu’avec eux." ’Et encore, décidément en veine de confidence, : ‘ "Enfin, puisque je vous dis tout, je ne trouve pas mal dans l’intérêt de la propagande de l’affaire que nombre de braves gens croient que les alouettes vont leur tomber toutes rôties pendant que je me brûle plus ou moins les doigts1583." ’ Six jours auparavant, le confident s’était adressé à ‘ "un autre moi-même"...

Lors de son arrêté financier annuel du 30 septembre 1855, Arlès-Dufour ne semble plus se faire beaucoup d’illusions ; il ramène, sur son Livre particulier, ‘ sa "mise de fonds pour Suez" ’ de 5.000 à 1.000 F, ensuite à 100 F les deux années suivantes, avant que la rubrique disparaisse définitivement. C’était l’année de la constitution de la Compagnie universelle du canal de Suez !

Enfantin, sa fureur apaisée, s’était résigné. Pouvait-il d’ailleurs en aller autrement ? Devenu tardivement un ami du Père, Maxime du Camp‘ , "deux ans après qu’Enfantin eut définitivement renoncé à toute espérance", ’ devait recevoir ‘ "le fond même de sa pensée" ’. ‘ "[...] J’ai été un vieux niais, lui dit-il, de m’affliger [...].Entre mes mains, l’affaire eut échoué ; je n’ai plus la force et l’élasticité nécessaires pour faire face à la fois à tous les adversaires, pour combattre en même temps au Caire, à Londres et à Constantinople ; j’aurais bien eu assez d’avoir à vaincre les ’ ‘ sables, j’aurais été vaincu par le mauvais vouloir des hommes. [...] il importe peu que le vieux Prosper Enfantin ait subi une déception, il importe peu que ses enfants aient été trompés dans leur espoir ; mais il importe que le canal de Suez soit percé, et il le sera ; c’est pourquoi je remercie Lesseps et je le bénis1584."

Une fois l’exclusion du projet accomplie, Enfantin avait dit : ‘ "Sans doute, il sera bon et juste que l'on sache, dans l'avenir, que l'initiative de cette oeuvre gigantesque a été prise par ceux-là mêmes en qui le vieux monde ne voulut voir d'abord que des utopistes ; des rêveurs, des fous ; mais rapportez-vous en à l'histoire pour cela1585..."

Au moment même de l’inauguration à laquelle, nous l’avons vu, il n’est pas invité, Arlès-Dufour, légataire universel de son cher compagnon de route, en son nom et en celui des ‘ "membres du Conseil institué par Enfantin pour la publication de ses oeuvres" ’ (Arlès-Dufour, César L'Habitant, Laurent de l'Ardèche, Henri Fournel, A. Guéroult, Arthur Enfantin) fait paraître une petite brochure de 45 pages, afin de rappeler, sur un ton correct et digne, les mérites d’Enfantin dans l’accomplissement du projet. Editée chez Dentu, sous le titre Le percement de l’isthme de Suez. Enfantin 1833-1855. M. de Lesseps 1855-1869 1586, elle est diffusée largement.

Deux accusés de réception sont arrivés jusqu’à nous, nous surprenant toujours de la multiplicité des relations, en tous lieux et de toutes qualités, entretenues par leur destinataire. Le premier, aux termes suivants, émane du général de Wimpfen qui, en poste à Oran, y ‘ "cherche à faire le bien" ’ : ‘ "Le Père Enfantin et ses nobles associés ont consacré leur esprit et leur énergie à faire le bien de l'humanité ; aussi, laisseront-ils après eux une trace lumineuse qui éternisera leurs noms. J'ai adopté autant que possible les paroles de votre chef illustre et qui sont énoncées à la fin de la brochure "que l'oeuvre que j'ai signalée et fait mettre à l'étude comme grandement utile aux intérêts matériels et moraux de l'homme s'exécute et je serai le premier à bénir l'exécution1587."

De son côté, le 16 décembre suivant, un certain La Roncière de Noury, demeurant à Paris, lui donne ‘ "raison de revendiquer les droits antérieurs de M. Enfantin." ’Il poursuit : ‘ "Il me semble que M. de Lesseps ne pourrait que s'honorer à proclamer cette antériorité d'idée, lui qui a la faveur de l'exécuter. Il faut bien le dire : la vulgarisation triomphe toujours sur l'inventeur. Mais ce n'est pas une raison pour que celui-ci fut absolument oublié, ce qui arrive malheureusement trop souvent. A l'oeuvre, on connaît l'ouvrier. C'est par ses élèves qu'il faut juger le Père Enfantin. Est-il un maître qui en ait fait autant qui aient si brillamment réussi ? C'est par là qu'il faut le juger plus que par ses théories qui ont trouvé des contradicteurs. L'opinion publique s'est d'ailleurs bien ralliée à lui. Mille compliments affectueux de votre tout dévoué1588."

