XXX - DES BRUITS DE BOTTES

"Je vous remercie de vos félicitations bien qu'à vrai dire je dusse m'y attendre, parce que les idées que j'ai soutenues devant le Sénat sont les vôtres comme les miennes. En montant à la tribune, je n'ai pas cherché un succès de parole, j'ai cédé à une conviction profonde et à l'indignation qu'avaient suscitées en moi les attaques de nos éternels ennemis, les cléricaux et les royalistes de toutes nuances. J'ai cru remplir un devoir impérieux ; ce sentiment a fait ma force. Je crois que le pays m'a compris." ’ Avant de l'assurer ‘ de "ses sentiments bien affectueux2972" ’, tel est le texte que le prince Napoléon adresse à ‘ "[s]on cher monsieur Arlès ’", le 6 mars 1865.

Dans les semaines suivantes, l'Empereur, bien qu'affaibli par la maladie, effectue son second périple en Algérie, du 3 mai au 7 juin. De son côté, son cousin est en Corse où il inaugure le monument de Napoléon à Ajaccio le 15 mai. Il en profite pour poursuivre sur sa lancée, clamer, à nouveau, ses sentiments anticléricaux et prôner le rétablissement des libertés individuelles : ‘ "Rome aux mains du Pape, c'est le foyer de la réaction contre la France, contre l'Italie, contre notre société. [...] J'aime la liberté sous toutes ses formes, mais je préfère ce que j'appelle les libertés de tous, qui sont le suffrage universel loyalement appliqué, la liberté complète de la presse et le droit de réunion2973." ’ La réaction de l'Empereur, vive et publique par l'intermédiaire du Moniteur, ne tarde guère.

Le 23 juin, le compte rendu de la confrontation des deux cousins parvient à Arlès-Dufour, apparemment inquiet de son résultat, par les soins du premier aide de camp du prince, Poissonnière. Nous le reproduisons : ‘ "Monsieur et cher ami, Je viens de recevoir votre lettre d'hier et je m'empresse de vous répondre qu'à mon avis les choses se sont passées aussi bien que possible. L'entrevue a été longue, on a paru s'expliquer franchement, et il en résulte une situation plus nette, plus tranchée que je préfère à ce qui existait antérieurement. Chacun sa politique, n'est-ce pas plus simple ? Sans que pour cela les liens intimes soient rompus.

"Aller au-delà n'était pas possible, car la lettre était par trop sévère - il y avait mille sortes de désaveu, c'est le plus affligeant qui a été choisi - Je le regrette bien vivement et bien sincèrement ; comme je regrette tout cet incident, qui en définitive ne peut pas être utile au Gouvernement Impérial, au contraire. Cette rupture politique n'est rien, si on considère qu'il pouvait arriver beaucoup plus, comme par exemple une mesure personnelle qui eût entraîné un exil volontaire ou forcé. Tout cela est triste mon cher Arlès, je m'en afflige comme d'un mauvais présage. Au revoir, je vous serre cordialement la main. (Signé) Poissonnière2974."

Le climat général s'alourdit, en particulier dans la capitale. Après lui avoir demandé ses projets pour l'hiver qui débute, le prince Napoléon déconseille à son ami lyonnais de s'y rendre : ‘ "Si vous voulez être satisfait, ne venez pas à Paris où cela ne va pas bien. La mort de Bixio2975 m'a fait un véritable chagrin, et il faut que l'opinion soit bien mauvaise d'une part, et bien impressionnable de l'autre, pour que ma simple demande de suivre le corps d'un ami, mort en sage et en philosophe, ait fait parler en bien et en mal2976 ! "

Déjà, en juillet 1863, Aurélien Scholl avait rapporté de bien sombres propos de Gambetta sur le Rhin. ‘ "Je pense, dit-il, d'une voix grave où perçait l'angoisse, qu'il y aura, un de ces jours, un coup de chien par ici." Et son regard, ajoute le journaliste, allait de la rive allemande à la rive française2977." ’ Pour le moment, c'est tout juste si la France se sait engagée, depuis 1861, au Mexique, pourtant ‘ "la grande pensée du règne2978" ’ selon Rouher. En 1866, Arlès-Dufour, lui aussi - en l'état de nos sources - semble s'en soucier assez peu.

Il n'en va pas de même de la situation de l'Europe. Malgré l'horizon qui s'assombrit, le pacifiste qu'il est ne veut croire qu'à la paix. Un pacifiste français qui se double, depuis 1863, d'un... baron prussien ! Effectivement, le 24 janvier de cette année consécutive à l'Exposition universelle de Londres, son ami Wilhem von der Heydt, ministre du Commerce de Prusse, de Berlin, lui confère cette dignité dans les termes suivants : ‘ "Ce que j'avais l'intention de faire déjà, lors de votre départ à la retraite mais que j'ai alors reporté en raison des circonstances, je ’ ‘ voudrais maintenant le mettre à exécution et vous anoblir en qualité de baron, ce par quoi vous pourrez voir la preuve que, même s'il y a eu des divergences momentanées entre nous qui ont entraîné votre démission du service public, je n'oublierai jamais les grands services que vous avez rendus dans les conditions les plus difficiles au Roi et à la nation. Dans cet esprit, veuillez agréer...Votre Wilhelm2979."

Selon toute apparence, ses amis Pereire et Michel Chevalier s'alarment, également, de la conjoncture internationale. Leur lettre du 8 avril 1866, adressée à Oullins, le trouve à Lyon, alors qu'il ne rejoindra ses quartiers d'été à la campagne qu'en fin de mois. ‘ "Malgré la gravité du sujet qu'elle traite, j'y réponds sans longtemps réfléchir, parce que je crois le bien posséder2980", ’ pense-t-il leur répondre le 10. Le lendemain, il reprend son brouillon pour le rendre définitif et affirmer d'entrée : ‘ "Je ne crois pas à la guerre, parce que notre maître, qui est, en Europe du moins, l'arbitre de la paix et de la guerre, ne peut la vouloir. Pourquoi la voudrait-il ? Serait-ce, comme quelques-uns le pensent, pour faire diversion au mouvement libéral qui se manifeste en France et pour tirer et répandre sur des champs de bataille incertains, le sang nouveau qui bouillonne dans les jeunes veines et engendre ce mouvement libéral ?

"Mais à qui, et sous quel prétexte plausible faire querelle et guerre ? Et l'argent ! Et les impôts dont on accuse partout la lourdeur croissante ! Et la répugnance encore plus croissante des paysans pour le noble métier des armes, que, Dieu merci, ils abominent tous de plus en plus ! Et les partis qui font, les uns des vœux, les autres des prières pour que Dieu aveugle l'Empereur et le pousse encore à la guerre, comme, grâce à eux, il l'avait aveuglé en le poussant à la guerre contre la Russie, soi-disant, pour délivrer la républicaine ou la catholique Pologne ! Est-ce par le mirage du Rhin qu'il croirait compenser et atténuer tout cela ? Mais qui donc en France, à l'exception de quelques chauvins du Sénat ou des cafés de province, rêve encore la conquête du Rhin ? Qui croit encore qu'on nous y regrette ? Qui ne sait pas qu'on nous y déteste, malgré Bismarck ? Non, non, nous n'aurons pas la guerre, et ce n'est pour rien qu'un de ces (?) hypocrites, lord Palmerston, est mort.

"Ah ! s'il s'agissait de risquer une guerre, même une grande guerre, pour arracher enfin l'Europe à la paix armée qui l'inquiète, la mine et paralyse les progrès auxquels les grandes découvertes ’ ‘ modernes la convient, alors, chers amis, vive et vienne la guerre ! Mais si on la risquait franchement dans ce noble but, elle ne viendrait pas. Voici comment j'entendrais qu'on la risquât. Tout bonnement, en classant, autant que possible, les grands peuples de l'Europe selon leur vocation."

Et le parfait saint-simonien approfondit ses réflexions géopolitiques ’ ‘ : "A la Russie, l'Asie et même Constantinople. A l'Autriche, l'Allemagne méridionale ou catholique et tout le Danube. A la Prusse ou à une Fédération germanique, l'Allemagne du nord et du centre, qui est presque toute protestante ; à l'Italie, depuis les Alpes jusqu'à l'Adriatique ; à la France, dans ce cas, jusqu'au Rhin, laissant la Hollande, la Belgique, la Suisse à leurs penchants individuels.

"La Russie [...] a besoin de s'épancher vers les pays du soleil, en Orient ou en Occident. En Occident, elle serait barbare, en Orient elle serait civilisatrice ; poussons-la donc, tournons lui donc les yeux vers l'Orient, au lieu de lui en barrer le passage, comme nous l'avons fait par la guerre de Crimée, inspirée par les Anglais, qui tremblaient, comme ils tremblent encore, pour les Indes.

"L'Autriche, tant qu'elle a eu des intérêts, des possessions à agrandir ou à défendre en Italie, a été et dû être notre ennemie naturelle. Le jour où elle abdiquerait officiellement et franchement toutes ses prétentions, acceptant le Tyrol pour ses frontières, ce jour-là, elle deviendrait notre alliée la plus naturelle, car nos intérêts seraient communs ; mais pour cela, il faudrait lui donner l'Herzégovine et les provinces danubiennes, ce qui ferait d'elle un empire formidable, non pour conquérir, mais pour défendre l'Europe contre les tendances qu'a la Russie à s'étendre en Occident2981. Alors l'Autriche serait bien un autre rempart que le royaume de Pologne, rêvé par l'ignorance libérale, royaume qui, dans l'avenir comme dans le passé, appartiendrait au plus offrant.

"Si, malgré les satisfactions qu'on donnera à la Russie en Orient, elle voulait encore se mêler à l'Occident, autrement que pour s'y civiliser, elle n'aurait pour elle et avec elle que la Prusse qui quoiqu'on fasse, restera encore son alliée, son satellite, et elle trouverait contre elle l'Autriche, avec 40 millions d'habitants, la France avec 39 et l'Italie avec 24, toutes trois avec une marine formidable et ce qui est beaucoup plus, avec des intérêts devenus identiques. L'Angleterre ne ’ ‘ verrait peut-être pas d'un bon œil une combinaison qui repousserait vers l'Asie l'épanchement fatal de la Russie, mais elle n'y pourrait vraiment rien. Qui sait, Dieu aidant, tout cela peut se réaliser sans guerre au moyen du plan [?] proposé par l'Empereur2982. [...]"

Et c'est ‘ "dans le religieux espoir d'y être [?] pour quelque chose" ’ qu'il intervient, comme ses amis Pereire et Michel Chevalier l'y engagent, auprès du libre-échangiste d'Outre-Manche et de l'apôtre de la paix John Bright, avec qui, notamment depuis la mort de Cobden, il entretient une correspondance régulière. Mais, au fond de lui-même, est-il tellement convaincu des logiques espoirs de paix dont il dit se nourrir ‘ ? "Au cœur généreux et chaud" de "[s]on cher vieil ami2983" ’ britannique, il fait appel, afin que l'Angleterre réexamine la proposition solennelle de l'Empereur de création d'un Congrès européen permanent devant les craintes de guerre, au besoin pour qu'il prenne la tête d'une telle campagne que, selon lui, Cobden n'aurait pas refusée.

Un mois plus tard, du siège de la Société générale de Crédit industriel et commercial, force lui est de reconnaître auprès de "sa bonne fille, vraie pythonisse" : ‘ "Tu avais raison, les encouragements pacifiques étaient une nouvelle hypocrisie2984." ’ En août, il exprime à Guéroult ses vifs compliments pour son article paru dans L'Opinion nationale du 14 sur les compensations territoriales qui agitent confusément depuis plusieurs mois l'esprit de l'Empereur, empêtré dans ses calculs de politique extérieure. ‘ "Dites, recommande-t-il à son ami, dites, je vous en supplie, au Prince que pendant le mois que j'ai passé en Autriche, soit par mes conversations avec des hommes des plus hauts et des plus minces positions, soit par mes correspondances, je me suis convaincu de ce que je prévoyais a priori, à savoir qu'en ce moment la moindre menace de notre part, la moindre exigence d'une rectification de frontière qui prendrait un pouce de la terre allemande soulèverait toute l'Allemagne contre nous et pousserait dans les bras de la Prusse, si elle savait carrément nous refuser, même les parties de l'Allemagne qui, en ce moment encore, professent, contre elle, la plus violente antipathie. Oui, je crois même que les huit millions d'Allemands de l'Autriche courraient à elle.

"Oui, vous avez raison, le moment est manqué - si réellement on voulait rectification ou compensation - c'est trop tard ou trop tôt. D'ailleurs, il suffit pour se convaincre du danger à courir de voir qui nous pousse. Vous connaissez ma théorie en fait de pierre de touche politique. Quand je doute, j'interroge mes ennemis et je vote pour le contraire de ce qu'ils désirent et préconisent. Ils nous pousseraient à la guerre contre la Russie, soi-disant pour reconstituer la républicaine ou catholique Pologne, mais simplement pour nous perdre et nous faire envahir. Dans le même but, ils nous pousseraient et nous poussent encore à la guerre pour l'Autriche et Rome, la fine fleur du catholicisme, contre la Prusse protestante, et tout cela sous prétexte de patriotisme qui tend (?) au chauvinisme2985."

Lui non plus n'est pas exempt d'attitude partiale, exclusive, surtout quand il s'agit d'anticléricalisme. Et lorsque dès le premier mois de l'année suivante, le journal Le Pays suggère d'ériger une statue à Voltaire, maître de la libre pensée, et de lancer dans ce but une grande souscription populaire, il se retrouve au sein du comité d'organisation composé de Michel Chevalier, Emile Augier, Jules Favre, Emile de Girardin, Guéroult, Louis Jourdan, Michelet, Mérimée, Renan, Sainte-Beuve, Jules Simon, Edgar Quinet, etc. D'autres organes de presse emboîtent le pas, tels, en particulier, L'Opinion nationale, Le Petit Journal et Le Progrès de Lyon2986.

Entre temps, la Prusse a envahi le Holstein autrichien, les Italiens ont déclaré la guerre à l'Autriche. Celle-ci est vaincue à Sadowa en juillet 1866 par les troupes prussiennes. Quant à la France, elle retire le concours de ses soldats à la puissance temporelle du pape.

A une date ignorée de cette année où chacun s'interroge sur l'avenir, Arlès-Dufour se décide à remplir son "devoir de véritable ami" auprès du prince Napoléon. De ce ton tranché déjà souligné, il l'invite à prendre entièrement conscience de ses responsabilités ‘ ! ’ ‘ "Votre franchise exagérée, lui écrit-il, votre insouciance de la popularité, votre esprit sagace et critique qui vous porte toujours à flétrir sans ménagement les choses et les hommes, malheureusement trop nombreux, qui sont sales et méprisables, votre amour, je dirai presque votre manie de l'ordre, qu'on représente au peuple comme de l'avarice et qui, cependant, ne vous empêche pas d'être souvent prodigue - la continuation à ciel ouvert de votre vie de jeune homme, l'abandon successif de plusieurs hautes et importantes fonctions, tout cela, Monseigneur, a donné beau jeu à la calomnie organisée et exploitée par la conspiration des deux sexes qui veut à tout prix vous ’ ‘ perdre ou vous effacer - Malgré cela, vos hautes qualités percent (?), et il vous suffirait de le vouloir avec suite pour les faire généralement apprécier comme elles le sont du petit nombre d'hommes qui vous connaissent et surtout de l'Empereur qui, à ce que je sais de bonne source, vous apprécie et vous aime quand même au grand déplaisir des conspirateurs de son noble entourage2987." ’ Arlès-Dufour se méprend-il sur l'état des rapports entre les deux cousins ? Il ne le paraît pas puisque l'Empereur, une fois la blessure faite, veut ‘ "la panser et non l'envenimer", ’ comme il l'écrit à Eugénie2988.

