TROISIEME PARTIE
UN INFATIGABLE ENTREPRENEUR

XXV - DE LONGS EFFORTS COURONNES
DE SUCCES

"Oui, c'en est fait, je me marie. Mais cela ne veut pas dire que je vais vivre comme un Caton2154." ’ Ce projet nuptial ne semble vraiment pas de nature à devoir modifier la vie dissipée de ce célibataire endurci de trente-six ans, accablé de chagrin après la mort de l'une de ses tendres amies parmi les femmes de théâtre, la tragédienne Rachel2155. Le secret, pour l'heure encore un secret d'Etat, Drut2156, Secrétaire des Commandements du Palais-Royal, le reçoit personnellement. ‘ "Mon vieux Prince avait besoin d'en causer", ’ précise-t-il, le 14 janvier 1858, à l'intention de son ami Arlès-Dufour, "retenu chez lui par les jambes". Depuis huit mois, les négociations sont entamées entre les deux souverains en vue de l'union du cousin de l'Empereur, le prince Napoléon, et la fille aînée de Victor-Emmanuel II, roi de Sardaigne, la Princesse Clotilde2157. Au vrai, ce secret en est-il encore un ? Effectivement, Drut poursuit : ‘ "La Princesse ne l'a su que par L'Indépendant belge et Walewski [Ministre des Affaires étrangères] n'en a entendu parler que trois jours avant que la bavarde Brunellais [?] ait rendu la nouvelle publique." ’ ‘ On retrouve bien là la défiance et la nature secrète de l'Empereur, même à l'égard de son entourage immédiat. Mais surtout, par ses conséquences, nationale et internationale, l'événement est regardé par Drut comme un fâcheux présage ’ ‘ : "Ce mariage ne ’ ‘ se fait pas sous de favorables auspices s'il pousse à la guerre. Vous ne vous faites pas l'idée de tout ce que l'on dit à Paris où tout le monde veut la paix2158."

Le soir même de l'envoi de ce courrier2159, Orsini attente à la vie de Napoléon III, considéré par lui comme traître à la cause italienne. Cent-cinquante-six blessés, dont six ne survivront pas, jonchent le sol de la rue Le Peletier, à la porte de l'Opéra, où l'Empereur et l'Impératrice sont venus en grande pompe à la représentation de Guillaume Tell.

Trois jours après ce drame, Maurice Chabrières, entré dans les affaires de son beau-père, se veut rassurant auprès de sa jeune épouse sur la vie dans la capitale, même s'il relève le sceau de la réaction impériale. Il a vu Le fils naturel, la dernière pièce de Dumas fils, et dîné chez ‘ "l'excellent pasteur [Martin-Paschoud] qui est toujours charmant quoique très préoccupé ; il paraît qu'on aurait l'intention de contrarier les vues du disciple et que le gouvernement aimerait mieux que le pasteur abandonnât son plan2160. Il paraît que, décidément, on ne veut plus ni journaux, ni publications. On parle de la prochaine suppression d'un grand nombre des journaux de province, et on dit même que ceux de Paris sont très malades ; les Débats et la Revue des Deux Mondes ne passeront probablement pas l'hiver. En dehors de ces préoccupations, les Parisiens jouissent toujours largement de la vie et des plaisirs de la capitale. Les théâtres sont encombrés, les magasins resplendissent de richesses et d'élégance et le luxe, comme l'a dit un homme d'esprit, touche au paroxysme2161."

Napoléon III, s'entourant toujours du même mystère, poursuit, lui, son fantasme italien : il est disposé, déclare-t-il à Cavour, lors de leur entrevue de Plombières du 21 juillet, ‘ "à marcher avec le Piémont contre l'Autriche2162." ’ Dès 1851, en visite à Lyon, n'a-t-il pas déjà fait part de sa résolution au général La Marmora, envoyé pour le saluer par Victor-Emmanuel, de ‘ "faire quelque chose pour l'Italie qu'il aim[e] comme sa seconde patrie2163" ? ’En début d'année 1859, les rumeurs de conflit s'amplifient. Elles sont accueillies avec empressement par l'ancien rédacteur du Globe saint-simonien,puis du Journal des Débats, enfin du Crédit après la Révolution de 1848, maintenant directeur politique de La Presse, Adolphe Guéroult2164, ami d'Enfantin et d'Arlès-Dufour.

Quant à celui-ci, favorable, bien sûr, à la cause des peuples opprimés mais profondément hostile à tout conflit militaire, il espère bien que la guerre n'aura pas lieu. Le 7 janvier 1859, suite aux appréhensions exprimées auprès de lui, Enfantin le rassure : ‘ "Je pense que Le Moniteur d'aujourd'hui aura confirmé vos espérances pacifiques. Ici, on continue à être ému. Guéroult, qui croit toujours à la guerre, a fait hier une visite d'où il est sorti plus que croyant2165." ’ Malgré les démentis officiels, les menaces se précisent. Le 3 mai, ‘ "l'Autriche viole les traités, la justice, et menace nos frontières" ’ fait placarder l'Empereur, annonçant la guerre contre l'Empire austro-hongrois2166.

Un jeune maître des requêtes au Conseil d'Etat, seulement âgé de trente-deux ans, Charles Robert, chargé du service du cabinet de Napoléon III à l'armée d'Italie, suit la campagne au Quartier général de l'Empereur. Il en rapportera une série de dessins pris sur le vif, accompagnés de légendes : une "bande dessinée" avant l'heure2167. Plus tard, de 1864 à 1869, il sera Secrétaire général du ministre de l'Instruction publique, Victor Duruy.

Une victoire définitive est remportée sur les Autrichiens, le 24 juin, à Solférino, malgré l'impréparation de nos armes. L'horreur du charnier découverte sur le champ de bataille par Napoléon III n'est pas étrangère, elle non plus, à la paix qu'il signe hâtivement à Villafranca avec l'Empereur François-Joseph. Il lui en avait fait porter les préliminaires, soit par son cousin, le Prince Napoléon2168, gendre de Victor-Emmanuel, soit par Fleury, son aide de camp2169, ou encore par Charles Robert2170.

De son côté, Arlès-Dufour revit intensément le cauchemar de Waterloo. Un élan de charité fort compatissante germe subitement du plus profond de son être : un élan quelque peu déconcertant, cependant bien digne du personnage hors du commun, aux exceptionnelles qualités humaines et généreuses ! Ceci, alors que son ami, le prince Napoléon, est à la tête d'un corps d'armée sur le champ de bataille. Ceci, alors que certains journaux jusqu'au-boutistes tiennent à une victoire complète conduisant à l'unification de l'Italie... Les premiers prisonniers autrichiens non encore arrivés à Marseille, il donne, à sa récente succursale locale, l'ordre d'ouvrir un crédit, à concurrence de trente mille francs, en faveur de leurs officiers2171 ! Les ennemis de la veille...

A vrai dire, ils sont encore les ennemis du jour, lorsqu'est prise cette décision, postérieure seulement à la précédente victoire de Magenta du 4 juin et à l'entrée triomphale de l'Empereur et de Victor-Emmanuel à Milan. Une lettre datée du 11 juillet à Paris et signée d'un Autrichien nommé Guillaume Schwarz, "empêché de répondre plus tôt", en témoigne, en une langue française et une orthographe irréprochables ; elle fait suite à un courrier d'Arlès-Dufour du 15 juin. ‘ "J'y vois, ce dont je ne doutais d'ailleurs nullement - l'assure son correspondant, le jour même de Villafranca comme il le remarque - les sentiments d'humanité que vous m'exprimez et l'empressement bienveillant que vous me témoignez pour être utile à ceux de mes compatriotes que le sort des armes a amené prisonniers en France. Si l'occasion s'en présentait, je n'aurais certainement rien de plus pressé que de recommander ces informations à l'une ou l'autre de vos maisons, là où ils séjourneraient." ’ A n'en pas douter, les deux hommes se connaissent bien, au moins depuis l'Exposition de Paris. Les ‘ "rudes travaux de 1855" ’ sont en effet rappelés et jugés à l'origine des nécessaires ‘ "bains d'Uriage" ’, pris dernièrement par le destinataire. Depuis, ils s'étaient encore retrouvés au mois d'avril de cette sombre année 1859‘ , "tous deux sous l'empire d'illusions que les événements sont venus détruire2172."

Est-ce justement en raison de ces illusions perdues, et en réaction, qu'Arlès-Dufour ne participe pas à la session du conseil général du 22 août, comme déjà signalé2173 ? Seuls trois aristocrates, les marquis de Mortemare et d'Albon et le vicomte de Suleau s'y refusent, comme lui vraisemblablement. Il soupçonne la teneur de l'adresse à l'Empereur, nécessairement votée ‘ "à l'unanimité des présents" ’ : ‘ "Une guerre conduite avec cette habileté prudente et résolue qui révèle le grand capitaine, la paix faite avec ce tact supérieur et ces vues nettes et profondes qui révèlent le grand politique, tels sont les éléments qu'en quelques jours nous avons vu s'accomplir. Ils sont allés au cœur de la France ; aussi a-t-elle multiplié autour du trône l'expression de sa reconnaissance et de sa respectueuse admiration2174."

Des témoignages de reconnaissance et d'admiration parviennent aussi à l'adresse d'Arlès-Dufour. De Vienne, le 12 septembre, l'Archiduc Guillaume d'Autriche, Lieutenant Général du Commandement supérieur de l'armée, en signe personnellement le témoignage pour le ‘ "désintéressé empressement2175" ’ avec lequel le destinataire a offert des moyens de subsistance à ses officiers prisonniers de guerre. En cette période encore transitoire, le ministre des Pays-Bas est chargé temporairement de la protection officieuse des intérêts et des sujets autrichiens en France. C'est à ce titre que le 26 septembre, par deux courriers distincts2176, il intervient auprès du bienfaiteur, en exécution d'une dépêche du 15 du même mois émanant de son Excellence le Comte de Rechberg-Rothenloewen, Ministre des Affaires étrangères d'Autriche. L'un, purement administratif, a pour but d'établir, sur ordre de François-Joseph, les conditions de remboursement des avances non encore restituées2177. De l'autre, nous extrayons ce passage : ‘ "Sa majesté [l'Empereur François-Joseph], dit Son Excellence [le ministre des Affaires étrangères autrichien], a vivement apprécié les sentiments nobles et désintéressés dont Vous avez fait preuve en cette circonstance et Elle a daigné me donner l'ordre de Vous faire remettre comme une marque de sa faveur impériale la tabatière ci-jointe ornée de Son Chiffre [...]." ’Un présent de qualité sûrement reçu avec émotion2178, avant de rejoindre la décoration de Commandeur de l'Ordre de François-Joseph d'Autriche, souvenir, parmi tant d'autres, de l'Exposition de 1855 !

Maintenant, le bénéficiaire de ces égards, certes mérités mais point brigués, se préoccupe de mettre un terme à sa longue carrière professionnelle. Une des dernières circulaires commerciales diffusée sous son nom, le 1er août 1859, dresse le bilan du mois écoulé : ‘ "Depuis ma circulaire du 30 juin, de grands événements ont ému et remué l'Europe, sans que nos transactions et nos prix en aient été sérieusement influencés. Il est vrai que nous traversons l'époque de l'année la plus généralement calme et que nos prix, quoique déjà fort élevés, sont encore au-dessous du coût des soies nouvelles2179." ’Comme à l'accoutumée, les ordres d'Amérique pour le printemps, sont attendus courant septembre.