Beaucoup plus tard, Frédéric Passy rapportera : ‘ "C'est ici, sous cette véranda, me disait un jour, vers la fin de l'Empire, dans sa propriété d'Oullins, mon ami Arlès-Dufour, qu'a été arrêté le plan du Canal de Suez1589." ’ C’était peut-être beaucoup dire...

Quelques années auparavant, en 1865, Lesseps avait convié quatre-vingt représentants de Chambres de commerce européennes pour constater l’état d’avancement des travaux. En présence du préfet du Rhône, le sénateur Chevreau et notamment d’Arlès-Dufour, entre autres membres de la juridiction consulaire, le rapport de la délégation de Lyon est lu, lors de la délibération du 22 juin placée sous la présidence de Brosset, par le soyeux Edouard Duseigneur1590. Il avait effectué le voyage en compagnie de son collègue Jules Bonnet et, pour la circonstance, d’un "délégué adjoint". Celui-ci, Maurice Chabrières-Arlès1591 n’est autre que le gendre d’Arlès-Dufour... Ironie de la "petite histoire", il devait devenir administrateur de la Compagnie du canal de Suez.

Quoi qu’il en soit, l’Histoire, la "grande", n’aura guère laissé aux saint-simoniens, en général, et à Arlès-Dufour, en particulier, ‘ cette "belle part ’" qui leur était promise par ‘ "l'excellent jeune homme" ’ de 1834...

Notes
1420.

Selon Livre particulier..., cité. La date d’acquisition de ces actions n’est pas fournie.

1421.

Lettre d’Arlès-Dufour, 2 janvier 1846, à Enfantin (ARS 7683), citée par Pierre Cayez, Métiers Jacquard..., op. cit., p. 330.

1422.

Id., 6 janvier 1846 (ARS 7683), ibid.

1423.

Pierre Cayez, op. cit., p. 327.

1424.

Félix Rivet, op. cit., p. 409.

1425.

Pierre Cayez, op. cit., p. 329.

1426.

ARS 7849, "Mines de Privas 1845-1847".

1427.

ARS 7849, dossier cité. H.-R. d'Allemagne, Prosper Enfantin et ..., op. cit., p. 135, indique, par erreur semble-t-il, la date du 8 mars 1845.

1428.

ARS 7849, dossier cité.

1429.

Lettre d’Isaac Pereire, 16 septembre 1846, à Enfantin (ARS 7849).

1430.

Selon le compte rendu de l’assemblée générale du 31 mars 1849, tenue à l’Hôtel de ville de Privas, ce décret accorde à Revol "la concession de la partie la plus considérable et la plus riche du minerai du périmètre dont la compagnie demandait la concession" (ARS 7849).

1431.

Exemplaire de circulaire du 6 février 1849, sous la signature d’Etienne Gautier, caissier de la Cie à Lyon, adressé à Enfantin, rue de la Victoire 34, Paris, ARS 7849, dossier cité.

1432.

Lettre d’Enfantin, ? Juillet 1846, à Arlès-Dufour (OSSE, Vol 12, p. 43-45).

1433.

Pierre Cayez, L'industrialisation lyonnaise..., op. cit., t. I, p. 467.

1434.

Lettre de Lesseps, Le Caire, 16 janvier 1855, à Arlès-Dufour, Paris, Ferdinand de Lesseps, Lettres, journal et documents... , op. cit., p. 106. Selon sa préface datée de mai 1875, cet ouvrage répond à la demande de ses confrères de l’Académie des Sciences où son auteur est coopté.

1435.

En 1956, à la suite de l’expédition franco-britannique consécutive à la guerre d’Algérie.

1436.

Octave Aubry, Le Second Empire, op. cit., p. 523.

1437.

Gérard Guillot, "Le souvenir de cinquante siècles d’histoire", Le Figaro, 5 mai 1987.

1438.

Adolphe d’Assier, "L’évolution historique des sociétés humaines", Revue des Deux Mondes, 1876, t. 17.

1439.

Cf. XIV - Lyon, tremplin de l’Orient.

1440.

Lettre d’Enfantin, Alger, 31 janvier 1840, à Arlès-Dufour (OSSE, Vol. 32, p. 19).

1441.

Ibid., p. 9.

1442.

Lettre d’Enfantin, Alger, 14 juin 1841, à Arlès-Dufour (OSSE, Vol. 34, p. 71).

1443.

Cf. XVIII - Un prolétaire enrichi.

1444.

OSSE, Vol. 11, p. 183.

1445.

Lettre d’Enfantin, 1er décembre 1842, à Arlès-Dufour (ARS 7663), citée par d'Allemagne, Prosper Enfantin et ..., op. cit., p. 87. Pour le présent chapitre, nous sommes également redevables à cet auteur d’un certain nombre d’éléments nous faisant défaut.

1446.

A[rlès]-D[ufour], Un mot sur les fabriques étrangères... , op. cit., p. 61. Cf. XV - Fabrique lyonnaise et fabriques étrangères.

1447.

OSSE, Vol. 11, p. 208.

1448.