Le plaidoyer se poursuit : ‘ "Lorsque vous voulez sérieusement prendre sur vous et remplir un rôle, une fonction, une mission, vous êtes admirable et vous vous faites des amis de tous ceux qui vous approchent ; c'est ce qui est arrivé à Londres en 1862 et qui vous arriverait partout si vous aviez toujours le courage de sacrifier un peu de vos goûts, de vos plaisirs, de vos convenances personnelles aux devoirs politiques que votre haute position et vos éminentes facultés devraient vous imposer. Le moment est venu de vouloir ; si vous ne le saisissez pas, vous ne le retrouverez plus et vous vous exposerez à ce que l'on vous dise : "Il est trop tard". Depuis la dernière maladie de l'Empereur, les préoccupations relatives à la succession au trône de France qui n'ont pas cessé d'inquiéter l'Europe depuis la chute de Louis Philippe, ont pris une grande intensité et elles expliquent la persistance de la stagnation générale des affaires et du travail malgré la Paix et, aussi, malgré la Paix le maintien des armements sur le pied de guerre. Naturellement, les partis politiques exploitent de leur mieux ces préoccupations et leur langage à l'intérieur est calqué sur celui qui circule à l'extérieur et qui se résume comme suit. Depuis quelque temps, il semble qu'en France chacun, dans les hauts emplois de l'armée et de l'administration, cherche à assurer sa position pour le cas d'un changement de gouvernement. De là, un relâchement visible dans tous les services. Si l'Empereur meurt avant la majorité du Prince Impérial, ce relâchement deviendra de l'anarchie."

Arlès-Dufour poursuit sa longue lettre, toujours à l'adresse du cousin de l'Empereur : ‘ "Le Prince Napoléon, malgré ses éminentes facultés, est impopulaire, et d'ailleurs il est en guerre ouverte avec l'Impératrice, dont l'entourage lui est profondément hostile. Deux partis se préparent à profiter de cet antagonisme. Le parti d'Orléans qui, sauf à les combattre après la victoire, fait cause commune avec les légitimistes et les cléricaux ; il est dangereux parce que le gouvernement de l'Empereur, pour qui l'expérience du passé semble perdue, lui livre toutes les ’ ‘ positions et met pour lui l'ennemi dans la place, tout en désaffectionnant ses amis ou ceux qui voudraient le devenir. Quant au parti républicain, il pourrait avoir de grandes chances s'il avait des chefs, parce que les fautes du gouvernement personnel et absolu ont décrié le principe monarchique ; mais il n'a pas de chef et d'ailleurs il serait vite balayé par le parti démagogique qui en a ou en trouverait vite parmi les meneurs des sociétés coopératives. Etonnez-vous donc si l'Europe reste armée et propage la peur de la France2989."

A Lyon particulièrement, ‘ "ville largement industrielle et ouvrière" ’ de 323.954 habitants2990, où ‘ "l'ouvrier lyonnais est toujours le "canut"2991", ’ comme le rappelle Yves Lequin, la misère s'installe à nouveau. Dans un article du Progrès de Lyon du 22 octobre 1866, Arlès-Dufour parle de chômages ‘ "presque absolus, comme ceux qui sont arrivés ces dernières années2992" ’. Lors de sa délibération du 18 du même mois, une nouvelle fois à contribution, la Chambre de commerce met à la disposition du préfet, une somme de 30.000 F pour les ouvriers sans travail. Comme il a déjà été dit2993, la Société coopérative des tisseurs est encouragée par la Société du prince impérial. Sur sa liste civile, toujours en octobre, l'Empereur contribue à hauteur de 300.000 F "pour favoriser la constitution et les premières opérations2994" d'autres sociétés coopératives qui pourraient se former, avant d'accorder un nouveau secours de 100.000 F à la ville pour venir en aide aux travailleurs au chômage, le 28 mars suivant2995. Comme depuis des années et dans des cas hélas semblables, bals et fêtes de bienfaisance vont se succéder tout l'hiver, malgré la morosité générale.

"On est idiot de peur : peur de la Prusse, peur des grèves, peur de l'Exposition qui ne marche pas, peur de tout2996", ’ écrit Gustave Flaubert à George Sand le 13 avril 1867. Du moins si l'on considère la seconde Exposition universelle de Paris, ce serait une opinion vraiment fort prématurée ! En effet, cette grande confrontation pacifique des productions vient à peine d'ouvrir ses portes, à la date exactement prévue du 1er avril. L'Empereur et l'Impératrice l'ont inaugurée le jour même, sous un soleil radieux, et dans un état suffisamment avancé, au moins sur le parcours du cortège officiel... Durant deux heures, les souverains et leur suite ont cheminé dans les allées de l'immense nef de fer de forme elliptique, puis dans les annexes et le ravissant parc organisé à la ronde ; le tout recouvre une superficie de quarante hectares sur le terrain du Champ de Mars, entre l'Ecole Militaire et le pont d'Iéna, coupé sur toute sa longueur par l'Avenue d'Europe. Le succès rencontré sera incontestable avec plus de dix millions de visiteurs enregistrés jusqu'à la clôture le 3 novembre2997. Maxime du Camp, pour donner une idée de cette affluence, racontera que sur le Chemin [de fer] de l'Ouest, durant la période, 1.473.196 voyageurs furent transportés par plus de quinze mille convois expédiés et reçus à la gare Saint-Lazare, et ira jusqu'à calculer une moyenne de soixante-dix trains et de 6.789 voyageurs par jour2998.

Dû à Arlès-Dufour, l'envoi de délégués ouvriers pour visiter l'Exposition britannique ayant fait ses preuves, il est naturel de le renouveler en 1867. Ces délégués, les Lyonnais du moins, ont conservé un tel souvenir de leur séjour londonien que, depuis et chaque année, ils organisent un banquet commémoratif qui survivra même à l'Exposition parisienne de 18672999. Dans la perspective de cette nouvelle "exhibition", en vertu d'une décision du sénateur préfet du Rhône prise dès le 8 décembre 1865, la commission ouvrière d'initiative pour les futures délégations ouvrières est autorisée à réunir les travailleurs lyonnais, chaque mercredi soir à compter du 21 février suivant, en vue du choix de leurs mandataires à la manifestation mondiale3000. Il semble toutefois que cette disposition ait été loin d'être immédiatement appliquée. C'est seulement le 28 mai 1867, selon un courrier à cette date de la Chambre de commerce au préfet, que la commission des délégations ouvrières composée de treize membres entre "immédiatement en fonctions", notamment pour déterminer avec la juridiction consulaire la liste des industries représentées dans cette délégation. Avec l'autorité départementale, elle s'entendra pour la fixation des jours et heures des réunions électorales3001. Enfin, plus de quatre mois après la cérémonie d'ouverture, le 20 août, la délégation lyonnaise prend le chemin de la capitale, composée d'ouvriers des corporations suivantes : tissage, mécanique, chapellerie, typographie, charpente, gravure, bronze, etc. ; les deux premières sont évidemment les plus nombreuses avec respectivement huit et trois représentants3002. Le déplacement est supporté à frais communs, chacun pour 6.000 F, par la Chambre de commerce et le Conseil municipal3003.

Pas plus que pour les expositions précédentes, Arlès-Dufour ne figure dans le comité départemental - aux fonctions définies antérieurement sous le vocable de commission départementale ou de comité local3004 - présidé par Claude Joseph Bonnet, président du Conseil des prud'hommes et composé de Clément Desormes, Duseigneur, marchand de soies, Girardon, Directeur de l'Ecole centrale de Lyon, et de Michel Antoine, membre de la Chambre de commerce3005. Des fonctions plus importantes l'attendent, les mêmes que précédemment, celles de membre de la Commission impériale. Cette Commission, instituée par décret du 1er février 1865 et placée sous la présidence du prince Napoléon, réunit une pléiade de ministres : comme vice-présidents, Rouher, ministre d'Etat, Forcade, ministre de l'Agriculture, du Commerce et des Travaux publics, le maréchal Vaillant, ministre de la Maison de l'Empereur et des Beaux-Arts ; comme membres Fould, ministre des Finances, le marquis de Lavalette, ministre de l'Intérieur, avec, à leurs côtés, Schneider, vice président du Corps législatif, le baron Haussmann, sénateur et préfet de la Seine. Ce sont également Michel Chevalier, sénateur, membre de l'Institut, Davillier, président de la Chambre de commerce de Paris, Denière, ancien président du tribunal de commerce, membre du Conseil municipal de Paris, Jean Dollfus, manufacturier, maire de Mulhouse, lord Granville, président du Conseil de la Reine d'Angleterre, Le Play, conseiller d'Etat, etc.3006 Autant d'"hommes éminents par le savoir et l'expérience3007" qu'Arlès-Dufour, également compris dans cette liste nous l'avons vu, retrouvera avec joie, à l'exception du prince Napoléon démissionnaire après son incartade d'Ajaccio...

L'assiduité d'Arlès-Dufour aux travaux de la Commission impériale, installée d'abord au Palais de l'Industrie, puis au Champ de Mars dans le pavillon du Commissariat général, n'est guère connue. Assurément, organise-t-il ses déplacements parisiens, fréquents et parfois longs, en fonction des réunions préparées par l'exécutif, placé sous la direction de Le Play, commissaire général comme il l'avait été en 1855 et en 1862. De retour d'Algérie depuis quelques semaines, il est, à coup sûr, du cortège impérial lors de l'inauguration. Début mai, le voici de nouveau parisien. Emile Ollivier saisit l'occasion pour lui adresser son frère Elysée, un des secrétaires de l'Exposition, désireux de lui être présenté. Pour quel genre de service attendu ? Il le fait d'autant plus volontiers, poursuit Ollivier le 7 mai, ‘ "que cela m'est une occasion de vous dire que je vous aime toujours. Vôtre Emile Ollivier3008." ’ Quelques jours après, semble-t-il, un autre billet suit ‘ : "J'accepte avec empressement de me trouver avec vous et le Prince. Et je trouverai bien invités tous ceux que vous inviterez. Amitiés dévouées (Signé) Emile Ollivier3009."

Tout aussi plausiblement que pour l'ouverture, comment imaginer que le destinataire de cette lettre puisse ne pas participer, le 1er juillet, à la fastueuse distribution solennelle des prix organisée, aux Champs-Elysées, dans l'enceinte du Palais de l'Industrie, transformé pour la circonstance en un vaste amphithéâtre de vingt mille places. Là, sur l'estrade tendue de velours semé d'abeilles d'or3010, autour de l'Empereur, de l'Impératrice et du jeune prince impérial, président honoraire de l'Exposition, sont réunis les grands dignitaires de la Couronne et l'aristocratie européenne : le prince Napoléon et la princesse Clotilde et les autres membres de la famille impériale ; le prince de Galles, le prince royal de Prusse, le prince Humbert d'Italie, le grand-duc et la grande-duchesse de Bade, le prince et la princesse de Saxe, etc. Après l'Hymne à l'Empereur, spécialement composé par Rossini, et les discours de Rouher et de Napoléon III, il est procédé à la remise des récompenses. Parmi les 50.226 exposants3011 - presque le double de 1862 -, 64 reçoivent un grand prix, 883 une médaille d'or, 3.653 une médaille d'argent, 5.565 une médaille de bronze et 5.801 une mention honorable3012. Une pluie de médailles et de mentions offrant un ‘ "côté grotesque3013" ’, juge Edgar Saveney dans la Revue des Deux Mondes.

Malgré une présence non confirmée, l'absence d'Arlès-Dufour à cette cérémonie n'est guère pensable, d'autant que la qualité de commissaire impérial se double de celle de président du groupe IV "Vêtements (tissus compris) et autres objets portés par la personne", à défaut de président de la "classe 31 Soies et tissus de soie" ou, en tout état de cause, de membre fort influent du jury. Ses archives en attestent. L'économiste et romancier, ‘ "[son] affectionné Louis Reybaud", ’ comme il signe, intervient auprès de lui le 31 mai. ‘ "Mon cher Maître [!], lui dit-il, Vous êtes trop dévoué aux personnes à qui vous portez de l'intérêt pour les abandonner au moment critique. Or, pour Petrus Martin, le moment critique est arrivé et je viens vous prier de lui prêter votre appui tout puissant. Si vous le voulez, il sera décoré et le plus naturellement du monde par la proposition de la classe à laquelle il appartient. D'après ce que me dit M. Payen3014, la classe n'a pas encore voté ; il y a donc à espérer qu'elle rendra justice à la maison, malgré l'opposition de M. Girodon qui paraît le plus hostile. Un coup d'épaule, mon cher ami, un dernier coup d'épaule de grâce ; je vous en serai pour ma part très reconnaissant3015."

Certains exposants n'hésitent pas à appeler directement l'attention du jury. Tel est le cas de cette ‘ "Note pour Messieurs les membres du jury des récompenses de la 31e classe3016", ’ diffusée par la maison Pramandon, Veyret et Coront, 5 quai Saint-Clair à Lyon, qui fabrique des étoffes de soie pour tentures et ameublement. Vantant évidemment les mérites de ses créations, elle précise que, depuis la précédente Exposition de 1855, son chiffre d'affaires de 150 à 200.000 F, est passé à près d'un million de F, son but étant la solidité de l'étoffe, le bon marché et, par là, la grande consommation.

Anticipant la sentence du jury international, une circulaire de la Chambre de commerce de Lyon du 1er mai invite les exposants de son ressort à prêter leur concours à la formation d'une collection spéciale, destinée à perpétuer le souvenir de l'Exposition qui est, elle n'hésite pas à le déclarer‘ , "pour la fabrique lyonnaise l'occasion d'un nouveau triomphe3017". ’ Le terme n'est pas galvaudé. Pour preuve, le 1er juillet, la ville de Lyon, au titre du groupe IV, se voit honorée de la grande médaille d'or3018. Se souvient-on seulement, à ce moment, que le mérite de la première et stimulante confrontation avec les produits des fabriques étrangères, plus de trente ans auparavant, en revient justement au président de ce groupe IV, c'est-à-dire à Arlès-Dufour ? La modestie de l'auteur de cette initiative de l'époque l'amène-t-elle à même y penser à cette heure ? Dans l'immédiat, il éprouve bien d'autres motifs de satisfaction. L'une de ses importantes réalisations personnelles, la Société d'Enseignement professionnel du Rhône bien que toute jeune, reçoit du jury international une médaille de bronze. Au terme de son quatrième exercice, lors de l'assemblée générale du 7 juin 1868 placée sous la présidence de Girardon, à l'accroissement permanent des sociétaires, des souscripteurs aux conférences, des élèves, l'administrateur délégué J.-M. Monet sera heureux d'ajouter l'honneur de cette distinction3019. Le "second sexe" n'est pas écarté par le jury dans la distribution de récompenses. Pour le plus grand contentement de son constant protecteur et, en particulier, de celui de deux femmes : Rosa Bonheur, avec un second prix en peinture et dessin3020, et Julie Daubié, pour son ouvrage La femme pauvre au XIXe siècle dont la seconde édition paraîtra en trois volumes chez Thorin en 18703021. ‘ "Dieu est trop grand pour ne pas être juste enfin envers la moitié de sa créature3022", ’ avait écrit Arlès-Dufour à Julie Daubié l'année précédente.

Dans le cadre de ces festivités du 1er juillet, une promotion dans l'ordre de la Légion d'honneur vient fleurir quelques boutonnières lyonnaises3023. Claude Joseph Bonnet, fabricant de soieries et relation amicale fort possible d'Arlès-Dufour, est promu officier, Michel César, membre de la Chambre de commerce, est fait chevalier, ainsi qu'Henri Germain, en qualité d'administrateur des Forges de Commentry et non en tant que co-fondateur du Crédit lyonnais...

Commissaire impérial ou non, Exposition - d'ailleurs parfaitement lancée - ou non, des responsabilités moins importantes qu'en 1855, les récompenses remises, la santé commande avant tout. Courant juillet, la route de la Bavière est prise, en direction de la ravissante station de Kissingen : l'occasion d'un retour sur soi. Le 20 de ce mois, Arlès-Dufour saisit cette occasion, assez curieusement vu l'endroit et l'éloignement, pour repenser et modifier ses dispositions testamentaires : ‘ "Le Père et Holstein m'ayant précédé, j'ai transmis ce double à mon ami Brosset et à son défaut à son fils Dominique3024." ’ S'agit-il, simplement pour la bonne règle, de la seule transmission d'une copie de testament, ou bien, comme il l'écrira le 7 octobre 1870, reprenant des "instructions d'ancienne date", de la désignation comme ses exécuteurs testamentaires, de ‘ "[s]on bon et vieil ami Brosset et, à son défaut, par [s]on jeune ami, son fils, Dominique Brosset3025" ?

