XXXI - AUX PORTES DE LA NUIT

La guerre est maintenant dans tous les esprits. Elle apparaît inéluctable. Malgré cette angoissante perspective, l'agitation protectionniste reprend à l'approche de l'échéance du traité de commerce franco-britannique conclu dix ans plus tôt. L'appréhension s'installe dans la Fabrique lyonnaise. Une fois encore, Arlès-Dufour reprend le flambeau de la résistance à cette réaction économique.

Le 9 février 1870, au grand théâtre, il préside la réunion de l'Union libérale lyonnaise. En la circonstance, il a fait appel à l'éloquent Frédéric Passy pour combattre les thèses de l'adversaire. Mais le discours de l'orateur est rapidement interrompu par des injures, des gestes hostiles et un tumulte impossible à maîtriser3145. ‘ Les "fils les plus ardents et les plus dévoués" de "la démocratie lyonnaise" ’ sont venus en nombre réclamer ‘ "le programme radical libre-échangiste3146", ’sous la conduite de Ducarre, Meynard et Sébastien Commissaire. Alors, raconte ce dernier, ‘ "le président, M. Arlès-Dufour, se couvre et lève la séance. Le bureau se retire dans les coulisses et la foule à son tour quitte la salle." ’ Telle n'était pas la tournure escomptée, assure le narrateur avec regret avant d'ajouter : ‘ "Nous voulions simplement faire lire publiquement notre programme et démontrer aux organisateurs de la conférence qu'on ne pouvait pas faire de grandes réunions publiques sans le concours des républicains." ’ Des républicains, affirme-t-il plus loin, ‘ qui "croyaient à la possibilité, dans l'avenir, d'établir une fédération des peuples et d'avoir, plus tard, les Etats-Unis d'Europe3147." ’ Un espoir, même s'il réfute toute option politique, qu'Arlès-Dufour entretient depuis longtemps ! Cet espoir est sur le point d'être ruiné. A l'effroyable douleur de la déclaration de guerre, va se greffer l'angoisse de voir poindre après la défaite, avec le retour de Thiers sur la scène politique, la résurgence du protectionnisme. En décembre 1871 - janvier 1872, parmi les rosiers et les orangers en fleurs, Juliette Adam accueille une nouvelle fois, "à Bruyères" comme elle dit de sa villa de Golfe-Juan, ‘ "[s]on vieil ami le plus cher3148" ’en compagnie de Pauline. De l'anxiété de son invité, l'ardente républicaine en porte témoignage dans son ouvrage Mes angoisses et nos luttes. Elle écrit ‘ : "Ce qui préoccupe le plus dans la politique Arlès-Dufour, c'est la question des tarifs, des matières premières, etc. Lui, qui a fait le libre échange avec Cobden, s'emporte à tous moments contre "l'aveugle protectionnisme du petit Thiers". ’ Il l'exècre et ne cesse d'appeler sur lui les malédictions du ciel." Il s'en explique auprès d'elle ‘ : "Le capital métallurgique de la France s'est accru de deux milliards en cinq ans. Si on revient au protectionnisme tout est perdu. Ce "petit bourgeois", négateur des chemins de fer, du suffrage universel, du libre échange, me ’ ‘ représente le flot montant de la réaction. Tout notre travail de libération et d'émancipation se perd avec lui. Il nous donnera le comte de Chambord3149."

Au cours de ce mois de janvier 1872, alors que Le Journal de Lyon daté du 20 s'interroge sur l'éventuelle démission de Thiers, son confrère du Salut public fait part, trois jours après, du décès d'Arlès-Dufour. Et c'est pour remarquer : ‘ "M. Arlès-Dufour qui fut l'un des plus vigoureux défenseurs de la cause du libre-échange, meurt le lendemain de la plus insigne victoire qu'ait remporté ce principe, au triomphe duquel il avait voué ce qui restait d'énergie et d'ardeur à sa verte vieillesse3150."

(Le journal amusant, n°754, 1870).

Cette "verte vieillesse", à l'instar des longues années précédentes, devait lui permettre aussi de poursuivre ses efforts en vue de la formation intellectuelle des masses populaires. Telle son idée d'un athenaeum populaire3151 dont Charles Robert, en la développant, trace le programme fin 1869 : il s'agirait d'un ‘ "véritable monument auquel il faudrait donner le caractère de splendeur et de majesté qu'on cherche dans un temple ou dans un palais. On y trouverait réunis tous les moyens d'instruction répondant aux besoins intellectuels et travaux de l'ordre le plus élevé3152. [...]" ’ Et de l'énumération détaillée qui suit, on ne peut s'empêcher de penser aux réalisations récentes que sont, pour nous, les Maisons de la Culture, le Centre Beaubourg et la Grande Bibliothèque. Des relations empreintes de la plus grande cordialité unissent les deux hommes, encore renforcées par la présence de l'ancien et proche collaborateur de Duruy à la distribution des prix de la S.E.P.R. de juin 18703153, et par ‘ "les doux moments3154" ’ passés avec son épouse dans la famille d'Oullins, en compagnie des Chabrières et de Marie Duveyrier. A la suite de quoi, à l'initiative de Charles Robert pour "son livre d'amitié", on échange des photographies.

Mais, le 15 juillet, en faisant parvenir celle de Mme Robert à l'intention du ménage Arlès-Dufour et en promettant la sienne sous peu, Charles Robert atteste de la gravité du moment : ‘ "Nous sommes sous le poids des préoccupations les plus poignantes. La journée d'hier s'est terminée au milieu d'appréhensions qui laissent entrevoir la guerre et les Chambres entendront peut-être aujourd'hui la déclaration suprême3155." ’ En fait, elle sera prononcée quatre jours après, la France assumant à la face du monde, par l'habileté perfide de Bismarck, la responsabilité de la rupture avec la Prusse3156. "Gare à la rétribution sur les œuvres. Malheureusement, augure Arlès-Dufour ’ ‘ au cours de cette période, les innocents participeront au châtiment qui ne devrait frapper que le coupable. Il est vrai que Dieu ne dit pas aux innocents d'être des moutons ou de vils et plats valets3157."

L'armée française, mal préparée, dans la désorganisation totale, reste inerte. Le 28 juillet, pour prendre le commandement de l'armée, l'Empereur - un ‘ Empereur "affaissé, souffrant3158", à "la volonté abolie3159", ’ ‘ un ’ ‘ "pauvre homme [qui] ne croyait plus en lui3160" ’ - rejoint par le train le grand quartier général de Metz. De là, le prince Napoléon, venu spontanément se mettre à la disposition du ministre de la Guerre3161, répond le 1er août à une lettre alarmée d'Arlès-Dufour du 25 écoulé : ‘ "Ai-je besoin de vous dire, lui demande-t-il, que je n'ai été consulté en rien sur les commandements donnés ; j'ai répondu au général ....3162 qui s'est plaint d'être mis de côté, que j'avais soumis sa réclamation. Je crois que la guerre sera assez longue et sérieuse pour que tout le monde y trouve sa place. Je conçois cependant la susceptibilité du général Palikao. Mille amitiés, occupez-vous de nos blessés, entretenez l'esprit public puisque le seul moyen que la guerre soit courte c'est d'avoir des ... Je vous serre affectueusement la main. Napoléon (Jérôme)3163."

Le destinataire n'a pas attendu le conseil du prince pour s'inquiéter du sort des blessés. Pour preuve, il lui adresse un récent extrait du Salut public, à l'appui de sa réponse du 4 août. Mais il se plaint de la modestie des souscriptions, par comparaison à d'autres. Et d'énumérer le Denier de Saint-Pierre, la Propagation de la Foi, la Sainte-Enfance : ‘ "Il est vrai que par elles, on espère gagner le ciel ou éviter l'enfer, tandis que, par la nôtre, on fait simplement de l'humanité, sans profit pour l'autre monde. Et cependant tous les cléricaux sont pour la guerre, parce qu'elle est contre une nation protestante. Ils mangent le Bon Dieu ou se confessent tous les dimanches, mais ils prient pour l'égorgement de chrétiens protestants par des chrétiens catholiques3164." ’ Mais cette fois sans partialité, il reconnaît la crainte manifestée par certains de voir les dons recueillis adressés à Paris et sans contrôle de répartition. Aussi a-t-il - déjà ! - créé un Comité lyonnais de secours pour les blessés militaires dont il assume la présidence, avec à ses côtés en qualité de vice-présidents, son gendre Maurice Chabrières3165 et le docteur Desgranges3166. Après son décès, Jules Forest en témoignera dans les colonnes du Salut public du 31 janvier 1872 : ‘ "Pour moi, heureux et constant témoin de ses généreuses aspirations, lorsqu'il présidait le Comité répartiteur à la Société Lyonnaise de Secours pour les Blessés Militaires, où sa veuve s'est montrée sa digne compagne3167, il m'a été donné d'entrevoir les trésors de sa riche nature." ’ La solidarité du président ne se limite pas à la seule fonction‘ . "A la ferme, au bout du jardin" ’, il organise quinze lits, et, si besoin est, il se propose d'en mettre cent dans l'école primaire supérieure, libre, laïque, qu'il achève de construire à Oullins3168.

Le lendemain de la lettre du prince du 1er août, l'armée française, pour faire illusion, a monté une opération contre Sarrebrück. En fait, un simple coup de main. L'ami du prince n'est pas dupe et lui expose aussitôt son sentiment : ‘ "Monseigneur, Vous excuserez le crayon à cause de la chaleur et des préoccupations qui me rendent la plume énervante.

"Votre lettre, triste et sérieuse, est plus rassurante pour moi que les fanfaronnades officielles et les plaisanteries ignobles des journaux. On ne plaisante pas et ne se vante pas d'avance lorsqu'on a devant soi une nation qui se lève comme un seul homme. Est-il possible que l'Empereur permette que, pour une escarmouche, on lance un bulletin à la hauteur d'Austerlitz ? Première ’ ‘ victoire de l'Armée française ! Douze hommes tués ou blessés ! Une heure de combat !!! Ne pensez-vous pas que pareils procédés ne sont pas sans danger pour la suite de la campagne ?

"Je ne puis croire non plus que l'Empereur ait connu la phrase finale de ce ridicule bulletin de victoire, phrase digne du 17e siècle, et allant mieux à un dauphin de France, qu'au fils de l'élu du peuple français3169. Et, en même temps, on fait de la démocratie, de la démagogie, on fait chanter, hurler la Marseillaise dont on tue l'esprit et l'effet en la prodiguant. Quelle logique ! [...] Mais, grand Dieu, Monseigneur, empêchez les fanfaronnades, les rodomontades qui refroidissent plutôt qu'elles ne réchauffent. Et sur ce, je prie Dieu qu'il vous garde, et nous donne la Victoire et la Paix. Votre vieux dévoué (Signé) Arlès-Dufour3170."

La vie économique se ralentit. Elle s'aggrave avec le risque de voir un déferlement de populations effrayées à l'approche de l'envahisseur. De nombreuses maisons de commerce cessent leurs paiements alors que tombent les échéances. Comme lors de chaque grave événement, le censeur de la Banque de France à Lyon qu'il est toujours, se débat pour que le commerce essaie de survivre. Sa présence à Paris s'impose. Ayant peu dormi malgré le confort du Grand Hôtel, boulevard des Capucines3171, le 11 août, il siège au conseil d'administration des Associations coopératives3172, aux côtés de M. Drouin, président de travail de commerce (sic). Là, il obtient que pendant la guerre aucune déclaration de faillite ne soit prononcée. ‘ "Des plaintes énergiques, relève-t-il auprès de sa famille, s'élèvent contre le gouvernement, [contre] toutes les administrations et les banques qui luttent d'ineptie dans toutes les mesures gouvernementales ou administratives qu'ils décrètent ou prennent. [...] Je ne veux en rien et pour rien intervenir à la banque [de France] qui est dirigée par des ignorants et exploitée par des régents intéressés à rendre l'argent rare et cher." Pour la troisième fois de la journée, il se rend "à la Paix3173" ’, le café du même nom, bien mal nommé en la circonstance‘ ... "Le séjour de Paris n'est pas rose, c'est à ’ ‘ qui la [sic] quittera et cependant beaucoup de personnes ne veulent partir qu'après la prochaine bataille" ’, précise-t-il. En fin de matinée, il avait ‘ déjeuné "à la Paix" ’ avec Yvan, Géry, Pereire, à côté d'Abertucci, d'Estancelin, de Gourrieri3174. ‘ "Eh bien, rapporte-t-il à sa famille, il n'y a qu'un cri d'indignation et de désespoir contre nos gouvernants, qui, après nous avoir mis en guerre, n'ont rien prévu, rien préparé, excepté la messe pour l'Empereur et son héritier. [...] Qui m'eut dit que je reverrais 1814 et 1815, mais dans des circonstances cent fois plus honteuses pour la France. Et pourtant on dit que Dieu la protège et que l'Empire, c'est la Paix."

Le jour même, à 5 heures, bouleversé par le spectacle auquel il vient d'assister, il reprend hâtivement la plume pour la seconde fois à destination de Lyon ‘ : "Brave amie. Quoique je vienne d'écrire du Conservatoire [lire "rue du Conservatoire", siège de sa succursale] une lettre pour vous tous, je ne résiste point au besoin d'exprimer le sentiment de profonde émotion et de tristesse que je viens d'éprouver à l'instant, en voyant passer sur le boulevard deux régiments en tenue de campagne. Le peuple qui formait une immense haie criait "Vive l'armée, Vive la France" et, quand le drapeau déguenillé a passé, toutes les têtes se sont découvertes comme au passage d'un mort ! Hélas, combien de ces jeunes hommes, pleins de vie aujourd'hui, mourront pour défendre ce glorieux chiffon ?

"J'ai pleuré et je pleure encore sans pouvoir retenir mes larmes. Je pense aux mères, je pense aux misères matérielles et morales, au pays humilié ; et j'invoque la justice de Dieu sur les misérables qui, pour une puérile satisfaction d'amour-propre, ont déchaîné sur la France sans rien prévoir, ni préparer, des maux qui, après quelques jours de lutte, égaleront ceux des deux invasions de 1814 et 18153175."

Le matin, il engageait la famille ‘ "à ne se mêler en rien aux mesures politiques ou militaires." ’ Il incitait chacun à refuser toute ‘ "participation à tout ce qui n'a pas directement trait à la charité, aux blessés", ’ se félicitant, selon les dires de tous, de garder à Lyon l'argent recueilli à leur bénéfice et de ne pas l'envoyer à Paris. En P.S., craignant une insurrection, il avertissait : ‘ "Surtout ’ ‘ évitez de faire partie d'aucune organisation en vue de maintenir les ouvriers dans l'ordre. Laissez cela à la police ou aux enragés de répression." ’ Le soir, auprès de Pauline, il revient sur le même sujet : ‘ "Dans ma lettre générale, je recommande à mes fils de ne se mêler, ni prêter à aucune mesure de police et même d'ordre contre les ouvriers. Mais dévouement aux blessés et aux pauvres." ’ Le quotidien n'est toutefois pas omis : ‘ "Qu'Armand [qui n'est donc pas pour le moment en Algérie] visite nos écoles et veille à ce que les travaux marchent et qu'on ne mette pas le bitume trop tôt." ’ En ce qui concerne la robe destinée à sa belle-fille Lucy, il la fait porter chez ses parents les Martin-Paschoud, quand bien même il doive dîner avec le pasteur, en compagnie d'Yvan, pour après ‘ "aller voir la Princesse Clotilde3176 [...] admirable devant ces dures épreuves."

Est-ce l'un de ces soirs-là, que Verlaine, frappé par l'ambiance oppressante de la capitale, écrit de son côté : ‘ "Un air de tristesse indéfinie planait comme un crêpe dans le crépuscule rouge et noir d'une étouffante et menaçante soirée d'août, chargée d'odeurs moites et d'électricité3177" ’?