Lettre d’Enfantin, 12 décembre 1842, à Arlès-Dufour (ARS 7663), citée par H.-R. d'Allemagne, Prosper Enfantin et ..., op. cit., p. 87.

1449.

Note d’Enfantin lue aux fondateurs de la Société d’études du canal le 27 novembre 1846 (OSSE, Vol. 12, p. 8 et p. 15).

1450.

Ibid., p. 11.

1451.

Cf. XIX - "Le cadeau de l'Angleterre au monde".

1452.

Lettre d‘Enfantin, Paris, 26 mars 1844, à Arlès-Dufour, citée (OSSE, Vol. 11, p. 219).

1453.

Le texte de cet envoi, non daté, est cité par Sébastien Charléty, Histoire du saint-simonisme, op. cit., en note 2, p. 231.. La liste qui l’accompagne est reproduite à la suite. On la retrouve, avec quelques variantes, dans les OSSE, Vol. 12, p. 13 à 15.

1454.

Cf. XIX - "Le cadeau de l’Angleterre au monde".

1455.

Lettre du Comité lyonnais, 3 mai 1845, à Enfantin, déjà citée au chapitre précédent.

1456.

Lettre d’Arlès-Dufour, en Suisse, 10 août 1845, à Enfantin (ARS 7682/175), déjà citée in XIX - "Le cadeau de l’Angleterre au monde".

1457.

Lettre d’Arlès-Dufour, Lyon, 14 août 1845, à Enfantin (ARS 7682/174).

1458.

Lettre de Dufour-Feronce, 22 mai 1846, à Arlès-Dufour (ARS 7717), citée par H.-R. d'Allemagne, Prosper Enfantin et ..., op. cit., p. 92.

1459.

Selon le procès-verbal établi (OSSE, Vol. 12, p. 15). H.-R. d'Allemagne, Prosper Enfantin et ..., op. cit., p. 92, ne mentionne pas la présence de Jules et Léon Talabot.

1460.

Selon une note "Biographie de Louis Sellier" établie par Arthur Sellier senior, Munich, mars 1943 (Archives familiales).

1461.

Nom déjà cité (in VI - La découverte de l'Angleterre et XII - Le saint-simonien) comme étant celui d’un proche collaborateur d’Arlès-Dufour à Lyon. Nous ignorons s'il s'agit bien du même. Le beau-frère Plantin susvisé avait également quitté la France au moment de la Révolution pour s’installer à Hambourg où il avait fondé une maison de commerce.

1462.

Ce commerce était constitué d’articles de luxe parisiens, tant en bronze qu’en porcelaine, objets en cristal, etc. Plus tard, il fut étendu à la vente d’ustensiles et d’articles de chasse.

1463.

Selon note "Biographie de Louis Sellier" citée supra. A la date d'établissement de cette note (mars 1943), une plaque commémorative apposée sur le bâtiment de l’Hôtel des Commerçants, à Leipzig, rappelait le nom de Louis Sellier.

1464.

Il serait prénommé Christian selon autre source (Cf. XXVII - La "révolution du crédit").

1465.

On voit par là combien l’échec de l’entreprise fut longtemps et durement ressenti par la famille allemande.

1466.

OSSE, Vol. 12, p. 12.

1467.

OSSE, Vol. 12, p. 21 à 29.

1468.

Compagnie de navigation de Trieste fondée par le baron de Bruck.

1469.

Selon son Livre particulier (Archives familiales).

1470.

Lettre d’Enfantin, sur papier à en-tête de la "Compagnie du chemin de fer de Paris à Lyon, 34 rue de la Victoire", 12 janvier 1847, à Arlès-Dufour" (Archives familiales) : "... Je crois vous avoir dit que Dufour m’a écrit le 7 qu’à Trieste, c’était le conseil municipal, le Lloyd et la Chambre de commerce qui voulaient être des nôtres et que tous les ministres autrichiens étaient très chauds pour la chose. [...]"

1471.

OSSE, Vol. 12, p. 30-31. H.-R. d'Allemagne, Prosper Enfantin et ..., op. cit., p. 94, attribue un certain nombre de titres non mentionnés dans les OSSE. Nous les reproduisons ci-après : Georgi, filateur, député de Saxe - Thieriot : Conseiller intime du ministère de l’Intérieur de Dresde - Dufour-Feronce : consul général du Portugal à Leipzig - Harkort : directeur de banque à Leipzig.

1472.

Arlès-Dufour, Un mot sur les fabriques étrangères... , op. cit., p. 146, déjà cité in XIV - Lyon, tremplin de l’Orient.

1473.

CCL, Registre des délibérations, 25 février 1847, p. 168. Pour mémoire, Arlès-Dufour a provisoirement cessé ses fonctions à la Chambre de commerce le 13 août 1846, n’étant pas statutairement rééligible.

1474.

CCL, Registre Copies de lettres, n° 81 du 17 mars 1847.

1475.

Ibid., n° 90 du 29 mars 1847.

1476.

CCL, Registre des délibérations, 10 juin 1847.