De sa cure thermale, les premiers résultats apparaissent satisfaisants ; Michel Chevalier en avait lui-même apprécié les bienfaits dans le passé. Les soins à peine terminés, c'est promptement le retour, avec une possible halte à Paris. Cette halte est fortement souhaitée par son correspondant. Pour lui, il s'agit d'aider les Pereire à redresser leurs jugements après les "explications très franches" qu'il a eues avec Emile. Elles n'ont pas manqué de l'être, en effet ! ‘ "Je lui ai dit qu'il était exécré à Paris et que si une révolution survenait, son hôtel serait pillé et lui massacré, que la tolérance de son frère et de lui pour des employés improbes ou incapables donnait naissance aux soupçons les plus fâcheux. Rien n'y fait. Ils sont infatués. Ils ont un bandeau devant les yeux que rien ne peut arracher [...]. Vous serez sans doute plus heureux que moi pour les persuader. Essayez-le à votre passage ici. [...] (Signé) Michel Chevalier3026." ’ De fréquents envois de courriers du même, souvent longs durant les mois qui suivent, attestent de la détérioration croissante de ses rapports avec les frères Pereire. Quant à Arlès-Dufour, il se voit reprocher tour à tour sa prudente neutralité, sa mollesse de propos, son indulgence, voire sa défense de la fratrie, à la recherche qu'il est d'une très hypothétique conciliation entre ces amis de quarante ans, comme tel est le cas pour eux tous. Michel Chevalier ne décolère pas. L'administrateur démissionnaire du Crédit Mobilier ne peut voir, sans récrimination, son capital amputé de 500.000 F3027 par la responsabilité d'hommes à qui, à l'apogée de leur célébrité, il a accordé la plus totale confiance, et, aussi, remis une partie de ses économies pour les faire fructifier... Des hommes ‘ "encore cinquante fois riches comme ils l'étaient en 18523028." ’ La médiation d'Arlès-Dufour s'avèrera infructueuse. Le 16 novembre, avant de déclarer enfin stériles leurs échanges écrits au sujet des Pereire quatre jours après3029, en fin d'une lettre de deux pages portant exclusivement sur le même sujet, Michel Chevalier rend toutefois justice à la personnalité de son patient interlocuteur : ‘ "Que, réellement vaincus, vous les entouriez [les Pereire] de votre sollicitude, de vos empressements, de vos témoignages d'attachement, ce sera conforme à la générosité de cet Arlès que nous connaissons depuis quarante ans, et tout le monde y applaudira. Mais tant qu'ils ont cette attitude hautaine qui est un défi à l'opinion et cette âpreté à retenir leur fortune en présence de tant de pauvres gens réduits à la misère [...] c'est une aberration indigne à la fois de votre bon cœur et de votre esprit juste, que de les soutenir et de m'imposer des torts envers eux3030." ’ L'amitié demeure néanmoins ; la signature de cette lettre, comme de beaucoup d'autres, reste précédée de cette formule : ‘ "A vous de cœur."

Sauf lorsqu'elle est indiquée plus haut, nous ne connaissons pas l'exacte date de remise de certaines récompenses de l'Exposition. Celle du 1er juillet n'est pas unique. Une autre, en particulier, est prévue le 27 octobre3031, sans préjuger d'une ultime vainement attendue par Arlès-Dufour pour le jour de clôture. Dans ces perspectives, il est assailli de sollicitations pour figurer sur les listes afférentes. Il y cède bien volontiers dans l'intérêt de son groupe IV et intervient directement auprès du ministre de l'Agriculture, du Commerce et des Travaux publics : ‘ "A l'approche de la fête du 15 août, nous croyons de notre impérieux devoir de rappeler à votre bienveillance et à votre justice les deux industriels que notre classe et notre groupe vous avaient particulièrement recommandés et qui, sans doute par erreur ou oubli, n'ont pas été décorés. Ce sont M. Antoine Lamy de Lyon et M. Aimé Baboin. Nous croyons pouvoir vous affirmer que l'industrie lyonnaise tout entière vous serait reconnaissante de la réparation de cet oubli. Agréez3032..." ’ Pour deux des mêmes, Baboin et Lamy, et la décoration de quelques autres, Alphonse Payen, rapporteur de la section 2 "Tissus de soie", le 25 septembre, met tous ses espoirs dans la qualité de ce soutien3033. Trois jours après, la complaisance d'Arlès-Dufour est encore mise à contribution, pour satisfaire d'autres ambitions. Michel Chevalier lui-même, le 28 septembre, lui adresse ‘ "deux notices sur deux hommes qu['il] recommande fort pour les décorations, dans [son] groupe. C'est une iniquité de les avoir omis.[...]" ’ Se trouvent ainsi appuyés : ‘ "M. Laville chapelier à Paris, le vétéran de la chapellerie française, le promoteur des progrès qu'elle a faits, inventeur de nombreuses machines tombées dans le domaine public [...], ancien ouvrier venu à Paris en 1820 avec 20 F en poche, travaille beaucoup pour l'intérieur et pour l'exportation. L'autre, M. Balsan père, chef de la maison Balsan père et fils, manufacturier de draps à Châteauroux et négociant à Paris 21 rue des Bons Enfants. Vétéran de l'industrie des draps, principalement de draps de troupe, regardé au ministère de la Guerre comme le premier fabricant de ces draps, ancien commis à 400 F à Lodève, il a aujourd'hui des millions honnêtement acquis, [...] la plus belle fabrique de draps qu'il y ait en France. A entrepris le commerce de la Chine en y expédiant ses produits ; il réussit très bien. [...] (Signé) Michel Chevalier3034."

L'attribution de prix n'est pourtant pas exempte de problèmes. Michel Chevalier s'en ouvre à Lyon : ‘ "Cher ami, Je ne puis vous dire quand vous pourrez venir convenablement. Les ministres qui ont pris la dictature dans la Commission Impériale (laquelle avait été créée pour soustraire l'Exposition aux ministres et à leurs bureaux) sont inabordables ou ne donnent pas de réponse quand on leur en demande. Les affaires politiques qui, il faut bien le dire, ne sont pas commodes, les absorbent, et l'Exposition leur paraît un misérable détail. Cependant, ils ne veulent pas se dessaisir de l'omnipotence dont ils se sont emparé et dont ils ont abusé ! A cet égard, Rouher est ’ ‘ très répréhensible. Il veut être tout, partout, comme si un seul homme y pouvait suffire. Il est Ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur sous le masque de La Valette, à moitié ministre des Affaires étrangères ; cela ne lui suffit pas et il prétend être encore le padischah de la pauvre Exposition, comme si cela lui ajoutait quelque chose ! Il nous a gâté l'attribution des récompenses, médailles et décorations en juillet. J'irai cependant le trouver un de ces jours et lui dirai mon opinion de la façon dont vont les affaires publiques en général et dont a été l'Exposition en particulier en ce qui concerne les récompenses3035."

Et il y a plus, ainsi qu'il l'a soufflé dès septembre : il est fortement question de cet ‘ "acte de vandalisme projeté et presque exigé par les militaires de détruire tout ce qui a été fait au Champ de Mars3036" ’ pour l'Exposition. Le prince Napoléon, Michel Chevalier y sont opposés. Ils espérant bien la très prochaine présence d'Arlès-Dufour pour affermir leur position. Chevalier insiste : ‘ "Je vous réponds ces lignes pour vous dire qu'il sera peut-être tard, le 24, pour venir ici soutenir vos propositions et plaider la cause de la justice3037." ’ Après ce courrier du 15 octobre 1867, le 22, il revient à la charge : ‘ "L'Empereur cède aux militaires pour le Champ de Mars. Ils vont tout raser. Cette économie politique de destruction est tellement déraisonnable qu'elle ne résistera pas à la discussion. Nous aurons une discussion là-dessus à la Commission impériale, à la première réunion, c'est-à-dire bientôt. Il serait bien utile que vous y fussiez : vous pèserez dans la balance." ’ Et pour l'inciter à venir, il complète : ‘ "Le temps est si beau que le séjour de Paris ne peut que vous accommoder en ce moment. Imaginez que grâce à ce beau temps, la recette de l'Exposition a été de 83.000 F dimanche et de 55.000 hier3038."

Le 16 octobre, Arlès-Dufour a encore pris le temps de savourer un excellent dîner. Il s'agit d'un "dîner d'hommes" où la maîtresse de maison, Madame Monet, épouse du directeur de la Banque de France, ‘ "résumait à elle seule tout le sexe féminin", ’ comme le raconte le lendemain Joseph Morel à sa femme. Il y a là, également, le préfet Chevreau, Descours, de Liza, inspecteur de la Banque de France, Letourneur directeur du Crédit lyonnais, etc.3039

Et voici que, en pleine exposition, après le cuisant échec de la regrettable expédition mexicaine et l'exécution de l'Empereur Maximilien appris courant juin, se murmure le renvoi des troupes françaises à Rome, évacuée à la fin de l'année précédente. Cependant, récemment encore, dans son discours de la distribution des récompenses du 1er juillet, Napoléon III avait insisté sur les ‘ "sentiments d'estime et de sympathie que nous entretenons pour les nations étrangères et [...] notre sincère désir de vivre en paix avec elles3040." ’ C'en est trop. Encore à Lyon, le 21 octobre, Arlès-Dufour en témoigne auprès de son ami Rouher : ‘ "Cher Ministre, Si après le temps d'arrêt ou d'hésitation, l'alea jacta est se réalisait, ce serait, je crois, l'aléa et le suicide de la dynastie.

"Ce serait le huitième suicide du gouvernement de notre belle, riche et pauvre France auquel j'assisterais avant ma transformation. Comme enfant de troupe, j'ai entendu parler du suicide de la première République, comme jeune engagé volontaire j'ai assisté à celui du premier Empire et, successivement, à ceux de la première Restauration, des Cent jours, de la seconde Restauration, de Louis-Philippe et de la seconde République. Ces suicides, presque périodiques, seraient-ils un phénomène de physiologie politique inhérent à notre race gallo-catholique ? Ce serait cruellement triste pour nos enfants !

"Si notre ami Cobden vivait encore, il prophétiserait probablement aussi bien les conséquences de notre nouvelle aventure romaine qu'il prophétisa, vous le savez, celle de notre aventure mexicaine.

"Vous me connaissez assez pour prendre autrement que comme un acte de dévouement ce sérieux mémento. Si vous ne voulez pas que la France traverse un hiver malheureux et dangereux, obtenez du Souverain, dont vous avez toute la confiance, qu'il rassure par des actes le pays et l'Europe qui attendent de lui, en tremblant, la guerre ou la Paix, mais surtout la sainte Paix qui le ferait bénir par tous et partout. Et sur ce, Cher Ministre, que Dieu vous garde et vous éclaire3041."

Dans l'insouciante ambiance de réjouissances qui anime toujours la capitale de la France, parmi les diverses manifestations officielles marquant l'approche de la fermeture de l'Exposition, Arlès-Dufour et Rouher eurent-ils seulement la possibilité d'évoquer cet envoi ? Le quinzième et dernier train de plaisir pour l'Exposition a quitté Lyon le 20 octobre3042. Le commissaire impérial ne va plus guère tarder à le suivre.

Le samedi 26 octobre, sa qualité officielle, l'amitié ancienne qui le lie à l'organisateur, l'occasion de retrouver une dernière fois peut-être ses vieilles connaissances, tout est réuni pour qu'il soit au nombre des trois cents invités à cette réception fastueuse, dans l'immense et célèbre salle à manger de l'Hôtel du Louvre. L'initiative de ce banquet offert aux membres de la Commission impériale et à leurs collaborateurs, au nom des commissaires étrangers, revient à lord Granville, fils de l'ancien ambassadeur d'Angleterre à Paris. Lorsque l'on songe à ce menu (neuf hors d’œuvre, cinq potages, six relevés, neuf entrées, six rôtis, six entremets et ses desserts dont douze pièces montées) accompagné de vingt et un vins, à la chaleur ambiante, à l'atmosphère polluée par la fumée des cigares de La Havane et des cigarettes de Turquie, on se demande si l'état de veille d'Arlès-Dufour put résister jusqu'à la fin de ces agapes3043...

Le lendemain, c'est une nouvelle distribution solennelle de récompenses qui le sollicite. Présidée par l'Impératrice, elle est organisée, à nouveau, au Palais de l'Industrie, cette fois par la Société de protection des apprentis dont il est membre et le censeur3044. Il s'agit de souligner le mérite des œuvres de bienfaisance fondées pour venir en aide à l'apprentissage du travail3045. A première vue, ce n'est pas dans ce cadre strictement national qu'est distingué, par le "Jury spécial3046", le baron de Diergardt, fabricant de soie et de velours à Viersen, en Prusse Rhénane. Dans son établissement de huit cents ouvriers, fondé par lui, on rencontre un ensemble complet de mesures et d'institutions utiles : caisse de secours, caisse de retraite, éducation gratuite pour les enfants, condition de la femme. Outre la même matière première qu'ils traitent, on comprend la qualité des liens de sympathie qui unissent, depuis au moins la première Exposition universelle de Londres, Arlès-Dufour et sa réplique allemande.

Une nouvelle fois, Pauline garde la maison pendant que son infatigable époux profite des "derniers jours de grâce, vendredi et samedi" de l'Exposition en compagnie des Leaf. Imminent est le terme de ces ‘ "jeux olympiques du monde entier où, comme disait l'Empereur le 1er juillet, tous les peuples, luttant par l'intelligence, semblent s'élancer à la fois dans la carrière infinie du progrès, vers un idéal dont on approche sans cesse, sans jamais pouvoir l'atteindre3047." ’L'Exposition bénéficie, en effet, de trois jours de sursis jusqu'au soir du dimanche 3 novembre. La capitale se vide subitement de ses visiteurs, comme le raconte le commissaire impérial à sa "brave amie" ‘ : "Depuis le 30, quatre cents personnes sont parties du Grand Hôtel qui a baissé ses prix. [...] Tout le monde pensait qu'à la clôture de l'Exposition, on distribuerait les récompenses supplémentaires et c'était pour veiller à celles de mon groupe que j'étais venu, sollicité par Michel [Chevalier], Gerussen [?] et Payen. Eh bien ! à l'heure qu'il est, personne ne sait où en sont les choses, en sorte que je serai probablement cloué ici toute la semaine. Si je ne te savais pas si seule, j'en prendrais facilement mon parti3048."

Eut-il encore le temps de faire le tour de la Galerie des machines pour admirer la colossale hélice en bronze, de six mètres de diamètre, de la frégate cuirassée à vapeur "Le Friedland"3049 et de méditer, dans la même enceinte, sur le non moins colossal canon Krupp ? - Celui-là même qui, trois ans après, tirera sur Paris... Nous ne savons pas davantage s'il s'enthousiasma pour cette conférence ouverte, en marge de l'Exposition, le 17 juin, au Quai d'Orsay et réunissant cent trente-huit délégués de pays étrangers, à l'initiative de Napoléon III. Le souverain en avait fixé l'ambitieux et prématuré objectif : ‘ "réaliser l'unification monétaire internationale3050".

Dans son courrier à destination de Lyon, daté du 31 octobre 1867, étalé sur plusieurs jours et haché par diverses obligations, les nouvelles, de toutes natures, pleuvent. Elles comprennent parfois des instructions précises. Par discrétion, les "trois Leaf" - dont Emma ‘ "aussi jolie qu'à vingt-cinq ans" ’ - voulaient brûler l'étape de Lyon. Pour les accueillir, il demande d'envoyer "demain lundi", à 9 h 3/4, la berline à la gare ; en cas de contrordre, il serait télégraphié. Il conviendra de les retenir au moins jusqu'au mercredi et de passer à table - selon leur rituel - à midi et pour le dîner à sept heures. Pour les vins, ‘ "du Bordeaux à l'ordinaire et du Lagrange ou du Léoville3051 à l'extra." ’ La qualité de ce séjour - peut être pas unique en cette année3052 - leur est certainement bien due : il n'est que le juste retour de ceux, nombreux, à Park Hill, et des gages précieux d'amitié reçus et qui, même anciens, ne sauraient être oubliés.