Ces ordres ne constituent plus tout à fait le souci majeur d'Arlès-Dufour - par ailleurs absorbé notamment par la création du Magasin général des soies de Lyon -, mais bien davantage celui de ses nouveaux associés. Concrètement, avec effet du 1er octobre 1859, la Société en commandite Arlès-Dufour et Cie, succédant à la Société Arlès-Dufour, est créée pour une durée de dix ans2180. Elle officialise les conditions de gestion devenues les siennes depuis quelque temps, par suite, leur apprentissage achevé, de la collaboration de deux de ses fils, Gustave et Alphonse, et de son gendre Maurice Chabrières dans la marche de l'affaire2181. Tous trois en sont les "associés responsables" et François Barthélemy Arlès-Dufour, avec un apport de quinze cent mille francs, le "simple commanditaire". "La place d'Armand2182", son fils cadet qui achève sa troisième année de l'Ecole centrale lyonnaise, est précautionneusement réservée dans la société. L'objet de celle-ci qui reste l'achat et la vente à la commission, nous permet de découvrir l'existence de succursales à Grenoble et Bâle, outre celles de Paris, Saint-Etienne, Marseille et Zurich, déjà rencontrées.

"Je te dirai à meilleur [sic] qu'une fois mariée, j'ai le projet de te laisser souvent gérer tout le ménage, et d'aller courir le monde avec la mère2183." Ce voeu exprimé à sa fille sept ans plus tôt, resté pieux en raison de son agitation professionnelle et extra-professionnelle, sera-t-il exaucé désormais ? En raison des charges du ménage, en effet minces ont été jusqu'alors les occasions pour Pauline d'accompagner son mari dans ses déplacements en France, en Angleterre, en Suisse, voire même en Allemagne, son pays d'origine.

A défaut, profitera-t-il davantage de sa résidence secondaire d'Oullins ? En mai-juin 1856, il s'est employé à élever les ailes de la grande maison, à réparer la galerie, l'écurie, la cour, pour un coût de 40.000 F2184. Deux ans plus tard, il procède à deux nouvelles acquisitions (les onzième, du 6 janvier - qu'il omet d'ailleurs dans la récapitulation de son "Livre particulier" -, et douzième, du 28 août)2185. En cette année 1860, il se prépare à racheter la jouissance de ce dernier usufruit, plus une partie d'un autre terrain, et à aménager l'ensemble : soit des terrassements importants et 3.500 m3 de terre déplacés et plantés. Toujours est-il que "Montroses" paraît être davantage un havre de travail et de réflexion plutôt qu'un lieu agreste de plaisir et de détente. Il n'y a pas si longtemps, Adélaïde ne manquait pas de faire sentir à son père, affectueusement mais fermement, son faible attrait pour la nature. Elle lui écrivait : ‘ "Quoique tu dises de la campagne, et contre la campagne, je n'en suis pas moins décidée, après y avoir passé l'hiver, à y rester le printemps ; ce serait folie de rentrer en ville au mois de mars pour la quitter en avril2186."

Quant à sa vie mondaine, son salon passe pour être à Lyon l'un des plus marquants du Second Empire, avec ceux d'Oscar Galline et de Mme Morin-Pons2187. Chez celle-ci, ‘ "dans une atmosphère familiale, de bon ton et de culture sérieuse, sinon sévère" ’, outre Oscar Galline, il retrouve, notamment, G. de Soultrait, Raoul de Cazenove et Jules Cambefort2188. Mais le régime fait peu à l'affaire. Il en était déjà ainsi sous la Monarchie de Juillet. Que l'on se souvienne seulement de cette "brillante soirée dansante" de 18342189 ou de ce "bal" de 18372190, réunissant, à son domicile, une assistance nombreuse et choisie. Si certaines têtes ont changé, l'affluence et la qualité ne sont pas moindres, effectivement, à l'occasion de cette réception d'avril 1855 qui contraint le maître de maison à abandonner quelques jours les préparatifs de l'Exposition universelle. Le 3 de ce mois, Pauline lui écrit : ‘ "Je me suis décidée aujourd'hui à lancer nos invitations pour une grande soirée pour mardi. Addition faite, cela se monte à 140 personnes dont 90 seulement accepteront2191." ’ Peu de temps après, légèrement affolée, elle complète : ‘ "Notre soirée prend des formes colossales, car nous n'avons que peu de refus2192."

A priori la retraite, seulement professionnelle, de son mari ne peut guère modifier ni ces usages, ni leur rythme, malgré les appréhensions de Pauline que son mari, constamment attentif, ne parvient pas toujours à apaiser. ‘ "Je me suis lancée au salon et tu ne peux te faire une idée de l'effort qu'il m'a fallu faire pour vaincre ma timidité. Je m'y sens peu à l'aise, mais aussi la société est peu faite pour cela, entre les quelques personnes que l'on voudrait voir et celles que l'on désire positivement éviter2193", ’ lui avoue-t-elle encore, fin 1861. Il ne s'agit pourtant que du salon... d'un hôtel d'Amélie-les-Bains ! Leur fils Armand y suit une cure. Il est fiévreux, comme elle parfois, souffrant de maux de poitrine2194. Dans cette station thermale des Pyrénées-Orientales au doux climat, leur séjour s'étend de novembre à mars : ‘ "L'uniformité y est si grande que je serais en peine de te dire l'emploi de la journée2195", ’ affirme-t-elle peu après leur arrivée. Ce séjour est heureusement agrémenté de la présence de Mme Germain, de M. Morel et de passages, comme celui du pasteur Martin-Paschoud. Arlès-Dufour, lui, n'a fait que les amener, avant de reprendre le boisement de Montroses que le temps ne favorise guère : ‘ "Le pays est si amusant que papa est reparti mardi pour Lyon2196" ’, indique Armand à Charles Lambert, le "brave bey" retour d'Egypte depuis près de dix ans. C'est que son père, sans devoir rappeler les fonctions dont il est titulaire, a de nouveaux fers au feu !

Aussi, la très dévote Mme Veuve Evesque peut continuer à s'interroger, toujours aussi vainement, sur cette contradiction, confiée à son journal intime dès le 8 février 1853 et amenée de la façon suivante : ‘ "Je monte chez Sophie qui a quelques personnes à dîner et qui me retient. M. Arlès et son fils : pourquoi les vertus du premier ne sont-elles pas sanctifiées par la foi ’ ‘ ! Et pourtant il insiste pour que ses enfants et sa femme aillent chaque dimanche à l'église, mais lui s'abstient d'y aller2197."

Avec l'année 1860, s'ouvre une nouvelle ère du régime impérial. Arlès-Dufour n'est pas le dernier à s'en féliciter et à en apporter la manifestation au Prince Napoléon dès le 12 janvier : ‘ "Monseigneur, lorsque, l'autre jour je me permis de m'exprimer devant votre Altesse en termes peu parlementaires sur notre clergé, j'avais bien des raisons à vous donner ; mais je remis à le faire à ma prochaine visite à Paris.

"Aujourd'hui, le Moniteur vient réveiller chez moi le vieux levain libéral, social, et c'est à vous que j'adresse la première impression qu'il m'inspire. L'attitude que prend l'Empereur dissipe heureusement les craintes inspirées aux hommes, que j'ose appeler éclairés, par les faiblesses ou les ménagements exagérés du gouvernement envers le clergé et le parti légitimiste qui ne fait qu'un. Au risque de vous faire encore tonner contre la phraséologie socialiste, je dirai à votre Altesse que j'applaudis du plus profond de mon cœur à cet acte hardi parce que j'y vois la sérieuse détermination d'embrasser une politique nouvelle qui, pour réussir, devra s'appuyer sur l'Alliance anglaise, cimentée par les échanges et sur l'amélioration hautement proclamée du sort physique, intellectuel, moral de la classe la plus nombreuse ; enfin sur la réalisation de l'extinction du Paupérisme, impossible à atteindre ou à tenter sous le règne d'un clergé indépendant et tout puissant.

"Cette confiance, cet espoir m'a fait crier franchement et de grand cœur vive l'Empereur ! comme en 1813 lorsque je m'enrôlais à seize ans dans les gardes d'honneur. Votre très dévoué serviteur, Arlès-Dufour2198."

Quatre jours après, le cousin de Napoléon III lui répond : ‘ "Mon cher Arlès, votre lettre m'a fait plaisir. Et moi aussi, je suis content de la politique vis à vis du pape..." ’ Mais il ne s'agit pas de traiter, ici, de la question romaine, mais bien d'une autre, ô combien capitale aux yeux du destinataire ! En effet, le prince poursuit sur la question industrielle et commerciale : ‘ "Je crois que c'est un grand succès et que je n'y ai pas été étranger ; il y a quatre ans que j'y travaille avec ’ ‘ mes soldats (lisez apôtres dans votre style) de l'exposition, vous, entre tous, devez être satisfait. Un bon traité de commerce avec l'Angleterre va être signé, mon cousin est longtemps à se mettre en marche, mais il va vite quand il s'y met.

"Vous voilà nominativement hors des affaires, profitez de votre liberté pour venir me voir. Je voudrais vous réunir tous, profiter de la présence de M. Cobden ici pour inaugurer notre nouvelle politique et la fêter.

"Je vous renouvelle, mon cher Arlès, l'assurance de tous mes sentiments affectueux. Napoléon (Jérôme)2199."

De quoi être "satisfait", en effet ! Le qualificatif est bien faible pour le jeune rédacteur qui, trente-deux ans plus tôt, dans un article du Précurseur de Lyon, plaidait, sous un feu de critiques, en faveur de la libre sortie des soies de France comme conséquence de la libre entrée des soies étrangères2200. Mais, avant de les voir finalement couronnés de succès, la somme de ses efforts permanents aura été immense, comme nous l'avons vu : interventions enflammées à la tribune de la Chambre de commerce de Lyon et au Conseil général du commerce ; voyages en Angleterre ou à Paris, fructueux en informations chiffrées ; rapports innombrables, riches en éléments précis et détaillés, se retrouvant parfois sur les bureaux ministériels ; rencontres avec les grands de la Monarchie, de la République ou de l'Empire ; amitiés nouées avec hommes politiques ou personnalités, qu'ils soient Français, Britanniques ou autres.

Ils étaient vraiment peu nombreux à prendre le départ de cette lutte quasi chimérique contre l'abolition du régime protecteur, afin de lever les barrières entre les peuples, en butte systématique à l'obstruction des industriels et des céréaliers. Les conceptions libre-échangistes étaient inégalement partagées par les villes, portuaires ou non, par les Chambres de commerce en fonction de la nature des activités de leurs régions, parfois même au sein d'une même industrie comme celle du coton2201. Bien sûr, Bordeaux, avec ses productions de vins et son port pour les exporter, y était farouchement favorable.