1477.

OSSE, Vol. 12, p. 35. C’est seulement le 12 octobre 1847 que la Chambre de commerce de Marseille peut avertir Enfantin de sa décision du 5 mars, par suite de l’approbation tardive de cette décision par le ministre du Commerce.

1478.

Amin Fakhry Abdelnour, préface, in Philippe Régnier, Les saint-simoniens en Egypte (1833-1851), op. cit., p. XIV.

1479.

Lettre d’Enfantin, octobre 1846, à Abderahman Rouchdy (OSSE, Vol. 12, note p. 46).

1480.

Enfantin avait reconnu légalement leur fils Arthur le 6 juin 1837 ; "premier acte civil de [sa] rentrée dans le monde", à son retour d’Egypte, ARS 7615/180, cité par H.-R. d'Allemagne, Prosper Enfantin et ..., op. cit., p. 209.

1481.

Lettre d’Arlès-Dufour, 9 janvier 1847, à Enfantin (ARS 7682), citée par H.-R. d'Allemagne, Prosper Enfantin et ..., op. cit., p. 212.

1482.

Lettre d’Enfantin, 12 janvier 1847, à Arlès-Dufour, déjà citée supra (Archives familiales).

1483.

OSSE, Vol. 12, p. 56-62.

1484.

Souligné par nous.

1485.

OSSE, Vol. 12, p. 58.

1486.

Ibid., pp. 59-60.

1487.

Ibid., p. 62.

1488.

André Castelot, Alain Decaux,..., op. cit., p. 63.

1489.

Lettre d’Enfantin, Paris, 25 juin 1848, à Negrelli, Vienne (OSSE, Vol. 12, p. 85).

1490.

Une convention à ce sujet est signée entre les deux pays, à Washington, le 19 avril 1850.

1491.

Lettre d’Enfantin, 22 août 1850, à Dufour-Feronce (OSSE, Vol. 12, p. 175).

1492.

OSSE, Vol. 12, p. 182.

1493.

Lettre d’Arlès-Dufour, début janvier 1851, à Enfantin (OSSE, Vol. 12, p. 182), à la suite de la suppression du commandement général des forces militaires de Paris.

1494.

Lettre d’Enfantin, 12 mai 1851, à Dufour-Feronce, (OSSE, Vol. 12, p. 183).

1495.

Cf. chapitre XXIII.

1496.

Lettre d’Enfantin, 12 mai 1851, à Dufour-Feronce, (OSSE, Vol. 12, p. 185).

1497.

OSSE, Vol. 12, p. 198.

1498.

Ibid.

1499.

Arthur Enfantin est recruté en qualité de surnuméraire. Après trois mois d’apprentissage, il occupera successivement, à Lyon, les fonctions suivantes : inspecteur des services de marchandises, inspecteur délégué, sous-chef des mouvements, chef des mouvements, enfin inspecteur principal de l’exploitation. Ces éléments sont tirés d’une note vraisemblablement établie par l’intéressé en date du 20 décembre 1864, sur papier à en-tête "Chemins de fer de Paris à Lyon et à la Méditerranée-Exploitation" (Archives familiales).

1500.

Lettre d’Enfantin, Lyon, 10 janvier 1854, à Dufour-Feronce, Leipzig (OSSE, Vol. 12, p. 218), suite à une lettre de ce dernier à Arlès-Dufour, aussitôt transmise au maître.

1501.

Georges Taboulet, art. cit., p. 103.

1502.

Lettre d’Enfantin, 28 novembre 1853, au baron de Bruck, internonce d’Autriche à Constantinople (OSSE, Vol. 12, pp. 206-213) : "...Le moment approche où la Russie devra, en effet, prendre une part active dans la résolution des grandes puissances européennes dont l’accord est indispensable pour que la communication des deux mers puisse enfin s’effectuer..." (Op. cit., p. 207). Le baron de Bruck était le fondateur et le président-directeur du Lloyd autrichien, la grande compagnie de navigation de Trieste. Pour mémoire, G. Taboulet indique, p. 103, art. cit., la date du 28 décembre.

1503.

La Turquie, suzeraine de l’Egypte, déclare la guerre à la Russie le 4 novembre 1853. le 4 janvier suivant, les flottes française et anglaise pénètrent en Mer Noire et ces deux pays, alliés pour la circonstance, déclarent la guerre à la Russie le 27 mars.

1504.

Lettre de M. de Bruck, Constantinople, 5 mars 1854, à Enfantin, (OSSE, Vol. 12, p. 227). Le baron y confirme qu’il s’est effectivement associé à la société d’études, "dès le commencement, de tout son cœur."

1505.

Georges Taboulet, art.cit., p. 103.

1506.

Lettre de F. de Lesseps, Le Caire, 16 janvier 1855, à Arlès-Dufour, Paris, citée par Ferdinand de Lesseps, op. cit., p. 106.

1507.

Octave Aubry, Le Second Empire, op. cit., p. 370.

1508.