Une recommandation hâtive mais à laquelle il attache un grand prix. Loin d'en être l'unique manifestation, elle est révélatrice de son ineffable bonté et de sa générosité naturelle sans faille : ‘ "Si l'incluse sans signature dit vrai, il faut porter de suite toi-même, ou faire porter par Gustave ou Maurice, quarante ou cinquante francs à la famille veuve de sa mère."

Outre des questions ménagères (une pelisse nouvelle, un tableau, un buste, un tapis, un album), il est un problème important qu'il avait à cœur de régler : ‘ "J'ai cherché, mais en vain jusqu'ici, à concilier, du moins un peu, les Chevalier et les Pereire. Michel ne peut prendre son parti des sommes énormes qu'il perd, et ce qui l'enrage encore davantage, c'est que, quoiqu'il en dise, c'est autant par sa faute que par la leur."

Le temps est splendide et frais en cette fin octobre ou de début novembre. ‘ "Mais, déplore-t-il, il éclaircit peu les idées et n'inquiète pas moins pour l'hiver. Les hommes les plus dévoués critiquent, blâment et désespèrent de l'avenir du gouvernement, qui va guerroyer à l'extérieur et laisser aller tout à la dérive à l'intérieur." ’ Malgré son état de santé qui inspire toujours quelques inquiétudes, l'Empereur lui est apparu étonnamment jeune encore, presqu'autant que l'Empereur d'Autriche qu'il raccompagnait à la gare, malgré ses vingt ans de plus‘ . "Quel dommage qu'il soit si mal et si catholiquement entouré ! " ’ regrette-t-il à propos du maître de notre pays. Arlès-Dufour fait partie de la suite des deux Empereurs, lors de leurs adieux. Et, au détour d'une phrase, l'on apprend que, déjà baron de Prusse, il est également... baron d'Autriche. Un sourire amusé aux lèvres, il écrit, toujours dans le même courrier à Pauline : ‘ "Ce matin, je mène Elise Werner3053 à la gare d'où l'Empereur d'Autriche partira pour Compiègne et il va sans dire que je porterai pour la première fois la Couronne de Fer qui nous fait Baron et Baronne" !

Enfin, pour clore, ces minces allusions familiales : ‘ "J'écrirai demain pour le vapeur de mardi à Armand. Ah ! si à son âge, j'avais eu sa position, aurais-je été heureux. Embrasse nos trois filles. A-D." ’ Sachant que sa belle-fille Hedwig, épouse d'Alphonse, est à ses côtés, qui peut être la troisième "fille", après Adélaïde, sa fille, et Lucy sa première belle-fille, l'épouse de Gustave ? Ne serait-ce pas Marie Duveyrier, la jeune orpheline de mère, maintenant de père depuis un an, recueillie définitivement par ses soins à Lyon ? Justement, quelques lignes plus haut, ce prénom se trouvait cité : ‘ "Ce que tu me dis de la gaîté de Marie me fait grand plaisir pour elle et pour toi et pour nous3054."

Lorsqu'Arlès-Dufour dresse, en pensée, le bilan des quelques mois écoulés, il ne veut en retenir que les motifs de satisfaction. Son plaisir a été grand de rencontrer, au Champ de Mars ou au Palais de l'Industrie, ses amis français et étrangers. Il le fut aussi en retrouvant sa chère famille Leaf, en recevant les Bowring qui conservent ‘ "le plus agréable souvenir de Montroses3055", ’ également même fut-ce brièvement, Michel Chevalier, accompagné de son épouse, pressé par la rédaction de son rapport de l'Exposition3056. Il ne manqua pas non plus d'être sensible à la visite rendue par le prince Napoléon3057, sur le chemin entre sa retraite de Prangins, un domaine de 88 hectares dont 26 de vignes à 24 kilomètres de Genève, et Paris.

Malgré les contretemps entourant la distribution de récompenses supplémentaires, la débauche de distinctions décernées à l'occasion de l'Exposition universelle de 1867 a déjà été remarquée. Toutefois, il est une dignité qui restera à l'état de projet. L'initiative en revient pourtant au rapporteur de l'universelle manifestation, Michel Chevalier, le bénéficiaire potentiel n'étant autre qu'Arlès-Dufour. Déjà le 1er août, le premier s'ouvrait au second de sa proposition : ‘ " Nous avons eu séance à la Commission impériale avant-hier. J'y ai soulevé l'affaire des croix d'honneur. Là-dessus, le ministre de l'Intérieur a dit qu'il venait de recevoir le matin même une nouvelle réclamation du préfet de Lyon, dans le sens des observations de son ami, M. Michel Chevalier... Rouher a ajouté qu'il était l'auteur de la réduction énorme qu'avait éprouvée la liste, qu'il le regrettait, qu'il reconnaissait avoir été d'une sévérité excessive ; mais que rien ne s'opposait à une liste supplémentaire. Celle-ci serait faite à la fin de l'Exposition. ’ ‘ Ainsi vous serez satisfait3058..." ’ Malgré son dédain appuyé de fonctions honorifiques ou de lauriers remarqué jusqu'à présent, Arlès-Dufour vise-t-il tout à coup la plaque de grand-officier de la Légion d'honneur, le mettant ainsi à égalité, à Lyon, avec le préfet Chevreau et MM. Devienne, Gilardin et Sauzet3059 ?

Le 16 octobre, Michel Chevalier intervient, à nouveau, auprès de "son Excellence le Ministre d'Etat et des Finances", dans les termes suivants : ‘ "Monsieur le Ministre, M. Arlès-Dufour est un des hommes les plus considérables et les plus considérés que l'industrie ait compté depuis longtemps. A l'étranger, il jouit de la considération universelle. Il est connu à Londres, à Liverpool, à Manchester, à Berlin, à Leipzig, à Zurich, en Italie, comme à Paris et à Lyon.

"Il a rendu au gouvernement et au pays, en maintes circonstances, des services dans le détail desquels je n'entrerai pas : Votre Excellence les connaît mieux que moi et l'opinion publique les proclame.

"M. Arlès-Dufour est au terme de la carrière. Je pense me rendre agréable à Votre Excellence en appelant votre attention sur la convenance de lui conférer le grade de grand Officier de la Légion d'honneur.

"Je prie votre Excellence d'agréer l'hommage de ma plus haute considération. (Signé) Michel Chevalier3060."

Dans les jours qui suivent, le signataire de cette requête a l'opportunité d'en entretenir personnellement Rouher : ‘ "Il n'a rien pu me promettre, répercute-t-il à Arlès-Dufour, parce qu'on n'est pas fixé sur la proportion qu'on donnera à la promotion nouvelle. Mais il a ajouté que l'Empereur faisait beaucoup de cas de vous et aimerait à vous être agréable. J'aurai l’œil au grain3061."

Cette intervention flatteuse et les propos complaisants de l'Empereur restés vains, un dépit certainement plus grand avait été causé, début août, au Conseiller général du Rhône, à l'issue de ses quinze années de mandat. Le même Michel Chevalier tirait auprès de son ami les conclusions de son échec : ‘ "Cher ami, Le vote qui vous exclut du Conseil général est une impertinence qui ne saurait vous atteindre. Cela prouve à quel point la population ouvrière est sujette à se laisser conduire par des intrigues qui la trompent. [...] ici l'excès est une monstruosité. Il faut en conclure que nous avons à redoubler d'efforts pour répandre l'instruction dans les masses. C'est la seule vengeance digne de vous ; je suis bien certain d'ailleurs que vous ne songez à aucune autre. L'arrêté préfectoral modifiant les circonscriptions la veille de l'élection aura été pour une bonne part dans le résultat. Les gouvernements chez nous se comportent comme des joueurs de gobelets. Le public s'indigne de ces escamotages et s'en prend aux défenseurs du gouvernement, même à ceux qui comme vous sont les plus indépendants. La Restauration, Louis-Philippe (ou plutôt Guizot et Duchatel) ont suivi le système qui leur a peu réussi, car par là en ont dégoûté les hommes honnêtes et droits et les ont rejetés dans l'opposition. Le gouvernement impérial n'est pas mieux inspiré à cet égard3062." ’ Et, sans transition, de poursuivre au sujet des Pereire...

Cet épisode malheureux sera rappelé par l'économiste, membre de l'Institut, dans l'hommage posthume rendu dans le Journal des Economistes quelques années après : ‘ "...Le nombre de personnes qu'il a obligées personnellement est énorme. Ce dévouement à la chose publique, cette bienveillance et cette générosité n'ont pas toujours été récompensés comme ils auraient dû l'être. Dans le département du Rhône, par exemple, à Lyon, il fut évincé du Conseil général, il y a quelques années. A sa place, les ouvriers préférèrent nommer un démagogue qui les flattait. C'est que lui, Arlès, ne flattait personne. Il disait amicalement à tous, grands et petits, la vérité ou ce qu'il croyait tel. Mais il n'eut jamais d'humeur de l'ingratitude qu'il trouva sur son chemin3063..."

Le contexte international, depuis plusieurs mois, lui fournissait bien d'autres motifs d'inquiétude nous l'avons vu, partagés par beaucoup, et bon nombre de ses amis. Et Gustave Flaubert, hormis ses réserves douteuses émises à propos de l'Exposition, clamant sa crainte de la Prusse, n'exagérait en rien. Un an auparavant, nous l'avons vu, Arlès-Dufour était intervenu auprès de John Bright espérant un concours britannique. En ce mois d'avril 1867 où la guerre paraît toujours inévitable, trois lettres parviennent au journal Le Temps dirigé par Nefftzer. Elles sont signées de Gustave d'Eichthal, de Martin-Paschoud et de Frédéric Passy. Leur texte est sensiblement identique, bien que leurs auteurs ne se soient, paraît-il, en rien concertés. Publiées, elles devaient réveiller l'opinion et écarter la guerre, une conférence réunie à Londres réglant le différend3064. C'est dans la foulée qu'est fondée la "Ligue internationale et permanente de la Paix".

"C'est lui qui, en réalité, a été le véritable fondateur de la Ligue de la Paix, et il est juste de lui en restituer le mérite3065." ’ En ces termes, plus de quarante ans après, l'économiste, président de la Société d'économie politique de Paris3066 et membre de l'Institut, Frédéric Passy - qui se réclame du mouvement saint-simonien3067 - tient à rendre hommage au pacifiste Arlès-Dufour qui, encore, en 1861, se déclarait en faveur d'un désarmement général et réel3068. Et le premier Prix Nobel de la Paix, avec Henri Dunant, en 1901, de rapporter l'allant de l'homme d'action et la vigueur du propos : ‘ ""Passy, me dit-il, [...], vous venez d'empêcher une guerre. C'est bien, mais ce n'est pas assez. Il faut empêcher LA GUERRE, rendre impossible toute guerre. Nous fondons La Ligue internationale et permanente de la Paix, et vous en êtes le secrétaire général." ’ ‘ Et ainsi fut fait. Et aucun, poursuit Frédéric Passy, parmi tous ceux qui s'associèrent à lui pour la fondation et la marche de l’œuvre nouvelle, excepté son ami, devenu le mien, le pasteur Martin-Paschoud, ne se donna personnellement plus de peine et ne déploya plus d'activité pour développer par tous les moyens l'action de la Ligue." ’ Parmi ces moyens, le "baron prussien" devait obtenir l'adhésion significative, et alors certainement sincère, de la reine Augusta. Ce ne sera pas la seule marque d'estime qui lui sera témoignée par la souveraine de Prusse. En novembre 18683069, ayant doublé le prix à l'Académie de Lyon sur l'égalité de salaire pour l'homme et pour la femme, et s'en étant ouvert à la souveraine, il reçoit de son cabinet, sous la signature du Major der Königin, une lettre du 6 février de l'année suivante, libellée en français comme suit : ‘ "Cher monsieur, Sa Majesté la Reine de Prusse a pris connaissance de l'importante proposition que vous avez faite à l'Académie Impériale des Sciences, Belles-lettres et Arts de Lyon, avec l'intérêt qu'elle porte à tous vos travaux et m'a commandé de vous en faire part3070."

Le secrétariat général ainsi confié à Frédéric Passy, est-ce dans un style aussi abrupt que la présidence de la Ligue fut proposée par Arlès-Dufour à son familier Jean Dollfus, lui aussi pilier des Expositions universelles ? Après le refus de ces fonctions3071, celles de trésorier furent acceptées par cet industriel philanthrope alsacien, ami de Jean Macé et de Jules Siegfried. Et l'on put compter sur l'importance de sa contribution matérielle et pécuniaire ainsi que sur d'autres, telles celles de Michel Chevalier3072 et de la grande figure du catholicisme français du XIXe siècle, le père Gratry désireux ‘ d'être "le premier grenadier du régiment de la Paix3073" ’. Passy devait essuyer les doutes de son père qui estimait ‘ "qu'une volonté de prince ou de ministre ne s'arrêtera pas devant vos vœux ’ ‘ 3074 ’ ‘ ." ’ Par la détermination de l'Allemagne, ‘ "aujourd'hui la nation révolutionnaire belliqueuse de l'Europe3075" ’ selon le mot de Guizot, un proche avenir allait tristement vérifier le propos. Un avenir, plus lointain, démontrera la justesse de l'initiative qui, bien que toujours chimérique, sera adoptée au plan des nations. Outre la Ligue de la Paix proche de l'Internationale ouvrière3076, une Union de la Paix se créée aussi, au Havre. Arlès-Dufour en devient aussitôt membre d'honneur, souhaitant attester à l'égard de cette société sœur, comme le lui exprimait son président, J.M. Bielefeld, le 30 novembre 1867, ‘ "l'existence, entre les vrais amis de la Paix, de ce parfait accord qui est une condition de Force3077." ’ Au cours de cette année, les Français n'étaient pas seuls à s'émouvoir. Le 2 mai, une adresse des ouvriers de Leipzig aux ouvriers de Lyon protestait contre les projets de guerre attribués aux gouvernements de France et d'Allemagne3078 !

Inquiet de la situation internationale peu propice à "l'association" des peuples, Arlès-Dufour l'est autant de la détérioration de la situation intérieure. Michel Chevalier, fort pessimiste, ne se prive pas de s'en faire régulièrement l'écho. Témoins ces lettres, toutes du seul mois de septembre. Le 1er du mois : ‘ "Je suis fort affligé, lui écrit-il, de la marche des affaires. De plus en plus, c'est le décousu. Il n'y a qu'une chose qui soit continue, c'est la série des imprudences et des fautes. [...] On n'a pas, un mois de suite, la même opinion. Il y a un conflit de courants contraires dans le gouvernement3079." ’ L'influence de Rouher ? Voici ce qu'il en pense le 10 : ‘ "Le ministre que vous ménagez est un des types de ces temps-ci. [...] Le goût de l'Empereur pour lui vient de ce qu'il lui raconte les histoires des coulisses de l'Opéra. Ces favoritismes sont une partie de l'histoire du règne. Ils mèneront l'Empereur, je ne sais où ; je doute que ce soit à la gloire et à la stabilité3080." ’ Et le 22 encore : ‘ "Je ne vous dirai rien des affaires publiques. Je crains que nous en continuions à y voir le même décousu. Le mot qui court aujourd'hui comme caractérisant la situation est celui-ci : il n'y a pas de gouvernement. On va au jour le jour, changeant de direction selon que le vent du caprice souffle d'ici ou de là3081." ’ Ainsi maintenu sous pression par son correspondant désormais attitré, mais conservant son entier libre arbitre, Arlès-Dufour redoute-t-il "le suicide de la dynastie", comme confessé à Rouher en octobre ?