Qui est ce Simon dont il s'occupe si activement durant ce séjour parisien pour lui procurer permis de séjour et passeport ? Peut-être un de ses employés germaniques. Un autre dossier administratif le préoccupe également et au premier chef, celui de la naturalisation de Pauline : une Saxonne devenue l'ennemie ! Le pasteur Martin-Paschoud, apprendra cette régularisation3178 par une dépêche d'Arlès-Dufour du 17 novembre parvenue le 13 janvier 1871. Dans Paris assiégé et bombardé, son ménage fêtera cette nouvelle d'un "morceau de cheval petit et dur", soulignera le pasteur par lettre "par ballon monté" du lendemain3179.

Cinq mois auparavant, le 13 août, Martin-Paschoud et Arlès-Dufour s'étaient rendus, en compagnie d'Yvan et de Duclerc3180, à la Chambre. Là, pour la première fois de sa vie, Arlès-Dufour y ‘ "avale, comme il dit, une séance presque entière". ’ Il entend Gambetta faire frémir l'assemblée et la tribune en disant : ‘ "Le moment est solennel, il s'agit de savoir si nous devons sauver la patrie ou la dynastie." ’Il apprécie l'intervention de Palikao3181 et, en rendant compte, il commente : ‘ "Personne n'ose parler de l'Empereur et, dans tous les esprits, il ne peut plus régner. ’ ‘ Le fait est que, dans l'histoire du monde, il n'y a jamais eu un passage d'inepties et d'infortuné gouvernement comme celui que nous traversons3182."

Après quelques batailles perdues, l'entrée de l'ennemi en France, la défaite de l'armée à Sedan, l'Empereur, ‘ "n'ayant pu mourir au milieu de [s]es troupes", ’ est captif ainsi que cent mille hommes. Toutefois, la France ne se résigne pas à être vaincue. "Déchéance", ce cri est sur toutes les lèvres le 4 septembre. Le Second Empire s'effondre sans qu'aucune goutte de sang n'ait été versée. Rochefort, le pamphlétaire de La Lanterne et de La Marseillaise, délivré de la prison de Sainte-Pélagie par ses amis, prend la tête d'un cortège en direction de l'Hôtel de ville. Gambetta y fait accepter la nomination d'Etienne Arago comme maire de la capitale. Le Gouvernement de la défense nationale est proclamé. La foule exige que Rochefort en fasse partie. Tandis qu'à Lyon3183, un Comité de salut public s'empare de la mairie et arbore un drapeau rouge qui cessera de flotter provisoirement le 3 mars 18713184, Paris et la République s'apprêtent à sauver la France...

Mais pour certains, il s'agit de mettre fin au plus tôt à un conflit engagé, dans l'incurie la plus complète, sous la pression du parti belliciste et de l'Impératrice. Comment ? Mais avec le concours de nos alliés de la guerre de Crimée, les Britanniques. Les partisans de la négociation y songent depuis plusieurs semaines déjà. Ils ignorent que, dès le 20 juillet, la reine Victoria a flétri auprès du roi de Prusse ‘ "la conduite inqualifiable des Français3185" ’ et exprimé, le même jour, à la reine Augusta le souhait ‘ que "Dieu veuille protéger notre bien-aimée Allemagne3186 ! " ’ Sur les sentiments de Victoria, tel est bien l'avis d'un ‘ "personnage anglais de [s]es amis ’", de passage pour quelques jours à Oullins : ‘ "Il accuse, communique l'hôte au prince Napoléon le 4 août, la reine Victoria d'être la cause de ce crime, parce que c'est elle qui, par prédilection pour sa fille de Prusse, s'est opposée, dans le temps, à l'intervention de l'Angleterre et de la France lors de l'agression de la Prusse contre le Danemark3187" ’[1864].

Avant son retour à Montroses, son propriétaire a reçu les lignes sibyllines suivantes datées du 13 août : ‘ "Cher ami, dans les circonstances présentes, vous pourriez, sans grand embarras, rendre à la chose et à l'humanité un service que je vous dirai. Tachez d'être à votre hôtel à une heure. A vous (Signé) Michel Chevalier3188." ’ Enigmatiques, elles ne l'apparaissent pas longtemps au destinataire, à la fois accablé sous le poids des événements et sceptique quant au résultat espéré par son ami. Peut-être, connaissant intimement les dirigeants britanniques, partage-t-il le sentiment que Guizot traduisait à leur propos, dès 1868 dans la Revue des Deux Mondes, à savoir : ‘ "M. Gladstone appartient par ses sentiments moraux et religieux, par ses lumières, par tout l'ensemble de son caractère et de sa vie, à la politique pacifique, et l'homme qui sera sans doute son plus puissant allié dans le gouvernement, M. Bright, est le plus ferme comme le plus éloquent représentant de ce parti radical qui a pris pour maxime fondamentale la non-immixtion dans les affaires des autres peuples et la paix. Dans l'état présent de l'Europe, il ne viendra du gouvernement anglais, on peut l'affirmer, aucune impulsion à la guerre, aucune influence qui ne soit pour le maintien de la paix3189." ’ ‘ Mais Arlès-Dufour ne refuse jamais un combat, ainsi qu'il en fait aussitôt part à Pauline ’ ‘ : "Voici un mot qui m'a bien intrigué et qui n'en valait guère la peine. Néanmoins, c'est utile et je ne refuserai pas mon concours3190." ’ Ainsi qu'on le verra plus loin, c'est surtout vers l'Angleterre et ses amis britanniques que Michel Chevalier souhaite que se tourne Arlès-Dufour.

Dans l'immédiat, et à peine rentré de la capitale, c'est à la reine Augusta de Prusse qu'il s'adresse, le 16 août, en ses qualités de ‘ "l'un des présidents de la Ligue internationale et permanente de la Paix, vice-président du Comité lyonnais de secours pour les blessés" : "Madame, Ceux qui, comme moi, ont l'honneur de connaître personnellement Votre Majesté seront profondément touchés, mais nullement surpris, de votre chrétienne conduite envers nos malheureux prisonniers et nos pauvres blessés. Ce noble exemple profitera à l'humanité souffrante et égarée. [...] Ah ! Madame, le monde sceptique et léger taxe de folie ceux qui réclament l'égalité, même politique, de l'homme et de la femme. Eh bien ! je suis de ces fous qui croient que si les mères et les épouses de Prusse et d'Allemagne avaient eu le droit de vote, cette guerre fratricide n'aurait pas eu lieu.

"Je crois encore, Madame, que si toutes les femmes qui pleurent ou qui tremblent pour des êtres chéris élevaient leurs voix pour demander la fin de cette horrible guerre, qui ne peut engendrer ’ ‘ pour les vainqueurs comme pour les vaincus que deuil, misère et ruine, ces voix seraient entendues.

"Que Dieu, le Dieu de paix et d'amour, le seul vrai Dieu, vous inspire, et vous conserve ceux qui vous sont chers. Je me dis et je suis, de Votre Majesté, le très dévoué serviteur. Arlès-Dufour3191."

La République proclamée, est-il de nouveau à Paris pour, cette fois, y co-signer, au nom de la Ligue de la Paix, avec "Frédéric Passy, Secrétaire, Joseph Garnier, Professeur, Martin-Paschoud, Pasteur", ce télégramme du 6 septembre à la reine de Prusse ? Nous lisons : ‘ "Madame, Au nom des sentiments que Votre Majesté a daigné nous faire connaître ; Au nom de nos inexprimables et réciproques douleurs ; Au nom de l'humanité ; Au nom du Dieu de l'Evangile ; Nous vous en conjurons ; Que l'épouse et la mère des chefs victorieux intervienne ; Qu'un grand exemple de magnanimité soit donné au monde ; Que de nouvelles hécatombes n'ensanglantent pas la terre ; Que les propositions de paix, d'une paix honorable soient faites par le vainqueur ; Et que le ciel et la terre bénissent Votre Majesté3192 ! "

Prompte et habile, la fin de non recevoir parvient le surlendemain de Berlin, sous la signature de Sydow, président de la Société de secours aux blessés : ‘ "Veuillez transmettre aux signataires du télégramme reçu hier par la reine, que la douleur profonde occasionnée par les maux de la guerre est ressentie par tous les cœurs d'épouse et de mère, et que la reine partage en vraie chrétienne. Dieu seul peut mettre un bon terme à cette lutte funeste et si gratuitement provoquée, mais c'est le devoir de tous les amis de la paix d'y concourir3193."

Pour le moment, l'ennemi s'approche dangereusement de la capitale, bientôt encerclée. Deux jours après le début du siège, le 21 septembre, du Calvados où il est replié à "Asnelles par Ryes", Michel Chevalier s'épanche auprès de son ami lyonnais : ‘ "Cher ami, lui écrit-il, vous avez l'âme pleine des tristes sentiments qui débordent de la mienne. Cette catastrophe est épouvantable [...]. Nous aurions grand besoin que l'Angleterre nous aidât en ce moment. Elle nous doit bien quelque ’ ‘ chose. En Crimée, nous avons fait tuer, pour elle, cent mille Français et sacrifié deux milliards. [...] Il faudrait provoquer une réunion du Parlement [britannique]". ’ Rien moins ! Et il ajoute : ‘ "Vous avez beaucoup d'amis en Angleterre. Faites vos efforts pour que cette réunion du Parlement ait lieu. C'est notre sauvegarde. La grandeur des événements justifie, du reste, cette réunion3194." ’Le 27 du même mois, il revient à la charge : ‘ "L'idée dont je vous avais parlé, pour vous recommander de la propager parmi vos amis d'Angleterre qui sont nombreux et influents, celle de réunir le Parlement, fait son chemin : Sir Henry Bulwer, qui est un homme considérable l'a adoptée et la recommande dans le Times du 21." ’ Plus loin, il insiste encore : ‘ "A propos des Anglais, il me vient une idée : vous vous rappelez le Right Hon. Viscount Stratford-Canning, l'ancien ambassadeur anglais à Stamboul. Il fut, à Londres, en 1862, très gracieux pour les Français. Il était avec nous du Conseil des présidents. Il fut particulièrement empressé et cordial pour vous. Vous lui aviez donné dans l'œil. Si vous lui écriviez, je suis porté à croire que votre démarche ferait de l'impression sur lui. Il a une influence marquée3195."

Cet agréable souvenir réveillé, est-ce auprès de cette personnalité qu'Arlès-Dufour, apparemment irrésolu jusque là à l'endroit des Britanniques, se décide enfin à se rapprocher ? Peut-être mais pas exclusivement. ‘ "Il est très bien que vous ayez écrit à Londres" ’, lui fait seulement savoir Chevalier le 3 octobre, tout en se félicitant que Sir Bulwer ait publié une seconde lettre dans le Times où il propose que ce soit l'Europe qui offre sa médiation. Découragé, il conclut : ‘ "L'abîme où nous a précipités le héros de Sedan est si profond qu'en vérité, nous en tirer nous-mêmes semble impossible3196." ’ Mais le 5, il estime qu'il n'y a rien à attendre du voyage en Angleterre que son ami lui suggère : ‘ "En résumé, la cause est perdue de ce côté. Help yourself, sir ! Tirons-nous d'affaires nous-mêmes, ou laissons nous écraser par la botte des Prussiens3197." ’ Sans y modifier grand chose, le destinataire refait à Oullins son testament le 7 octobre, ‘ "sous l'influence du terrible cataclysme de la guerre."

Selon le Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle, ‘ "après la révolution du 4 septembre 1870, il [Arlès-Dufour] écrivit une lettre à MM. Gladstone et Bright, pour leur montrer la faute que commettait l'Angleterre en laissant écraser la France. Le 12 octobre suivant, il renouvela son inutile tentative en faisant appel à la Grande-Bretagne en faveur d'un allié malheureux et ’ ‘ fidèle3198." ’ Faute d'éléments suffisants, nous ne pouvons souscrire qu'imparfaitement à ces affirmations. Seule, en réponse à un envoi du 9, une correspondance de Michel Chevalier du 13 octobre accuse réception à Arlès-Dufour de la copie de son intervention, à nouveau jugée "très bien", auprès des deux personnalités dont il s'agit. Résigné, l'expéditeur commente : ‘ "Le parti que l'Angleterre a pris est pris. C'est une politique très égoïste, nous ne pouvons en ce moment que gémir. Les Anglais nous devaient mieux que cela, d'autant plus qu'ils n'ont, eux, rien à craindre des Prussiens, tandis que les puissances du continent redoutent fort que Bismarck ne tourne contre eux [sic] son million de soldats. Avec leurs vaisseaux cuirassés, ils peuvent braver tous les escadrons et tous les bataillons de Prusse. Nous nous enfonçons, ce me semble, chaque jour plus avant dans l'abîme..."

Et, comme dans toutes les guerres on se méfie du voisin - ‘ "Les oreilles ennemies vous écoutent", dira-t-on soixante-dix ans plus tard dans un contexte, hélas, analogue - Chevalier interroge : "Nous avons dans ce village d'Asnelles une personne qui m'a accosté en se prévalant de vous qu'il dit beaucoup connaître, Mr. S. Strahlheim ; il s'est dit Américain, je crois, mais parle parfaitement le français. Il a récemment fait un voyage en Allemagne. Est-il vraiment de vos amis3199 ? " ’ Décidément, nous ne cesserons de croiser de nouveaux personnages, de nationalités diverses, connus d'Arlès-Dufour on ne sait pas toujours dans quel pays, dans quelles circonstances ! Rongeant son frein, désoeuvré‘ , "à peu près tous les jours sur la plage qui est le lieu de rendez-vous" ’, mieux informé sur son identité, cet étranger et l'ancien conseiller de l'Empereur - fonction qu'il minimise maintenant3200 ! ‘ - "politiqu[eront] fort tristement l'un et l'autre3201."

Deux jours après sa précédente lettre, Michel Chevalier reprend la plume à destination de Lyon ‘ : "Tout nous montre trop - et vous le voyez bien par les nouvelles lettres dont me parle la vôtre du 11, reçue ce matin - que l'Angleterre nous abandonne à notre malheureux sort. J'aurais attendu mieux. Les raisons données sans détour dans votre lettre à Bright et à Gladstone sont si fortes qu'on pouvait croire que l'Angleterre en tiendrait compte, car enfin c'est son intérêt. Mais non. Le sort en est jeté. La France n'aura aucune assistance du dehors. Elle est comme une victime vouée. [...] La France outrée de la spoliation dont la menace Bismarck, de deux provinces bien ’ ‘ françaises aujourd'hui, vouera à la Prusse une haine féroce : quant à l'Angleterre, indignée de tant d'égoïsme et d'ingratitude, la France reprendra pour elle les sentiments de 1815. [...] je ne vois qu'une rétrogradation de cinquante et quelques années ; et avec cela des perspectives de guerre, le retour d'énormes budgets militaires, puis le système prohibitif, compagnon légitime de la guerre et des haines nationales3202."

Alors qu'il vient de recevoir de la préfecture du Rhône ‘ un "permis de circulation pour deux chevaux3203" ’, Arlès-Dufour n'abandonne pas l'action. Il l'engage dans une double voie, d'abord directement auprès du peuple anglais. Les lettres débordantes de compassion, de vive sympathie, même d'affection de ses amis personnels britanniques, tels les Leaf, les Eecles3204 ou les Evans3205 - ces deux dernières familles échangeant les courriers reçus de Lyon - l'y encouragent implicitement, semble-t-il. ‘ "Nous aimons la France de toute manière, écrit Mme Eecles à Pauline le 12 octobre [...]. Si vous aviez été témoin de la reconnaissance avec laquelle chacun se trouve en cas de donner quelque chose ou de rendre même le plus petit service, vous auriez pu mieux juger des sentiments des Anglais que par la conduite froide et égoïste de notre gouvernement. Soyez sûre, Madame, qu'il ne manque pas d'hommes parmi nous qui pensent comme M. Arlès et s'indignent comme lui de l'indifférence de nos ministres envers la France, indifférence, je veux le croire, bien plus apparente que réelle ’ ‘ ." Si pleines d'émotion, ces correspondances venues d'Outre-Manche seront reproduites dans la presse française, au moins lyonnaise. 3206 Quant à la presse britannique, aux environs du 15 octobre, c'est le Times qui, après la supplique d'Arlès- ’ ‘ Dufour à la reine Augusta, lui ouvre à nouveau ses colonnes pour reproduire sa "Lettre aux Anglais" ; par la suite, son nom y sera mentionné à diverses reprises 3207 .