OSSE, Vol. 12, p. 228.

1509.

Lettre d’Enfantin, 18 août 1834, à Melle Saint-Hilaire (OSSE, Vol. 10, p. 16), déjà citée in XIV - Lyon, tremplin de l’Orient.

1510.

Il convient toutefois de préciser que, trois ans plus tôt, Dufour-Feronce avait écrit à Enfantin le 12 mai 1851, : "Croyez-moi, tâchez de vous arranger avec de Lesseps ou engagez Arlès à faire les premières démarches." (Lettre citée par d'Allemagne, Prosper Enfantin et ..., op. cit., p. 104) Lesseps et Arlès-Dufour semblaient donc déjà se connaître.

1511.

Jules Charles-Roux, op. cit., p. 244.

1512.

Philippe Régnier, Les saint-simoniens en Egypte, op. cit., p. 146.

1513.

Alex de Lesseps, op. cit., p. 21. Cet auteur se trouve contredit par son ancêtre qui, dans une lettre à Arlès-Dufour en date du 16 janvier 1855, écrit : "Quand j’étais consul en Egypte, en 1833, c’est Linant qui m’a initié à son projet d’ouverture de l’isthme et qui a fait naître en moi un violent désir qui ne m’a jamais abandonné au milieu des vicissitudes de ma carrière." (Cité par G. Taboulet, art. cit., p. 105). A noter que cet extrait n’est reproduit ni par A. de Lesseps, op. cit., ni par d'Allemagne, op. cit.

1514.

Alex de Lesseps, op. cit., p. 21. Cette version des faits est quelque peu différente de ce qu’écrit lui-même Ferdinand de Lesseps à la date du 24 novembre 1854 : "Je n’oublierai jamais que M. Mimaut, le grand ouvrage de l’expédition d’Egypte à la main, m’initia à l’étude du canal des deux mers, au sujet duquel j’avoue avoir été jusque-là dans l’ignorance la plus complète." (Ferdinand de Lesseps, op. cit., p. 37). Lesseps se contredit d’ailleurs lui-même en écrivant à Arlès-Dufour le 16 janvier 1855, selon note précédente.

1515.

Cf. XIV - Lyon, tremplin de l’Orient.

1516.

Lettre de Ferdinand de Lesseps, Paris, 8 juillet 1852 à M. S. W. Ruyssenaers, Consul général des Pays-Bas, en Egypte, in Ferdinand de Lesseps, op. cit., p. 1.

1517.

Lettre de Ferdinand de Lesseps, Paris, 15 novembre 1852 à M. S. W. Ruyssenaers, in Ferdinand de Lesseps, op. cit., p. 3.

1518.

Lettre d’Enfantin, 15 mai 1853, à Arlès-Dufour (ARS 7665), citée par H.-R. d'Allemagne, Prosper Enfantin et ..., op. cit., p. 104.

1519.

Lettre de Ferdinand de Lesseps, Paris, 15 septembre 1854, à M. S. W. Ruyssenaers, Consul général des Pays-Bas, en Egypte, in Ferdinand de Lesseps, op. cit., p. 4.

1520.

Ibid.

1521.

Pour mémoire, nom de la propriété d’Arlès-Dufour à Oullins.

1522.

Lettre de F. de Lesseps, Alexandrie, 21 avril 1855, à Mme Delamalle [sa belle-mère], Paris, citée in Ferdinand de Lesseps, op. cit., p. 181.

1523.

Lettre du préfet Jayr, s. d., citée in XIX - "Le cadeau de l’Angleterre au monde".

1524.

Selon le codicille au firman, cité in Alex de Lesseps, op. cit., p. 93.

1525.

Souligné par nous, ainsi que pour les divers extraits des lettres de Lesseps reproduits ci-après.

1526.

H.-R. d'Allemagne, Prosper Enfantin et ..., op. cit., p. 105 (ARS 7836). Cette lettre du 30 novembre 1854, de Lesseps à Arlès-Dufour, n’est pas reproduite in Ferdinand de Lesseps, op. cit. En prenant connaissance de ses termes, on en comprend la raison... Le courrier suivant, du même au même, "M. Arlès-Dufour, Secrétaire général de l’Exposition universelle, à Paris", daté du 6 décembre, reproduit partiellement semble-t-il en p. 55 des Lettres, journal...(op. cit.), rappelle seulement la référence de cette lettre du 30 novembre 1854.

1527.

Selon reproduction partielle de cette même lettre du 30 novembre in OSSE, Vol. 12, p. 228-229.

1528.

"Demandez audience à l’Empereur", selon texte de cette lettre du 30 novembre 1854 reproduit par G. Taboulet, art. cit., p. 107.

1529.

OSSE, Vol. 12, p. 229.

1530.

Fin de la lettre de Ferdinand de Lesseps à Arlès-Dufour du 30 novembre 1854, citée, in H.-R. d'Allemagne, Prosper Enfantin et ..., op. cit., p. 105.

1531.