Aussi, brutalement, fin novembre ou début décembre 1867, impétueux comme à vingt ans, voilà qu'il démissionne de son mandat de conseiller municipal de Lyon ! Quelque temps après, délaissant provisoirement sa jeune Ligue de la Paix, la Société lyonnaise des magasins généraux des soies, la Chambre de commerce, en bref ses multiples activités et projets, il va prendre quelque repos sur la Côte d'Azur, à Golfe-Juan3082. Fort probablement, il séjourne là, en compagnie de Pauline, chez son amie Juliette Lambert, à la Villa Bruyères3083. Ami de Daniel Stern, alias Marie d'Agoult, il l'est également de la malheureuse épouse Juliette La Messine qui signera, plus tard - une fois mariée au futur préfet de police "du gouvernement qu'on allait improviser3084" en septembre 1870 - ses ouvrages sous le nom de "Madame Adam (Juliette Lamber)". Il paraît3085 qu'il aurait connu cette jeune femme - fille d'un médecin d'esprit saint-simonien, le docteur Jean-Louis Lambert exerçant à Chauny (Aisne)3086 -, en venant la solliciter pour présider un banquet organisé en l'honneur d'Enfantin par ses disciples . En tout état de cause, il deviendra le "second père" de cette femme de lettres féministe, auteur notamment, en 1858, des Idées antiproudhoniennes sur l'amour, les femmes et le mariage, en l'aidant à divorcer de son premier mari3087. Significatives de leur intimité sont d'ailleurs ces deux seules dépêches qu'elle adresse à la mort de celui-ci, l'une à Arlès-Dufour, "Mon mari est mort", l'autre, "Je suis veuve", à Edmond Adam, son futur époux3088... Il est certain que l'attachement qui lie, en tout bien tout honneur, Arlès-Dufour à la future égérie de la IIIe République, tenant déjà, rue de Rivoli, salon de l'opposition3089, ne peut être démenti. La présence à Bruyères de l'homme indépendant qu'il est en atteste. Cette affection mutuelle ne se démentira pas, à l'instar de celle existant avec Julie Daubié et Rosa Bonheur.

Pour le moment, le coup d'éclat du conseiller municipal est toujours confidentiel. Pourtant, pour la rendre publique, sa démission a été communiquée au Progrès. A l'instigation du préfet, le quotidien ne l'a toujours pas publiée. C'est donc de Golfe de Juan (sic) que, le 31 janvier 1868, il s'adresse au représentant du pouvoir : ‘ "Cher sénateur, Connaissant mes sympathies pour votre personne, vous devez être surpris de mon insistance à faire un acte qui paraît vous être personnellement désobligeant. Je tiens à vous en donner les raisons :

"Depuis que j'ai âge d'homme, j'ai vu tomber six gouvernements, tous par leur faute et par les mêmes causes, l'aveuglement, l'infatuation, l'orgueil du succès, la lâche flatterie de l'entourage et la faiblesse des classes aisées.

"Ces causes n'ont jamais été plus flagrantes depuis quelques années, et dans la malheureuse année qui finit, elles ont comme fait explosion, favorisées par l'affaiblissement moral de la bourgeoisie produit depuis l'Empire par l'influence de l'Eglise et de la peur.

"Le gouvernement Impérial a donné la plus grande preuve de son funeste aveuglement en proclamant, pour ainsi dire, quand même avec Rome et avec l'Espagne, ces deux cadavres de la civilisation, et en établissant, presque officiellement la domination sur la France de 89 du cléricalisme et du militarisme associés, coalisés fatalement contre les progrès modernes.

"Eh bien ! en mon âme et conscience, je crois et je dis qu'il est du devoir de tout bon citoyen resté indépendant, qui voit le danger, de protester dans sa sphère, si humble qu'elle soit, contre les tendances et les hommes qui poussent à sa perte un gouvernement qui a fait et pourrait faire encore des choses grandes et utiles pour l'amélioration du sort de la classe la plus nombreuse et la plus pauvre.

"C'est ce sentiment, et nul autre, qui me fait persévérer à donner et à publier ma démission de membre de la commission municipale de Lyon. Si Le Progrès, qui la retient depuis près de deux mois, ne l'insérait pas, je l'adresserai aux Débats ou à L'Opinion nationale.

"Cher Sénateur, je vous connais et vous estime trop pour ne pas être convaincu que, sans partager peut-être les sentiments qui me guident, vous les respectez parce que vous les savez sincères.

"Recevez la nouvelle assurance de ma bien sincère et cordiale sympathie. (Signé) Arlès-Dufour3090.

Le 9 février, s'il comprend ces explications et ne met pas en doute la parfaite bonne foi de son interlocuteur, le préfet Chevreau pense que celui-ci est "parti d'un principe faux." Il ne s'y attarde pas, sachant que la lettre qu'il a lui-même adressée à Michel Chevalier a.suivi‘ . "Maintenant que le fait est accompli, poursuit le haut fonctionnaire, laissez-moi vous dire que si j'ai cherché à la retarder par tous les moyens possibles, c'est que j'espérais toujours que vous renonceriez à cette démission publique ; j'en craignais l'effet sur vos collègues, sur vos amis de Lyon ; je me trompais peut-être, mais je me trompais du moins en toute bonne foi dans ce que je croyais être votre intérêt." ’ Et si le préfet déplore être dans la boue et les brouillards, on ne saurait y voir aucune allusion politique, référence étant faite au repos, en paix et au soleil, du destinataire à qui il s'adresse en termes amicaux, sans oublier ses "mille hommages" à sa femme, avant d'ajouter : ‘ "On me dit que votre santé n'a jamais été meilleure, tant mieux, personne ne sera plus heureux que moi de le constater à votre retour3091."

En juin, la verve combative de l'ancien conseiller municipal est loin d'avoir disparu. De retour d'un "petit voyage", le 4 de ce mois, c'est ‘ son "cher poète et digne ami" ’, Joseph Soulary, poète lyonnais effectivement et chef de division à la préfecture du Rhône3092, qui fait les frais d'une réponse avec ‘ "[s]a franchise habituelle3093". ’ Selon Kleinclausz, l'historien de Lyon, le nom d'Arlès-Dufour figure parmi les noms des souscripteurs du récent journal La Discussion, dirigé par l'avocat Paul Dumarest assisté entre autres de Hénon et Ferrouillat3094. Pourtant, pour Arlès-Dufour comme il l'écrit à Soulary, ‘ "le titre seul du journal, La Discussion, doit en éloigner les hommes d'action qui trouvent, comme moi, qu'on a bien assez discuté ; et puis, la définition de Démocratie libérale prouverait une scission dans le parti démocratique que je ne saurais encourager, car elle l'affaiblirait, et profiterait au parti qui se dit conservateur, parce qu'il est hostile à tout changement, à tout progrès.

"Je crois d'ailleurs voir dans les nouveaux journaux qui se fondent, un parti pris d'opposition quant même (sic), auquel je ne saurais non plus m'associer, car si je veux améliorer par la critique et l'opposition motivées, raisonnées, je ne veux pas renverser. Fidèle en cela à nos maîtres, Saint-Simon et Enfantin, je préfère le progrès par Evolution aux progrès par Révolutions.

"C'est pour cela que, tout en combattant depuis cinquante ans contre les ténèbres, l'ignorance et les privilèges, je n'ai jamais voulu m'enrôler dans aucun parti3095. C'est pour cela, aussi, que je ne suis ni républicain, ni impérialiste, ni royaliste ; mais que je suis et me dis franchement socialiste, prêt à soutenir tout gouvernement qui prendra loyalement pour critérium de sa politique : que toutes les institutions sociales doivent avoir pour but l'amélioration du sort physique, intellectuel et moral de toutes les classes, mais plus particulièrement des classes les plus nombreuses, qui sont partout les plus pauvres et qui, cependant, supportent partout la plus forte part des charges sociales, surtout par la conscription, impôt du sang, impôt le plus inique que la bourgeoisie ait ’ ‘ jamais inventé, par l'octroi qui n'est pas moins inique, par l'ignorance qui la porte à payer indirectement, sous forme de messes, de cierges, de deniers de toutes sortes, une énorme contribution à l'église privilégiée. Voilà, digne ami, les questions qui avant tout autre, ont ma sympathie, et auront mon loyal concours3096. [...]"

"L'église privilégiée", telle est bien l'une des cibles prioritaires. Celle d'Oullins, une nouvelle fois après l'affaire du cimetière3097, n'est pas épargnée. L'abbé Joly qui exerce son ministère dans cette paroisse en est personnellement la cause. Sans ambages, à la suite des obsèques de son ami le docteur Lortet, il l'est signifié au prêtre : ‘ "Les actes d'intolérance religieuse qui se succèdent et se multiplient dans la commune d'Oullins depuis que vous en dirigez la cure, et surtout le dernier relatif aux funérailles du digne docteur Lortet, l'un de nos citoyens les plus dévoués aux pauvres, me décident à retirer ma souscription pour la construction d'une nouvelle église catholique. Puisque vous traitez comme des malfaiteurs et des ennemis les protestants et les libres penseurs et que vous les excluez de vos aumônes, vous trouverez juste que ces protestants et ces libres penseurs se retirent de vous et fassent eux-mêmes leur charité [...] aux pauvres sans s'enquérir, comme vous le faites, du culte auquel [ils] appartiennent et de leur manière de comprendre Dieu3098."

Pour des raisons à la fois administratives et financières, on s'en souvient, le projet de mettre une bibliothèque à la disposition des ouvriers d'Oullins avait été laissé en suspens par le conseil d'administration de la S.E.P.R. du 19 septembre 18653099. Aussi, l'un des premiers adhérents de la Ligue de l'Enseignement se fait-il un devoir de réaliser ce qui ne peut l'être sous cette égide, et de concrétiser, à ses frais, cette ambition personnelle en faveur des "hommes vivant de leur salaire et tous domiciliés à Oullins3100." ’ ‘ Mais une autre manifestation d'intolérance religieuse vient en troubler les premières heures. Quelques habitants d'Oullins, abbé Joly en tête, adressent une "dénonciation" au Sénat au motif que certains ouvrages proposés outragent la morale et l'ordre public : des romans de George Sand ’ ‘ ... Il va sans dire que le président de la société fondatrice de la bibliothèque populaire d'Oullins ne reste pas inactif, soutenu par Ch. Noellat, directeur du Progrès, qui rapporte, à la première page des numéros de son quotidien de cette fin février et début mars 1868, ce qu'il appelle "l'intrigue cléricale à Oullins3101".

Malgré la dénonciation qui sera rapportée au Sénat le 9 juin3102, l'autorisation préfectorale est accordée par arrêté du 2 avril, sous réserve de l'examen annuel du catalogue des livres mis en lecture. Elle est assortie, selon sa lettre de transmission du même jour, du "regret" de relever dans le catalogue actuel ‘ l'existence "de quelques ouvrages de polémique sociale et religieuse" ’ et ‘ du "plaisir [...] de les voir disparaître peu à peu3103."

La lettre qui suit de la même administration, le 8 juin 1868, est beaucoup moins accommodante. Du catalogue transmis par la préfecture au ministre de l'Intérieur, celui-ci demande, en effet, la suppression des ouvrages de George Sand et d'Eugène Sue3104. Il les considère comme pouvant ‘ "présenter des dangers au point de vue de la famille et de la société" et "être de nature à altérer gravement le sentiment moral des personnes inexpérimentées, crédules et faciles à impressionner. La paix des familles pourrait en être troublée ; le respect des choses saintes et de l'autorité pourrait en souffrir3105." ’ Ecrite d'une main encore plus tremblante qu'à l'habitude, sous l'empire d'une révolte mal contenue, une réplique de six pages est faite à la préfecture par retour. Officiellement, Arlès-Dufour interpelle le préfet : ‘ "Vous, M. le Sénateur, qui connaissez bien la population ouvrière, qui en comprenez les misères et les ’ ‘ détresses, vous avez dû bien souffrir d'être obligé de transmettre à des ouvriers d'élite un pareil témoignage de méfiance et presque de mépris. Jamais, même sous la Restauration, l'Autorité n'avait jamais émis la prétention de prescrire à une partie, sa partie la plus considérable, la plus active, la plus laborieuse et pratiquement la plus morale du peuple français, les livres, publiés avec son autorisation, qu'elle pourrait ou ne pourrait point lire. Et cependant, c'est cette partie du peuple français qui élit ses représentants et le chef de l'Etat. [...] Tous les Français sont-ils ou non égaux devant la loi ? Il est vrai que, depuis l'Empire, ils le sont devant l'urne électorale. Mais il paraît qu'ils ne le sont pas devant M. le Ministre de l'Intérieur qui inspecte et presque moralise les bibliothèques populaires mais qui n'ose pas inspecter celles des curés et des congrégations. Ah ! si l'Empereur le savait3106 ! [...]"

Quelques lignes plus haut, il s'étonnait : ‘ "Il faut, en vérité, que quelque très grand ou très saint personnage s'occupe de cette modeste bibliothèque, qui compte 43 associés des deux sexes et possède seulement 350 volumes, pour que la première Préfecture de l'Empire, le Ministre de l'Intérieur et le Sénat conservateur s'en montrent aussi inquiets et préoccupés que s'il s'agissait d'une haute question d'Etat [...]."

Peu après, dans une lettre privée, il se rapproche de l'ami, aussi le représentant de l'Etat. Au premier, il confie ses alarmes : ‘ "Le gouvernement marche au suicide par le clergé, et ceux qui, comme moi, craignent pire, doivent l'éclairer, même au risque de lui déplaire. Il y a aujourd'hui 53 ans que par haine de la branche aînée et de la prêtraille qu'elle avait ramenée, j'étais à Waterloo, ou plutôt à la retraite3107. Dieu merci, malgré mes 71 ans, je ne me suis pas amendé, ou plutôt hébété, comme tant d'autres ; et si l'Empereur affaibli, ou trompé, persistait à nous ramener au régime clérical abrutissant de la Restauration, ma foi je crierais avec bien d'autres, Allah kerim ! Vous lui êtes trop dévoué et vous êtes trop éclairé pour ne pas gémir de la marche qu'il suit, ou qu'on lui fait suivre. Bien à vous3108."

Au représentant de l'Etat, il signifie qu'il considère comme un devoir de conscience de persister dans "la publication". Sa campagne émeut presse, régionale et nationale, et lecteurs. Les lettres approbatrices qui lui parviennent attestent de l'écho reçu3109. ‘ "Luttez, luttez pour ’ ‘ cette affaire ; elle est importante3110" ’, l'encourage Juliette Adam. Elle rappelle ce que lui écrit George Sand dans ses lettres et qu'elle publie dans la Revue des Deux Mondes du 1er juin : ‘ "Les cléricaux semblent s'acharner à se détruire eux-mêmes, ils se suicident avec éclat ! " ’ Juliette Adam est justement en partance, pour trois semaines, pour Nohant, munie de la collection des Progrès par les soins d'Arlès-Dufour à l'intention de l'écrivain. Mais la lutte devient inutile, ainsi que Michel Chevalier l'annonce à son ami le 20 juin : ‘ "[...) le Sénat a eu une bonne inspiration, il a été plus libéral que sa commission, il a envoyé promener Nisard et son rapport. Vous devriez être content et monter au Capitole, sans penser davantage à Nisard qui est vaincu3111."

Son contentement, le vainqueur l'exprime trois mois plus tard au prince Napoléon, en lui donnant ce ‘ "petit exemple du résultat de l'intolérance et des taquineries gouvernementales : la bibliothèque populaire d'Oullins qui ne comptait que quarante trois sociétaires, compte cent-dix inscrits, et au lieu des sept ouvrages anathématisés par le Sénat et M. Pinard3112, elle en a cent de plus qui mériteraient bien mieux leur excommunication3113." ’ Finalement, pour échapper à ‘ d'"incessantes provocations3114" ’, selon Pauline, son mari transporta la bibliothèque du local où la société fondatrice l'avait placée dans l'école "libre et laïque" qu'il avait fait construire en 1865.

Satisfaction à peine obtenue du Sénat, voici que son sang ne fait encore qu'un tour à la lecture du compte rendu des débats de la Chambre. Non, malgré les excellents liens existants entre eux, Arlès-Dufour ne peut guère laisser passer le discours qu'Emile Ollivier y prononce mi-juillet 1868 sur le clergé. Un discours que, raconte complaisamment l'homme politique dans son Journal, il méditait depuis trois ans. Et il ajoute : ‘ "Arlès-Dufour, seul, m'écrit une lettre ’ ‘ d'injures à laquelle je réponds vertement3115." ’ Si nous ne connaissons pas ces "injures", Arlès-Dufour a conservé la cruelle réponse du 17 juillet que voici : ‘ "Mon Cher Arlès. Il n'est rien que je ne sois disposé à accepter et à entendre de votre vieille amitié. Ainsi je me serais borné à prendre bonne note de vos observations et à en profiter, s'il n'y avait dans votre lettre une expression que même de vous je ne puis tolérer.