C'est maintenant vers le Gouvernement de la défense nationale et, surtout, sa délégation provisoire de Tours que se tourne le regard du Lyonnais. Dans Paris assiégé, Alphonse Arlès-Dufour qui gère la maison mère de Paris de la Société Arlès-Dufour et Cie, va faire le coup de feu à la prise d'Epinay3208. Tandis qu'Edmond Adam, l'époux de Juliette, est nommé préfet de police ‘ "du gouvernement qu'on allait improviser3209" ’, Gambetta quitte la capitale. Par miracle, il échappe aux tirailleurs prussiens où son ballon "Armand Barbès", en se dégonflant l'a jeté. Le 9 octobre il est à Tours.

Une dizaine de jours après, Arlès-Dufour l'y rejoint, malgré un état de santé chancelant et la pénibilité d'un déplacement dans des circonstances semblables. Très probablement, tient-il à implorer les délégués du gouvernement d'appuyer de toutes leurs forces l'idée d'un terme rapide aux souffrances d'un Paris assiégé, à un combat inégal et à son cortège de morts et de blessés que sa poursuite doit immanquablement entraîner. S'il rencontra Gambetta, l'ami de Juliette Adam, il ne put convaincre celui qui représente ‘ "l'âme de la résistance en province" ’ aux yeux de certains, toujours obstinés à sauver l'honneur3210. Sa lourde déception est exprimée par ce billet du 20 octobre à Pauline ‘ : "Je pensais quitter ce soir cette pétaudière avec Vachon, mais la délégation de la Garde nationale de Lyon pouvant avoir besoin de moi, je ne partirai que demain soir avec elle. Je serai donc samedi à Lyon et à Montroses. Quoiqu'il n'y ait que trois jours que j'ai quitté le nid, il me semble qu'il y a un siècle et ce qui est provoking c'est que ma fatigue était inutile. Vachon, ’ ‘ qui est un charmant et intelligent garçon te contera tout cela. Mais quel gâchis, grand Dieu ! A toi A.D3211."

Ces multiples efforts d'Arlès-Dufour en faveur de la paix resteront vains. Ceux déployés officiellement par Thiers, son "ennemi" traditionnel, auprès des chancelleries européennes n'auront pas d'autre résultat. "Un fiasco complet" de cet homme qui ‘ "a donné sa mesure quand il était premier ministre en 1840", ’ rappelle Michel Chevalier. ‘ "C'était, dit-il à ce propos, le gamin de Paris au pouvoir ; léger, étourdi, fanfaron, et le moment d'après, effrayé, aux abois3212." ’ Plus tard, en 1887, Maxime du Camp jugera tout aussi sévèrement l'homme d'Etat3213, chargé pour le moment de négocier avec Bismarck un projet d'armistice qui échoue.

Dans ce climat fait de grande morosité, un rayon de soleil vient illuminer Montroses. Maintenant, l'embarras n'est plus de mise : Marie Duveyrier y est bien domiciliée. Contrat de mariage, nettement3214, et registre de l'état civil, le consignent tous deux le lundi 7 novembre 1870. Et, comme nous le pressentions, cette généreuse hospitalité donnée depuis quelques années à la jeune orpheline dans la famille Arlès-Dufour se trouve confirmée par une ordonnance du médecin homéopathe, le docteur Love3215 de Paris, datée du 26 novembre 1868. Conseils et recommandations s'y mêlent pour le consultant, sa femme Pauline, aussi... les règles de Melle Duveyrier dont le maître de maison, manifestement toujours l'œil à tout, va jusqu'à s'enquérir en bon père de famille. Pressentait-il à l'époque qu'une charmante idylle allait se nouer entre Marie et Armand, à la faveur des retours de son fils cadet en métropole, peut-être même avant son installation en Algérie ? La présence de Marie à Montroses, ne pouvait que favoriser cette idylle, une présence d'ailleurs permanente depuis au moins trois ans, quatre peut-être depuis la mort de son père Charles. Celui-ci avait-il lui-même désigné son ami comme tuteur ? Nous l'ignorons3216, mais telle est bien cette qualité qui ressort d'une lettre du 20 août 1867 de Pierre Duveyrier, le second frère de Marie3217.

"Je sais combien vous aimez Melle Duveyrier déjà comme une véritable enfant ; elle peut changer de nom mais pas de place chérie dans la famille3218", ’ écrit Mme Lydie H. Evans, à Pauline, à l'occasion du mariage. Au nouveau ménage, Armand fait donation de ses propriétés de Kandouri et du Domaine des Sources (respectivement 900 et 600 hectares environ), situées à une cinquantaine de kilomètres d'Alger, ses objets mobiliers, les récoltes et provisions, ainsi que les bestiaux et le cheptel de toute nature se trouvant dans ces propriétés, aussi... une dette (avec son père apparemment) de 470.000 F, après un don de ses parents de 200.000 F. De son côté, Marie apporte, outre linge, bijoux et diamants (estimés 10.000 F), une maison située à Passy3219, quelques titres et actions3220, et sa part dans une maison située à Bath (Angleterre) héritée de sa mère et dans les droits d'auteur lui revenant dans la succession de son père. L'acte, "passé à Oullins dans la maison de campagne de M. et Mme Arlès-Dufour", est revêtu de la signature des comparants, les parents Arlès-Dufour - une signature très tremblée et à peine achevée du père... -, les époux Gustave Arlès-Dufour, les époux Chabrières, Brosset, ancien président de la Chambre de commerce, Arthur Enfantin, chef du mouvement des chemins de fer de Paris à Lyon et à la Méditerranée, le baron de Carayon Latour, Commandant des mobiles de la Gironde, et Arthur Auguste Brölemann, juge au tribunal de commerce de Lyon3221.

Et, à quatre heures du soir3222, le mariage civil est contracté en la mairie d'Oullins, à l'époque place du Marché dénommée aujourd'hui place Anatole France3223. Le maire, plus exactement le président de la Commission municipale provisoire, qui officie n'est autre que le frère aîné du marié, Gustave. Il a été nommé le 5 septembre précédent3224. Le registre des mariages consigne la présence, outre celle des parents du marié, de Joseph Brosset, demeurant à Rilleux (Ain), Enfantin Alexandre Arthur, 43 ans, rue Bourbon à Lyon, de Carayon Latour, 46 ans, et Gros Pierre, Barthélemy, Gustave, rentier, 56 ans, Oullins. Prochainement, les jeunes mariés vont s'embarquer à destination de l'Algérie, Marie à la découverte d'un nouveau pays où l'attachent déjà des souvenirs ayant pour origine son frère Henri, l'explorateur, pour l'heure au combat face aux Prussiens.

A Paris, à la même époque, Juliette Adam qui s'occupe activement de l'Oeuvre du travail des femmes3225, reçoit la visite de Guéroult. Ils se sont réconciliés depuis leur brouille remontant au plébiscite. Ils évoquent, bien sûr, leur ami commun, dont, rappelle la femme du préfet de police de Paris‘ , "l'unique pensée depuis cinquante ans, depuis la déroute de Waterloo, où il assistait comme volontaire de seize ans, a été la paix universelle. Arlès-Dufour était l'un des fondateurs et l'instigateur du Congrès de la paix ; il est à Lyon, il doit souffrir mille morts en voyant toutes ces tueries, ce retour aux mœurs et aux instincts barbares. M. Guéroult et moi, nous sommes certains qu'il est de la Convention de Genève et qu'il doit faire partie de la Société des secours aux blessés. - Voyez-vous, me dit M. Guéroult, rapporte toujours Juliette Adam, je suis certain qu'Arlès-Dufour ne supportera pas une telle ruine de toutes ses opinions ; cette guerre le tuera ! De pareils événements, qui trempent les hommes jeunes comme mes fils, brisent les hommes de mon âge3226."

Charles Sohné, chef du bureau de recrutement au ministère de la Guerre, replié avec le gouvernement à Bordeaux, ne pensera pas autrement, après même que les accords préliminaires de paix - une paix souhaitée mais déshonorante - aient été signés à Versailles. Du désarroi de l'apôtre de la paix, il en avait été le témoin quelques mois plus tôt à Tours. Il le lui rappelle, le 7 mars 1871, tout en regrettant de lui faire part du décès subit dans sa propriété de Vaurelles (sic) de son beau-père Alexis Petit, un ancien saint-simonien ‘ que "vous [...] connaissiez et [que] vous aimiez" : "Et vous, Monsieur, vous que j'ai vu si affligé de la guerre à Tours, vous avez dû bien souffrir et vous devez bien souffrir encore3227 ! " ’ Par la même occasion, des nouvelles sont apportées de Melle Daubié et de Mme d'Agoult, la première restée à Paris, l'autre en passe d'y rentrer, encore à Genève ce que n'ignore pas le destinataire3228.

Pendant que Juliette Adam couche ses souvenirs sur le papier, le canon tonne dans la capitale avec une précipitation sinistre ; le froid y est atroce et la population héroïque. Le 1er janvier 1871, l'Opéra Garnier affiche un programme inattendu pour une salle non chauffée, Le Désert de Félicien David3229 ! Les Lyonnais aisés, eux, ont déjà pris la direction du Midi ou de la Suisse. L'épouse saxonne d'Alphonse et les petits enfants d'Arlès-Dufour se trouvent à l'abri dans ce pays3230. Quant au grand-père, ses amis le pressent de quitter la ville. Déjà, le 23 septembre précédent, le fidèle William Leaf manifestait son malaise devant une situation lui ‘ apparaissant "plus comme un rêve inquiétant que comme l'horrible réalité ’ ‘ ". Avec ’ ‘ "sincérité et amitié3231" ’, il offrait l'hospitalité à toute la famille pour y trouver sécurité et tranquillité jusqu'à la fin de l'orage. Le 13 novembre, Michel Chevalier craint pour prochain le siège de Lyon. ‘ "Les alentours des places assiégées sont plus exposés que les places elles-mêmes. Il faudra donc vider les lieux. Je vois d'ailleurs que vous y pensez3232" ’, écrit-il à l'Oullinois, non sans réclamer l'épître annoncée de John Stuart Mill à son ami.

Vers la fin du mois, c'est par l'intermédiaire d'un certain comte de Momalivré qu'Arlès-Dufour reçoit semblable recommandation : ‘ "Votre belle-fille m'écrit qu'elle désirerait vous voir à l'étranger, qu'elle craint que votre santé en souffre." Et quelques lignes plus haut : "Je m'adresse à votre belle-fille qui est à Ouchy pour vous faire parvenir ce souvenir des longues années d'amitié qui nous ont unis quand j'étais puissant." ’ Signée d'un vague paraphe, cette lettre, datée du 21 novembre, vient de... Prangins. Sous son pseudonyme d'opérette, le prince Napoléon, "rejeté et persécuté", fait suite à une lettre d'Arlès-Dufour remontant au 13 septembre : ‘ "Mes occupations, mes douleurs patriotiques et personnelles, la crainte de vous compromettre et un séjour de quelques semaines que j'ai fait en Angleterre m'ont empêché de vous répondre. [...] Quelle catastrophe et que l'avenir est sombre. Je sais que vous vous conduisez vaillamment à Lyon, que la position y est très difficile ! Comptez-vous y rester3233 ? " ’ Les échanges épistolaires reprennent assidûment. Aux lettres d'Arlès-Dufour des 8 et 12 décembre, le cousin de l'Empereur déchu répond le 14 cette fois sous l'en-tête de la "Sté Momalini" (sic), et le surlendemain à celle du 16 : ‘ "Je suis dégoûté de presque toute l'Europe ! Je veux me défaire de tout. Si vous avez quelques jours de repos à prendre, vous devriez venir à Genève ; depuis quelques jours, il fait ’ ‘ beau et chaud. N'avez-vous pas encore une belle-fille à Ouchy-Lausanne3234 ? " ’Mais, le 23, toujours sous l'anonymat d'une griffe rapide, le prince doit renoncer à ses espoirs de retrouvailles ‘ : "Soignez-vous, vous faites bien d'aller dans le Midi vous reposer3235."

Fut-il donné suite à ce projet, la crainte de l'approche des troupes prussiennes s'amplifiant3236 ? Il ne le semble pas. Brisé par les malheurs du pays, la rapidité et l'ampleur du désastre, la grande fatigue physique et morale ressentie parvient-elle à altérer l'humeur toujours voyageuse relevée jusqu'alors ? L'itinéraire du perpétuel globe-trotter qu'il fut reste encore peu aisé à reconstituer.

A Oullins, il est encore le 1er janvier 1871. A cette date, son testament est à nouveau repris. Il lègue une somme globale de 85.000 F à plus d'une vingtaine de bénéficiaires, sans oublier, précise-t-il, ‘ "mes serviteurs, cocher, concierge, jardiniers qui seront à mon service depuis cinq ans au moins" ’. ‘ "Et quand je repasse ma vie, complète-t-il, ce qui m'arrive souvent depuis que je la sens décliner, il me paraît merveilleux que mes facultés, et surtout mon sens moral, n'en aient pas été affectés. Je le dois à un sens instinctif religieux, et surtout à ma bonne mère qui, quoique ne sachant ni lire, ni écrire, était douée d'un jugement droit, élevé et sain. J'attribue à ces souvenirs une profonde sympathie pour les classes laborieuses, privées, comme moi, en entrant dans la vie, du pain du lendemain, du pain intellectuel, comme du pain matériel qui, souvent, en découle. Ces sentiments m'ont poussé à m'occuper de cœur de tout ce qui touche à l'instruction populaire et aux améliorations en général du sort physique et moral des travailleurs3237."

Par des moyens détournés et inconnus, il parvient à obtenir des nouvelles d'Alice, la fille de Juliette Adam, réfugiée d'abord à Granville, maintenant à Jersey. Et, on ignore encore dans quelles conditions il a réussi à les transmettre à sa mère à Paris qui en est totalement démunie et les reçoit le 21 janvier3238. Est-il toujours à Lyon, ou parti sur la Côte d'Azur ou en Suisse ? Au tour de Juliette de s'interroger sur ces conditions d'acheminement mais également de nous renseigner par ses écrits : ‘ "Ah ! je suis soulagée d'un poids énorme. Je reçois enfin des nouvelles d'Adam ! Mon vieil ami Arlès-Dufour me fait parvenir, je ne sais comment, car les Prussiens ’ ‘ retiennent toutes nos lettres, un petit billet au crayon où il est dit qu'Adam a dîné le 4 [février] à Lyon3239."

Le 18 du même mois, le "vieil ami" adresse à la Légation suisse à Paris une somme de 500 F destinée à soulager les membres malheureux de cette colonie à Paris. C'est à Oullins que le poste diplomatique, sous la signature de Kern, ministre de la Confédération suisse, accuse réception de cet envoi le 3 mars et en rappelle les motifs ‘ : "Vous voulez bien exprimer en termes très flatteurs pour mon pays et pour moi-même vos sentiments de reconnaissance et de sympathie pour la manière dont la Suisse a su pratiquer les devoirs de l'hospitalité et de la charité tout en faisant respecter sa neutralité3240." ’ Dans les habituelles civilités finales, notre attention est spécialement attirée : elles s'adressent à "Cher Monsieur et ancien collègue" !

Depuis plusieurs générations, la famille Chabrières se transmet l'information selon laquelle Arlès-Dufour aurait été consul d'Autriche à Lyon. A propos de cette représentation étrangère, nos recherches étaient restées vaines3241. Il semble que nous trouvions ici un début de confirmation de cette révélation. Cette charge honorifique, maintenant révolue, fut-elle conférée après les généreux secours accordés aux officiers autrichiens prisonniers de la France, lors de la guerre de 18593242 ?