Lettre de Lesseps, 3 décembre 1854, à Cobden, Londres, Ferdinand de Lesseps, op. cit., pp. 52-54.

1532.

Selon le brouillon d’une lettre d’Arlès-Dufour, Paris, adressée à Cobden le 2 (ou 20) avril 1846 (Archives familiales). Il fait suite à "nos bonnes conversations de samedi et de dimanche". Cette correspondance débute dans les termes suivants : "J'avais écrit à mes amis de Lyon une lettre qu'ils ont cru devoir publier. Elle vous prouvera toujours que tout en étant profondément convaincu que la liberté des échanges n'est pas la terre promise de l'humanité, je la considère comme le plus grand, le plus puissant, le plus saint des moyens de conduire l'humanité à son Paradis [...]" Ces quatre derniers mots ont été rayés et la phrase reprise, mais inachevée. Suit le rappel des principes saint-simoniens.

1533.

Charles Taquey, op. cit., p. 87.

1534.

Cité par G. Taboulet, art. cit., p. 107, non relevé par ailleurs et notamment exclu par F. de Lesseps en p. 59.

1535.

Lettre de Lesseps, 14 décembre 1854, à Arlès-Dufour, Ferdinand de Lesseps, op. cit., pp. 57-59.

1536.

"Ancien agent en Egypte de la Compagnie des Messageries impériales, teinté de saint-simonisme, ami commun d’Enfantin et de Lesseps", selon G. Taboulet, art. cit., pp. 110-111.

1537.

OSSE, Vol. 12, p. 229. Arthur Anderson était un chaud partisan de la communication maritime à travers l’isthme, G. Taboulet, art. cit., p. 93.

1538.

Cité par G. Taboulet, art. cit., pp. 107-108, non relevé par ailleurs.

1539.

Lettre de Lesseps, Le Caire, 16 janvier 1855, à Arlès-Dufour, Paris, Ferdinand de Lesseps, op. cit., pp. 101-106.

1540.

Lettre de Lesseps, 16 janvier 1855, à Arlès-Dufour (OSSE, Vol. 12, p. 231) et Ferdinand de Lesseps, op. cit., p. 101-106. Egalement in Jules Charles-Roux, op. cit., p. 233.

1541.

Selon G. Taboulet, art. cit., p. 362, Arlès-Dufour de son côté, le 17 décembre précédent, avait souhaité que son nom figurât sur le firman, à côté de celui du concessionnaire du canal, dans le cas de "transformation" (la mort, en langage saint-simonien) de celui-ci.

1542.

OSSE, Vol. 12, p. 230 et J. Charles-Roux, op. cit., p. 233. Pour mémoire, non cité par d'Allemagne, op. cit.

1543.

OSSE, Vol. 12, p. 230.

1544.

Extrait de lettre de Lesseps, 17 janvier 1855, à Arlès-Dufour cité in OSSE, Vol. 12, p. 230, J. Charles-Roux, op. cit., p. 233, et Sébastien Charléty, op. cit., p. 308. Il va de soi que cette lettre n’est pas reproduite dans l’ouvrage cité de F. de Lesseps...

1545.

Lesseps avait antérieurement annoncé son retour pour la première quinzaine de janvier, comme vu plus haut.

1546.

Lettre de Lesseps, Alexandrie, 27 janvier 1855, à Arlès-Dufour, Paris, citée in Ferdinand de Lesseps, op. cit., p. 113.

1547.

Ibid. p. 114.

1548.

Lettre de Lesseps, Alexandrette, 2 février 1855, à Arlès-Dufour, Paris, citée in Ferdinand de Lesseps, op. cit., p. 116.

1549.

Il convient de préciser que, selon G. Taboulet, art. cit., - ce que ne fait pas explicitement d'Allemagne, Prosper Enfantin et ..., op. cit. - les noms d’Arlès-Dufour, d’Enfantin et des trois frères Talabot, bien que noyés dans la masse, figurent dans cette première liste de soixante quinze bénéficiaires ; il n’y a d’ailleurs aucune raison, à ce moment précis, qu’il en aille autrement.

1550.

Lettre d’Enfantin à Napoléon III, s.d. [fin 1854] (ARS 7836), citée par H.-R. d'Allemagne, Prosper Enfantin et ..., op. cit., p. 107.

1551.

ARS 7837, cité par H.-R. d'Allemagne, Prosper Enfantin et ..., op. cit., p. 107. A noter que les OSSE, Vol. 12, en bas pp. 241- 243, reproduisent une note non datée soumise à S.M. l’Empereur.

1552.

Selon Enfantin, cité par G. Taboulet, art. cit., p. 108.

1553.

G. Taboulet, art. cit., p. 108, origine inconnue comme pour toutes autres citations de cet auteur. A noter que, dans son Livre particulier (Archives familiales), au bilan du 30 septembre 1854, Arlès-Dufour fait apparaître pour la première fois et jusqu’en 1856 inclus, un montant de 50.000 Fr. sous la rubrique "Capital Chaussée d’Antin", un quartier justement assez proche des rues citées par G. Taboulet. Cet auteur ajoute qu’Arlès-Dufour avait demandé au préfet, le 17 janvier 1855, de baptiser cette nouvelle artère "rue de Suez" ; ce nom est actuellement attribué à deux voies, l’une dans le 18e, l’autre dans le 20e arrondt.