"Vous êtes donc bien pressé de devenir ministre, me dites-vous. Vous auriez dû laisser ces basses suppositions à d'abjects démagogues et, écrivant à un ami, ne pas en souiller votre plume. Je prie aussi moi ce Dieu unique et bon qu'il vous conserve longtemps à nous et qu'il ajoute à toutes vos belles qualités la tolérance et cette qualité qui brillait d'un si lumineux éclat dans votre ami Enfantin : la compréhension des opinions d'autrui. Bien vôtre de cœur (Signé) Emile Ollivier3116." ’ Arlès-Dufour, toujours bouillant, nous le connaissons. Perspicace, également : le 2 janvier 1870, Emile Ollivier constitue le ministère...

Clairvoyant, encore, il l'est, lorsque, de retour d'une nouvelle cure à Kessingen, ne ménageant pas critiques et suggestions à son ami Guéroult pour la tenue de son journal L'Opinion nationale, il en vient, en septembre 1868, à donner sa vision de l'avenir des relations sociales : ‘ "La société, tout comme le prolétariat, est destinée à se transformer progressivement. Les sociétés coopératives pour la consommation d'abord, et, plus tard, lorsque l'instruction et l'éducation du prolétaire lui seront fournies, celles pour la production animeront pacifiquement cette heureuse transformation." ’ Puis, il aborde le système de la participation de l'ouvrier aux bénéfices des patrons, pour se féliciter de ‘ "la véritable transition que déjà un certain nombre d'honorables industriels et négociants ont introduit dans leurs usines ou leurs commerces, autant à leur avantage qu'à celui de leurs ouvriers ou employés." ’Et de citer, à l'appui, la Compagnie des Chemins de Fer d'Orléans, et, ‘ "parmi les industriels, l'honorable et digne Leclaire3117, peintre en bâtiment dont l'organisation mérite l'attention des hommes." ’ ‘ "Pour le moment, conclut-il, c'est à la participation qu'il faut pousser, sans cependant négliger la coopération qui, d'ailleurs, y conduit3118."

Prémonitoire également mais naturel somme toute, se trouve l'intérêt qu'Arlès-Dufour attache à l'idée d'un tunnel creusé sous la Manche. L'idée n'est certes pas nouvelle. Depuis 1751, elle hante quelques cerveaux, parfois avec extravagance. Les Expositions universelles apportent, à diverses reprises, l'occasion de l'évoquer. A l'Exposition de 1867, la reine Victoria assure Napoléon III, déjà acquis, que, ‘ "si le projet est réalisable, il a [s]a "bénédiction3119" ’. Pour les saint-simoniens en général, il s'agirait là d'un premier pas vers ‘ l'"association universelle" ’ et, plus particulièrement pour Michel Chevalier et Arlès-Dufour, d'une réalisation symbolique et colossale venant prolonger la conclusion du traité de commerce de 1860.

Dès le début de cette année 1868, Arlès-Dufour souscrit quatre parts, chacune de 500 F, pour le "chemin de fer sous-marin", ses amis Brosset, le préfet Chevreau, Henri Germain et Clément Desormes, chacun une. L'appel du quart des souscriptions se fait présentement, lui rappelle Michel Chevalier3120 qui, avec les Rothschild côté français, et Lord Richard Grosvenor, côté britannique, a constitué le Channel Tunnel Committee. Un an après, l'auteur du Système de la Méditerranée se plaint de "l'aplatissement de tout sentiment généreux" ‘ : "Ceux par qui leur position devraient donner le signal de la générosité intelligente font le contraire. Nous n'avons rien à attendre du nouveau baron Rothschild pour le tunnel sous la Manche. Sa qualité de président de la Compagnie du Nord ne lui a pas paru une raison. Son père n'était pas donnant, mais à son âge il eut fait autrement. [...] Les Anglais du Comité donnent 100 £ st. par mois à M. Bellingham qui est l'agent actif de leur Comité. En France, la Compagnie de chemin de fer dont l'entreprise du tunnel accroîtrait considérablement les recettes, n'entend pas donner un centime, ni l'avancer car si la chose a de la suite ce ne sera qu'une avance. Le temps des conservateurs bornés est revenu, cher ami. [...] En attendant que la révolution vienne ou ne vienne pas, je me demande à qui nous pourrions nous adresser pour parfaire ce petit fonds. Donnez-moi quelques idées là-dessus. Indiquez-moi quelques noms3121."

Mais au mois de mai 1869, Michel Chevalier revient auprès d'Arlès-Dufour au sujet du "chemin de fer sous la Manche3122". Selon toute apparence, il y a dissension entre eux au sujet de l'agent français chargé des démarches pour le "railway souterrain", que Chevalier ne cite que par "Th." ou "Tho.". Attendait-il, de plus, de son ami pourtant vieilli une collaboration majeure au sein du comité ? Et de formuler ses griefs : ‘ "En un mot, vous avez totalement perdu de vue l'objet que nous avions en vue, la préparation d'une grande entreprise internationale, la haute convenance de faire concourir la France à cette préparation. Sans vous en rendre compte, vous avez accepté un de ces rôles négatifs que jadis vous réprouviez tant, et qui répugnaient à votre généreuse nature. Vous vous êtes fait le dissolvant de l'entreprise de ce côté du Channel. Grâce à vous, cher ami, il n'y a plus de comité français. [...]"

Excuse ou pas, en ces années 1868-1869, celui qui est promis à la vindicte des comités français et anglais poursuit simultanément un autre objectif. Un nouveau ! Dès la période héroïque, il a été initié à la nouvelle médecine par son inventeur lui-même. Depuis, il n'a cessé, nous l'avons dit3123, de se passionner pour l'homéopathie, l'expérimentant sur lui-même, soignant famille et amis selon les préceptes de la doctrine, entouré des conseils de praticiens, tels le docteur Love de Paris, ou le docteur Curie, installé un temps à Londres. A Lyon, il a fait venir d'Allemagne le jeune docteur Gérard, ‘ "emporté par une maladie de poitrine" ’ peu après son arrivée. Il l'a fait suivre du docteur Noack3124, ancien médecin-chef de l'hôpital de Leipzig3125. Au point que Pauline croit pouvoir affirmer, après la mort de son mari, qu'il introduisit cette science en France en 18423126. La chose est inexacte. En effet, si Lyon est bien le premier berceau de l'homéopathie en France, le mérite en est unanimement reconnu, à compter de 1830, au comte des Guidi venu à cette pratique deux ans plus tôt3127, à l'âge de 61 ans. Quels furent les liens qui, en principe, unirent ces adeptes lyonnais du docteur Hahnemann dont Arlès-Dufour reçut les soins dès 1822 en Saxe, avant d'en devenir le disciple reconnaissant et l'ami ? Ils nous demeurent inconnus.

De toute façon, cinq ans après la mort en mai 1863 de Sébastien des Guidi, Arlès-Dufour parachève l'oeuvre entreprise. Autorisé par arrêté préfectoral du 15 novembre 1868, il ouvre au 23 de la rue du Bât-d'Argent, au 3e étage, le Dispensaire homoeopathique [sic3128] de Lyon. Les consultations sont données tous les lundis, mercredis et vendredis de seize à dix-huit heures. Ce dispensaire a pour but de secourir indistinctement tous les malades nécessiteux qui sollicitent ses soins et pourvoit à ses besoins par des souscriptions de vingt francs. Il est à supposer que son président Arlès-Dufour participe largement à l'installation de cette unité, à ses frais de fonctionnement et au contrôle de sa gestion. Pour ce faire, il est assisté d'un certain Ogier3129 en qualité de vice-président, d'un secrétaire A. Raison, professeur et comptable, et, comme trésorier, d'un chef de bureau à la préfecture nommé Toscan. Quant au personnel médical, il est composé de trois médecins, les docteurs Lembert, professeur de chimie à La Martinière, Noack fils, venu comme son père à l'homéopathie et exerçant principalement au 37 rue Impériale, et Frestier3130.

1869, une année une nouvelle fois bien remplie, malgré les soixante et onze ans qui pèsent sur les épaules de l'entrepreneur à la volonté indomptable. Courant avril, le voici, en famille, en Algérie venu retrouver son fils cadet. Les améliorations apportées par Armand dans ses exploitations de la Mitidja s'avèrent déjà remarquables. Sa sœur Adélaïde et son mari Maurice Chabrières étaient de ces retrouvailles. Rentrée plus tôt en métropole avec lui, Adélaïde redécouvre les charmes printaniers de Montroses, magnifiquement entretenu par son personnel domestique : ‘ "La campagne est verte et fort jolie. Tous les arbres fruitiers sont en fleurs, les massifs sont garnis de fleurs printanières et le jardin admirablement bien tenu ; vous serez très contents à votre retour de la maison et de la propriété3131" ’, écrit-elle à ses parents.

Arlès-Dufour en 1869, peint par Joseph Bonnat
Arlès-Dufour en 1869, peint par Joseph Bonnat

(coll. particulière)

Fin juillet et courant août, la classique cure thermale ne figure pas, sauf erreur, dans l'emploi du temps. En cette période et pour la seconde fois de l'année, Arlès-Dufour est parmi ses amis britanniques3132. Il dîne et couche chez Samuelson, il déjeune et lunche avec le professeur Rogers. L'éditeur des discours de Bright et de Cobden lui fait les honneurs d'Oxford. Là, parmi sept mille personnes, il assiste "sans sommeiller" à une matinée religieuse d'une durée dépassant deux heures où brille le prédicateur baptiste Spurgeon, ‘ "comme pas un prédicateur catholique ou protestant3133." ’ Quelques jours après, il est à Bristol, y rencontre Mme Morehouse3134, puis est hébergé comme à l'accoutumée chez les Leaf à Streatham. Enfin, il dîne à Londres avec "trois ministres" (non cités), le libéral Bright mentionné plus loin faisant certainement partie du lot3135. La situation internationale ne peut, à l'évidence, qu'être abordée en leur compagnie.

C'est que depuis des mois et chaque jour davantage, bien avant ce nouveau séjour britannique, la situation intérieure et extérieure, afflige le voyageur maintenant de retour. De façon quelque peu inconséquente, il a continué et continue de placer ses espoirs de sursaut politique dans le cousin de l'Empereur, pourtant mis à l'écart. Il est vrai que, même installé en Suisse, les séjours du prince à Paris, entre deux vendanges à Prangins3136, ne le font pas disparaître complètement des familiers de Napoléon III. Les avis, les suggestions, les mises en garde, les avertissements, les rappels au devoir, en provenance d'Oullins, se succèdent à l'intention de "Plon Plon3137". L'année précédente, le 11 septembre 1868, son attention était déjà attirée ‘ "sur les rapides progrès que font le mécontentement et la désaffection dans toutes les classes de la population. Il est vrai ’ ‘ , était-il commenté ’ ‘ , que, depuis quelque temps surtout, tous les employés du gouvernement, du haut en bas, et du bas en haut, agissent comme s'ils étaient payés ou inspirés par les partis pour ruiner et décrier le gouvernement de l'Empereur. Le sait-il ? S'en doute-t-il ? Ne devriez-vous pas l'éclairer ? Ne craignez-vous pas que l'enthousiasme et les démonstrations de l'armée le grisent ou l'aveuglent ? Ce que je puis vous affirmer, c'est qu'on rencontre aujourd'hui des hommes bien placés qui, il y a quelque temps tremblaient à l'idée d'un changement de gouvernement et qui, aujourd'hui en arrivent à dire, même ’ ‘ tout haut, tout plutôt ce qui est3138. [...]"

"Ce que vous me dites de la situation n'est que trop vrai ! lui répondait le prince. Mais qu'y puis-je ? Me désoler comme Cassandre sur cet esprit de vertige et d'erreur3139 [...]." ’ La réponse n'est pas de nature à satisfaire le destinataire. Il revient à la charge. Et en attendant la nouvelle réponse du prince, Hubaine, son chef de cabinet, lui fait observer, le 22 février 1869 : ‘ "Je sais que vous ne vous résignez pas facilement au rôle de Saint-Jean prêchant dans le désert. [...] Vous voulez que le prince avertisse en haut et crie "gare", dut-il s'égosiller en vain. Ce n'est pas d'hier qu'il a crié "gare" et qu'il a manifesté ses opinions sur la funeste influence cléricale ; quels résultats ont-ils amené ? Ils ont mécontenté tout le monde, et ceux qui recevaient les avis et ceux contre qui ils étaient donnés3140. [...]"

Alors, en désespoir de cause, le 2 avril 1869, Arlès-Dufour choisit de s'adresser directement à l'Empereur. Les relations qu'il entretient avec le souverain l'y autorisent : ‘ "Sire, Permettez à un homme qui a depuis longtemps son bâton de maréchal et qui, personnellement, ’ ‘ n'a rien à craindre ni à attendre du pouvoir quelqu'il soit, mais qui nourrit un profond sentiment du bien public3141, d'exprimer à Votre Majesté une opinion qui agite bien des têtes et bien des cœurs dévoués au maintien de ce qui est. Le Pays est inquiet de tout ce qui se passe et du mystère dont on semble à plaisir entourer sa destinée - Il finit par tout soupçonner même l'absurde.

"Il croit que c'est un parti pris de le troubler, de l'inquiéter dans sa vie de travail ou de rigueur afin de le pousser à désirer en désespoir de cause et à demander la guerre qu'il déteste plutôt qu'à trembler toujours pour son lendemain. La peur, la méfiance que votre gouvernement montre à propos des élections et, vraiment, à propos de tout, est la plus grande cause de l'inquiétude profonde et générale.

"Les hommes de cœur dont je parle pensent que l'état de la France, et je dirai même de l'Europe qui se défie d'elle, comme elle se défie de son gouvernement, changerait à vue d'œil, que la confiance et le [mot illisible] rentreraient dans leur esprit, l'activité dans le travail et les transactions3142. [...]"

Le mois suivant, les élections législatives sont désastreuses pour le pouvoir, le scrutin donnant 3.350.000 voix à l'opposition et un million de voix de plus, seulement, au gouvernement3143... La leçon est sévère.

Le 8 mai 1870, un plébiscite appelle le peuple à entériner les réformes libérales accordées par l'Empereur. C'est un succès ! Malgré deux millions d'abstentions, le souverain peut déclarer devant le Corps législatif ‘ : "Nous pouvons envisager l'avenir sans crainte."

Le 16 mars de l'année précédente, Arlès-Dufour poursuivait son harcèlement épistolaire auprès du prince Napoléon. S'élevant contre l'opinion exprimée par son chef de cabinet, il exhortait le cousin de l'Empereur : ‘ "Il ne vous est pas permis de vous laisser décourager par l'insuccès, ni même par les ennuis et désagréments que vous causent vos avertissements en haut lieu. Vous devez persévérer quand même, ne serait-ce que pour en retirer la satisfaction du devoir accompli jusqu'au bout qui sera l'abîme peut-être : mais shame ! shame ! shame ! Vous préférez le kief de l'Allah karim oriental, ou du stupide Dieu est grand chrétien, en ajoutant peut-être la fameuse devise du Dieu protège la France, qu'on a laissé envahir deux fois, et qu'il laisse hébéter par ceux qui se disent ses représentants sur la terre et qui lui préparent une troisième invasion ou une nouvelle révolution3144 ."

En 1870, la France sera envahie pour la troisième fois en un siècle. Une révolution, la Commune, lui succédera...

Notes
2972.

Lettre du prince Napoléon (sans en-tête et bordée de noir) 6 mars 1865, à Arlès-Dufour (Archives familiales).

2973.

Cité par Octave Aubry, Le Second Empire, op. cit., p. 316. Cet auteur annonce prématurément, comme on le verra, la retraite définitive du prince dans son domaine de Prangins (Suisse).

2974.

Lettre signée Poissonnière, Maison de S.A.I. Mgr le Prince Napoléon - Service du 1er Aide de Camp, Palais Royal, Paris, 23 juin 1865, à Arlès-Dufour (Archives familiales).

2975.

Bixio (1808-1865), ancien chef du parti libéral sous Louis-Philippe, fondateur avec Buloz de la Revue des Deux Mondes.

2976.

Lettre du prince Napoléon (Cachet sur l'enveloppe "Son Altesse Impériale le Prince Napoléon"), Palais Royal, Paris, 28 décembre 1865, à Arlès-Dufour (Archives familiales).