Pour le donateur, son geste personnel à l'égard de la Suisse ne doit pas rester isolé. Il jette sur le papier les bases d'un "Comité français de reconnaissance" : ‘ "Pendant les terribles et douloureuses épreuves que la France vient de traverser, la Suisse est venue en aide comme une tendre sœur, et, de toutes parts, de tous les cœurs s'élèvent des hymnes de reconnaissance." ’ Ce témoignage, il le veut surtout lyonnais. Il poursuit : ‘ "Cependant, aucune partie du pays n'a été mieux placée que Lyon pour apprécier la noble charité, le courageux dévouement, enfin la conduite vraiment fraternelle des femmes, des hommes de ce bon et brave pays, si petit par son territoire et plus grand que les plus grands par les vertus que la ’ ‘ liberté ’ ‘ a fait naître chez lui. Il semble donc juste et naturel qu'à la ville de Lyon appartienne l'honneur d'interpréter la reconnaissance de la France, mieux encore que par des formules ou des écrits." ’L'aspiration, grandiose, est de réunir les fonds nécessaires à l'érection de deux monuments : l'un, sur l'une des places de Lyon, une statue colossale représentant ‘ "l'Helvétie sous les traits de la ’ ‘ charité (ou la charité sous les traits de l'Helvétie)", ’ l'autre, un immense monolithe, sur l'un des points les plus élevés de la frontière franco-suisse, le mont de la Dôle. Pour la constitution du Comité provisoire, Arlès-Dufour prévoit, d'office semble-t-il, l'abbé Guinard (ou Guinand), le pasteur Buisson, le rabbin (au nom laissé en blanc), Brosset et son fils Dominique, Louis Guérin, Letourneux (directeur du Crédit Lyonnais), Edouard Aynard, Maréchal, Lambrecht, Fazy3243, Chabrières-Arlès et Gustave Arlès-Dufour, avec bien sûr, parmi eux, "Arlès-Dufour père3244".

Ce nouveau projet est-il conçu à Lyon, à Genève, voire à Rome3245 ? La question se pose. En effet, Arlès-Dufour vient à peine de quitter les rives du lac Léman que Marie d'Agoult, début mars, le suit de près dans le luxueux hôtel des Bergues, désolée, ainsi qu'elle le lui écrit, de ne l'y avoir pas trouvé. De toute façon, en rentrant à Paris à la fin du mois, elle assure qu'elle lui rendra visite à Oullins. Elle est parfaitement avertie de l'ambition de "[son] excellent ami" et la fait totalement sienne. La Dôle est jugée par elle "le meilleur de tous les sites pour un tel monument". Et pour lever l'incertitude d'Arlès-Dufour quant à l'inscription à tailler dans la pierre, elle se prononce pour la formule suivante : ‘ "A sa sœur, généreuse et consolatrice, à l'Helvétie, la France reconnaissante3246."

Pure coïncidence ? Quelques semaines plus tard, une détermination identique, celle de manifester sa gratitude à la Suisse, prend naissance à quelques kilomètres de Lyon. A Villefranche sur Saône, le 15 mai, un comité d'initiative "Hommage à la Suisse" se crée sous la présidence d'un négociant, M. Collonge3247. Il souhaite que se constitue, à Lyon, un comité central à l'effet de recueillir des souscriptions pour offrir au Grand Conseil Fédéral [helvétique] une Couronne d'or. La présidence de ce comité central est proposée au comte d'Espagne, déjà trésorier du Rhône auprès de la Société internationale de secours aux blessés. En outre, une alliance est recherchée avec le Comité lyonnais de secours pour les blessés militaires, à la tête duquel le comte assure, apparemment, la succession d'Arlès-Dufour. Les statuts des deux comités apparaissent incompatibles, mais la liberté de chacun ne peut être que respectée. Avec quelque retard dont il s'excuse, le comte décline l'offre qui lui est faite dans les termes suivants : ‘ "M. Arlès-Dufour, mon ami, avait déjà eu la pensée d'une souscription dont le but était, dans le même ordre d'idée, de faire élever un monument sur la frontière française à notre amie la Suisse. Je vous proposerai donc d'offrir la présidence à M. Arlès-Dufour. Si vous acceptiez ma proposition, je puis vous assurer qu'aussitôt son retour de Londres (où il a été appelé pour la grande Exposition), il s'occupera activement de la fondation de ce comité que son zèle et son activité, outre sa haute position dans notre ville, lui rendraient facile3248."

De ces comités de Lyon et de Villefranche, nous ignorons la suite. Mais, sauf raison impérieuse de santé nous ne doutons pas, nous non plus, du zèle et de l'activité ainsi promis en faveur - à défaut de leur fusion - de ce second comité, émanation d'un groupe d'anciens militaires de l'armée de l'Est heureusement préservés des geôles prussiennes.

Un grand nombre de nos soldats n'avait pas eu la chance d'atteindre la Suisse, légendaire terre d'accueil. Au bénéfice des malheureux prisonniers français en Allemagne, on avait vu, place Tolozan, l'anticlérical Arlès-Dufour quêter dans son chapeau, bras dessus, bras dessous, avec l'abbé Rambaud3249. Son élan ne s'arrête pas là. Il fait voter par son Comité de secours aux blessés un crédit de 3.000 F, ainsi qu'il a le plaisir de l'annoncer à l'ecclésiastique au sortir de la réunion. Et c'est en Allemagne que l'abbé qui s'est rendu volontairement parmi les prisonniers, en prend possession grâce à l'intermédiaire de la succursale Arlès-Dufour et Cie de Crefeld. Par le même moyen, Arlès-Dufour rassurera, par centaines, des malheureuses familles dépourvues de nouvelles et adoucira, sans aucune parcimonie, par des envois de courriers, d'argent et de vêtements, la vie recluse de leurs enfants3250, tel par exemple Victor Bizot, entré au service de sa maison en 1868 comme l'on sait, déporté à Dresde3251. La somme de 3.000 F parvenue à l'abbé Rambaud lui permet d'acheter, comme en est informé l'expéditeur, ‘ "une partie des innombrables pantalons nécessaires à nos hommes, et de la peau pour nos bonnes galoches qui font l'admiration de tout le ’ ‘ monde. A tel point que S.M. la reine de Prusse3252 vient elle-même de m'envoyer cent thalers et ses compliments par M. le comte G. de Pourtalés. Vous le voyez, mon bon Monsieur, je partage pleinement vos idées sur la paix entre les peuples, puisque je me suis fait des amis jusque sur le trône de Prusse. [...] Ma ville de Lyon a été bien généreuse envers son pauvre prêtre ; grâce à elle, nos prisonniers n'auront manqué de rien de nécessaire, et, sauf un petit nombre, tous reverront leur pays." ’ Abordant un plan plus personnel, il ajoute : ‘ "Quant à moi, mon bon Monsieur, je prie Dieu de m'accorder jusqu'à la fin de ma vie un peu de cette activité, de cette vigueur d'esprit que vous conservez dans un âge où tant d'hommes ne savent plus que se reposer. Et si votre main tremble en écrivant, comme vous me le dites à la fin de votre lettre, votre cœur ne tremble pas3253... "

Ce cœur, ce vieux cœur, une lettre du 15 mars, émouvante, empreinte de la plus touchante sollicitude, de son solide ami, William Leaf, à la veille des ses quatre-vingts ans, vient le réchauffer. Après les soixante-douze jours de la Commune3254, Paris à peine ‘ "rendu à son véritable souverain, à la France" ’selon l'expression de Thiers, Arlès-Dufour reprend rapidement le projet qu'il avait déjà exprimé au Britannique de se rendre avec Pauline en Angleterre3255. Le temps lui paraît-il compté ? Il a hâte d'y revoir tous ses amis. Pour la dernière fois, craint-il ? Démoralisé, il souhaite trouver dans ce pays aimé le repos et la quiétude qui leur sont bien nécessaires à tous deux.

D'autre part, une Exposition internationale a ouvert ses portes à Londres. Dans le souvenir de leurs bonnes relations avec l'ancien membre influent des Expositions universelles, on peut se demander si les organisateurs d'Outre-Manche ne l'y ont pas convié, comme l'écrit le Comte d'Espagne3256. Témoin, cette invitation reçue pour l'inauguration, le 29 mars 1871, de l'Albert Hall. Retenu à Lyon, évidemment dans l'impossibilité d'en bénéficier, la loge qui lui est réservée est offerte à Leaf ; William l'accepte avec d'autant plus d'enthousiasme que sans cette invitation il n'aurait pu, dit-il, être présent à cette manifestation unique réservée aux invités de marque3257.

La durée du séjour en Angleterre, aussi en Ecosse, des époux Arlès-Dufour, reste imprécise, seulement cernée par cinq lettres du pasteur Martin-Paschoud adressées entre le 15 juin et le 21 juillet 1871, aux bons soins de Leaf, soit à Streatham, soit à Old Change3258. Outre la quiétude recherchée, il semble que ce séjour ait été mis à profit pour reprendre contact avec les correspondants professionnels, après l'interruption due aux événements. L'état de santé de Lucy, l'épouse de Gustave et fille du pasteur Martin-Paschoud, à l'origine de lourds soucis pour les deux familles, prive vraisemblablement le fils aîné de la possibilité de ce déplacement3259. De telle sorte que, bien plus tard, lors de son départ en retraite en 1920, Victor Bizot rappellera : ‘ "J'eus l'honneur de me trouver à Londres avec lui [Arlès-Dufour père], et nous fîmes ensemble une visite à la Maison Matheson and C°. Les commentaires qu'il fît sur la politique furent très intéressants. C'était en 1871 immédiatement après la guerre3260...." ’ Néanmoins, la halte britannique s'avère plus longue que prévu. Le ménage Arlès-Dufour est retenu en Angleterre. Les craintes que les uns et les autres exprimaient sur les forces de François se révèlent justifiées. Une première atteinte de congestion cérébrale cause les plus vives angoisses et fait craindre une issue fatale3261.

A l'inverse des années précédentes, l'habituelle petite fête qui agrémente la distribution des prix de son école primaire laïque d'Oullins, se déroule en l'absence de son bienfaiteur. Bien qu'éloigné, il n'a pas omis la traditionnelle remise de livrets de caisse d'épargne aux élèves. L'ami qui se substitue à lui pour la circonstance ne néglige pas de le rappeler : ‘ "M. Arlès regrettera, j'en suis sûr, de ne pas s'être trouvé, comme l'année dernière, au milieu de vous, car vous savez combien il aime les enfants : il les aime parce qu'il aime les hommes, et parce que c'est avec les enfants d'aujourd'hui qu'on fait les hommes de demain. Aussi, vous venez de voir qu'il ne vous a point oubliés. C'est en Angleterre et même étant malade qu'il a songé à vous envoyer son amical souvenir ; car où qu'il soit, et dans quelque état de santé qu'il soit, M. Arlès pense toujours à faire plaisir ou à faire du bien.

"Mes chers enfants, je veux vous dire que M. Arlès écrivait, en donnant ses ordres pour les livrets de caisse d'épargne qui viennent de vous être remis, il écrivait d'une main toute tremblante : ’ ‘ "Quand on a acquis, par le travail, de l'aisance ou de la fortune, le plus grand bonheur avant de sortir de ce monde, c'est de s'en servir pour être utile aux autres." Et ce ne sont pas là de vains mots sous la plume de M. Arlès. Tous ceux qui le connaissent savent que depuis cinquante ans il pratique cela, et il le pratique sous toutes les formes, publiques et cachées3262."

Dès son retour d'Angleterre, via Paris3263 fin août, rétabli tant bien que mal, une des premières visites du convalescent est sûrement réservée au chantier, en phase finale, de son "école primaire supérieure libre et laïque" d'Oullins. Outre l'ouverture prévue pour la prochaine rentrée, le voici, bien qu'amoindri, à nouveau happé par les affaires qui lui tiennent à cœur.

Durant le siège de Paris, l'Ecole spéciale d'architecture, 136 boulevard Mont-Parnasse (sic), avait été lourdement sinistrée, l'un de ses immeubles endommagé par les obus prussiens et par une explosion. L'Ecole avait été créée en 18653264. A la veille de cette constitution, bien qu'appréciant fortement les buts poursuivis, l'ancien Secrétaire général de la Commission de l'Exposition de 1855, ne s'était pas abstenu d'exposer à son fondateur - le jeune architecte-ingénieur chargé, au sein du Commissariat général de l'Exposition, du service des machines - l'architecte Emile Trélat, les difficultés à surmonter. Plus de quinze ans plus tard, en 1881, Trélat n'hésitera pas à venir de Paris le rappeler à Lyon. Arlès-Dufour lui avait déclaré : ‘ "Je sais ce que vous tentez. C'est très difficile. Vous rencontrerez de grands obstacles. Avez-vous bien réfléchi ? On ne fonde pas un gros enseignement comme celui que vous projetez sans troubler des idées faites, sans heurter des préjugés enracinés, sans éveiller des susceptibilités intraitables, sans provoquer des craintes, créer des épeurements (sic) opiniâtres. Vous aurez contre vous tout cela, et pour vous, l'indifférence. Prenez garde ! " ’ Devant la détermination de son interlocuteur, il avait conclu : ‘ "Allons, vous faites bien. Et puisque c'est dangereux, comptez-moi des vôtres. Je suis à vous de tout mon cœur. Mais n'oublions pas ce qui nous attend3265."

Reconnu d'utilité publique le 11 juin 1870, l'établissement croyait son avenir assuré. En réduisant cette espérance à néant, la guerre a fait son oeuvre. Loyer impayé, caisse vidée, professeurs dispersés, la plupart des élèves retenus sous les drapeaux, telle est la conjoncture à l'approche de la rentrée de l'année 1871-1872. Certes, des secours sont accordés par le ministère de l'Instruction publique et la préfecture de la Seine, un dégrèvement de moitié de la dette locative est obtenu. Le corps des professeurs lui-même met gratuitement ses enseignements à la disposition de l'oeuvre. Mais celle-ci ‘ "a des charges conséquentes de [ses] malheurs" et "compte sur [ses] amis", ’ comme le stipule le bilan dressé3266. Sous la signature de l'administrateur-délégué Emile Trélat, une lettre circulaire du 18 septembre 1871, annonçant la réouverture des portes le 10 novembre, se fait plus explicite. Elle sollicite de la part de chaque sociétaire une somme variant entre 100 et 600 F : ‘ "A côté de l'exemple si éloquent des professeurs, votre participation de cœur fixera la part d'appui qui sortira de votre bourse3267." ’ Celle d'Arlès-Dufour est toujours ouverte pour les bonnes causes. Nous ne pouvons pas ne pas reproduire les extraits suivants de la lettre que Trélat lui adresse, le 1er janvier 1872, avec ses souhaits pour l'année nouvelle : ‘ "Vous savez qu'ils viennent du cœur et qu'ils sont éveillés par le bel exemple de votre vie. En voulant prendre le devoir de faire vivre l'école, j'ai perdu le droit d'avoir du temps à donner à l'amitié, comme aussi de ne vous avoir pas tenu au courant de notre odyssée. L'Ecole a rouvert le 10 novembre à son jour et à son heure réglementaires. Elle l'a fait sans argent, sans logis, sans appui. Mais elle avait du cœur et quelques rares et courageux amis, parmi lesquels elle vous compte au premier rang. [...] Je sais que votre école [primaire d'Oullins] va bien et que vous êtes toujours plein de cette chaleur qui fait tant défaut et dont nous avons tant besoin. Merci de votre exemple. Il nous sert beaucoup. Je vais avoir une assemblée générale d'ici au 20 janvier. Que n'y pouviez-vous (sic) être3268 ? [...]"

Parmi ses promoteurs, l'Ecole d'architecture compte également Emile Boutmy. Fils de l'un des fondateurs de La Presse, il a débuté par des articles de politique dans le journal de Girardin qu'il a suivi à La Liberté en 1866, avant de donner quelques cours d'histoire des civilisations et d'histoire comparée de l'architecture à la récente institution3269, chère à son ami Trélat. Est-ce par le biais de cette relation qu'Arlès-Dufour a connaissance de la prochaine Faculté libre des sciences politiques - rapidement rebaptisée "Ecole" sur ordre du ministre de l'Instruction publique3270 - que Boutmy, avec Ernest Vinet, a le dessein de créer ? Connaît-il, de longue date, le jeune journaliste dans la mouvance d'Emile de Girardin ?