1554.

Lettre de Lesseps, 16 janvier 1855, à Arlès-Dufour, citée in Ferdinand de Lesseps, op. cit., p. 102.

1555.

H.-R. d'Allemagne, Prosper Enfantin et ..., op. cit., p. 107, Enfantin étant reçu en audience, la première fois, le 4 janvier 1855 par Napoléon III.

1556.

Lettre de Lesseps, 16 janvier 1855, à Arlès-Dufour, citée.

1557.

Lettre d’Arlès-Dufour, 10 février 1855, à Lesseps (ARS 7835), citée par H.-R. d'Allemagne, Prosper Enfantin et ..., op. cit., p. 108.

1558.

Lettre de Lesseps, Constantinople, 26 février 1855, à comte de Lesseps, Paris, citée in Ferdinand de Lesseps, op. cit., p. 130.

1559.

Cité par G. Taboulet, art. cit., p. 109.

1560.

Lettre de Negrelli, 30 avril 1855, à Arlès-Dufour (OSSE, Vol. 12, p. 231-232). De cette lettre, il apparaît que Negrelli s’occupe, lui aussi et simultanément, de la construction de chemins de fer en Vénétie. (inauguration récente de la ligne de Trévise à Tagliamento dont il assure l’administration).

1561.

Lettre de Lesseps, Alexandrie, 4 mai 1855, au baron de Bruck (OSSE, Vol. 12, p. 233).

1562.

Lettre du baron de Bruck, Vienne, 20 mai 1855, à Lesseps (OSSE, Vol. 12, p. 236).

1563.

Selon la formule utilisée par Arlès-Dufour, s.d. [2e quinzaine de Juin 1855], à Negrelli, Vienne (OSSE, Vol. 12, p. 238-245), suite aux courriers de Negrelli des 21 mai et 12 juin 1855.

1564.

Lettre d’Arlès-Dufour, Paris, 27 mai 1855, à "M. Ferdinand de Lesseps, ministre plénipotentiaire d’Alexandrie" (ARS 7688/23), sur papier à en-tête de la "Commission impériale de l’Exposition universelle" - "Cabinet du secrétaire général". Pour mémoire, H.-R. d'Allemagne, Prosper Enfantin et ..., op. cit., attribue, p. 110, la référence ARS 7837 à ce document.

1565.

Lettre d’Arlès-Dufour, Paris, 31 mai 1855, à M. Girette (ARS 7688). Girette est cité comme "inspecteur général des services maritimes dont les renseignements ont souvent complété ceux des directeurs du canal" dans le compte-rendu de Duseigneur fait à la CCL le 22 juin 1855, suite à la visite des chantiers à l’invitation de Lesseps (Cf. infra).

1566.

Lettre d’Arlès-Dufour, s.d. [2e quinzaine de Juin 1855], à Negrelli, Vienne (OSSE, Vol. 12, p. 244).

1567.

Lettre de Lesseps, 16 janvier 1855, à Arlès-Dufour, citée.

1568.

Selon lettre d’Enfantin à Arlès-Dufour (ARS 7665 bis), s.d. [début juin 1855], citée par d'Allemagne, Prosper Enfantin et ..., op. cit., p. 110.

1569.

Lettre d’Arlès-Dufour, Paris, 16 juin 1855, à Lesseps (ARS 7837), citée par d'Allemagne, Prosper Enfantin et ..., op. cit., p. 111.

1570.

Lettre de Lesseps, 18 juin 1855, à Arlès-Dufour (ARS 7836), citée par d'Allemagne, Prosper Enfantin et ..., op. cit., p. 112. Il n’est pas inintéressant de préciser que, dans la même lettre, Lesseps assure avoir offert à Arlès-Dufour également d’être membre fondateur de la future compagnie universelle. Un devoir de fidélité à l’égard de la Société d’études et d’Enfantin amena sans doute celui-ci à décliner cette proposition.

1571.

Lettre d’Arlès-Dufour, s.d. [2e quinzaine de Juin 1855], à Negrelli, Vienne (OSSE, Vol. 12, pp. 238-245). Longue lettre valant résumé historique de cette affaire.

1572.

Lettre d’Eugènie de Montijo, 22 juin 1853, à Lesseps, citée p. 51 par Alex de Lesseps, op. cit. Cet auteur situe l’annonce du mariage impérial à une époque erronée ; cette annonce a été faite le 22 janvier 1853, les mariages civil et religieux ayant respectivement été célébrés les 29 et 30 janvier 1853.

1573.

Lettre de Lesseps, Alexandrie, 18 avril 1855, à Mohammed Saïd, citée par Ferdinand de Lesseps, op. cit., p. 185.