Il n'est donc pas surprenant que se constitue dans cette ville, en février 1846, l'Association pour la liberté des échanges, sous l'égide du duc d'Harcourt, Pair de France, et l'impulsion de Frédéric Bastiat. Celui-ci est déjà en rapports avec Cobden, ce qui ne semble pas être déjà tout à fait le cas d'Arlès-Dufour2202. Le premier acte émané de cette Association, le programme rédigé dans une séance préparatoire du 10 mai, stipule : ‘ "L'échange est un droit naturel comme la Propriété. Tout citoyen qui a créé ou acquis un produit doit avoir l'option ou de l'appliquer immédiatement à son usage, ou de le céder à quiconque, sur la surface de la terre, consent à lui donner en échange l'objet de ses désirs. Le priver de cette faculté, [...], c'est légitimer une spoliation, c'est blesser la loi de justice. [...] Les soussignés ne contestent pas à la société le droit d'établir, sur les marchandises qui passent la frontière, des taxes destinées aux dépenses communes, pourvu qu'elles soient déterminées par les besoins du Trésor. Mais sitôt que la taxe, perdant son caractère fiscal, a pour but de repousser le produit étranger au détriment du fisc lui-même, [...], dès ce moment la Protection, ou plutôt la Spoliation se manifeste, et C'EST LA le principe que l'Association aspire à ruiner dans les esprits et à effacer complètement de nos lois2203." ’ Outre naturellement Bastiat, Charles Dunoyer, Adolphe Blanqui, Horace Say, Léon Faucher, Wolowski, constituent, entre autres, le comité directeur de cette association. Michel Chevalier ne tarde pas à lui donner son adhésion2204 et Arlès-Dufour à lui apporter "la cotisation dont il n'était jamais avare pour les objets d'utilité publique2205." Mais les obstacles s'avèrent nombreux. Bastiat, devenu parisien, s'en plaint à M. Couroy ‘ : " Je perds tout mon temps, l'association marche à pas de tortue2206."

Malgré cela, l'initiative bordelaise fait école. Suivant cet exemple, une réunion constitutive de l'"Association lyonnaise pour le libre-échange", association autorisée par ordonnance royale du mois d'août de la même année, se tient le 13 octobre 1846. Parmi ses dix-neuf membres, figurent, en tête, Brosset, puis, dès après le président de la Chambre de commerce, Arlès-Dufour, en qualité de "membre du Conseil général du Commerce2207". La cité phocéenne, aux intérêts sacrifiés par son compatriote Thiers, emboîte le pas avec l'Association marseillaise de libre-échange.

La Révolution de 1848 emporte cette association comme ses consœurs. Pourtant, saisissant l'opportunité du changement de régime, la Chambre de commerce de Lyon poursuit le chemin tracé depuis quinze ans par son mentor, absent de la ville dans les premiers semaines de ces événements2208. Dès le 9 mars, elle s'empresse de suggérer au ministre provisoire de l'Agriculture et du Commerce ‘ "une large diminution, sinon [...] l'entière suppression, soit des taxes de consommation sur les denrées qui sont la base du régime alimentaire des ouvriers, soit des droits d'entrée qui frappent la généralité des matières premières les plus indispensables à toutes les branches du travail national. Notre Chambre de commerce qui s'honore d'avoir constamment marché, des premières, dans cette voie, se félicitera d'y pouvoir avancer sur la trace du Gouvernement nouveau ; [...]2209."

Cependant, ni l'Assemblée constituante, ni l'Assemblée législative - auxquelles Bastiat est élu - n'engageront le fer en faveur d'une doctrine dont une faible minorité est le tenant. Les premières années du régime autoritaire ne seront guère plus favorisées, malgré quelques espérances entretenues à la suite de son instauration. Le sénatus-consulte rétablissant l'Empire ne comportait-il pas un article prévoyant que, sans avoir besoin de la sanction du corps législatif l'Empereur aurait la faculté de négocier des traités de commerce ? Celui-ci, en exil à Londres, n'avait-il pas assisté, avec assiduité, aux réunions publiques d'Exeter Hall où prêchaient les adeptes de la liberté commerciale2210 ?

En 1856, dans la foulée de la réussite de l'Exposition de Paris, le gouvernement présente un projet de loi portant l'abolition des prohibitions et, malgré leur remplacement par l'application de droits élevés, se voit dans l'obligation de le retirer. Arlès-Dufour est soudainement découragé, lui qui durant toute cette période, outre leurs rencontres régulières, a multiplié les échanges épistolaires avec, d'une part, Richard Cobden et, d'autre part, Michel Chevalier. ‘ " ’ ‘ Mais, comme le souligne ce professeur d'économie politique ’ ‘ au Collège de France, il n'était pas dans sa nature de passer son temps à gémir et à désespérer. Il devait bientôt rentrer dans la lice avec la vigueur qui le distinguait, pour le triomphe d'une opinion qui lui était si chère2211."

Pour sa part, Napoléon III se montre soucieux de se ménager l'amitié de la Grande-Bretagne et d'améliorer nos relations commerciales avec elle, tout en modernisant notre système d'échanges. Acquis à la thèse économique libérale, mais difficile à se "mettre en marche", il est pressé d'agir par certains de ses visiteurs, dont Michel Chevalier en particulier, son conseiller écouté. Quelle part personnelle exacte Arlès-Dufour prit-il lui-même dans l'entreprise, hormis ses "trop courts entretiens2212" de 1858 avec l'Empereur, rapportés plus haut ? Quelle influence précise exerça-t-il sur Rouher, ministre du Commerce, d'abord peu familier des théories libre-échangistes, finalement convaincu de leur intérêt ? Quoi qu'il en soit, il est rapidement mis dans le secret, s'il n'était déjà au courant des préparatifs. Michel Chevalier se souvient encore : ‘ "En octobre 1859, quand Arlès nous vit, Cobden et moi, arriver de Londres avec un projet agréé par M. Gladstone, [...] et qu'il sut que l'Empereur, à qui nous étions allés soumettre ces bases, les avait acceptées, et avait ordonné à ses ministres des Affaires étrangères et du Commerce d'ouvrir une négociation officielle pour édifier sur ces fondements un acte international, il fut dans le ravissement [...]2213." ’ Le secret est un secret d'Etat, dont Magne lui-même, bien que ministre des Finances, est exclu ! Un secret à garder pour éviter l'obstruction de ses amis industriels et du corps législatif...

Le 15 janvier 1860, l'Empereur fait insérer au Moniteur, selon les termes des OSSE, une lettre adressée à son ministre d'Etat, Achille Fould, pour lui recommander ‘ "un système général de bonne économie politique qui pût, en créant la richesse nationale, répandre l'aisance dans la classe ouvrière. Cette lettre est résumée dans le programme suivant : - Suppression des droits sur la laine et les cotons ; - Réduction successive sur les sucres et les cafés ; - Amélioration énergiquement poursuivie des voies de communication ; - Réduction des droits sur les canaux, et, par suite, abaissement général des frais de transport ; - Prêts à l'agriculture et à l'industrie ; - Travaux considérables d'utilité publique ; - Suppression des prohibitions ; - Traités de commerce avec les puissances étrangères2214."

Pareil programme emporte l'enthousiasme de la Chambre de commerce de Lyon. Ses membres sont aussitôt convoqués, en séance extraordinaire, pour le 19 janvier. Sous la présidence d'honneur de Vaïsse, sénateur, chargé de l'administration du Rhône, et de Brosset, son président en exercice, ils votent une adresse à l'Empereur, à l'unanimité des présents. Parmi eux, Arlès-Dufour, Bonnardel, Aynard, Girodon, Oscar Galline, etc. Il est aisé à l'assemblée consulaire de rappeler l'ancienneté et la constance de ses innombrables demandes d'abolition des prohibitions et d'affranchissement des matières premières, pour permettre ‘ "à l'ensemble de nos industries de donner la pleine mesure de leur virilité." "Le magnifique programme que Votre Majesté vient de tracer a dépassé nos espérances" ’, affirme-t-elle, et ‘ "ce programme poursuivi avec énergie assurera à votre règne une gloire impérissable. [...] Elle aura introduit d'une manière permanente et féconde, dans toutes les parties du travail national, le salutaire aiguillon de la concurrence étrangère qui donne à l'activité plus de ressort et de vigueur. [...] L'égalité des armes, seule, nous manquait, Sire, Votre Majesté nous la rend, et elle nous donne ainsi le gage de triomphes certains, en même temps qu'elle s'assure de nouveaux droits à la reconnaissance de la nation2215." ’ Mais, cette exaltation va-t-elle être partagée par tous ? La chose est loin d'être certaine. Arlès-Dufour ne l'ignore pas. Il connait bien ses adversaires. Il guerroie de longue date avec eux et s'apprête à encore le faire.

Aussi, anticipant la signature du premier de ces accords commerciaux, il a déjà prévu, depuis une date non déterminée, de se procurer les moyens d'organiser une campagne explicative. Datée du 16 janvier, une lettre du ministre de l'Intérieur - Division de la Sûreté publique- 2° Bureau, signée du préfet de police, lui parvient en tant que "négociant à Lyon" ‘ : "Mon collègue, M. le ministre du Commerce et des Travaux publics, a bien voulu me renvoyer en l'appuyant de sa haute recommandation, la pétition que vous avez adressée à S. M. l'Empereur à l'effet d'obtenir l'autorisation de former une association dont l'objet serait d'éclairer le public sur les avantages d'une combinaison douanière exempte des exagérations restrictives de la législation actuelle. [...] Sans examiner ici les questions de doctrine dont la discussion fera l'objet des conférences de cette Société ’ ‘ ", des ordres sont donnés ’ ‘ "pour qu'elle [cette association] puisse se constituer et se réunir librement tant à Paris que dans les divers départements où elle voudrait établir des comités2216."

Cette autorisation ministérielle à peine reçue, le 23 janvier, le traité de commerce avec l'Angleterre est signé à Paris. Dans le pays, l'annonce de cette conclusion éclate comme un coup de tonnerre. Sur la photographie souvenir du groupe des négociateurs - une vingtaine -, nous retrouvons, côté britannique Cobden, Bright, Palmerston, Gladstone, Gibson, etc., côté français Rouher, Michel Chevalier, Dollfus, Pereire, etc., et, parmi ces éminents personnages, se reconnaît l'épaisse chevelure blanche d'Arlès-Dufour2217. Il est certain que cette photographie ne fut pas prise le jour de l'événement. Arlès-Dufour n'y participait pas. La preuve en est apportée par la lettre private que l'attentionné Richard Cobden s'empresse de lui adresser, le jour même, dans les termes suivants : ‘ "Mon cher ami, Je vous écris à la table du Ministre des Affaires Etrangères où je viens de signer le traité de commerce entre la France et l'Angleterre, traité qui, je l'espère, fera beaucoup dans quelques années pour augmenter le commerce et la prospérité des deux pays et nous procurera une garantie (peut-être la seule garantie possible) pour une paix durable.

"Notre cher ami Chevalier était présent au moment où la signature fut apposée à ce bon travail. Il doit être content, et moi aussi. Et de votre côté vous devez partager cette satisfaction. Ma femme et moi irons, dans deux ou trois jours, à Cannes, où je dois rester un mois. Serez-vous à Lyon ? Sincèrement vôtre. R. Cobden2218."