Quoi qu'il en soit, quatre lettres manuscrites, étoffées et fort rapprochées, de Boutmy, entre fin septembre et novembre 18713271, attestent de l'intérêt qu'Arlès-Dufour manifeste d'emblée à l'égard de l'Ecole en gestation et du soin que son inspirateur prend à lui répondre avec une cordialité croissante, la dernière s'adressant à ‘ "Monsieur et excellent ami". ’ La première, quatre pages manuscrites datées du 30 septembre, paraît être de sollicitation. Elle expose les buts assignés : ‘ "Notre prétention n'est point de former des hommes d'Etat. A cette hauteur, la politique est un art ; elle ne s'apprend que par le maniement des grandes affaires. Notre ambition est de faire des citoyens qui sachent leur métier. Nous essayons de fournir aux esprits laborieux des cadres de travail ; nous leur ouvrons, par l'exposition des antécédents historiques de chaque question, par l'analogie comparée des institutions qui fonctionnent en France et à l'étranger, une mine féconde d'analogies et de contrastes ; nous éveillons la curiosité et les vocations ; nous constituons enfin, entre les gouvernants et le peuple, ce groupe de critiques impartiaux, d'interprètes autorisés et de médiateurs sages qui a jusqu'ici fait défaut à la Société française. [...] Ces résultats ont été appréciés. De Guizot à Vacherot3272, de Laboulaye3273 à Franck3274, de Girardin à Lord Campbell, nous avons recueilli partout des adhésions considérables.

"La vôtre, Cher Monsieur, nous serait particulièrement précieuse. Vous nous louerez, j'en suis sûr, d'avoir, sans rudesse, tenu le gouvernement à l'écart. L'Etat refroidit et raidit tout ce qu'il touche. Nous voulons rester souples et vivants. D'ailleurs, à vos yeux, il n'y a de peuple libre que celui où les individus mettent de leur cœur dans beaucoup de grandes affaires et ont la passion de les garder sous leur main. Nous avons tenu à appuyer d'un puissant exemple ce grand principe qui est l'essence du self-government et que vous avez tout fait pour développer dans notre pays.

"En raison même de votre prodigue dévouement, vous avez des engagements auxquels nous nous faisons scrupule d'ajouter. Aussi, est-ce à plutôt comme un hommage à l'un des généreux apôtres de l'initiative privée - et aussi pour ne pas faire défaut aux possibilités ignorées qui vous ’ ‘ permettraient de nous seconder personnellement ou par vos amis - que nous vous donnons acte de votre volonté d'être3275. [...]"

Ainsi la main est-elle tendue vers celui qui ne peut que fortement regretter de n'avoir pas suivi, à l'époque, semblable enseignement dont Taine énumère le programme3276. Cette main est spontanément saisie. Avec gratitude, dès le 7 octobre, Boutmy répond : ‘ "J'ai été profondément touché de la chaleur avec laquelle vous avez accueilli une oeuvre qui ne peut vivre - en ce moment - que par le dévouement de ses serviteurs et par le zèle de ses adhérents. J'ai besoin de telles approbations pour garder tout mon courage au milieu des difficultés sans nombre que j'ai à vaincre et contre lesquelles je n'ai d'autre arme que la justesse de mon idée et ma foi en elle3277." ’ Toutefois, il apparaît que la dotation d'Arlès-Dufour est destinée, non à l'une des dix chaires prévues, mais bien à une autre nettement désignée par lui et relative à... l'histoire des rapports de l'Eglise et de l'Etat. Mais, comme Boutmy le souligne, ‘ "vivant encore sous le régime de l'autorisation et le programme actuellement soumis au ministère, un cours sur les religions ne trouverait certainement pas grâce devant le ministre qui vient, dit-on, de nommer deux prêtres, inspecteurs d'Académie de province." ’ Ce thème ne pourra donc être proposé aux élèves ; il ne pourra être étudié qu'ultérieurement, lorsque la liberté de l'enseignement sera enfin assurée. La dotation, malgré cela, est fort probablement maintenue par le donateur en faveur de l'Ecole qui comptera d'ailleurs un nouveau souscripteur en la personne de Maurice Chabrières, gendre d'Arlès-Dufour. En terminant sa lettre explicative, Boutmy formule l'espoir qu'elle trouve le destinataire mieux portant et que celui-ci ait la possibilité d'assister à la séance inaugurale prévue le 15 janvier 1872 dans la Salle d'Encouragement.

Bien que figurant parmi ‘ les "plus gros souscripteurs3278" ’ avec vingt actions, le philanthrope ne pourra davantage être présent à l'inauguration des cours de l'Ecole de commerce et de tissage de Lyon, dans son hôtel de la rue de la Charité, au mois d'octobre 18723279. Une école à nouveau due à l'initiative privée qui, ouverte bien plus tôt, aurait évité à certains de ses fils de s'expatrier à Leipzig pendant quelques années.

Indépendamment de ces diverses écoles, c'est à ‘ une ’ ‘ "Université libre à Lyon" ’ qu'Arlès-Dufour rêve également. ‘ "Une question qui marche à Paris et pour Paris. Tâchons de la faire marcher aussi pour Lyon" ’, écrit-il à un destinataire inconnu qui vise, avec un certain M. Ménager, le même objectif. Il prévoit d'ailleurs de leur en reparler lorsqu'ils viendront ‘ visiter "l'école primaire supérieure libre et laïque d'Oullins", ’ pour filles et garçons, qui, estime-t-il, ‘ "pourra servir de modèle aux écoles secondaires3280."

Cette école primaire supérieure dont les cours débutent à l'occasion de la rentrée scolaire 1871-1872, a pour vocation de compléter l'enseignement de l'école primaire ouverte six ans plus tôt3281 et toujours aux bons soins et frais du même promoteur3282. Dans l'article qu'il consacrera à la mémoire du fondateur, dans L'Opinion nationale du 23 janvier 1872, Adolphe Guéroult estime à plus de cent mille francs le coût de ces installations3283. Pauline en donnera la description suivante : ‘ "[Cette école] est ouverte depuis le mois de novembre 1871 et contient une collection de petits modèles de machines, une collection d'histoire naturelle des trois règnes et un laboratoire de chimie. Deux vastes salles pour l'école des garçons dirigée par M. Petit, Alsacien qui a dirigé dans la ville de Munster une école supérieure avec intelligence. La première classe contient trente-six élèves dont la moitié marche à l'entière satisfaction non seulement de celui qui la dirige mais à l'étonnement de ceux qui la visitent. La seconde moitié des élèves étant moins bien préparée, M. Petit, avec notre autorisation, s'est adjoint un jeune Alsacien avec lequel il forme une seconde classe préparatoire rendue indispensable par l'ignorance et le défaut de préparation à de bonnes études.

"L'école des filles, sous la direction de Mme Dutemps, existait depuis cinq ans déjà3284. Mon mari la reçut dans son école avec les mêmes principes que celle des garçons pour en faciliter le développement. Elle contient également une première classe composée de soixante-dix jeunes filles et une petite classe dirigée par une sous-maîtresse ayant de vingt à vingt-cinq jeunes enfants3285."

On comprend dés lors pourquoi, au nom des ouvriers d'Oullins, l'un d'eux exprimera regrets et reconnaissance en déclarant au moment de l'ensevelissement : ‘ "M. Arlès-Dufour sera toujours considéré comme le plus grand bienfaiteur de la commune d'Oullins. L'amélioration des ouvriers par l'instruction était l'objet de sa constante sollicitude3286." Là encore, pour ces écoles, Arlès-Dufour s'était et avait effectivement dépensé sans compter. En témoignent les réponses de Jean Macé à ses courriers relatifs aux conditions de gestion financière des écoles et au recrutement d'instituteurs ou de directeurs parfaitement qualifiés3287.

Mais la quête d'instituteurs ne se limite pas égoïstement aux seuls besoins de ses établissements oullinois. Au plan national, il convient d'accroître le nombre d'enseignants pour faire face à des besoins de plus en plus impérieux. Une Lyonnaise ayant fait ses études dans cette ville et y ayant reçu ses diplômes, Mme Marchet-Girard, projette justement, en juillet 1870, de créer une Ecole normale d'instituteurs pour l'enseignement laïque, à Sèvres, à Boulogne ou à Passy. Et elle ne tarde pas à se déclarer ‘ "très heureuse de sentir [son] oeuvre sous le patronage d'un grand cœur3288" ’, celui bien sûr de notre personnage. Vingt élèves sont déjà réunis. Le choix du lieu s'arrête, le mois suivant, sur un petit hôtel à Passy, disposé pour pensionnat et pouvant loger une quarantaine d'internes, avec une grande salle de cours et un assez grand jardin, moyennant un loyer de 5.000 F. Les disponibilités doivent permettre deux années de loyers d'avance, prescrit Arlès-Dufour qui a certainement déjà ouvert son portefeuille3289. Il en est encore ainsi après la guerre. Son courrier du 21 novembre 1871, en particulier, apporte un billet de mille francs. ‘ "Au nom du petit groupe", ’ il est remercié ‘ "pour l'aide matérielle et pour l'appui moral" ’ apportés. ‘ "Pour nous comme pour vous, ajoute Mme Marchet-Girard, il y a certes bien des déceptions ’ ‘ aujourd'hui, mais vous avez raison de dire que l'initiative privée peut seule relever le pays3290." ’ Ce concours n'est pas seulement financier. Ses amis sont mis à contribution. Et ce n'est pas par hasard que Mme Marchet-Girard est invitée à dîner chez Emile Trélat, qu'elle espère bien le concours de Frédéric Passy, attendant une réponse de Juliette Adam... Et le 15 décembre, Arlès-Dufour est sollicité afin que son nom vienne s'ajouter à la liste des membres du conseil d'administration3291, parmi lesquels Mesdames Trélat, Meunier3292 et Dreyfus, trésorière de la Société de travail, Messieurs Giraud, maire de Passy, Léon Plée, journaliste et auteur, entre autres, d'un Manuel encyclopédique, M. Flammarion faisant partie du conseil des études.

Malgré un dynamisme hélas diminué, la marche inlassable pour l'égalité de l'homme et de la femme se poursuit parallèlement. Par delà les frontières, le combat d'Arlès-Dufour n'est pas ignoré. En juillet 1871, en en reconnaissant les mérites, Lydia Becker lui adresse un exemplaire du journal publié par la Manchester national society for women's suffrage 3293. Est-ce dans les derniers mois de cette année où il serait une fois de plus à Paris, que Maria Deraisme, l'une des premières adeptes du féminisme, le prie à dîner en compagnie de Léon Richer3294 ? Les correspondances échangées avec le fondateur du journal Le Droit des femmes durant ce second semestre allant bon train, nul doute qu'il finance cette parution3295. Si Guéroult se propose - "enfin3296 ! " écrit Richer - de faire un papier sur l'avenir des femmes dans L'opinion nationale, un article de Suart Mill3297, un autre de Laboulaye3298 lui sont promis. Ils seront les bienvenus. Et Richer, "qui se cramponne à cette oeuvre comme un moribond à la vie", d'avouer cette nécessaire supercherie : ‘ "Je suis obligé de rédiger le journal entier presque à moi tout seul ; de là ma variété de noms divers sous lesquels je me cache3299". ’ Indépendamment du sien, ce sont ceux de Jeanne Mercœur et Georges Bath. ‘ "Ces dames sont un peu trop paresseuses ; il faut leur écrire des fois pour les décider à faire un article3300" ’, regrette-t-il. De son côté, Arlès-Dufour qui compte beaucoup, aux côtés du "courageux Richer", sur le concours de Julie Daubié - récente licenciée ès lettres -, déplore que le journal ne soit pas "plus lu par celles qu'il veut affranchir3301." Peu après la mort du financier, le rédacteur en chef du périodique " ’ ‘ crai[nt] beaucoup que ces sympathies qu'on [lui] témoignait à cause de lui [Arlès-Dufour] ne [lui] fassent prochainement défaut" ’. Une lettre adressée, le 14 mars 1872, à Pauline l'appréhende. A croire que le cautionnement du journal aurait été prélevé sur la succession d'Enfantin... Richer redoute, en effet, que les exécuteurs testamentaires d'Enfantin - continuateurs à ce titre d'Arlès-Dufour - ne lui laissent pas le montant correspondant de 7.100 F, ramené législativement depuis à 3.000 F. Aussi, "pour mettre [s]on oeuvre à l'abri", sollicite-t-il d'elle et "sur sa fortune personnelle", pareil montant de 3.000 F. Et, curieusement en raison de la similitude de somme, il précise : ‘ "M. Arlès-Dufour a eu confiance en moi pour bien plus, puisqu'il a versé 7.100 F, il y a trois ans de cela, et la somme et intérêts3302."

Quelqu'alambiquée que soit cette lettre et pour en revenir quelques mois plus tôt, le 20 novembre 1871, naissait l'Association pour l'émancipation progressive de la femme, ayant Arlès-Dufour et Julie Daubié, respectivement pour président et vice-présidente, Mme A. Tiranty, trésorière-secrétaire3303, et pour "membres auxiliaires", le même Léon Richer, en qualité cette fois de rédacteur de L'avenir des femmes 3304, Paul Lacombe et J.-D. Brandeis (ou Brandis). A l'égard d'Arlès-Dufour, le titre est maintenant surtout honorifique, témoin d'un long passé. Le 3 avril, il avait averti Julie Daubié : ‘ "La plume me devient fatigante et encore plus la pensée qui la guide ; c'est pourquoi il ne faut plus compter sur moi pour la propagande. Et doublement quand je vois où nous ont conduits nos publications, prédications, conférences, prodiguées par nous, pendant quarante ans. J'y renonce3305." ’ De toute façon, les membres du bureau de l'Association pour l'émancipation progressive de la femme sont tous signataires d'un prospectus qui expose les objectifs poursuivis et s'en remet aux partisans de cette cause qui croient juste et utile de revendiquer l'inscription des veuves et des filles majeures sur les registres électoraux : ‘ "Les ’ ‘ soussignés, convaincus que la condition de la femme ne peut se concilier avec les progrès de la liberté et de la civilisation, s'unissent dans le but de rechercher les meilleurs moyens d'assurer à tous les bénéfices effectifs et l'exercice de l'égalité civile, dont nos lois et nos constitutions diverses affirment le principe. [...] Considérant, d'autre part, que la capacité électorale, l'arme du vote, est le garant des droits à obtenir pour la femme et des devoirs fondamentaux qui en résultent et pour elle et pour la société, les fondateurs de l'association susdite appellent en premier lieu l'attention sur le suffrage des femmes, et surtout sur celui des veuves et des filles majeures. En effet, dès que la loi reconnaît à ces contribuables une existence civile et indépendante, l'harmonie sociale exige qu'elles possèdent tout d'abord des droits corrélatifs à leurs devoirs, pour que leurs intérêts ne soient pas lésés désormais comme ils le sont aujourd'hui par des intérêts prédominants3306. [...]"

"Restez unis, ne vous séparez pas3307", Arlès-Dufour, le recommandait à ses enfants, suppliant, dans son testament du 20 septembre 1863.

Nous nous souvenons que, par acte du 1er octobre 1869, une nouvelle société Arlès-Dufour et Cie avait été créée, pour une durée de six ans, confiant la responsabilité de la gestion à Gustave pour la maison mère de Lyon, à son frère Alphonse pour celle de Paris, Maurice Chabrières s'en étant retiré3308. Malheureusement, sans attendre le 1er octobre 1875, un nouveau changement doit intervenir. Il est entériné par acte notarié daté du 21 octobre 18713309. La personnalité du trop entreprenant Gustave n'est-elle pas en cause pour qu'Alphonse, devenu lui aussi associé commanditaire, se soit séparé à son tour de son frère3310 et que Gustave reste le seul associé en nom collectif, le seul responsable de l'affaire ? Pour leur père, une épreuve supplémentaire, une déception cruelle, auxquelles vient s'ajouter, quelques jours après, le 25, la profonde tristesse de la mort de Lucy, sa "bonne belle-fille", après une longue maladie. "Une véritable délivrance tant elle souffrait3311", dira-t-il.