1574.

Ferdinand de Lesseps, op. cit., p. 197 et 199.

1575.

Lettre de Lesseps, Paris, 14 juin 1855, à Ruyssenaers, Alexandrie, citée par Ferdinand de Lesseps, op. cit., p. 204.

1576.

Ferdinand de Lesseps, op. cit., p. 207.

1577.

Cette précision donnée par Arlès-Dufour contredit celle apportée ultérieurement par son hagiographe C.[ésar] L.[‘Habitant], op. cit., p. 141, selon laquelle : "Une convention établie entre les parties [Enfantin et Arlès-Dufour d’une part, Lesseps d’autre part] détermina la part faite à chacun dans l’organisation de l’oeuvre."

1578.

Lettre d’Arlès-Dufour à Negrelli, s.d. [2e quinzaine de juin 1855], citée, (OSSE, p. 240).

1579.

Ibid.

1580.

Ce comportement ambigu se manifestera encore par la suite, notamment avec les héritiers de Negrelli - qui avait poursuivi sa collaboration avec Lesseps après l’éviction définitive de la Société d’études -, à l’occasion du procès qui les opposera en 1905 devant la Cour d’appel de Paris. Les plaidoiries souligneront les défaillances de mémoire, les contradictions de déclarations et les changements d’attitude de Lesseps. Cf. "Les héritiers de Negrelli contre la Compagnie du canal de Suez", Revue des grands procès contemporains, 1906, Paris, Librairie générale de droit et de jurisprudence.

1581.

Souligné dans le texte de cette lettre de Lesseps, Le Caire, 22 janvier 1855, à Mme Delamalle, Ferdinand de Lesseps, op. cit., pp. 109-110.

1582.

Egalement souligné dans ce texte.

1583.

Lettre de F. de Lesseps, Le Caire, 22 janvier 1855, à Mme Delamalle, Ferdinand de Lesseps, op. cit., pp. 109-110. Il est juste d’ajouter que cette lettre se poursuit par ces mots : "Quoi qu’il en soit, j’ai trouvé déjà en France et ici des cœurs bien chauds et bien dévoués qui m’ont offert leur concours avec un grand désintéressement.", Ferdinand de Lesseps, op. cit., p. 111. On se demande dans quelle catégorie, des "alouettes" ou "des cœurs bien chauds", Lesseps classait en particulier Arlès-Dufour.

1584.

Maxime du Camp, Souvenirs littéraires, op. cit., p. 422. La première rencontre de cet auteur et d'Enfantin eut lieu le 24 février 1853, op. cit., p. 409. Pour mémoire, cf. dans cet ouvrage le chapitre "XIX - Les saint-simoniens", pp. 408-426.

1585.

OSSE, Vol. 12, p. 248.

1586.

H.-R d'Allemagne, Prosper Enfantin et ..., op. cit., p. 116, et G. Taboulet, art. cit., p. 384.

1587.

Lettre du général de Wimpfen, Oran, 25 novembre 1869, à Arlès-Dufour (Archives familiales).

1588.

Lettre de La Roncière de Noury, Paris, 16 décembre 1869, à Arlès-Dufour (Archives familiales).

1589.

Frédéric Passy, "Ceux qu'il faut honorer: les saint-simoniens", La paix par le droit - Revue de la paix, Mai 1910, N° 5, p. 260.

1590.

CCL, Registre des délibérations, 22 juin 1865. Le rapport de la visite du canal de Suez, reproduit dans ce registre, a été publié par Pinier, Lyon, 1865, 21 p.

1591.

Pour mémoire, Paul-Matthieu-Maurice-AugusteEX \f nom «Chabrières (Adélaïde)», né le 19 janvier 1829 à Crest (Drôme) a épousé, à Lyon, le 28 juin 1853, la seconde des quatre enfants d’Arlès-Dufour, Adélaïde, née le 28 octobre 1830 à Lyon. Associé pendant un temps à l'activité de la Maison Arlès-Dufour, il est mort à Paris le 21 mars 1897. Outre sa qualité d’administrateur de la Cie du canal de Suez, figurent sur le faire-part de son décès, les titres suivants : "Officier de la Légion d’honneur, Trésorier général du Rhône, Régent de la Banque de France, Membre du Consistoire de l’Eglise réformée de Lyon, Vice-président du Conseil d’administration de la Cie des chemins de fer d’Orléans, ancien Président du Bureau de bienfaisance de la ville de Lyon, ancien administrateur des Hospices civils de la ville de Lyon.

MauriceEX \f nom «Chabrières (Adélaïde)» avait saisi l’occasion de ce voyage à Suez pour visiter, en compagnie de son beau-frère Armand, fils cadet d’Arlès-Dufour, Constantinople, la Palestine, la Syrie, le Liban. Son rapport sur l’éducation des vers à soie dans ce dernier pays est présenté au cours de la même délibération du 22 juin 1855 de la CCL, mais n’est pas reproduit dans le registre concerné.