Touchant message d'amitié sincère et gage de reconnaissance de plus de trente cinq ans de lutte que le Britannique tient à faire parvenir à celui qu'il va pourtant retrouver à Lyon, quelques jours après, avant de prendre, ensemble, le chemin de la Côte d'Azur2219. Un repos bien mérité et bien nécessaire pour ces hommes ; ils sont tous deux en mauvais état de santé. Celui de l'homme d'Etat britannique est annoncé, à Lyon, dès le 15 décembre 1859, par un tout nouveau journal. Un ‘ "nouveau journal doit être un journal nouveau", ’ proclame cet organe, dans son premier numéro trois jours plus tôt, qui "déclare prendre son titre au sérieux" : Le Progrès... En outre, il assure que ses ‘ "rédacteurs ont fait de l'amélioration du sort du plus grand nombre le souci de leur vie2220." ’ Une formule qui n'est pas sans en rappeler une autre, souvent employée par l'ami de Cobden. De surcroît, le quotidien se montre décidément bien informé ! La veille du bulletin de santé du futur signataire britannique, sous la plume de J. H. Lacroix, son "secrétaire de la rédaction", il publie un article sous la manchette "La France et l'Angleterre". Il voudrait préparer l'opinion au traité de commerce entre ces pays et répondre par avance à d'éventuelles craintes ou critiques qu'il ne s'y emploierait pas autrement. Il écrit, chiffres à l'appui, : ‘ "L'Angleterre est, de tous les pays du globe, celui avec lequel nous trafiquons le plus. [...] Bien plus, [...] nos ventes ont été plus fortes que nos achats ; l'Angleterre a plus consommé de nos produits que nous n'avons consommé des siens. Shakespeare fait dire au mélancolique Roméo : "Il y a beaucoup à faire avec la haine, mais plus encore avec l'amour." Nous croyons que ce vers doit être le dernier mot de toute discussion avec ou sur l'Angleterre2221."

Le 1er février, la maison Arlès-Dufour et Cie diffuse son habituelle circulaire. Est-ce de Cannes qu'a été dicté ce bulletin de victoire, bien que les responsabilités professionnelles de chacun se trouvent modifiées ? Voici ce que lisent les correspondants : ‘ "Le mois de janvier a été marqué par un des plus grands événements de nos jours, le traité de commerce entre la France et l'Angleterre, qui inaugure pour la France une politique commerciale pleine d'avenir, et dissipe en même temps les craintes de guerre qui préoccupaient les esprits et arrêtaient la confiance.

"Nul doute que lorsque l'immense portée de cet événement sera comprise, les affaires n'en reçoivent une grande impulsion ; jusqu'ici cependant elles ont souffert comme d'habitude du calme inhérent à la saison. Néanmoins, les prix restent fermes. Recevez2222..."

Le séjour cannois d'Arlès-Dufour, en compagnie de son ami britannique, se prolonge, tandis que le voici grand-père, pour la deuxième fois, d'un garçon au foyer de son second fils Alphonse. Evoquant auprès d'Enfantin l'absence de son mari, muet sur la date de son retour, Pauline s'attend, dit-elle, ‘ "à le voir rentrer un beau matin. Pourvu que ce ne soit pas le soir, car il trouverait la mère Füss2223 dans son lit ; les temps sont passés où cette surprise aurait pu lui être agréable2224."

Pendant ce temps, les échafaudages masquant ses façades disparaissent progressivement pour laisser découvrir le Palais du Commerce qui touche à son achèvement. Les terrassements avaient commencé le 22 juin 1855 et, symboliquement, la première pierre avait été posée le 15 mars de l'année suivante2225. La façade de la rue Impériale est complètement terminée, tandis qu'un vaste et élégant magasin de nouveautés est en cours d'aménagement au rez-de-chaussée... Du côté de la place de la Bourse et de celle des Cordeliers, les derniers coups de ciseau sont donnés aux sculptures. Le Progrès qui rend compte de l'état d'avancement des travaux, complimente l'architecte, René Dardel, qui, dit-il, a fait preuve de goût et de talent, et juge que son oeuvre est bien celle qui convient le mieux aux monuments de la ville2226.

Celle-ci, vaste chantier ces sept dernières années, est métamorphosée, sa physionomie transformée. De larges rues ont été ouvertes, la rue Impériale2227, la rue de l'Impératrice, un boulevard édifié sur l'emplacement des anciennes fortifications de la Croix-Rousse, certains quartiers vétustes détruits, de nouveaux immeubles élevés, des quais construits ou reconstruits, un immense parc, celui de la Tête d'or, dessiné sur la rive gauche du Rhône.

C'est une ville assainie, aérée, claire, à la circulation facilitée - ainsi l'avait souhaitée le nouveau préfet, Vaïsse, dés sa nomination2228 - qui s'apprête à accueillir solennellement Napoléon III et l'Impératrice, du 24 au 27 août 18602229 : avec gratitude et enthousiasme, en raison, notamment, de la signature du récent traité de commerce. Cette signature a valu au souverain, également de la part du Conseil général du Rhône - Arlès-Dufour, cette fois, sans doute présent en séance... -, une adresse de pleine approbation ‘ "d'une politique qui est la meilleure garantie de paix que l'Empereur puisse donner à l'Europe, en ouvrant une ère nouvelle à l'activité et à la prospérité commerciale, industrielle et agricole de la France, et particulièrement de notre département ’ ‘ 2230 ’ ‘ ." ’Une phase nouvelle de la politique impériale...

Bien sûr, le tunnel de Saint-Irénée désormais achevé et permettant de relier directement Paris à Marseille, par chemin de fer, c'est à la gare de Perrache que sont accueillis les illustres visiteurs. De là, ils sont conduits en grande pompe par la rue Bourbon, la place Louis-le-Grand et la rue Impériale à l'Hôtel de Ville, celui-ci, rappelons-le, faisant office de Préfecture. Là, au premier étage de l'aile Nord, leurs appartements leur sont réservés2231, une enfilade de salons richement décorés2232. Comme le veut la tradition, les visites sont rendues au Palais Saint-Pierre, à l'Hôtel-Dieu, etc. Dans la liesse populaire et parmi les "fêtes impériales", les manifestations officielles, toutes aussi brillantes que réussies, se succèdent ; témoin ce somptueux bal en grand apparat organisé à l'Hôtel de Ville dont la cour est devenue un ravissant jardin en communication, par un large escalier, avec le premier étage2233.

Comme l'hôpital de la Croix-Rousse, la Palais du Commerce est inauguré à son tour le 25 août2234. Le somptueux édifice a été construit à l'aide de crédits, en provenance de la Ville mais aussi des importantes ressources de la Condition des soies, du ressort de la Chambre de commerce. Celle-ci, représentative de cette activité et de l'industrie, autonome, est donc chez elle et, à l'époque, comme le note encore Pariset, son autorité est l'égale de l'autorité militaire et de l'autorité civile2235.

Les personnalités issues de ces trois pouvoirs sont évidemment assemblées pour accueillir l'Empereur et l'Impératrice à leur arrivée dans le bâtiment dont Brosset, président quasi inamovible de la juridiction consulaire depuis 18382236, accompagné de l'architecte en chef Dardel, leur fait les honneurs. Son ami et collaborateur de premier plan dans cette assemblée, Arlès-Dufour, qui n'est pas un inconnu pour l'hôte de marque, se tient à ses côtés. Pour cette cérémonie en particulier, comme pour toutes celles qui ponctuent le séjour, apparaît-il revêtu de la tenue afférente à son autre qualité de conseiller général2237, qui l'intègre, par là-même, à l'administration ? Porte-t-il, conformément aux textes, ‘ "un habit bleu foncé, brodé de feuilles de chêne et d'olivier et d'épis de blé en soie bleue claire nuancée et en argent, garni de neuf boutons argentés à l'aigle, un gilet blanc, un pantalon bleu à bandes de soie et d'argent, une épée à ’ ‘ poignée de nacre à la garde argentée, un chapeau français [bicorne] à ganse en velours noir bordée en soie bleue et argent2238" ?

Quel qu'il soit, après les allocutions d'usage, le vêtement se voit complété de la cravate de commandeur de la Légion d'honneur, des mains mêmes du souverain. En présence de l'ensemble des notabilités de sa ville d'adoption, l'acteur opiniâtre en faveur du libre-échange, le collaborateur précieux dans l'élaboration du traité franco-britannique, reçoit sa juste récompense2239. L'élévation à ce grade est annoncée dans la "Chronique de Lyon du lundi 27 août", parue dans Le Progrès du lendemain, en même temps que la suppression du péage des ponts du Rhône - un bienfait pour la population de la ville - , et le retour au calme dans la cité avec la dispersion dans toutes les directions des étrangers qui l'avaient envahie depuis trois jours2240. Un décret du 18 septembre entérine la décision prise par l'Empereur lors de son passage, en faveur du "membre de la Chambre de commerce de Lyon". Une lettre du ministère de l'Agriculture, du Commerce et des Travaux publics, en date du 27 septembre, le confirme au préfet2241. Beaucoup plus tard, le parchemin correspondant, sous la signature de Napoléon III et du Maréchal Pélissier, duc de Malakoff, Grand Chancelier impérial de la Légion d'honneur, ira rejoindre les différents titres réunis par la famille Chabrières dans un grand livre en cuir, sous le titre "Brevets et décorations François Barthélemy Arlès-Dufour. Né à Cette en 1797 de parents pauvres." Pour l'heure, Arlès-Dufour est, à Lyon, l'un des cinq commandeurs de l'Ordre de la Légion d'honneur, avec Mgr de Bonald, Reveil, de Marnas, et Gaulot2242. ‘ "Je ne vous parle pas de votre avancement dans la Légion d'honneur, lui avait écrit, en post-scriptum, "un des personnages les plus haut placés du gouvernement impérial" ; un homme comme vous honore une décoration en l'acceptant2243."

Le traité avec l'Angleterre une fois signé - bientôt suivi d'un autre avec la Belgique - , sa mise en pratique pour chaque catégorie de marchandise mérite d'être précisée. Arlès-Dufour apporte son concours à Rouher en vue de la conclusion des conventions interprétatives des 12 octobre et 16 novembre de la même année. Enfin, les articles en soie fabriqués à Lyon cessent de jouir de la protection douanière2244... Cette tâche diplomatique achevée, considérée de part et d'autre comme facteur de paix, le collaborateur du ministre presse-t-il maintenant semblable aboutissement douanier avec la Prusse ? Enfantin émet des doutes quant à l'opportunité du moment pour l'Empereur2245.

Peu de temps après, plus grave, éclate un désaccord - l'un des rares - entre les deux hommes. Arlès-Dufour ne s'estime-t-il pas totalement satisfait dans une lettre à son ami "où, nous disent - hélas sans plus - les OSSE, les questions de libre échange et de douanes étaient soulevées2246" ? De toutes façons, elle lui vaut la réplique suivante d'Enfantin qui, on s'en doute, ne lui sied guère : ‘ "Le régime protecteur aura toujours sa raison d'être dans un pays où le gouvernement est plus éclairé et surtout mieux organisé que la société." ’ Plus loin : ‘ "Ne parlez donc pas tant de rayer le mot protection, qui d'ailleurs est aussi beau que celui de prohibition est mauvais." ’ Et encore, plus loin, évoquant l'Italie et "son affranchissement de la soi-disant protection autrichienne" : ‘ "Songez aux institutions protectrices de l'organisation économique, intellectuelle, sociale, qu'elle doit se donner ; songez à notre France industrielle, livrée à l'égoïsme, l'individualisme, l'anarchie, la concurrence, le jeu, les cours de bourse, les millionnaires, les prolétaires, les entremetteurs, les falsificateurs, les Robert-Macaire et le paupérisme2247 ! " ’ Inhabituel, le silence, du côté de Lyon, s'établit soudainement, peut-être en raison d'une absence de la ville, peut-être aussi et surtout pour manifester une réprobation certaine. Enfantin tente de le rompre et reçoit, enfin, "onze pages de réponse" noircies "en une demi-heure", sans la moindre allusion à ses "paradoxes du 152248"...