Avec le désespoir de la paix trahie, les épreuves d'une guerre honnie, la tragédie de la débâcle et de l'invasion, un abattement profond, un état général devenu alarmant bien qu'"à peu près quitte de la coqueluche3312" ’, la neige recouvrant le sol de Montroses, la température rigoureuse d'un cruel hiver, tout incline à répondre, dans la précipitation, aux invitations, prévenantes et répétées, de Juliette Adam3313 de la rejoindre dans sa villa "Bruyères" de Vallauris Golfe-Juan3314. Enfin, François et Pauline acceptent. A cette annonce, le 14 novembre, Juliette peut laisser éclater sa joie3315. Elle assure que Bibi, le fils de Rochefort3316 qu'elle a recueilli, ne sera pas une source de fatigues ; il est interne au lycée de Nice et n'en sort que tous les quinze jours. Seulement, en raison de problèmes domestiques, la femme de chambre des Arlès-Dufour sera la bienvenue. Le "Père", lui, sentant la mort venir, n'a qu'un souhait, qu'elle le prenne sur les rives de sa Méditerranée natale. Ainsi en sera-t-il.

Deux textes gardent la mémoire des dernières heures d'Arlès-Dufour. Juliette Adam leur consacre une quinzaine de pages dans son ouvrage Mes angoisses et nos luttes 3317. De son côté, Pauline retrace ces instants ultimes dans un Carnet 3318 destiné ‘ "à [s]on cher Auguste3319, dernier souvenir de son vénéré Grand-Père, Cannes, Villa Bruyères - 9 décembre 1871 - 22 avril 1872". ’ Fort émouvants, l'un comme l'autre, ils se complètent, se contredisant curieusement parfois, notamment sur la date et les conditions de retrouvailles.

Juliette Adam les situe le 3 janvier 1872, dans le jardin de "Bruyères". Là, raconte-t-elle, Arlès-Dufour s'empresse de la rejoindre sur sa terrasse, Pauline encore dans l'omnibus chargé de malles. Et c'est pour lui souffler : ‘ "Juliette, mon enfant, je viens inconsolable auprès de vous ; Lucy [sa belle-fille décédée depuis peu] m'appelle, je le sens." ’ Puis, plus bas encore, ‘ "presque suppliant" : "Pourrai-je mourir chez vous ?" "Comment ne pas répondre ce que je répondis, confie Juliette : ’ ‘ "Père, je veux ce que vous voulez, mon Bruyères est vôtre : la mort d'un homme tel que vous ne peut amener que des bénédictions sur une maison." ’ Et elle conclut ‘ : "C'est la première fois que l'arrivée de mes vieux et bien-aimés amis m'apporte une inquiétude." ’ L'angoisse ne la quittera plus. Cette angoisse est bien partagée, et Juliette se méprend lourdement lorsqu'elle écrit : ‘ "La "Mère", souriante, n'a aucune inquiétude. Pourquoi en aurait-elle3320 ? "

Est-ce que Pauline dissimule, à ce point, la profonde anxiété que pourtant elle porte bien ? Pour elle, selon son Carnet 3321, le samedi 9 décembre 1871, tout est en mouvement pour le départ du lendemain matin, fixé à six heures ; les adieux des enfants, les paquets, la répugnance d'Arlès à partir, à quitter son cher Montroses, tout fait de cette journée une journée solennelle, douloureuse. Au coin du feu, un dernier dîner en tête à tête est pris au salon du premier étage, sur la petite table en palissandre. Pour tenter d'égayer la fin de soirée, Pauline propose une partie de dominos, un jeu que son mari aime en mémoire du Père Enfantin. La chance lui est favorable. Il rit de bon cœur en taquinant sa "vieille" par de petites ruses peu permises. Le lendemain, levés avant les domestiques, les tisons encore rougissants dans la cheminée, le domino en désordre sur la table, l'émotion les gagne tous les deux. Pauline la revit encore en écrivant ces lignes, plus tard, François encore si près d'elle : ‘ ""Restons, ma femme, ne quittons pas ces lieux de paix, de bonheur, commun, de tranquillité, n'allons pas chercher au loin ce que nous possédons ici, et que nous ne trouverons pas au loin ! " Ce cri de déchirante douleur, je l'entends même en ce moment. Je tâchai de combattre ton chagrin et t'entraîner vers la cheminée, tu t'appuyas à l'angle du côté droit, et contemplas longtemps, la larme à l'œil, ce beau paysage d'hiver. Une épaisse couche de neige couvrait le sol, les arbres et arbustes scintillaient de givre, le soleil se levait radieux, un globe de feu empourprant ce sol blanc, changeant le cristal des sapins en autant de diamants, de rubis, de topazes. C'était une grande splendeur et un solennel et noble adieu de ces lieux que tu ne devais revoir ! Le déjeuner fut court et silencieux, les adieux de nos braves vieux serviteurs, Joseph et Marie, se ressentant de la disposition de tous. Nos bons chevaux nous enlevèrent lentement vers le tournant de la pelouse. Ponette et Jeannette nous attendaient à notre grande ’ ‘ surprise, ils s'étaient échappés de l'étable mal fermée. Leur cri d'adieu se fit entendre jusque près de la loge."

Le train les amène à Marseille où ils passent la soirée chez les Baur. La journée du lendemain, ils se promènent en calèche le long de la corniche, passant et repassant devant un cabanon, sans doute occupé à l'époque avec leur chère Lucy, en souvenir d'elle. Le mardi 12 décembre, dans l'après-midi, c'est l'arrivée en gare de Cannes. Arlès-Dufour n'entend pas les cris de joie de Juliette Adam, venue les accueillir. Il résiste à la prière de Pauline de sortir rapidement du wagon, le train continuant sur Nice. Elle est obligée de le faire sortir presque violemment, ‘ "presque dans une espèce de lutte, l'état de [s]on mari l'inquiétant au suprême degré." ’ Le second étage de la villa de Juliette les attend, merveilleusement préparé pour les recevoir.

Montroses, l’ancienne demeure d’Arlès-Dufour à Oullins et le buste d’Enfantin.
Montroses, l’ancienne demeure d’Arlès-Dufour à Oullins et le buste d’Enfantin.

Le temps est beau, la température clémente alors qu'à Lyon le froid sévit toujours. On tente de savourer le moment présent. On fait des courses à Nice, à Cannes, en particulier pour une petite loterie que l'hôtesse organise pour son école la veille de Noël. Quelques visites sont faites à des amis à Nice, à Monaco3322, d'autres reçues sont rendues. Désormais, ces déplacements seront facilités : ‘ "Nos bons chevaux sont arrivés avec Claude [cocher de la maison], empêtré et effrayé de la mer." ’ Mais Arlès-Dufour ne sait trop comment remplir son temps et fréquente "le Cercle" (?). Il y réserve une loge pour une représentation du Barbier de Séville, le 22 décembre, par une troupe italienne. En raison de leur deuil récent, Pauline exclut formellement d'être de la sortie ; tandis que le reste de la maison assistera à ce spectacle, elle passera la soirée chez les amis Jean Dollfus. Le dîner à peine servi, on vient la prévenir. Par une pluie diluvienne, Pauline rejoint "Bruyères" aussi précipitamment que possible. Au moment de partir au théâtre, François a eu un malaise. Avertie par le bruit de sa chute, Juliette Adam monte précipitamment dans sa chambre, le trouve sans connaissance, le porte dans son lit avec l'aide de Julie et d'Augustine3323, le frictionne, le magnétise, le fait revenir à la vie. Pauline le retrouve calme, l'œil vitreux et sans expression. Dans son Carnet, Pauline témoigne sa reconnaissance à l'endroit de Juliette ‘ : "Quelle admirable femme, quel cœur chaud, quelle tendre amie. Non, jamais, je n'oublierai ce qu'elle a été pour moi."

La nuit fut calme, le lendemain il ne paraissait plus rien de ce malaise. De même, le jour suivant, le 24 décembre : ‘ "Veille de Noël, écrit Pauline, jour heureux, jour béni où celui qui aimait faire le bonheur de sa bien-aimée, se montra si large, si généreux, si parfaitement bon pour toute sa famille. Que parents, enfants, petits-enfants se souviennent toujours et perpétuent ce bonheur dans leur famille en souvenir de celui qui le leur donna dans leur jeunesse si libérale." ’ La vie semble redevenir normale, déjeuner chez les Girodon3324, dîner chez les Dollfus, et même réveillon le 31 décembre. Là, au milieu des rires et de la joie générale, "mais une fête sans plaisir", Pauline surveille furtivement son mari. Il s'efforce de sourire lorsque leurs regards se croisent. A table, il est placé aux côtés d'une jeune Suédoise, charmante et enthousiaste. Cette Melle Vilemann (?) s'occupe beaucoup de la question des femmes et se trouve être ‘ "en relation avec toutes les femmes intelligentes dont nous avions fait la connaissance en Angleterre." ’De quoi animer son voisin et lui permettre de reprendre son entrain. Outre cela, Adolphe Dennery, venu de sa proche et si belle propriété du Cap d'Antibes, le séduit par sa conversation.

Elle sera reprise quelques jours plus tard lorsque cet auteur prolifique de plus de deux cents pièces à succès lui rend visite. Arlès-Dufour se souvient-il encore de cette série de représentations au Grand-Théâtre de Lyon, remontant au mois d'août 1833, où, en "seize tableaux magiques", défilaient La République, l'Empire et les Cent Jours, titre d'ailleurs de l'ouvrage ? La mise en scène en était tellement "grandiose" que L'Echo de la Fabrique renonçait à toute description tant elle "serait au-dessous de la réalité", sachant gré au directeur, M. Lecomte, des sacrifices financiers énormes qu'il s'était imposés. Les parents et les chefs d'institution étaient fortement engagés à mener enfants et élèves à ce spectacle d'une ‘ "moralité parfaite3325". ’ Arlès-Dufour pense-t-il toujours à ce que lui écrivait Enfantin, du barrage du Nil, le 25 octobre 1835, souhaitant voir ‘ "réformer les masses par une éducation qui leur serait donnée sous toutes les formes, au théâtre comme à l'école, sur la place publique comme dans les journaux et les livres3326" ? ’ Semble-t-il oublier qu'il vit peut-être ses dernières heures ?

En tout cas, c'est avec une fougue retrouvée qu'il expose à l'écrivain ‘ "son plan d'un vaste cirque ou théâtre populaire où l'histoire moderne serait passée en revue pour le peuple. Toutes belles actions, les hauts faits de l'histoire représentés comme modèles." ’ Peut-être, juge-t-il que son interlocuteur est parfaitement désigné pour s'attaquer à ce dessein ; il avait été nommé, en 1850, directeur du "Théâtre-Historique", même s'il s'en était démis quinze jours après3327. Et lorsque les deux relations se séparent, le dialogue est le suivant : ‘ "Vous êtes un charmeur, M. Arlès ; j'y songerai sérieusement, nous reprendrons cette conversation." ’ L'autre de répondre : ‘ "Vous êtes riche, M. Dennery, ce sera un noble emploi de vos richesses, j'y (sic) prendrai ma petite part dans l'affaire." ’ Dans le courant du mois suivant, Pauline retrouvera Dennery3328. Elle s'inquiétera auprès de lui du sort réservé au projet de son défunt mari qu'ils avaient envisagé tous deux avec enthousiasme. L'auteur dramatique rétorquera : ‘ "Non, je ne puis plus y songer, je renonce avec regret mais l'âme de la chose manque ! " ’ Et Pauline de commenter ‘ : "De combien de choses n'a-t-il pas été l'âme, et combien d'âmes n'a-t-il pas fait sortir de leur torpeur ? "

Déjeuners, dîners même, se succèdent toujours avec les mêmes amis ou d'autres, chez eux ou chez Juliette Adam, tels les Segond - lui "le meilleur Figaro de son temps" à la voix toujours appréciée dans leur cénacle. Arlès-Dufour ne parle plus à Juliette Adam, comme elle dit, ‘ "de sa lugubre demande de l'arrivée ; il va, vient, nous mène ici et là, à Nice, à Monaco, [lui] fait cueillir toutes [s]es fleurs, sitôt fleuries, pour les envoyer à ses amis3329." ’ Oui, la "lugubre demande" semble oubliée pour l'instant. Des projets d'avenir sont même ébauchés par Arlès-Dufour. Pauline les note : ‘ "L'année prochaine, nous viendrons de bonne heure, nous louerons la villa Zema [?]. Il y aura la meilleure chambre pour Auguste [le fils des Chabrières]. Je prendrai ’ ‘ cet enfant à ses parents, je le mènerai en Angleterre. Je lui ferai connaître, aimer ce beau pays. Je le présenterai à mes amis. Ah ! j'en ai là de si bons. Ce n'est que là que j'ai été compris. J'en ferai un homme de mon Auguste. Avec leurs livres, ils n'en feront rien3330."

Mais le comportement de son mari alarme Pauline chaque jour un peu plus. Le 11 janvier, elle l'attend à Nice, au rendez-vous fixé, durant deux heures d'angoisse, avant qu'il ne réapparaisse, ‘ "drapé dans sa fourrure de martre", ’ sa ‘ "grande et imposante figure", ’ ‘ "sa belle mèche blanche agitée par le vent." ’ Dans la calèche du retour, ‘ "de douces paroles sont échangées", ’ avant cette confession ainsi rapportée : ‘ "Je puis mourir en paix, j'ai toujours été un honnête homme, j'ai aimé mon pays passionnément." ’ De grosses larmes inondent ses joues‘ . "J'ai bien souffert de ses malheurs, de sa décadence ! " ’Puis, après une longue pause : ‘ "J'ai été bon père ; un jour, mes enfants le reconnaîtront mieux qu'en ce moment." ’ Puis, en embrassant Pauline : ‘ "Je n'ai pas toujours été bon mari, souvent brusque, inégal, pardonne, ma vieille." ’Enfin, avec découragement, larmes et profond chagrin : ‘ "Je n'ai pas été bon fils !! ’ " Et ce sont les remords d'avoir ‘ "abandonné [s]a pauvre mère" ’ à l'âge de seize ans, pour s'engager3331. ‘ "J'eus toutes les peines à le consoler et je lui dis : "Que nos enfants soient seulement pour nous ce que tu as été pour ta mère et je serai satisfaite et heureuse."

La démarche du malade tend à se faire parfois lente, chancelante. Le docteur Maure (ou Moure3332), son ami - aussi celui de Mérimée, de Thiers (!) et de Gambetta - en séjour à Grasse, ne le trouve pas bien, la face bien rouge. Aux yeux des Dollfus, il apparaît bien changé, comme ils le confient à Pauline. Elle-même, ainsi que Juliette Adam, constate l'aggravation de son état de santé. Subitement, cet état devient désespéré, malgré les soins du médecin homéopathe local, le docteur André, malgré les passes magnétiques de Juliette et ‘ "son admirable puissance pour calmer le Père." ’ On télégraphie aux enfants de Lyon et d'Algérie, au docteur Noack de Lyon. ‘ "Sa poitrine était oppressée, ses yeux fermés, ses lèvres bougeaient sans articuler de sons ; une seule fois, il se mit à chanter la chanson patoise de sa mère "Jo aimé come plaie3333" ’[?] ; on l'entendait à peine, une espèce de râle commençait‘ ." ’ ‘ Dans la nuit du samedi 20 au dimanche 21 janvier 1872 ’ ‘ , "à deux heures3334, Adélaïde, Gustave et le docteur Noack arrivaient au moment même où le Père rendait le dernier soupir3335. La pauvre Délide se jeta éperdue sur le corps de son Père ; je crois qu'il a encore senti sa présence." Quelques heures auparavant, il avait déclaré à l'hôtesse : "Juliette, c'est le moment3336."

Les amis Dollfus accourent dans la journée. Ils trouvent le corps de leur ami, déposé dans la grande chambre par les soins de Juliette, couvert de fleurs. Pauline écrit : ‘ "Les plus belles roses de Bruyères entouraient cette vénérable tête [...]. Rien de plus beau, de plus calme, de plus imposant, de plus majestueux. L'expression du visage était celle du repos du juste et de la félicité suprême." ’ Pas loin de lui, cette Vie éternelle d'Enfantin qu'il lisait et relisait tous les matins...