2977.

Rapporté par les Frères Tharaud, Grands reportages, p. 51.

2978.

Octave Aubry, Le Second Empire, op. cit., p. 322.

2979.

Lettre de Wilhelm von der Heydt, Berlin, 24 janvier 1863, à Arlès-Dufour (Archives familiales). Nous ignorons la nature de ces "divergences" et de quelle "démission du service public" il s'agit.

2980.

Brouillon du 10 avril 1866 d'Arlès-Dufour à Pereire et Michel Chevalier. Son texte sera partiellement repris dans une lettre définitive, datée du lendemain aux mêmes. C'est à ce dernier texte que nous faisons appel dans ce qui suit (Archives familiales).

2981.

Quelques semaines plus tôt, Adolphe Guéroult, ami d'Arlès-Dufour, avait publié dans L'Opinion nationale du 7 novembre 1865 des réflexions quelque peu similaires. Cependant, c'est à une "Allemagne unie" qu'il attribuait le rôle de bouclier de l'Europe contre la Russie. De plus, il considérait l'alliance de la France avec l'Autriche, souhaitée par le parti catholique, comme rétrograde. (Pierre Guiral, "La presse de 1848 à 1871" in Histoire générale de la presse française, op. cit., t. 2, p.336).

2982.

Lettre d'Arlès-Dufour, 11 avril 1866 à Pereire et Michel Chevalier ((Archives familiales), suite au brouillon de la veille (Cf. note ci-dessus).

2983.

Lettre en anglais d'Arlès-Dufour, Lyon, 10 avril 1866, à "My dear old friend", cette copie faite par une main étrangère (Archives familiales). Il ne fait pas de doute que, selon les écrits concomitants à Pereire et Michel Chevalier, le destinataire de cette lettre soit John Bright.

2984.

Lettre d'Arlès-Dufour, Paris, Sté Gale de Crédit Industriel et Commercial, 66 rue de la Chaussée d'Antin, 8 mai 1866, à sa fille Adélaïde Chabrières (Archives familiales).

2985.

Lettre d'Arlès-Dufour, ? août 1866, à Guéroult (Archives familiales).

2986.

Pierre Guiral, "La presse de 1848 à 1871" in Histoire générale de la presse française, t. 2, op. cit., pp. 337-338.

2987.

Suite de la lettre d'Arlès-Dufour au prince Napoléon, [?] 1866, (Archives familiales), lettre déjà citée au chapitre XXII - Les premières expositions universelles où est reproduite son début.

2988.

Cité par Adrien Dansette, op. cit., p. 239.

2989.

Suite et fin de la lettre d'Arlès-Dufour au prince Napoléon, [?] 1866 (Archives familiales), citée ci-dessus.

2990.

"Ephéméride 1867", Résultats du recensement de population au 25 février 1867, Annuaire administratif et commercial de Lyon... pour 1868.

2991.

Yves Lequin, Les ouvriers de la région lyonnaise... , op. cit., t. I, p. 170.

2992.

Cité par Sreten Maritch, op. cit., p. 61.

2993.

Cf. XXVII - "La révolution du crédit".

2994.

Le Progrès, 28 octobre 1866.

2995.

"Ephéméride 1867", 28 mars 1867, Annuaire administratif et commercial de Lyon... pour 1868.

2996.

Cité par Jean Rivoire, op. cit., p. 29.

2997.

Michel Chevalier [dir.], Exposition de 1867 Paris - Rapports du Jury international, op. cit., t. I, p. II. La collection de ces rapports est rassemblée en 13 volumes.

2998.

Maxime du Camp, "Les chemins de fer à Paris", Revue des Deux Mondes, 1er mars 1868, t. LXXIV.

2999.

"Ephéméride 1867": 17 novembre 1867 : banquet annuel commémoratif des délégations ouvrières à l'Exposition de 1862, Annuaire administratif et commercial de Lyon et du département du Rhône pour 1868.

3000.

"Ephéméride 1866", 21 février 1866, Annuaire administratif et commercial de Lyon et ... pour 1867.

3001.

Lettre de la Chambre de commerce, 28 mai 1867, au sénateur préfet du Rhône (ADR, 8MP 164 Exposition universelle de Paris 1867).

3002.

"Ephéméride 1867", 20 août 1867, Annuaire administratif et commercial de Lyon et... pour 1868.

3003.

Délibération du Conseil municipal de Lyon, 15 mars 1867 (ADR, 8MP 164, cité). La subvention votée pour l'Exposition de Londres de 1862, tant par le Conseil municipal que par la Chambre de commerce, reste d'un montant identique en 1867 (Cf. XXVI - "La mère des ouvriers").

3004.

Cf. XXII - Les premières expositions universelles et XXVI - "La mère des ouvriers". Le règlement général du 7 juillet 1865, approuvé par décret impérial du 12 juillet, définit à nouveau ces fonctions pour l'Exposition dont il s'agit (ADR, 8MP 164, cité). Les comités départementaux ont également pour mission de constituer un fonds, par souscriptions, cotisations et autres, destiné à faciliter les déplacements ouvriers.

3005.

ADR, 8MP 164, cité.

3006.

Composition de la Commission impériale (ADR, 8MP 164, cité).

3007.

Circulaire du "Cercle international du Champ de Mars", 26 Bd des Italiens, Paris, 1er août 1866, annonçant sa création destinée à permettre aux exposants, au sein de l'Exposition, d'y "traiter les affaires commerciales sous l'impression de la comparaison immédiate des produits du monde civilisé." (ADR, 8MP 164, cité)..

3008.

Billet d'Emile Ollivier, 7 mai 1867, à "Mon cher Arlès" (Archives familiales).

3009.

Ibid., "mardi matin" [Mai 1867 ?].

3010.

Auguste Vitu, Paris il y a cent ans, "Exposition universelle 1867", sans n° de page, Paris, 1989, 512 p.

3011.

Michel Chevalier [dir.], Exposition de 1867 Paris - Rapports..., op. cit., t. I, p. II.

3012.

Henri Cozic, "Distribution solennelle des récompenses", L'Illustration, 13 juillet 1867, in Eric Baschet [dir.], Les grands dossiers de l'Illustration : Les Expositions universelles, op. cit., p. 55.

3013.

Edgar Saveney, "Les délégations ouvrières à l'Exposition universelle de 1867", Revue des Deux Mondes, 1er octobre 1868.

3014.

Alphonse Payen, rapporteur de la section 2 "Tissus de soie", ainsi que précisé plus loin dans le texte. Son rapport figure en t. IV, pp. 177 à 208, in Michel Chevalier [dir.], Exposition universelle de 1867 Paris -..., op. cit.

3015.

Lettre de Louis Reybaud, Paris, 6 rue Blanche, 31 mai 1867, à Arlès-Dufour (Archives familiales). Louis Reybaud est notamment l'auteur de Jérôme Paturot à la recherche d'une position sociale. Dans les archives privées d'Arlès-Dufour, nous n'avons pas trouvé d'autre rapport entre l'expéditeur et le destinataire.

3016.

"Note pour Messieurs les membres du jury des récompenses de la 31e classe" diffusée par la maison Pramandon, Veyret et Coront, 5 quai Saint-Clair à Lyon, s.d. (Archives familiales).

3017.

"Ephéméride 1867", 1er mai 1867, Annuaire administratif et commercial de Lyon... pour 1868.

3018.

Lettre d'accusé de réception de la grande médaille d'or par Brosset, président de la CCL, au préfet du 16 septembre 1868 (nous disons 1868), ajoutant qu'elle sera conservée au Musée d'art et d'industrie de la CCL (ADR, 8MP 164, cité). A noter que "l'Ephéméride 1867", 1er juillet 1867, Annuaire administratif et commercial de Lyon... pour 1868, fait mention de l'attribution d'un grand prix, distinction supérieure.

3019.

Assemblée générale S.E.P.R. du 7 juin 1868 (S.E.P.R. - Compte rendu Année scolaire 1867-1868, op. cit., p. 35.

3020.

Bulletin de l'Académie du Second Empire : Le rôle des Expositions universelles dans l'évolution de la peinture sous le Second Empire, "Documents", p. 20, novembre-décembre 1992, n° 7.

3021.

Raymonde A. Bulger, op. cit., p. 105.

3022.

Lettre d'Arlès-Dufour, Montroses, Oullins, 4 juin 1866, à Julie Daubié (Raymonde A. Bulger, op. cit., p. 99).

3023.

"Ephéméride 1867", 1er juillet 1867, Annuaire administratif et commercial de Lyon... pour 1868. Claude Joseph Bonnet ne survivra guère à cette distinction. Ses funérailles ont lieu le 15 octobre suivant. A cette date, "l'Ephéméride 1867", op. cit., fait le rappel suivant au sujet du disparu : "On doit à cet honorable chef de l'une des premières maisons de soieries de notre ville, et assurément la plus renommée, la fondation des primes d'encouragement distribuées, tous les six mois, aux chefs d'ateliers qui s'étaient distingués par une meilleure fabrication. [...]"

3024.

Lignes, de la main d'Arlès-Dufour (sauf erreur), datées de Kissingen le 20 juillet 1867, à la suite de celles datées de Montroses 1er juin 1861, elles-mêmes faisant suite à un nouveau testament rédigé à Oullins le... 1er janvier 1871 ! Sans doute, s'agissait-il d'un rappel, à l'intention de ses héritiers, de la détention d'un double par Brosset.

3025.

Rappel "des instructions d'ancienne date" (soit de la "lettre autographe du 20 juillet 1867") contenu dans le testament d'Arlès-Dufour "refait à Oullins le 7 octobre 1870" (Archives familiales).

3026.

Lettre de Michel Chevalier, 1er août 1867, en réponse à celle d'Arlès-Dufour du 29 juillet (Archives familiales), toutes deux apparemment et respectivement à destination et au départ de Kissingen.

3027.

Jean Walch, Michel Chevalier, économiste... , p. 49, note 107.

3028.

Lettre de Michel Chevalier, 16 novembre 1867, à Arlès-Dufour (Archives familiales).

3029.

Ibid., 20 novembre 1867.

3030.

Ibid., 16 novembre 1867, citée.

3031.

René du Merzer, "Distribution solennelle des récompenses", L'Illustration, ? [1867], in Eric Baschet [dir.], Les grands dossiers de l'Illustration : Les Expositions universelles, op. cit., p. 68.

3032.

Lettre d'Arlès-Dufour, s.d. [Juillet-août 1867], au ministre de l'Agriculture, du Commerce et des Travaux publics (Archives familiales).

3033.

Lettre d'Alphonse Payen, sur papier à en-tête de l'Exposition comme déjà vu, Paris, 25 septembre 1867, à Arlès-Dufour (Archives familiales).

3034.

Lettre de Michel Chevalier, sur papier à en-tête de l'Exposition, Paris, 28 septembre 1867, à Arlès-Dufour (Archives familiales).

3035.

Ibid., 13 octobre 1867.

3036.

Ibid., 28 septembre 1867, citée.

3037.

Ibid., 15 octobre 1867.

3038.

Ibid., 22 octobre 1867.

3039.

Lettre de Joseph Morel à sa femme, 17 octobre 1867, in H. Morel-Journel, La Famille Morel en Lyonnais et ses alliances, Lyon, Brassard, 1911, citée par Catherine Pellissier, op. cit., p. 143.

3040.

Discours de l'Empereur, distribution des récompenses de l'Exposition universelle, 1er juillet 1867 (Oeuvres de Napoléon III, Plon et Amyot, Paris, 1869, Vol. V, p. 286, cité in Bulletin de l'Académie du second Empire, p. 19, novembre-décembre 1992, N° 7).

3041.

Lettre d'Arlès-Dufour, Lyon, 21 octobre 1867, à Rouher (Archives familiales). Nous devons à la vérité de dire que cette lettre est écrite sous l'influence de celle du 20 octobre 1867, reçue de Michel Chevalier (Archives familiales). Elle en reprend en particulier les expressions de "le sort en est jeté" et de "physiologie politique".

3042.

"Ephéméride 1867", 20 octobre 1867, Annuaire administratif et commercial de Lyon... pour 1868.

3043.

Menu du banquet international du 26 octobre 1867, paru dans Le Figaro du 20 octobre (sic), reproduit par Jean Autin, Les Frères Pereire, ... , op. cit., annexe n° 16, p. 375-377. Cf. idem, p. 289.

3044.

Cf. XXVII - "La révolution du crédit".

3045.

René du Merzer, "Distribution solennelle des récompenses", art. cit. supra.

3046.

Michel Chevalier [dir.], Exposition universelle de 1867 à Paris - Rapports..., op. cit., t. 1, pp. 381-383. Ce "jury spécial" est "institué en faveur des établissements et des localités qui ont développé la bonne harmonie entre les personnes coopérant aux mêmes travaux et qui ont assuré aux ouvriers le bien-être matériel, intellectuel et moral." Comme candidature jugée digne d'être mentionnée, le jury spécial retiendra M. Leclaire et Cie, entrepreneur de peinture à Paris, "un des premiers industriels qui ait organisé pour ses ouvriers le système de participation aux bénéfices."

3047.

Discours de l'Empereur, distribution des récompenses de l'Exposition universelle de Paris, 1er juillet 1867, cité supra.

3048.

Lettre d'Arlès-Dufour à sa femme (Archives familiales), 31 octobre 1867, datée inexactement. Les "jours de grâce" de l'Exposition dont il parle sont ceux compris entre le vendredi 1er et le dimanche 3 novembre. Le contenu de cette lettre est utilisé pour ce qui suit.

3049.

Bulletin de l'Académie du Second Empire : La renaissance de la marine, octobre 1992, n° 6, p. 24.

3050.

George Valance, "Un vieux rêve - Bien avant Maastricht, les Européens ont tenté de se doter d'une monnaie commune, sinon unique", Le Figaro, 1er janvier 1999.

3051.

Lagrange et Léoville, crus classés de vins de Bordeaux.

3052.

Nous lisons textuellement, à la date du 5 juin 1867, in "Ephéméride 1867", Annuaire administratif et commercial de Lyon... pour 1868, : "M. William Leat de Londres pose la première pierre de l'église anglaise qui va s'élever sur le quai d'Albret." Contact pris auprès du pasteur de l'Eglise anglicane, il convient bien de lire le nom de l'ami d'Arlès-Dufour, Leaf et non Leat.

3053.

Personnage non identifié.

3054.

Lettre d'Arlès-Dufour, Paris, 31 octobre 1867, à Pauline (Archives familiales).

3055.

Lettre de Bowring, Claremont, Exeter, 20 septembre 1867, à Arlès-Dufour (Archives familiales).

3056.

Lettre de Michel Chevalier, Paris, 1er septembre 1867, à Arlès-Dufour (Archives familiales).

3057.

Ibid., 28 septembre 1867 : "Je sais la visite que le Prince Napoléon vous a faite, je sais aussi que vous avez pu le conduire chez Lamy". Il s'agit apparemment du soyeux recommandé pour les décorations par Arlès-Dufour, comme vu dans le texte.

3058.

Lettre de Michel Chevalier, 1er août 1867, à Arlès-Dufour (Archives familiales).

3059.

A. Hodieu, op. cit., p. "(76) [sic]".

3060.

Lettre de Michel Chevalier, sur papier de l'Exposition universelle, sous objet "Légion d'honneur - M. Arlès-Dufour de la Commission impériale et du jury recommandé pour le grade de grand-officier", 16 octobre 1867, au ministre d'Etat et des Finances (Archives familiales).

3061.

Lettre de Michel Chevalier, 22 octobre 1867, à Arlès-Dufour (Archives familiales).

3062.

Ibid., 9 août 1867.

3063.

Michel Chevalier, M. Arlès-Dufour, op. cit.

3064.

Frédéric Passy, "Ceux qu'il faut honorer - Martin-Paschoud", La Paix par le droit - Revue de la Paix, juillet 1910, n° 7, p. 393.

3065.

Frédéric Passy, "Ceux qu'il faut honorer - Arlès-Dufour", ibid., juin 1910, n° 6, p. 323.

3066.

Son oncle Hippolyte Passy le précéda à ce poste vers 1869 (Frédéric Passy, "Ceux qu'il faut honorer - Gladstone et Cobden", ibid., avril 1911, n° 4, p. 191.