En tout état de cause, la fidélité d'Arlès-Dufour à ses conceptions, même une fois adoptées, ne saurait exclure de sa part un défaut de vigilance à l'égard des effets néfastes de leur exécution, redoutés par certains. Dès 1834, dans son ouvrage Un mot sur les fabriques étrangères..., les conséquences du changement de politique, dix ans plus tôt, du ministre britannique Huskisson ne lui avaient pas échappé : ‘ "Le système prohibitif ou protecteur avait pesé trop longtemps sur les fabriques de soieries anglaises, pour qu'un changement, quelque modéré qu'il fut, ne causât pas une perturbation, et certains dommages momentanés ’ ‘ 2249 ’ ‘ ." ’ Pour éviter justement ces perturbations, l'Empereur, par décret du 5 décembre 1860, débloque un crédit de quarante millions de francs destinés à venir en aide aux industries mises en péril et à remplacer le matériel industriel ancien2250.

En ce début d'année 1861, l'heure est aux bilans de l'année écoulée. La maison Arlès-Dufour et Cie dresse le sien, dès le 5 janvier. Le premier paragraphe de sa circulaire à ses correspondants paraphrase celle du 1er février glorifiant l'événement du 23 janvier précédent : ‘ "L'année 1860 a été marquée politiquement et commercialement par des événements d'une immense portée. Commercialement, elle a vu s'opérer, pour la France, une véritable révolution. Le régime de la prohibition a été remplacé par la presque2251 liberté des échanges, que le traité de commerce avec l'Angleterre, véritable traité de paix, est venu sanctionner.

"Si, lors de la suppression immédiate des droits d'entrée sur les soieries en Angleterre, les soies n'eussent pas été déjà à des prix exagérés, nul doute qu'elles n'eussent éprouvé une forte augmentation ; mais cette exagération, qui ne laissait à nos fabricants aucune marge de bénéfice, a empêché la hausse2252."

Hélas, à la suite de la tumultueuse élection de leur président, surgit une crise commerciale aux Etats-Unis, dans l'immédiat aux effets limités par suite de l'accroissement de nos exportations de soieries en Angleterre. La guerre de Sécession déclarée, "les avis toujours plus alarmants2253" parviennent de ce pays. Une circulaire du 3 juin 1861 d'Arlès-Dufour et Cie s'en fait l'écho, avec d'autant plus d'inquiétude que l'Amérique ‘ constitue "notre débouché le plus important2254", ’ comme le soulignera une circulaire ultérieure du 28 septembre. Indépendamment de son pessimisme, cette circulaire du 3 juin diffère notoirement des précédentes. Alors que les autres sont manuscrites et continuent de l'être, elle est imprimée. Et tandis que les précédentes émanent sans exception de Lyon, celle-ci est expédiée de... Londres, 41 Threadneedle Street. Il s'agit de l'adresse d'une nouvelle succursale ouverte hors des frontières, depuis une date non connue mais récente : les avantages offerts par le traité n'ont pas tardé à être saisis ! Vue de Lyon, la situation américaine apparaît tout autant inquiétante : ‘ "Les lettres de New-York nous portent une longue liste de nouvelles faillites et ne manifestent aucun espoir d'amélioration prochaine dans la situation de ce pays2255."

Quant au fondateur de la maison lyonnaise, s'il partage évidemment les affres de cette situation, il regrette pour le moment la fin prochaine de son séjour estival londonien. A-t-il pu retrouver à cette occasion son vieil ami Bowring qui, de Gênes, en formulait l'espoir, ou mieux encore celui de l'accueillir en Devonshire2256 ? En tout cas, c'est avec regret qu'il ne pourra assister, une nouvelle fois, à la représentation d'Hamlet - où ‘ "Fichter, malgré son accent français, est admirable" ’ - au cours de laquelle il avait ‘ "éprouvé un grand plaisir à [s]'assurer qu'[il] comprenait un profond style philosophique" ’ en anglais. Il sera de retour le lendemain à Paris. S'il se trouve sur les bords de la Tamise, c'est sans doute pour rendre visite aux récentes installations locales que nous venons d'évoquer. Mais c'est aussi pour participer à une réception officielle, soit consécutive au traité de commerce, soit qu'elle constitue davantage une réunion préparatoire de la prochaine Exposition universelle de Londres de 18622257. En effet, il raconte à sa famille : ‘ "Je vous quitte pour m'habiller et aller avec le Governor chez le Lord Maire. C'est Michel [Chevalier] qui parlera au nom des convives étrangers. Son discours est déjà prêt pour les journaux français et pour le Times. C'est Aeschimann qui a fait les copies. Quoique je l'aie forcé de l'abréger, il est encore trop long. Si j'eusse parlé, j'aurais tout autant avec le quart des lignes. Cobden et Bright parleront et seront, je crois, des lions. Mais je crains bien de m'endormir, car le dîner durera deux heures et les toasts deux heures et demie2258."

De retour d'Angleterre, après un séjour à Plombières2259, le voici redevenu Lyonnais. Ici ou là, en anglais ou en français, il est aux aguets de tout commentaire de gazette ayant trait au traité de commerce. Diverses chroniques parues dans Le Progrès en octobre comblent ses voeux. Dans le numéro daté du 2 octobre, sous l'objet "L'industrie française ou les traités de commerce", un certain Debat analyse un article du Constitutionnel et, au regard de l'activité des diverses branches de production, ‘ "absou[t] de toute mauvaise influence sur le ralentissement de nos exportations" ’ les traités de commerce. De la soie, le rédacteur n'a rien à dire, car, sollicitant la liberté commerciale, ‘ "elle n'a pas mérité le reproche de témérité. L'industrie des tissus de laine, loin de redouter la concurrence, a gagné à être placée sous le régime du droit commun." ’ Ses exportations ont augmenté de 110%. ‘ "Les tisseurs de coton qui avaient d'abord conçu de vives alarmes, se sont rassurés [...]. Les plus anciens adversaires du traité ont avoué eux-mêmes que le droit de 15% était suffisamment protecteur. [...] Quelles n'étaient pas, l'année dernière, les craintes de l'industrie métallurgique ? Et cependant nos hauts fourneaux sont en pleine activité." ’ Certes, concède le rédacteur de l'article, la concurrence étrangère ne cessera pas de faire "sentir son aiguillon", avant de conclure ‘ : "Il faudra sans doute redoubler d'efforts, mais on verra la consommation se développer dans des proportions inconnues et le bien-être croissant des masses s'allier à la prospérité légitime de nos industriels et de nos fabricants2260." ’ Dans sa "Revue de presse" du lendemain, le quotidien lyonnais reproduit, cette fois, un article d'un autre confrère parisien, La Presse, relatif au même sujet et qui annonce qu'‘ "une quantité colossale de produits de fabrique anglaise et belge acquittent à nos douanes les droits protecteurs de 15, 20, parfois 25%." ’ Pour lui, cette ‘ "véritable invasion" ’, cette ‘ "inondation" ’ de marchandises étrangères n'est qu'une vaste spéculation consécutive au traité, ne portant que sur des rebuts et "valant bien des écus étrangers au Trésor public de la France2261"... De ces produits étrangers, ‘ "on sait aujourd'hui ce qu'on doit en penser : quelques tapis à bon marché, quelques porcelaines, une certaine quantité de quincailleries, un petit nombre de tissus de fantaisie2262" ’, confirme Le Constitutionnel, reproduit dans Le Progrès du 8 même mois. Dans celui du 14, une correspondance de Paris, datée de l'avant-veille, assène, dès sa première ligne, sa vérité ‘ : "Le traité de commerce aura fait, assure-t-on, plus de peur qu'il ne fera de mal2263."

Pour la Fabrique, le débouché anglais des soieries s'accroît fortement et, au 30 septembre 1861, la progression est frappante :

Kg 1859 1860 1861 1861 /1859
%
Etoffes soieries 101.148 153.551 321.119 317,47%
Rubans 172.212 174.248 278.643 161,80%

Bienfaisant traité de commerce, intervenu, de plus, à point nommé ! Car en diffusant ces résultats, force est de constater, pour les associés d'Arlès-Dufour et Cie, ‘ "l'absence totale d'ordres pour l'Amérique qui se fait de plus en plus fortement sentir, quoiqu'elle soit partiellement compensée par l'importance qu'a prise le marché anglais2264."

Mais dans les domaines autres que la soierie qu'en est-il ? A force de vouloir rassurer, l'insistance de la presse n'a-t-elle pas montré que tout danger est loin d'être écarté ? Arlès-Dufour le redoute-t-il soudainement ? Est-il impressionné, en juillet 1862, par le faste de l'Exposition universelle de Londres et une conjoncture économique anglaise apparemment favorable pour qu'Enfantin s'étonne : ‘ "Il me tarde de savoir en quoi les progrès anglais vous semblent inquiétants ; ce mot appartenant à la langue Mimerel2265, non à la vôtre. Je ne l'aime pas dans vos lettres ; les protectionnistes, inquiétés bien avant vous, pourraient en abuser aujourd'hui contre vous2266."

Au même moment, au même lieu, en présence d'Arlès-Dufour, Michel Chevalier célèbre, lui, les vertus capitales du traité franco-britannique, à l'occasion d'un banquet offert par Rouher, ministre du Commerce français : ‘ "A partir du traité de commerce, un changement s'est accompli dans les idées de l'Europe. La défiance qu'excitait parmi les hommes pratiques le principe de la liberté du commerce a disparu et celui-ci s'est trouvé acclimaté sur le sol européen qui, jusque là, lui était rebelle. Il y prospère, il y pousse des rejetons nombreux. Dans peu d'années, ce sera comme le grain de senevé dont parle l'Evangile : il en sortira un arbre qui abritera les plus vastes empires, contribuera à leur prospérité, et répandra parmi eux l'esprit de concorde et de paix, semblables à ’ ‘ ces arbres qui ont la vertu d'embaumer au loin l'atmosphère2267." ’ Toutefois, les protectionnistes ne renoncent pas. Ils n'abdiqueront d'ailleurs pas de sitôt !

C'est ainsi que, quelques mois plus tard, M. de Forcade, ancien ministre des Finances2268, en butte à un incident lors d'un discours prononcé au comice agricole de La Réole, tient, dans les termes suivants, à remercier Arlès-Dufour qui lui avait manifesté sa sympathie : ‘ "Nos journaux d'opposition tendent à nous faire protectionnistes et à relever les griefs isolés de quelques négociants au sujet du développement qu'a pris le commerce d'entrepôt avec l'Angleterre pour les cafés de l'Inde, le coton, le jute, etc. Singulière tactique dans un département qui, en 1846, avait organisé une association en faveur de la liberté commerciale ! C'est malheureusement la tactique de l'opposition d'exagérer toujours quelques griefs particuliers sans tenir compte du bien sgénéral obtenu par les meilleures réformes. J'ai pensé qu'il ne fallait pas négliger les occasions de nous défendre et de maintenir nos positions. Je m'efforce de faire à Bordeaux ce que vous faites à Lyon, ou que M. Chevalier fait à Montpellier, ou M. Rouher à Paris. Agréez2269..."