Arrivés le vendredi 26 janvier à dix heures, les enfants d'Algérie, Marie, Armand et Alphonse, repartent l'après-midi même, en compagnie de leur sœur Adélaïde, pour assister au cimetière d'Oullins à l'inhumation de leur père. Lui, comme Enfantin, regrettait que la crémation ne fut pas encore autorisée3337. En 1860, il lui avait fait part de ses voeux : ‘ "Moi aussi, je voudrais bien qu'on brûlât mon cadavre et je me demande si la Loi pourrait s'y opposer et si nous ne pourrions pas, nous qui sommes toujours en avant, donner cet exemple3338." ’ ‘ A défaut et conformément à sa volonté, ses funérailles sont prévues ’ ‘ "sans prêtres, ni soldats3339". ’ ‘ "Ni prêtres, ni soldats", il avait encore eu la force de le répéter à Juliette. Et, comme elle l'écrit, hanté "par ses vieilles intransigeances", ’ il avait ajouté ‘ : "Qu'on laisse les soldats et les prêtres au petit Thiers3340"...

Ces funérailles ont lieu le dimanche 28 janvier 1872, à une heure trente. A une heure dix, un train spécial est formé à la gare Perrache pour transporter ceux qui se pressent pour rendre un dernier hommage au disparu. Outre les notabilités de la ville, ils sont entre trois à quatre mille3341, dont ‘ "un tiers paraissant appartenir à la classe ouvrière3342" ’, à suivre le convoi qui, de Montroses, se rend directement au cimetière. Contrairement à l'habitude, on n'a pas attaché au drap noir les nombreuses décorations du défunt. Deux couronnes y sont simplement déposées.

Quatre discours sont prononcés, le premier par un membre du Conseil municipal d'Oullins, le second particulièrement remarqué par Martin-Paschoud, l'intime ami depuis quarante ans. Un délégué de la Société d'Enseignement Professionnel du Rhône et un ouvrier d'Oullins, au nom des siens3343, leur succèdent.

Dans la presse lyonnaise3344 et parisienne3345, d'abondants et copieux articles se firent l'écho de cette disparition et de ces obsèques. La presse nationale ne fut pas la seule. Avec d'autres feuilles britanniques3346, le Times, lui-même, longuement, rendait un chaleureux hommage à la mémoire de celui qui ‘ "défendit la cause de l'alliance franco-anglaise, de la paix et des relations commerciales entre les peuples3347.".

Notes
3145.

Arlès-Dufour avait débuté son intervention dans les termes suivants : "Permettez-moi un simple avertissement. Nous inaugurons aujourd'hui solennellement l'ère nouvelle des réunions libres. Aussi, avons-nous refusé tout concours de police ou de force publique pour le maintien de l'ordre, nous en rapportant pour cela au sentiment de dignité que tout citoyen doit apporter dans l'accomplissement de ses nouveaux droits."(Archives familiales).

3146.

Sébastien Commissaire, op. cit., t. 2, pp. 224-225. Cet épisode narré par Sébastien Commissaire est également mentionné dans le discours prononcé par M. Sevenne, président de la Chambre de commerce, le 4 juillet 1881, Inauguration de la statue de Monsieur Arlès-Dufour père, offerte par M. Gustave Arlès-Dufour..., op. cit., p. 17.

3147.

Sébastien Commissaire, ibid., p. 229.

3148.

Juliette Adam, Mes angoisses et..., op. cit., p. 235.

3149.

Ibid., p. 237.

3150.

Le Salut public - Journal de Lyon politique, commercial et littéraire, mardi 23 janvier 1872.

3151.

Cette idée remonte-t-elle à son passage à l'Athenaeum Club de Londres - d'où il écrit à sa famille le 6 août 1869 (lettre citée) du nom du célèbre périodique britannique fondé en 1838 et qui traite de littérature, de sciences et de beaux-arts ?

3152.

Lettre de Charles Robert, 52 avenue de Saint-Cloud, Versailles, 11 novembre 1869, à Arlès-Dufour (Archives familiales).

3153.

Pour mémoire, cf. XXVIII - La croisade contre l'ignorance.

3154.

Lettre de Charles Robert, 15 juillet 1870, à Arlès-Dufour. En P.S : "Mme Robert a été très sensible à l'aimable lettre de Mademoiselle Duveyrier", assure Charles Robert. (Archives familiales)

3155.

Ibid. La sympathie manifestée par Arlès-Dufour et son gendreEX \f nom «Chabrières (Adélaïde)» à l'idée d'une "Histoire de France en images", préparée sous le ministère Duruy, a amené Charles Robert, dès son retour à Paris, à se rapprocher d'Hetzel. Cet éditeur prévoit une collection d'une centaine d'images allant de la Gaule primitive à 1789, accompagnées de textes explicatifs, tout en ne dissimulant pas qu'il s'agit d'une entreprise considérable au point de vue budgétaire. Sa lettre du 14 juillet 1870, jointe, le confirme en estimant le montant de la dépense à 70.000 F. Arlès-Dufour et son gendre envisageaient-ils d'assumer eux-mêmes les frais de cette mission éducative ?

3156.

Selon René Pottier, op. cit., pp. 94-99, le jour de la déclaration de guerre, Henri Duveyrier est à Oullins, chez Arlès-Dufour, et se dévoue aussitôt au soin des blessés, pressé de s'engager. Incorporé selon la loi, il essuie le feu à Villejuif et au moulin Saquet. Après une hospitalisation due à ses fièvres africaines, il rejoint son corps et sera fait prisonnier le 21 décembre 1870 et interné à Neisse (Silésie). Il ignorera longtemps le sort de son jeune frère Pierre, engagé dans un régiment de cavalerie légère, et le mariage de sa sœur Marie. A n'en pas douter, Arlès-Dufour s'emploiera à venir en aide, comme à d'autres, à son jeune ami détenu - entré en rapport avec ses confrères géographes allemands - mais nous ne disposons pas d'élément à ce sujet.

3157.

Lettre, s.d.n.l. [1870, Paris], d'Arlès-Dufour à sa famille (Archives familiales).

3158.

Maxime du Camp, Souvenirs d'un demi-siècle, op. cit., t. 1, p. 273.

3159.

Ibid., p. 297.

3160.

Formule d'Ernest Lavisse, au cours d'une conversation en 1887 avec Maxime du Camp rapportée par celui-ci, ibid., p. 273.

3161.

Le prince Napoléon, parti le 2 juillet 1870 en direction d'Arkhangelsk à bord de son yacht personnel, revint en cinq jours de l'île de Tromsoë où il apprit la déclaration de guerre (Maxime du Camp, Souvenirs d'un demi-siècle..., op. cit., t. 1, p. 295).

3162.

Nom rendu illisible sans doute par Arlès-Dufour, à l'inverse de celui qui suit du général Palikao.

3163.

Lettre du prince Napoléon, Metz, 1er août 1870, à Arlès-Dufour (Archives familiales).

3164.

Lettre d'Arlès-Dufour, Oullins, 4 août 1870, au prince Napoléon (Archives familiales).

3165.

MauriceEX \f nom «Chabrières (Adélaïde)», en cette qualité, sera nommé dans l'ordre de la Légion d'honneur, par décret du 16 mars 1872 (Revue du Lyonnais, 1872/1).

3166.

Cette vice-présidence est signalée parmi les divers titres de ce praticien, énumérés en page de garde de son ouvrage Ambulances sédentaires de Lyon pendant la guerre de 1870-1871, op. cit. Ces ambulances sédentaires furent crées à l'initiative du Comité lyonnais de secours aux blessés militaires, dès les premières hostilités, ibid. p. 5.

3167.

Pauline Arlès-Dufour se verra décerner, "en souvenir de ses services", une Croix de bronze par le Conseil de la Société Française de Secours aux Blessés et Malades des Armées de Terre et de Mer, selon diplôme délivré à Paris le 26 décembre 1871 sous la signature du président F. de Flavigny (Archives familiales). Dans ces mêmes archives, on trouve un opuscule publié en 1866 sous le titre "Association des Dames du Pays de Bade en qualité de section de l'Association internationale de secours pour les militaires blessés."

Dans le cadre de l'Exposition universelle de 1867 à Paris, avait été organisée une "Exposition internationale des sociétés de secours aux blessés militaires des armées de terre et de mer" (ADR 8 MP 164 Exposition universelle de Paris 1867).

La Société internationale de secours aux blessés militaires avait été fondée sur la base d'une Convention internationale signée à Genève le 22 avril 1864 à laquelle tous les Etats de l'Europe avaient adhéré, un blessé militaire étant déclaré neutre à quelque nation qu'il appartienne. En France, la Société de secours aux blessés était placée sous le patronage de l'Empereur, de l'Impératrice et du prince impérial, ses travaux confiés à un Conseil de cinquante membres, élus par l'assemblée générale des fondateurs, sous la présidence de fait du comte de Flavigny. ("Société de secours aux blessés des armées de terre et de mer", L'Illustration, 13 août 1870, réédit. Eric Baschet, Les grands dossiers de l'Illustration : La Commune, op. cit., p. 30).

3168.

Lettre d'Arlès-Dufour, Oullins, 4 août 1870, au prince Napoléon, citée supra.

3169.

Maxime du Camp, Souvenirs d'un demi-siècle..., op. cit., t. 1, p. 309 : "... on afficha une dépêche adressée par l'Empereur à l'Impératrice disant que le prince impérial, qui avait quatorze ans, s'était bien comporté au feu et avait ramassé des balles mortes. Ce détail fit sourire et l'on en leva les épaules."

3170.

Lettre d'Arlès-Dufour, Oullins, 4 août 1870, au prince Napoléon, citée.

3171.

Selon 2e lettre d'Arlès-Dufour, "jeudi 11 août 1870, 5 h", sur papier du Grand Hôtel, Paris, à "Brave amie" (Archives familiales).

3172.

Lettre d'Arlès-Dufour, Paris, 1ère lettre du 11 août 1870, écrite, selon la seconde du même jour, "du Conservatoire" c'est-à-dire de la rue du Conservatoire siège de la succursale parisienne, à "chers enfants" : "Je n'écris pas à la Mère, ma lettre étant pour toute la famille." (Archives familiales). Pour mémoire, cf. XXVII - "La révolution du crédit".

3173.

Arlès-Dufour est un habitué du Café de la Paix. Le 2 avril 1868, il écrit à Julie Daubié : "Vous me trouverez toujours rue du Conservatoire, le matin de neuf heures à dix heures et demie, ou au café de la Paix, à onze heures et demie à déjeuner et pour déjeuner avec moi et toujours vous me ferez plaisir" (Raymonde A. Bulger, op. cit., p. 110). Le 30 août 1871, à la même: "Si vous ne me trouvez pas aujourd'hui, venez déjeuner avec moi au Café de la Paix à midi un jour quelconque, excepté dimanche" (Ibid., p. 142).

3174.

Ces noms sont difficilement déchiffrables. Apparemment, il convient de lire "Yvan", nom souvent rencontré dans les courriers d'Arlès-Dufour et assez fréquemment dans les OSSE. Selon la liste des destinataires de la brochure "Crédit intellectuel" en 1866, Yvan serait un docteur niçois. Dans une lettre du 14 décembre 1870 à Arlès-Dufour (Archives familiales), le prince Napoléon note : "Yvan m'écrit pour la mort de cette pauvre Mme Reybaud. Il est bien abattu." G. Vapereau, op. cit., précise d'ailleurs qu'en 1858, il fut attaché au cabinet du prince Napoléon, alors ministre de l'Algérie et des Colonies. En ce qui concerne "Abertucci" ou Abertini, il semble que l'on doive lire Abbatucci qui, selon encore G. Vapereau, op. cit., parlementaire en 1849, soutint la politique napoléonienne; Conseiller d'Etat depuis 1857. Quant à "Estancelin", ancien membre de l'Assemblée législative en 1849, il a été élu député en 1869 (G. Vapereau, op. cit.). Au lieu de "Gourrieri", il apparaît que l'on doive lire Gavini, député de la Corse, avec son collègue Abbatucci (G. Vapereau, op. cit.).

3175.

Seconde lettre d'Arlès-Dufour du jeudi 11 août 1870, citée.

3176.

Epouse du prince Napoléon.

3177.

Verlaine, Confessions, cité par Henry Troyat, Maupassant, p. 98, Paris, Flammarion, 1993, 480 p.

3178.

Nos recherches dans le Bulletin des Lois, années 1870 et 1871, pour connaître la date du décret de naturalisation de Pauline, sont restées vaines.

3179.

Lettre du pasteur Martin-Paschoud, "par ballon monté", Paris, 14 janvier 1871, à la famille Arlès-Dufour (Archives familiales).

3180.

Duclerc, apparemment ancien ministre des Finances de 1848, ami de Juliette Adam qui le cite in Mes Illusions et..., op. cit., p. 65.

3181.

Le ministère Palikao succède à celui d'Emile Ollivier, renversé par la Chambre. Chevreau, l'ancien préfet de Lyon et ami d'Arlès-Dufour, fait partie du nouveau Cabinet.

3182.

Lettre d'Arlès-Dufour, Paris, 13 août 1870, à Oullins (Archives familiales).

3183.

Le régime installé ne fut qu'éphémère (4 au 16 septembre 1870). Les municipalités d'élus n'eurent aussi qu'une aussi courte carrière jusqu'au 4 avril 1873 où l'Assemblée nationale remit au préfet du Rhône l'administration de Lyon, régime qui dura sept ans avant la loi de 1884 qui rétablit les fonctions municipales (AML, Répertoire numérique de la série I de 1790/1870).

3184.

Suite à un ordre du Conseil municipal. Le drapeau rouge sera replacé dans la nuit du 22 au 23 à la suite d'une manifestation de bataillons des faubourgs de la Croix-Rousse et la Guillotière qui contrôlent l'Hôtel de Ville (Revue du Lyonnais 1871/I, p. 191).

3185.

Octave Aubry, Le Second Empire, op. cit., note 1, p. 591.

3186.

Ibid. La reine Victoria se réjouira des victoires allemandes, mais, note aussi Octave Aubry, l'humanité devait plus tard prévaloir chez elle.

3187.

Lettre d'Arlès-Dufour, 4 août 1870, au prince Napoléon, citée.

3188.

Lettre de Michel Chevalier, Paris, 27 avenue de l'Impératrice, samedi 13 août 1870, à Arlès-Dufour, Paris (Archives familiales).

3189.

François Guizot, "La France et la Prusse devant l'Europe", Revue des Deux Mondes, 15 septembre 1868.

3190.

Lettre d'Arlès-Dufour, Paris, 13 août 1870, citée.

3191.

Lettre d'Arlès-Dufour, Oullins-Montroses, 16 août 1870, à S.M. la reine Augusta, reproduite dans le Times du vendredi 7 octobre 1870. Il ne fait pas de doute que, dans le cadre de ce reportage daté du 1er octobre sur la situation particulière lyonnaise, cette lettre "communiquée" à l'envoyé spécial de ce journal à Lyon, l'ait été par Arlès-Dufour lui-même. Dans la période agitée traversée, le special correspondant, a pu vivre quelques jours dans l'anonymat "grâce à l'hospitalité d'un vrai et généreux gentilhomme français." Pas de doute, là encore, qu'il s'agisse d'Arlès-Dufour, dont les amis en Angleterre sont nombreux ainsi qu'il y est dit. On s'étonne quelque peu de la qualité de vice-président du Comité lyonnais de secours aux blessés qu'Arlès-Dufour s'attribue ici. Divers autres documents font apparaître celle de président, antérieurement et postérieurement, au moins jusqu'au 10 octobre 1870, date du laissez-passer établi ès qualités à "[s]on gendre, M.Chabrière-Arlès, membre de l'ambulance internationale lyonnaise" (Archives familiales).

3192.

Télégramme de la Ligue de la Paix, Paris, 6 septembre 1870, à S.M. la reine de Prusse, publié dans le Journal de Genève, 22 septembre 1870, tel que reproduit dans le Times, 7 octobre 1870.

3193.

Réponse de Sydow, Berlin, 8 septembre 1870, au télégramme ci-dessus, Times, 7 octobre 1870.