3067.

Frédéric Passy, "Ceux qu'il faut honorer", La Paix par le droit - Revue de la Paix, mai 1910, n° 5, p. 259.

3068.

OSSE, Vol. 13, p. 132.

3069.

Copie de notes prises par ma mère Pauline Arlès-Dufour sur la vie de notre père François Arlès-Dufour, cité (Archives familiales).

3070.

Lettre (en français) du "Kabinets - Secretariat - I. Maj. Der Königin", Berlin, 6 février 1869, à Arlès-Dufour (Archives familiales).

3071.

Nous ignorons qui occupa les fonctions de président. Apparemment, Frédéric Passy ne cessa pas d'en faire office. Pour H.-R. d'Allemagne, Prosper Enfantin..., op. cit., p. 201, Arlès-Dufour aurait été nommé vice-président de la Ligue internationale et permanente de la Paix en 1869. A noter qu'Arlès-Dufour occupait déjà cette fonction, comme il le rappelle, de Paris, dans une lettre du 14 avril 1868 à von der Heydt. Dans cette même lettre, il se félicite de l'adhésion à la Ligue de la reine Augusta et se propose de demander l'autorisation de convoquer les adhérents français et étrangers de la Ligue et, si cette autorisation lui est refusée, d'organiser cette réunion à Bruxelles... (Archives familiales).

3072.

Le 24 juin 1869, Michel Chevalier devait présider "avec un éclat particulier la séance publique de la Ligue internationale [et permanente] de la Paix" (G. Vapereau, op. cit., p. 422). Cette date est due à la bibliographie fournie par Jean Walch, Michel Chevalier, économiste... , op. cit., p. 506.

3073.

Frédéric Passy, "Ceux qu'il faut honorer - Arlès-Dufour", art. cité, p. 324.

3074.

Frédéric Passy, "Ai-je eu tort ?", La Paix par le droit - Revue de la Paix, octobre 1910, n° 10, p. 578.

3075.

Guizot, "La France et la Prusse devant l'Europe", Revue des Deux Mondes, 15 septembre 1868, p. 266.

3076.

I. Tchernoff, op. cit., pp. 467-468. Au congrès de cette Ligue de la paix tenu à Lausanne, la France se trouvait notamment représentée par Victor Hugo, Louis Blanc, Quinet, Carnot, Lemonnier, Massol, Jules Vallès, Littré.

3077.

Lettre de l'Union de la Paix, Le Havre, 30 novembre 1867, transmissive du diplôme de Membre d'honneur de cette société, à Arlès-Dufour (Archives familiales).

3078.

"Ephéméride 1867", 2 mai 1867, Annuaire administratif et commercial de Lyon... pour 1868, op. cit.

3079.

Lettre de Michel Chevalier, 1er septembre 1867, à Arlès-Dufour (Archives familiales).

3080.

Ibid., 10 septembre 1867.

3081.

Ibid., 22 septembre 1867.

3082.

Selon lettre d'Arlès-Dufour, Golfe de Juan (sic), 31 janvier 1868, au sénateur, préfet du Rhône (Archives familiales).

3083.

Juliette Lambert, son nom de plume étant Juliette Lamber (sans "t"), future Juliette Adam, née en 1836, mourra quasi centenaire à l'âge de 99 ans et dix mois.

3084.

Maxime du Camp, Souvenirs d'un demi-siècle, op. cit., t. 2, p. 88.

3085.

Manon Cormier, op. cit., pp. 41-42. Pour étayer cette information, notons que, dans la préface de cet ouvrage, Manon Cormier fait état de sources émanant de Mme Paul Segond ; il s'agit d'Alice, fille de Juliette Adam, née Lemessine d'un premier mariage. D'autre part, Paul Segond est le fils d'amis intimes des Arlès-Dufour, les Segond étant souvent cités par Pauline Arlès-Dufour dans son Carnet - Cannes. Villa Bruyères - 9 décembre 1871 / 22 avril 1872 (Archives familiales) dont il sera question dans le chapitre suivant.

3086.

Marie-Thérèse Guichard, op. cit., p. 24.

3087.

Manon Cormier, op. cit., p. 51.

3088.

Ibid., p. 62.

3089.

Juliette Adam y reçoit notamment Gambetta et Thiers. Elle demeure ensuite Boulevard Poissonnière (Juliette Adam, Mes illusions et..., op. cit., p. 51).

3090.

Lettre d'Arlès-Dufour, Golfe de Juan (sic), 31 janvier 1868, au sénateur préfet du Rhône, citée.

3091.

Lettre du sénateur, préfet du Rhône, Chevreau, sur papier à en-tête du Cabinet, 9 février 1868, à Arlès-Dufour (Archives familiales).

3092.

G. Vapereau, op. cit.

3093.

Lettre d'Arlès-Dufour, Oullins, 4 juin 1868, en réponse à celle de Soulary du 31 mai (Archives familiales).

3094.

Kleinclausz, op. cit., p. 189. Le journal La Discussion disparaîtra le 15 août 1869, victime des rigueurs de la justice impériale.

3095.

Cette position est bien saint-simonienne. Elle fut exprimée dès 1832 dans un manifeste affiché sur les murs de Paris dans les termes suivants : "Nous aimons tous les partis, parce que chacun a quelque chose en soi de juste, de bon, de légitime. Mais nous ne sommes avec aucun parti parce qu'aucun ne peut triompher sans tyranniser les autres, parce qu'aucun ne peut faire le bonheur de la France, puisque le bonheur est dans la paix, dans l'union, dans le travail, dans la richesse, et que tous les partis sont obligés d'employer, pour réussir, la guerre, la discorde, la haine, ennemies du travail et de la richesse." (OSSE, Vol. 24, p. XXIX-XXX).

3096.

Nous jugeons bon de donner ici les suite et fin de cette lettre du 4 juin 1868 à Soulary, citée, : "Il faut que vos amis aient peu conscience du mouvement et des besoins actuels de l'esprit public politique, pour croire qu'ils agiront sur lui par une publication hebdomadaire, forme des temps passés ; s'ils comprenaient ce mouvement, ils auraient le courage de faire du neuf en vue des événements décisifs que vous présagez, et ils créeraient un organe populaire paraissant soir et matin, ils n'attendraient pas pour arriver au luxe de la quotidienneté que les souscriptions le leur permettent.

"S'ils avaient une foi robuste, et une conscience nette des idées qu'ils veulent propager ou combattre, ils sauraient faire et susciter les sacrifices nécessaires, ainsi que firent les Saint-simoniens aux temps héroïques, en donnant pour rien pendant 3 ans le Globe, qui est devenu et est resté l'arsenal où puisent les philosophes et les grands journalistes de notre époque.

"Pour toutes ces raisons, je m'en tiens, pour le moment, à l'Opinion Nationale et au Progrès, où je suis sûr de trouver accès pour moi et mes amis, lorsque nous aurons à traiter des questions sociales, religieuses ou politiques.

"Je n'en souhaite pas moins de tout mon cœur réussite à La Discussion et à tous les journaux qui se fonderont dans un but d'intérêt général et non personnel.

"Je suis certain que, quel que soit celui qui aura l'avantage de votre coopération, il trouvera en vous un rédacteur dévoué aux idées grandes, généreuses et libérales. Votre vieil ami (signé) Arlès-Dufour."

3097.

Cf. XXIX - La "transformation" d'un ami.

3098.

Lettre d'Arlès-Dufour, s.d. [1868], sur papier à en-tête de la maison Arlès-Dufour et Cie à Paris, au curé d'Oullins (Archives familiales).

3099.

Cf. chapitres XXVIII et XXIX.

3100.

Lettre d'Arlès-Dufour, s.d. [début 1868], au sénateur préfet du Rhône, transmissive du dossier de demande d'autorisation de la bibliothèque populaire d'Oullins (Archives familiales).

3101.

Cf. articles divers du Progrès, notamment 28 février et 3 mars 1868.

3102.

Date donnée sous réserves.

3103.

Arrêté et lettre de la préfecture du Rhône, Administration, 1e Division, 2 avril 1868 : Bibliothèque populaire d'Oullins, à Arlès-Dufour (Archives familiales).

3104.

Il s'agit de Indiana, Lélia, Spiridion et Melle de la Quintinie de George Sand et de Le juif errant, Les Mystères de Paris et Les Sept péchés capitaux d'Eugène Sue.

3105.

Lettre de la préfecture du Rhône, 8 juin 1868, à Arlès-Dufour (Archives familiales).

3106.

Lettre d'Arlès-Dufour, Oullins, 10 juin 1868, au sénateur-préfet (Archives familiales).

3107.

Pour mémoire, extrait de la lettre privée du 18 juin 1868 adressée par Arlès-Dufour au sénateur-préfet du Rhône, déjà cité au chapitre I - L'enfance, "la jeunesse et la misère".

3108.

Lettre d'Arlès-Dufour, Oullins, 18 juin 1868, à "Cher sénateur" (Archives familiales).

3109.

Outre les correspondances aux signatures indéchiffrables et celle de Juliette Adam dont il sera question plus loin, signalons celle de Ch. Souvestre, Paris, 14 juin 1868, qui signale avoir fait un envoi - au contenu ignoré - en son nom et en celui d'Arlès-Dufour, au pasteur Magnin de Vernoux (Ardèche), au président Bonjean, Sainte-Beuve l'ayant reçu depuis longtemps ; celle de Ch. Bergeron, sur papier à en tête des "Chemins de fer de la Suisse occidentale - Direction de l'exploitation Laurent et Bergeron", Lausanne, 24 juin 1868, sollicitant par la même occasion l'augmentation de 60 à 100 F de la pension mensuelle versée à Pierre Leroux, en complément des 100 F en provenance des Pereire.

3110.

Lettre de Juliette Adam, qui signe "Juliette Lamber Mme Edmond Adam", Paris, 25 juin 1868, à Arlès-Dufour. L'invitation pour novembre est retenue, vraisemblablement de s'arrêter à Montroses sur le chemin de Golfe-Juan. Toute la famille Arlès-Dufour paraît parfaitement connue d'elle (Archives familiales).

3111.

Lettre de Michel Chevalier, 20 juin 1868, à Arlès-Dufour (Archives familiales). Désiré Nisard, ancien inspecteur général de l'enseignement supérieur, ancien directeur de l'Ecole normale supérieure, sénateur en 1867 et, à ce titre, rapporteur de la question dont il s'agit (G. Vapereau, op. cit.).

3112.

Ministre de l'Intérieur depuis novembre 1867 (G. Vapereau, op. cit.).

3113.

Lettre d'Arlès-Dufour, 11 septembre 1868, au prince Napoléon (Archives familiales).

3114.

Copie de notes prises par ma mère Pauline Arlès-Dufour..., document cité.

3115.

Emile Ollivier, op. cit., pp. 331-332.

3116.

Lettre d'Emile Ollivier, 17 juillet 1868, à Arlès-Dufour (Archives familiales). Cette brouille ne fut que passagère ; voir à ce sujet XXV - De longs efforts couronnés de succès.

3117.

Cf. note supra dans le même chapitre.

3118.

Lettre d'Arlès-Dufour, Oullins, 30 septembre 1868, à Guéroult. Cette lettre est classée par Arlès-Dufour dans un dossier ouvert par lui sous le titre "Conseils d'ami à Guéroult pour son journal." (Archives familiales).

3119.

Foreign & Commonwealth Office London, Le tunnel sous la Manche, Londres, 1994, 26 p.

3120.

Lettre (bordée de noir) de Michel Chevalier, Lodève (venu dans le département pour le Conseil général), 14 janvier 1868, à Arlès-Dufour (Archives familiales).

3121.

Lettre (bordée de noir) de Michel Chevalier, 27 avenue de l'Impératrice, Paris, 4 février 1869, à Arlès-Dufour (Archives familiales).

3122.

Ibid., 17 mai 1869. Cette lettre s'achève en ces termes : "Vous trouverez l'article sur notre ami M. Brosset dans Les Débats du 9 courant. J'ai dû y placer convenablement votre nom. Ma citation de discours, excellent discours, de Brosset a eu cette chance que l'auteur de la chronique de la Revue des Deux Mondes du 15 l'ait remarquée et il en a reproduit quelques lignes."

3123.

Cf. XXIV - "Rien sans peine"...

3124.

Copie de notes prises par ma mère Pauline Arlès-Dufour..., cité.

3125.

Henri Jarricot, "Lyon, berceau de l'homéopathie en France", Cahiers lyonnais d'histoire de la médecine, 1956, t. 1, N° 1.

3126.

Copie de notes prises par ma mère Pauline Arlès-Dufour..., cité. Pauline y précise également que son mari convertit son ami Leaf à cette médecine et que, par celui-ci, elle fut introduite en Angleterre. Si nous la comprenons bien, elle enchaîne en ajoutant qu'Arlès-Dufour fit venir de Londres à Lyon le docteur Curie. L'exercice à Lyon de ce praticien n'est pas confirmé par divers ouvrages et articles sur l'histoire de l'homéopathie dans cette ville, mais nous avons connaissance de plusieurs de ses lettres d'Angleterre donnant consultations et évoquant rencontres amicales dans la capitale britannique.

3127.

Henri Jarricot, art. cit. supra.

3128.

Guide Indicateur de la Ville de Lyon, Labaume, 1869, P. 942.

3129.

Est-ce son ami à propos duquel nous nous sommes interrogés sur le nom exact (Oger ou Ogier) au chapitre XXIII - Gestion et spéculation ? Ici, il est signalé comme domicilié au 5 quai Castellane.

3130.

Guide Indicateur de la Ville de Lyon, Labaume, 1869, P. 942.

3131.

Lettre d'Adélaïde Chabrières , Oullins, 14 avril 1869, à ses parents restés en Algérie (Archives familiales).

3132.

Pour mémoire, il avait participé en mai/juin 1869 au Cooperative Congress de Londres (Cf. XXVII - "La révolution du crédit").

3133.

Lettre d'Arlès-Dufour, Oxford, 1er août 1869, à sa famille d'Oullins (Archives familiales).

3134.

Cette Mme Morehouse paraît bien au courant des exploitations d'Armand en Algérie. Son mari y semble associé. Elle estime que celui-ci et Armand "ne marcheront pas longtemps d'accord ensemble, leurs vues, leurs opinions et leurs caractères étant extrêmes." (Lettre d'Arlès-Dufour, 6 août 1869, citée infra).

3135.

Lettre d'Arlès-Dufour, Athenaeum Club, Londres, 6 août 1869, à sa famille (Archives familiales).

3136.

Les premières vendanges sont effectuées par le prince en septembre 1868, selon sa lettre "Ville de Prangins- près Nyon - Canton de Vaud - Suisse", 16 septembre 1868, à Arlès-Dufour, Oullins ((Archives familiales).

3137.

Surnom donné au prince Napoléon.

3138.

Le prince Napoléon rentrait d'un voyage l'ayant amené en particulier à Vienne et à Berlin, selon lettre d'Arlès-Dufour, 11 septembre 1868, au prince Napoléon, citée.

3139.

Lettre du prince Napoléon, 16 septembre 1868, à Arlès-Dufour, citée.

3140.

Lettre "Cabinet de SAI Mgr le Prince Napoléon, sous la signature d'Hubaine, 22 février 1869 (Archives familiales).

3141.

Souligné par nous.

3142.

Lettre d'Arlès-Dufour, 2 avril 1869, à Napoléon III, selon brouillon au crayon avec la mention "parfait, pas un mot à changer", à l'écriture inconnue. La suite de cette lettre est malheureusement totalement illisible ((Archives familiales).

3143.

A l'occasion de ces élections de mai 1869, "d'indignes et ignobles calomnies" sont répandues sur Emmanuel Arago. Dans une lettre du 19 mai 1869, Oullins, Arlès-Dufour tient à rendre hommage à l'ancien responsable de l'administration du département du Rhône d'avril 1848 qui sut éviter toute effusion de sang et sauver l'économie lyonnaise de la ruine durant cette période agitée. Cette lettre est rendue publique sous le titre "Emmanuel Arago vengé", sans doute dans Le Progrès des jours suivants.

3144.

Lettre d'Arlès-Dufour, Oullins, 16 mars 1869, au prince Napoléon (Archives familiales).