Depuis 1846 - date d'une lettre, apparemment l'une des premières, adressée par Arlès-Dufour à Cobden2270 - et sans préjuger d'éventuelles relations antérieures, les rapports, protocolaires au début, sont rapidement devenus amicaux, puis très cordiaux. En dehors de leurs rencontres, chaque fois que possible, à Londres, Paris, Lyon ou sur la Côte d'Azur, une assez nombreuse correspondance, en anglais, a été échangée entre les deux hommes aux objectifs communs. A travers elle, outre ses courriers de Londres, au 5 Blandford Square, ou de Midhurst, Sussex, le chemin dans notre pays du très francophile britannique se révèle jalonné de diverses étapes : à Paris, à diverses reprises, au 4 rue de Berri ou à l'Hôtel de Castille sur le Boulevard des Italiens, à Pau (1846), à Angers (1860), à Alger2271 où il séjourne début 1861 près de quatre mois, à Avignon (Avril 1861), etc. En 1864, il semble que sa carrière politique s'achève. Auprès de son "cher et digne ami", Arlès-Dufour s'attache à tirer la conclusion de cette phase de vie : ‘ "Le second acte de ’ ‘ votre grande et utile existence vient de se terminer. Vous allez quitter la France après l'avoir lancée dans la voie de la liberté commerciale, qui a si bien réussi à l'Angleterre.

"Pas plus en France qu'en Angleterre, pleine et entière justice ne vous sera rendue avant la fin de votre laborieuse vie. Mais peu vous importent les couronnes de vos contemporains, pourvu que l'idée pour laquelle vous avez combattu triomphe et fructifie pour le bonheur de tous.

"Il est d'ailleurs deux classes puissantes qui déjà vous bénissent. Les prolétaires dont les conditions d'existence et de travail sont partout immédiatement améliorées par l'abolition des barrières. Et les penseurs, les philosophes, les rêveurs qui voient la réalisation de leur rêve de Paix universelle dans l'abolition des entraves qui empêchent les pays, les territoires, les peuples, les hommes, d'obéir à la vocation que Dieu leur donne.

"A Dieu, digne ami, ou plutôt au revoir, car l'oeuvre n'est pas finie et l'heure du repos n'a pas encore sonné. A vous [mot illisible] A.D.2272."

L’une des nombreuses et cordiales lettres de Richard Cobden (9 janvier 1862)
L’une des nombreuses et cordiales lettres de Richard Cobden (9 janvier 1862)

(Archives familiales)

Ce brouillon sera précieusement conservé, avec les correspondances reçues de l'éminent ami, notamment la dernière, celle du 9 mars 1865, "deux mois avant sa mort2273", comme Arlès-Dufour l'annote avec affliction. Après la séparation définitive, il relira souvent l'ensemble de ce courrier, et l'annotera avec émotion de quelques dates approximatives ou de quelques éléments synthétiques. C'est spontanément qu'il contribue, pour un montant de cent Livres anglaises, à la souscription ouverte en faveur de Mme Cobden et de leurs cinq filles2274.

La veuve de l'homme d'Etat lui en marque, avec émotion, sa reconnaissance dans le souvenir du ‘ "old friend Richard Cobden2275 ".

A la première occasion, lors d'un voyage en Angleterre, il ne recule pas devant les six heures de chemin de fer, suivies d'une autre en chaise menée par Nelly, la seconde fille de Cobden, pour aller saluer la veuve de son ami. Elle s'est retirée dans le petit cottage de famille qu'habitait son beau-père, au milieu des bois. ‘ "Un cottage comme ceux décrits dans les romans anglais, qui sont propres, nets et complets comme la jolie cabine de vaisseau" ’, raconte le visiteur, avant d'ajouter, plus loin, : ‘ "En retournant à la station, elle [Mme Cobden] nous a conduits au cimetière, une vue de prés et de bois admirable, une petite vieille église simple et propre, une maison d'école comme au temps d'Elisabeth - Une tombe d'une seule pierre de granit poli, et dessus, simplement, Richard Cobden. [...] J'y ai pleuré. Quand cette gentille fille [Nelly], en nous quittant avant l'arrivée du train parce que son cheval s'en effraie, m'a dit Adieu, en me recommandant la publication de la correspondance de son père et m'envoyant un filial baiser, j'ai pensé à Miss Vernon de Walter Scott2276."

En mars 1866, à Londres, l'idée est lancée de créer un club, sur le modèle du Fox Club, dénommé Cobden Club. Il a pour but de "favoriser le développement et la diffusion de ces principes économiques et politiques auxquels le nom de Cobden est si inséparablement rattaché2277". Une réunion constitutive se tient au Reform Club, Pall Mall, le 15 mai, à la suite de laquelle est élu un comité composé de quinze membres, parmi lesquels John Bright, J. Stuart Mill, Professeur Fawcett, G. O. Trevelyan, etc. Le Club qui comprend déjà 145 membres, dont 83 font partie du Parlement, organise un premier dîner le 21 juillet, au Star and Garter Hotel, Richmond, placé sous la présidence de W. E. Gladstone. En 1867, deux autres suivent : le premier, le 2 mars, au Willis's Room, présidé par Lord Houghton, l'autre le 3 juillet, au Star and Garter Hotel à nouveau, présidé par le comte Russel. Cette année marque l'inscription d'Arlès-Dufour sur la liste des membres du Cobden Club, ainsi qu'il l'avait sollicitée le 6 août 1866 par lettre auprès de Gladstone. Arguant de difficultés statutaires avancées par le secrétaire du club, ‘ "d'avoir [son] nom inscrit dans les registres du Club ’", l'homme d'état s'empressait d'ajouter fort aimablement, ‘ "qui ne pourront donc jamais ’ ‘ être considérés comme complets sans que vous y soyez2278." ’ En 1870, Michel Chevalier, admis en 1866, et Arlès-Dufour feront partie, tous deux, des 66 honorary members - ‘ "la plupart d'entre eux étant des étrangers de distinction ’" - aux côtés des 333 ordinary members dont 162 parlementaires britanniques. Parmi les membres britanniques, nous relevons les noms suivants : comte Clarendon (1870), Gladstone (1866) et parmi les membres étrangers le général Garibaldi (1868).

Certes, au grand désespoir d'Arlès-Dufour, allergique au corps des douaniers, les traités de commerce n'auront pas entraîné la diminution du nombre de ces fonctionnaires. ‘ "L'organisation de notre service douanier [...] se ressent, à peine, des modifications si profondes opérées depuis cinq ans dans la politique douanière de la France", ’ constate amèrement L'Avenir national du mercredi 1er novembre 1865. Il dénombre encore 2653 agents dans le service administratif et de perception, et 23.856 agents dans le service actif. ‘ "Ce qui fait une armée de 26.509 agents douaniers ! " ’, calcule-t-il, ‘ "soit 114 de plus qu'en 1860, la dernière année de l'ancien régime douanier2279"...

Certes, "la liberté des échanges n'est pas la terre promise de l'humanité2280". Arlès-Dufour était parfaitement conscient qu'elle ne pouvait être qu'un moyen : il l'avait écrit, lui-même, vingt ans plus tôt, à Cobden. Elle portait néanmoins ses fruits. La Revue des Deux Mondes de 1866, dans un article intitulé "La Banque de France et la Banque d'Angleterre" reconnaît les mérites de ce traité : ‘ "...l'Angleterre n'est plus seule à pratiquer la liberté commerciale. Nous aussi avons tenté l'épreuve depuis cinq ou six ans, et les résultats qui ont été obtenus, bien que contestés encore sur certains points, sont de nature à dessiller les yeux des partisans les plus absolus du système contraire. Aussi, toutes les nations, encouragées par cet exemple, se sont-elles mises à réduire leurs tarifs de douane par des traités de commerce ou autrement. Voilà une question jugée, sur laquelle il n'y a plus à discuter, excepté sur des points de détail2281."

Effectivement, dans l'ensemble, hormis quelques inévitables faillites, l'équipement industriel français s'en trouvera modernisé. Le bilan, dans le domaine de la soierie plus particulièrement, révèle des résultats largement positifs. Yves Lequin le dresse : ‘ "[...] la Fabrique, à la fin du Second Empire, exporte à peu près 78% de sa production. Son premier client est, de loin, la Grande-Bretagne que le traité de 1860 a largement ouverte ; [...] Les achats des Etats-Unis, le second grand débouché, fléchissent en 1860 bien sûr [...] et à la veille de 1870, le handicap est largement surmonté. Au total, les pays anglo-saxons accueillent plus des trois-cinquièmes des ventes lyonnaises, et, en 1871, la Fabrique entre, en valeur, pour plus de la moitié de toutes les importations américaines en provenance de la France" ’, malgré ses ‘ "crises et plaintes2282" ’, ajoute, plus loin, cet auteur.

Quels que soient ces succès dans ce qui fut son domaine professionnel ou dans tout autre, Arlès-Dufour reste toujours attentif et combatif, malgré son âge avancé et une santé quelque peu chancelante. Avec une évidente sympathie, en mai 1868, il suit le combat, à la Chambre, d'Emile Ollivier, défenseur des traités de commerce contre les attaques du député protectionniste Pouyet-Quertier, filateur normand2283. L'année suivante, malgré les rumeurs répétées entretenues autour de l'homme politique, il n'hésite pas à l'interpeller, en des termes que leur amitié - née dans l'entourage d'Enfantin et de celui de Marie d'Agoult2284 - peut lui permettre : ‘ "Mon cher Ollivier, C'est encore moi qui, en véritable ami, viens vous dire une vérité. Votre lettre en faveur de la candidature de Pouyer-Quertier est néanmoins une faute, une très grande faute, que vos vrais amis déploreront et que vos ennemis glorifieront. Tous se demanderont le Pourquoi de votre intervention en faveur d'un homme qui est le représentant, le drapeau de la prohibition, c'est à dire des privilèges et des monopoles. Vous, le représentant éclairé de la Liberté, vous, qui savez mieux que personne que toutes les libertés sont solidaires et inséparables, vous patronnez [mot illisible : l'adepte ?] du monopole. Et cela dans un moment où l'on parle plus que jamais de vous pour un ministère. C'est triste, triste pour le pays, et pour les hommes qui, ainsi que moi, vous considèrent comme un homme d'avenir. Ce qui explique et justifie ce rappel, c'est l'intérêt que je vous porte et aussi mes efforts de près d'un demi-siècle en ’ ‘ faveur de la liberté commerciale et industrielle. Quoi qu'il advienne, croyez à mon entier dévouement. Arlès-Dufour.2285"

Près d'un demi-siècle d'efforts en effet ! Dans cette entreprise de très longue haleine, Arlès-Dufour avait donné une grande partie de lui-même - une autre partie tout aussi forte étant consacrée à d'autres oeuvres, déjà vues ou... encore à découvrir.

Notes
2154.

Caton l'Ancien ou Caton le Censeur, Romain célèbre par ses mœurs austères et sa vertu rigide (Quillet).

2155.

Ferdinand Bac, op. cit., p. 205.

2156.

Drut, fils d'un ancien général d'Empire, ami d'Enfantin à l'Ecole polytechnique, converti au saint-simonisme par Decaen. Après une carrière commerciale, il fut appelé sous le Second Empire aux fonctions dont il s'agit exercées jusqu'à sa mort, qui ne précéda que de quelques jours celle du prince Napoléon (OSSE, Vol. 2, note p. 105, et Vol. 3, p. 173).

2157.

Cette correspondance du "14 janvier 1858" détruirait l'assertion généralement admise selon laquelle ce projet d'alliance familiale renforçant l'entente politique fut évoqué, pour la première fois, lors de l'entrevue de Plombières, le 21 juillet 1858, entre Napoléon III et Cavour. A moins que Drut, en début d'année 1859, ait commis une erreur de millésime...

2158.

Lettre de Drut, 14 janvier 1858, à Arlès-Dufour, sur papier à en-tête "Maison de S.A.I. Le Prince Jérôme Napoléon - Secrétariat des Commandements - Palais Royal" (Archives familiales).

2159.

S'il est bien du 14 janvier 1858, et non 1859.

2160.

Nous ignorons de quoi il s'agit, les idées largement libérales de Martin-Paschoud ayant déjà été soulignées.

2161.

Lettre de MauriceEX \f nom «Chabrières (Adélaïde)», 21 janvier 1858, à sa femme Adélaïde (Archives familiales).

2162.

Octave Aubry, op. cit., p. 218.

2163.

Ibid., p. 198, note 1, qui cite Emile Ollivier, L'Empire libéral, t. III, p. 191.

2164.

Après son retour d'Espagne où il avait été envoyé en qualité de correspondant du Journal des Débats, il fut nommé consul au Mexique puis en Moldavie avant d'être rappelé par la Révolution de Février (OSSE, Vol. 28, préface p. XXI). Au 2 décembre 1851, il fut arrêté et menacé de transportation à Cayenne (OSSE, Vol. 28, préface p. XXII). Le 1er septembre 1859, il crée son propre journal L'Opinion nationale (OSSE, Vol. 28, préface p. XXIV).

2165.

Lettre d'Enfantin, 7 janvier 1859, à Arlès-Dufour (OSSE, Vol. 13, p. 42). Cette précision est de nature à contredire l'affirmation - surprenante - d'un abonné du Journal de Lyon, reproduite dans ce journal le 31 janvier 1872, qui, louant tous les bienfaits d'Arlès-Dufour, écrit : "A la guerre de 1859 contre l'Autriche, guerre à laquelle il poussa plus que personne, ...".

2166.

Octave Aubry, op. cit., p. 233.

2167.

Yves Stavridès, "La bande dessinée de Charles Robert", L'Express - N° spécial : Trésors et secrets du Quai d'Orsay, 26 mai-1er juin 1994, n° 1722.

2168.

Ferdinand Bac, op. cit., p. 217.

2169.

Octave Aubry, op. cit., p. 248.

2170.

Georges Dethan, "La Campagne d'Italie (mai-juillet 1859) - Vue du Quartier général de Napoléon III - Les souvenirs et croquis inédits de Charles Robert", Revue d'Histoire Diplomatique, juillet-septembre 1961, n° 3.

2171.

Courrier de Lyon du 31 janvier 1872, courrier cité plus haut de l'abonné à ce journal. Aucune mention relative n'est portée dans le Livre particulier d'Arlès-Dufour.

2172.

Lettre de Guillaume Schwarz, 11 juillet 1859, à Arlès-Dufour, Paris (Archives familiales). Schwarz avait été membre du jury de l'Exposition universelle de Paris de 1855, au titre de la quinzième classe "Industrie des aciers bruts et ouvrés" du 5° groupe "Manufacture de produits minéraux". (Catalogue officiel de l'Exposition des produits de l'industrie de toutes les nations 1855 - 2° édition.

2173.

XXIII - Gestion et spéculation.

2174.

Laurent Bonnevay, op. cit., p. 236.

2175.

Lettre de l'Archiduc Guillaume d'Autriche, Vienne, 12 septembre 1859, à M. F. Arlès-Dufour, Paris, 11 rue du Conservatoire (Archives familiales).

2176.

Deux lettres du 26 septembre 1859, sous en-tête de la Légation des Pays-Bas, 17 rue de Chateaubriand, Paris, à M. Arlès-Dufour, Lyon (Archives familiales).

2177.

Selon l'affirmation d'un lecteur du Journal de Lyon du 31 janvier 1872, déjà cité, "un an après la guerre, il ne restait plus que quinze à dix-huit cents francs qui n'eussent pas été remboursés."

2178.

Au sein de la familleEX \f nom «Chabrières (Adélaïde)» se transmet l'affirmation selon laquelle, François aurait été ultérieurement nommé consul d'Autriche à Lyon. Nous n'en avons pas trouvé confirmation et l'ambassade d'Autriche en France est dans l'impossibilité d'apporter un quelconque élément au sujet de cette représentation diplomatique éventuelle.

2179.

Circulaire de la maison Arlès-Dufour du 1er août 1859 (Archives Morel-Journel).

2180.

Extrait de l'acte passé en l'étude de Maître Deloche, notaire à Lyon, le 30 décembre 1859, avec effet rétroactif du 1er octobre 1859 (ADR, 6 U, Actes de sociétés 1860).

2181.

Pour mémoire, les domiciles lyonnais figurant sur l'acte dont il s'agit sont les suivants : Gustave Arlès-Dufour quai Castellane, MauriceEX \f nom «Chabrières (Adélaïde)» 12 place Louis XVI, Alphonse Arlès-Dufour 5 cours Morand, cette dernière adresse étant celle de leur père et beau-père.

2182.

Testament d'Arlès-Dufour du 20 septembre 1863 (Archives familiales).

2183.

Lettre d'Arlès-Dufour, Février 1853, à sa fille Adélaïde, Hôtel des Empereurs à Nice, déjà citée au chapitre XXIV - "Rien sans peine"...

2184.

Livre particulier (Archives familiales).

2185.

Selon l'acte de vente de la propriété d'Oullins par Gustave et Alphonse Arlès-Dufour à leur sœur Adélaïde, épouseEX \f nom «Chabrières (Adélaïde)», établi par Me Lombard-Morel le 13 mai 1883.

2186.

Lettre d'Adélaïde Arlès-Dufour, épouseEX \f nom «Chabrières (Adélaïde)», à son père du 10 mars 1857, qui se poursuit en ces termes : "Passer le vilain hiver à la campagne et la quitter en avril quand elle se pare de tous ses charmes, au moment où l'on commence à en jouir en vérité, je ne suis pas plus mal bâtie que le commun des mortels, et c'est faire injure à ma nature que la croire susceptible d'aussi peu de bon sens [...]".

2187.

Catherine Pellissier, op. cit., p. 152.

2188.

Discours prononcé par Robert Poidebard à l'occasion de sa réception à l'Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Lyon le 24 juillet 1941 (L'Ecole généalogique lyonnaise, 1840-1940, p. 12, Lyon, A. Rey, 1941, 63 p.).

2189.

Cf. XV - Fabrique lyonnaise et fabriques étrangères.

2190.

Cf. XVI - Des balles et des boulets...

2191.

Lettre de Pauline Arlès-Dufour, 3 avril 1855, à son mari, à Paris (Archives familiales).

2192.

Ibid., s.d., (Archives familiales).

2193.

Lettre de Pauline Arlès-Dufour, Amélie-les-Bains, 28 décembre 1861, à son mari (Archives familiales).

2194.

Lettre d'Armand Arlès-Dufour, Amélie-les-Bains, 28 février 1862, à son beau-frère MauriceEX \f nom «Chabrières (Adélaïde)» (Archives familiales).

2195.

Lettre de Pauline Arlès-Dufour, Amélie-les-Bains, 23 novembre 1861 à son mari (Archives familiales).

2196.

Lettre d'Armand Arlès-Dufour, Amélie-les-bains, 23 novembre 1861 (ARS 7688/47).

2197.

Extrait du Journal n° 3 de Mme Vve Evesque, née Françoise Julie d'Arnal ( ? 1778 environ - Lyon 19 novembre 1867) aimablement communiqué par M. Etienne de Cazenove qui précise les points suivants : 1/ "Sophie" : probablement Sophie de Cazenove, cousine germaine et épouse de Victor de Cazenove, frère d'Arthur et père de Raoul de Cazenove. 2/ Mme Vve Evesque : Sœur de la grand-mère maternelle de Raoul de Cazenove, née Elisabeth de Villas d'Arnal.

2198.

Lettre d'Arlès-Dufour, 12 janvier 1860, au prince Napoléon (Archives familiales - Un autre exemplaire de cette lettre a été retrouvé à la Bibliothèque de l'Arsenal sous la référence 7688/42). Nous confirmons cette date du 12, alors qu'il semblerait que le Moniteur dont il s'agit soit, selon diverses sources, du 15 !

2199.

Lettre du prince Napoléon à Arlès-Dufour du 16 janvier 1860 (Archives familiales).

2200.

Article d'Arlès-Dufour paru en 1828 dans Le Précurseur et rappelé par lui, sans autre précision, in Un mot sur les fabriques étrangères..., op. cit., p. 79.

2201.

Cf. Cl. Fohlen, op. cit., p. 92.

2202.

Cf. XX - "Une belle part dans l'histoire"...

2203.

Frédéric Bastiat, op. cit., pp. 123/124.

2204.

Jean Walch, op. cit., p. 56.

2205.

Michel Chevalier, op. cit., Paris, p. 7.

2206.

Frédéric Bastiat, op. cit., p. 29.

2207.

Annuaire de Lyon et du département du Rhône 1850, op. cit.

2208.

Cf. XXI - Le "Printemps" et ses orages.

2209.

CCL, Registre des délibérations, séance du 9 mars 1848, et Registre copie de lettres, lettre au ministre provisoire de l'Agriculture et du Commerce n° 395 du 11 mars 1848.

2210.

Michel Chevalier, M. Arlès-Dufour,, op. cit., p. 8. La rapide évocation qui suit emprunte à cet article.

2211.

Ibid., p. 10.

2212.

Cf. XXIV - "Rien sans peine"...

2213.

Michel Chevalier, M. Arlès-Dufour,, op. cit., p. 10.

2214.

OSSE, Vol. 13, pp. 49-50. La date du 5 janvier qui y est indiquée est erronée ; il s'agit bien du 15 janvier.

2215.

CCL, Registre des délibérations, 19 janvier 1860.

2216.

Lettre du ministre de l'Intérieur - Division de la Sûreté publique - 2° Bureau, 16 janvier 1860, à Arlès-Dufour, "négociant à Lyon" (Archives familiales). La suite réservée à ce projet de création est ignorée.

2217.

La date et le lieu de ce document photographique ne sont pas exactement connus (Archives Morel-Journel, successeurs de la maison Arlès-Dufour).

2218.

Lettre de Richard Cobden, Paris 23 january 1860, à Arlès-Dufour (Archives Morel-Journel). Cette correspondance est également reproduite in Louis Guéneau, op. cit., note pp. 93-94.

2219.

Lettre d'Enfantin, suite information de Duveyrier, à Arlès-Dufour, 27 janvier 1860 (OSSE, Vol. 13, p. 52, et Vol. 35, p. 215).

2220.

Le Progrès, n° 1, 12 décembre 1859.

2221.

Ibid., 14 décembre 1859.

2222.

Circulaire de la maison Arlès-Dufour et Cie du 1er février 1860 (Archives Morel-Journel).

2223.

Belle-mère d'Alphonse Arlès-Dufour, venue de Leipzig pour l'accouchement de sa fille Hedwig.

2224.

Lettre de Pauline Arlès-Dufour, Lyon, 13 février 1860, à Enfantin (ARS 7688/15).

2225.

Note anonyme "Bourse de Lyon - Des origines à nos jours", s.l., s.d. (Archives CCL). Selon cette note, la première pierre a été posée à l'angle nord-ouest du futur bâtiment.

2226.

Le Progrès, 25-26 décembre 1859. Le bâtiment a été financé à parts égales par la Chambre de commerce et la ville de Lyon, chacune pour un coût de deux millions de francs. Il est propriété de la ville à laquelle la CCI verse un loyer. (Christian Dybich, "Le lifting de la CCI débutera en mai prochain", Lyon Figaro, 1er décembre 1999).

2227.

Actuelle rue de la République.

2228.

Rapport au Conseil municipal du préfet Vaïsse, 27 décembre 1853. La note anonyme "Bourse de Lyon" citée supra fait état d'une lettre de Vaïsse du 23 mai 1853 demandant à Dardel, architecte en chef de la ville de Lyon, un projet pour loger dans un même bâtiment, la Bourse, le Tribunal de commerce, la Chambre de commerce, le Conseil des Prud'hommes et la Condition des soies.

2229.

Un long périple d'un mois, après Lyon, va les mener en Savoie, à Nice, toutes deux réunies à la France, en Corse, enfin en Algérie.

2230.

Laurent Bonnevay, op. cit., p. 236.

2231.

E. Pariset, Les entrées solennelles à Lyon..., op. cit., p. 74.

2232.

"Hôtel de Ville : petite histoire des grands salons" : article non signé, Lyon Cité - Revue municipale, janvier 1996, n° 4.

2233.

E. Pariset, op. cit., p. 105, et article cité in Lyon Cité, supra.

2234.

A noter que le Palais du Commerce de Marseille, dont la première pierre fut posée par le Prince Président en 1852, est inauguré par l'Empereur la même année que celui de Lyon (Selon la plaque commémorative relevée sur le bâtiment de la Canebière).

2235.

E. Pariset, op. cit., p. 100, 105 et 118.

2236.

A l'exception de la session 1844-1845.

2237.

Qui se double, rappelons-le, de celle de conseiller municipal de Lyon.

2238.

Décret impérial du 4 janvier 1854, circulaire ministérielle du 13 janvier l854, et description de cette tenue (Marc du Pouget, "Le Conseil général du Rhône : Un siècle d'hommes et d'institutions 1790-1890", in Le Rhône - Naissance d'un département, op. cit., p. 90).

2239.

Trois jours après la signature du traité, Rouher avait été nommé Grand-croix de la Légion d'honneur (Maurice Lanthenay, op. cit.).

2240.

Le Progrès, mardi 28 août 1860.

2241.

Lettre du ministère de l'Agriculture, du Commerce et des Travaux publics - 1er bureau : Légion d'honneur - Division du personnel, 27 septembre 1860, au préfet (ADR, I M 200, Légion d'honneur).

2242.

A. Hodieu, op. cit., p. 76, sachant que le 6e commandeur de l'ordre de la Légion d'honneur, Brosset, cité par cet auteur, n'a été élevé à ce grade que par décret du 16 août 1862 (ADR, dossier I M 200, cité). Nous n'avons pas recherché si tel pouvait également être le cas pour les personnalités énumérées dans le texte. Toujours selon A. Hodieu, Lyon comptait, en 1865, quatre grands officiers et vingt-six officiers. A toute fins utiles, rappelons qu'Arlès-Dufour avait été nommé dans l'Ordre de la Légion d'honneur en février 1837 et promu officier par décret du 15 décembre 1855.

2243.

C[ésar] L['Habitant], op. cit., p. 171.

2244.

Michel Chevalier, op. cit., p. 10.

2245.

Lettre d'Enfantin, 24 septembre 1860, à Arlès-Dufour (OSSE, Vol. 13, p. 64 et Vol. 35, p. 232). Un traité avec la Prusse sera néanmoins signé en août 1862 ; il sera suivi de nombreux autres (Italie, Suisse, etc.).

2246.

OSSE, Vol. 13, p. 69.

2247.

Lettre d'Enfantin, 15 novembre 1860, à Arlès-Dufour (OSSE, Vol. 13, pp. 69-71).

2248.

Ibid., 4 décembre 1860 (OSSE, Vol. 13, p. 73).

2249.

Arlès-Dufour, Un mot sur les fabriques étrangères..., op. cit., p. 53.

2250.

Alain Plessis, op. cit., p. 172.

2251.

La liberté n'était effectivement pas totale, les prohibitions étant remplacées par des droits ad valorem, certains articles admis par contre en franchise.

2252.

Circulaire de la maison Arlès-Dufour et Cie, Lyon, 5 janvier 1861 (Archives Morel-Journel).

2253.

Circulaire de la maison Arlès-Dufour et Cie, 41, Threadneedle Street, Londres, 3 juin 1861 (Archives Morel-Journel). Il s'agit de la première circulaire londonienne dont nous ayons connaissance.

2254.

Circulaire de la maison Arlès-Dufour et Cie, Lyon, 28 septembre 1861 (Archives Morel-Journel).

2255.

Ibid., Lyon, 12 juin 1861 (Archives Morel-Journel).

2256.

Lettre de Bowring, Gênes, 19 juin 1861, à Arlès-Dufour (Archives familiales).

2257.

La Commission chargée d'assurer la participation de la France à l'Exposition universelle de Londres de 1862, comprenant notamment Arlès-Dufour et Chevalier, a, en effet, été constituée par l'Empereur le 14 mai 1861.

2258.

Lettre d'Arlès-Dufour, Londres, 17 juillet 1861, à sa famille, déjà citée in XXIII - Gestion et spéculation, étant rappelé qu'il avait assisté à cette représentation en compagnie de Cobden et Bright.

2259.

Lettre d'Enfantin, 30 juillet 1861, à Arlès-Dufour, Plombières (OSSE, Vol. 13, p. 125). Ce séjour a déjà été signalé au chapitre XXIII - Gestion et spéculation.

2260.

Le Progrès, Journal de Lyon, politique quotidien, 2 octobre 1861.

2261.

Ibid, 3 octobre 1861.

2262.

Ibid, 8 octobre 1861.

2263.

Ibid, 14 octobre 1861.

2264.

Circulaire Arlès-Dufour et Cie, Lyon, 30 novembre 1861 (Archives Morel-Journel).

2265.

Mimerel, député, maître de forges, Président du Comité de défense des industriels protectionnistes (Jean Walch, Michel Chevalier, op. cit., p. 57).

2266.

Lettre Enfantin, seulement datée "Juillet, mercredi", à Arlès-Dufour, Londres (OSSE, Vol. 13, p. 153).

2267.

Journal des Economistes, 15 août 1862, cité par André Lefèvre, op. cit., p. 122.

2268.

Nommé le 28 novembre 1860, en remplacement de Magne ; puis remplacé par Fould, Forcade sera nommé ministre du Commerce en 1867 (G. Vapereau, op. cit.).

2269.

Lettre de M. de Forcade, sous en-tête du "Conseil d'Etat - Cabinet du Vice-Président", 29 octobre 1862, à Arlès-Dufour (Archives familiales).

2270.

Lettre déjà citée au chapitre XX - "Une belle part dans l'histoire". Cette lettre est du moins la première que nous connaissions.

2271.

Lettre de Cobden, Alger, 15 janvier 1861, à Arlès-Dufour (Archives familiales). Il semble, selon cette lettre, qu'Arlès-Dufour ait eu le projet de retrouver Cobden à Alger, projet d'ailleurs peut-être réalisé selon sa lettre datée "samedi soir" [1865 ou 1866], Straham, visée infra.

2272.

Brouillon de lettre Arlès-Dufour (en français), ultérieurement complété par lui de "Lyon 1864 - Après la conclusion du traité de commerce", à Cobden (Archives familiales).

2273.

Par erreur d'ailleurs. En fait, exactement un mois, Richard Cobden étant mort le 9 avril, selon autre note d'Arlès-Dufour lui-même (Archives familiales).

2274.

Souscription apparemment refusée par Mme Cobden, selon une note manuscrite d'Arlès-Dufour (Archives familiales). Selon la liste confidentielle parvenue à Arlès-Dufour par lettre du 1er juin 1865, les participations oscillent entre 1.000 et 25 £ ; celle de cet autre ami d'Arlès-Dufour, William Leaf, s'élève à 500 £, même montant que le baron Lionel de Rothschild, Picadilly. "A working man", reconnaissant, verse 0.10 £.

2275.

Lettre de Catherine Cobden, Midhurst (Sussex), s.d., à Arlès-Dufour (Archives familiales).

2276.

Lettre d'Arlès-Dufour, Straham [demeure de son ami Leaf], datée "samedi soir" [1865 ou 1866], à sa femme (Archives familiales).

2277.

The members of the Cobden Club with dates of entrance, Westminster, Brettel & C°, 1870, 40 p.

2278.

Lettre de William Gladstone, 27 août 1866, à Arlès-Dufour (Archives familiales). Cette lettre se poursuit comme suit : "Je vous remercie pour la très intéressante lettre de M. Cobden dont vous m'avez envoyé une copie. Elle a augmenté les regrets profonds que j'ai de son décès et de ses conséquences immédiates de par son absence dans la bataille parlementaire de cette année. Il est tout à fait certain qu'il aurait tenu dans cette campagne un rôle très remarquable et utile. [...] Je demeure, Cher Monsieur, avec mon profond respect et toute ma considération, votre dévoué [signé) Gladstone."

2279.

L'Avenir national, Mercredi 1er novembre 1865, 1ère année, n° 296, 9 rue des Fossés-Montmartre, Paris.

2280.

Lettre d'Arlès-Dufour, Paris, du 2 (ou 20) avril 1846, citée en note, au chapitre XX - "Une belle part dans l'histoire"...

2281.

"La Banque de France et la Banque d'Angleterre - Solidarité des deux établissements", Revue des Deux Mondes, novembre-décembre 1866, pp. 588-589.

2282.

Yves Lequin, Les ouvriers de la région lyonnaise (1848 - 1914), op. cit., t. 1, p. 65.

2283.

G. Vapereau, op. cit., p. 1381.

2284.

Ollivier, lancé dans la politique par Morny, était l'époux de la fille de Marie d'Agoult et de Liszt. Pour mémoire, Ollivier avait fait la connaissance d'Enfantin en 1849 (selon la lettre qu'il adressait, le 8 septembre 1864, à Arlès-Dufour à la mort du Père) et avait ensuite été fréquemment reçu chez lui, rue de la Victoire. Ollivier le rappelle à Arlès-Dufour à cette date (Cf. XXIX - La "transformation" d'un ami).

2285.

Copie de lettre d'Arlès-Dufour, 20 novembre 1869, à Ollivier -(Archives familiales).