3194.

Lettre de Michel Chevalier, "Asnelles par Ryes" (Calvados), 21 septembre 1870, à Arlès-Dufour, Lyon (Archives familiales).

3195.

Ibid., 27 septembre 1870.

3196.

Ibid., 3 octobre 1870.

3197.

Ibid., 5 octobre 1870.

3198.

"Arlès-Dufour", Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle Pierre Larousse, t. 16, 1877. Texte sensiblement identique dans la Grande Encyclopédie, t. III, 1885.

3199.

Lettre de Michel Chevalier, Asnelles, 13 octobre 1870, à Arlès-Dufour (Archives familiales).

3200.

Ibid., 13 novembre 1870 : "Dans votre dernière [lettre], vous m'associez à Napoléon III au sujet ou à l'occasion des peuples de la civilisation latine. Vous me dites : "Votre Empereur". Il n'était pas plus à moi qu'à vous et ne m'écoutait guère."

3201.

Ibid., 21 décembre 1870.

3202.

Ibid., 15 octobre 1870.

3203.

"Permis de circulation pour deux chevaux, délivré par la préfecture du Rhône, en exécution de l'arrêté du 11 octobre 1870, à M. Arlès-Dufour sous le n° 419 du 14 octobre 1870, par le secrétaire général du préfet, Commissaire extraordinaire du Gouvernement." (Archives familiales).

3204.

Eecles, 3 Addenbrooke Place, Cambridge, lettres des 3 et 12 octobre, 5 novembre, 13 décembre 1870, écrites en français. (Archives familiales).

3205.

Evans, 3 Dones Killar Chillen Lane, lettre en français du 8 novembre 1870 à Pauline (Archives familiales). Selon Jean Lambert-Dansette, op. cit., p. 235, pendant la guerre de 1870, la firme Bonnet de Jujurieux, à l'instar de nombreux soyeux lyonnais encombrés de leurs stocks, consigna pour trois millions de taffetas auprès de la firme Evans. Ne s'agirait-il pas aussi d'un correspondant professionnel londonien d'Arlès-Dufour, avec lequel d'harmonieuses relations furent nouées, à l'instar des Leaf ? Il semble bien que ce soient bien les mêmes amis Evans qui ont une propriété à Menton et, dans leur famille, un Colonel du même nom. Par ailleurs, Maxime Du Camp, Souvenirs d'un demi-siècle, t. 2, p. 108, fait mention du docteur Thomas Evans chez qui l'Impératrice se réfugie le 4 septembre 1870, et cet écrivain lui attribue la qualité de membre de la Société internationale de secours aux blessés. Américain, il ne peut s'agir de la même famille.

3206.

Du moins, celles des 3 et 12 octobre 1870 des Eecles, retrouvées sous bande avec la mention "Lettres reproduites dans les journaux" (Archives familiales). Dans une lettre du 13 décembre 1870, Mary E. Eecles à Arlès-Dufour : "Que vous ayez jugé la mienne [ma lettre] utile à faire voir, quoique d'une manière si faible, le sentiment qui remplit tant de cœurs d'Anglais à l'égard de la France m'a beaucoup touchée."

3207.

Lettre de Mme Eecles, 5 novembre 1870, citée : "J'espère que M. Arlès a trouvé bien l'article du Times sur sa "Lettre aux Anglais" que j'ai envoyé il y a quinze jours dans une lettre. Maintes fois, son nom a été cité dans le Times depuis." La date du 12 octobre, celle de "l'appel à la Grande-Bretagne..." dont font mention le Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle de 1877 et la Grande Encyclopédie de 1885, est-elle celle de la publication dans le Times de la "Lettre aux Anglais" d'Arlès-Dufour ?

3208.

Le 30 novembre 1870, Juliette Adam, Mes illusions et..., op. cit., p. 79 et p. 248.

3209.

Maxime Du Camp, Souvenirs d'un demi-siècle, op. cit., t. II, p. 88.

3210.

De Gambetta, Michel Chevalier écrira à Arlès-Dufour le 21 décembre 1870 (Archives familiales) : "C'est une des aventures les plus singulières de l'histoire de France et du monde que celle de ce jeune avocat débraillé auquel, il y a 30 mois, pas un avoué n'eut confié une cause qui aujourd'hui est dictateur de la France, dictateur en administration, dictateur en finances, dictateur en organisation militaire et en opérations guerrières. Il mène les choses à grandes guides, aussi il mettra en pièces toute la machine. Napoléon III a fait, dans ses deux derniers mois de règne, un mal prodigieux à ce pays. Je croyais que c'était un nec plus ultra. Pas du tout, Gambetta en fait trois ou quatre fois autant. Après Sedan, nous aurions pu faire la paix en sacrifiant les fortifications de Metz et Strasbourg et en donnant de l'argent. Vous verrez ce que ce sera après le règne de Gambetta. Les avocats et les militaires ensemble, ou un avocat s'érigeant en militaire et cumulant les vices des deux professions, il n'y a pas de borne au dommage que cela peut causer à une nation."

3211.

Lettre d'Arlès-Dufour, Tours, 20 octobre 1870, à Pauline (Archives familiales).

3212.

Lettre de Michel Chevalier, 13 octobre 1870, à Arlès-Dufour, citée.

3213.

Maxime du Camp, Souvenirs d'un demi-siècle, op. cit., t. 2, p. 199 : "Il fut brouillon, tracassier, souvent perfide, toujours de l'opposition quand il n'était pas au pouvoir, ce qui suffit à enlaidir son caractère et à en faire douter de sa bonne foi."

3214.

Contrat de mariage d'Armand Arlès-Dufour et Marie Duveyrier, Etude de Me Messimy, Lyon, 7 novembre 1870 : "Melle Marie Duveyrier, sans profession, demeurant chez M. Arlès-Dufour, à Oullins". L'état civil précise seulement : "demeurant audit Oullins".

3215.

Ordonnance du docteur Love, rue d'Aumale, 9, Paris, 26 novembre 1868 (Archives familiales).

3216.

Par sa mère, une partie de la famille de Marie Duveyriet était anglaise. Pour mémoire, Charles Duveyrier est décédé le 10 novembre 1866.

3217.

Lettre de Pierre Duveyrier, Paris, 20 août 1867, à, semble-t-il, Maison Arlès-Dufour, Paris (Archives familiales).

3218.

Lettre en français de Lydie H. Evans, 8 novembre 1870, citée.

3219.

"Maison située à Passy-Paris, rue du Vigan entre cour et jardin", selon acte de Me Messimy cité.

3220.

Un titre de 403 F de rente 3% sur l'Etat français et vingt actions de la Société du gaz de Madrid, non évalués, selon acte de Me Messimy cité.

3221.

Alphonse Arlès-Dufour est absent, par la force des choses, assiégé dans Paris, de même Henri Duveyrier comme nous l'avons également dit en note, même chapitre. Sont également signataires : Marie Germain, Marguerite Germain, Marie Gros, Laurent Chély, Clémentine Lortet et S. Fitler, néeEX \f nom «Chabrières (Adélaïde)».

3222.

Il est piquant de noter que l'heure du mariage civil est exactement la même que celle de la signature du contrat de mariage portée sur cet acte.

3223.

Selon Guide municipal, Oullins 1989. L'actuel hôtel de ville d'Oullins a été inauguré en 1903 par M. Pelletan, ministre de la Marine.

3224.

René Laplace, op. cit., p. 92. Par contre, selon la liste des maires d'Oullins de 1793 à 1987, dressée par Alain Roulet, op. cit., p. 14, la nomination de Gustave Arlès-Dufour est datée du 26 septembre 1870. Il cessera ses fonctions le 19 mai 1872 au profit de Horace Vollay.

3225.

Juliette Adam, Mes illusions et..., op. cit., 24 octobre 1870 et 3-4 et 5 janvier 1871, pp. 130 et 300-301.

3226.

Ibid., 9 et 10 novembre 1870, p. 214.

3227.

Lettre de Charles Sohné, Ministère de la Guerre, Bordeaux, 7 mars 1871, à Arlès-Dufour (Archives familiales). Nous lisons bien "Vaurelles" et non Vaureilles (Aveyron), nom de commune approchant. Alexis Petit souffrait d'une hématurie depuis deux ans.

3228.

Cf. plus loin.

3229.

Juliette Adam, Mes illusions et..., op. cit., 1er janvier 1871, p. 295. Le 19 octobre précédent, Juliette Adam, au Conservatoire où elle soignait les blessés, avait rencontré Félicien David en compagnie du "vieil Auber" et lui avait demandé s'il n'allait pas composer "quelque chant de victoire"... Ibid. p. 121.

3230.

Selon des éléments reçus par Mme Evans et transmis par elle à Mme Eecles. Lettre de Mme Eecles, 3 octobre 1870, à Arlès-Dufour, citée.

3231.

Lettre de William Leaf, Park Hill, Streatham, 23 septembre 1870, à Arlès-Dufour (Archives familiales).

3232.

Lettre de Michel Chevalier, Asnelles, 13 novembre 1870, à Arlès-Dufour, citée. La lettre de John Stuart Mill ne nous est pas connue. Le rythme des courriers à l'adresse de son ami lyonnais ne se ralentira pas. La charge contre l'Empereur, contre les Britanniques se poursuivra, quitte à revenir inlassablement sur les mêmes sujets préoccupants.

3233.

Lettre du prince Napoléon, sous le pseudonyme de comte de Momalivré, Prangins, 21 novembre 1870, à Arlès-Dufour (Archives familiales).

3234.

Lettres du prince Napoléon des 14 et 18 décembre 1870 à Arlès-Dufour (Archives familiales). Après la vente à Londres de son château de Prangins, le prince cherche à en faire autant de son chalet, de ses vignes et d'"un charmant cottage". Il les propose à Arlès-Dufour ou à ses proches, tel son gendre Maurice Chabrières et renouvelle son offre par courrier du 23 même mois, plan de la propriété à l'appui (Archives familiales).

3235.

Ibid., 23 décembre 1870.

3236.

La ville de Lyon sera épargnée de peu de l'invasion étrangère par la signature de l'armistice.

3237.

Testament d'Arlès-Dufour, 1er janvier 1871, déjà cité, à propos de la Martinière, au chapitre XXVIII - La croisade contre l'ignorance.

3238.

Juliette Adam, Mes illusions et..., op. cit., 21 et 22 janvier [1871], p. 319.

3239.

Ibid., 11 février [1871], p. 349.

3240.

Lettre de la Légation suisse, Paris, 3 mars 1871, à Arlès-Dufour, Oullins - Montroses (Archives familiales).

3241.

Consultée, l'Ambassade d'Autriche à Paris n'a pu nous fournir le moindre renseignement au sujet de sa représentation lyonnaise de l'époque, les annuaires administratifs lyonnais pas davantage.

3242.

Cf. XXV - De longs efforts couronnés de succès.

3243.

Il s'agit sans doute de James Fazy, homme politique et économiste genevois, fondateur du Journal de Genève et auteur de la Constitution libérale genevoise de 1847 (1796-1878) (Larousse universel, 2 Vol., 1922).

3244.

Brouillon "Comité français de reconnaissance" de la main d'Arlès-Dufour, s.d. [1871], (Archives familiales).

3245.

Raymonde A. Bulger, op. cit., p. 138, reproduit une lettre du pasteur Martin-Paschoud du 14 mars (1871 année supposée) à Julie Daubié, signalant le séjour d'Arlès-Dufour à Rome et son retour le mois suivant. A-t-il quitté la Suisse en direction de l'Italie ? Apparemment, Marie d'Agoult ignore ce voyage et sa durée, annonçant son passage à Oullins pour la fin du même mois. A noter que le 3 avril 1871, Arlès-Dufour est à Golfe-Juan jusqu'à Pâques, selon sa lettre, à cette date, à Julie Daubié (Raymonde A. Bulger, op. cit., p. 140). Cette présence est confirmée par une lettre d'Alice, fille du premier mariage de Juliette Adam, du 16 avril 1871, à Arlès-Dufour; elle le remercie de l'envoi d'une robe et regrette le départ du ménage (Archives familiales).

3246.

Lettre de Marie d'Agoult, Genève, 6 mars 1871, à Arlès-Dufour (Archives familiales). La comtesse est allée visiter Prangins. Elle "ne comprend guère, non plus, que l'on vende dans un tel moment une telle propriété", celle du prince Napoléon. Elle signale un article d'elle, "République ou monarchie", paru la veille dans le Journal de Genève, qu'elle regrette de ne pouvoir envoyer, le numéro étant partout épuisé.

3247.

Circulaire imprimée "Hommage à la Suisse - Comité d'initiative à Villefranche (Rhône)", 15 mai 1871 (Archives familiales).

3248.

Lettre du comte d'Espagne, s.d.n.l. [Juin (?) 1871], à "Monsieur le Président" [du comité de Villefranche], (Archives familiales).

3249.

Théodore Aynard, Souvenirs historiques et quelques autres..., op. cit.

3250.

C[ésar] L['Habitant], op. cit., p. 192.

3251.

Victor Bizot, op. cit., p. 27 (ouvrage aimablement communiqué par M. Bruno Varenne, Lyon). Arlès-Dufour fait parvenir une lettre de crédit de 1.000 F sur la banque Frieling et Werner de Dresde.

3252.

Il est avéré que pendant toute la durée de la guerre, la reine Augusta fut admirable de charité et de dévouement à l'égard des prisonniers français (Victor Tissot, Voyage au pays des milliards, p. 229, édition inconnue, cité par Edouard Robert, op. cit., pp. 194-196).

3253.

Lettre de "Camille Rambaud, prêtre de Lyon", date [début 1871] et lieu illisibles, à Arlès-Dufour (Archives familiales).

3254.

Commune de Paris du 18 mars au 28 mai 1871.

3255.

Selon Lettre de William Leaf, Park Hill, Streatham, 15 mars 1871 à Arlès-Dufour (Archives Morel-Journel, lettre aimablement communiquée). Le 3 avril 1871, de Golfe Juan, Arlès-Dufour signale à Julie Daubié son projet "si [s]a santé et les événements le permettent, [d'aller] passer le mois de mai en Angleterre", lettre citée.

3256.

Cf. supra même chapitre, réponse faite par le Comte d'Espagne au comité "Hommage à la Suisse" de Villefranche.

3257.

Lettre William Leaf, 15 mars 1871, citée.

3258.

Lettres de Martin-Paschoud à Arlès-Dufour des 15 juin, 10,16 et 21 juillet 1871 (Archives familiales). Dans celle du 31 juillet, le pasteur libéral Martin-Paschoud précise que sa chaire lui "est, ou à peu près, interdite".

3259.

Décès à Lyon le 25 octobre 1871 de Lucy, Jeane (sic), Eugènie, Martin, née à Lyon le 4 septembre 1834, fille de Joseph et de Gasparde Adélaïde Paschoud, épouse de François Gustave Arlès-Dufour, demeurant en cette ville, avenue de Noailles 32. (Acte d'état civil Lyon n° 850 du 25 octobre 1871).

3260.

Discours de Victor Bizot, banquet de la maisonEX \f nom «Chabrières (Adélaïde)», Morel et Cie, Lyon, 20 novembre 1920, aimablement communiqué par M. Bruno Varenne, Lyon.

3261.

C.[ésar] L.['habitant], op. cit., p. 193.

3262.

Brouillon de discours à la distribution des prix de l'école primaire laïque d'Oullins d'une main inconnue, [juin-juillet] 1871 (Archives familiales).

3263.

Selon lettre d'Arlès-Dufour, Paris, 30 août 1871, à Julie Daubié (Raymonde A. Bulger, op. cit., pp. 141-142).

3264.

L'Ecole spéciale d'architecture était précédemment dénommée Ecole centrale d'architecture et installée au 59 rue d'Enfer, Paris, dans "ses tranquilles jardins". Discours de M. Henri Cole, directeur du South Kensington Museum, à la séance d'ouverture [de l'Ecole pour l'année scolaire] 1867-1868 du 11 novembre [1867], Paris, Typographie Honnuyer, [1867 ?], 4 p.

3265.

"Discours de M. Emile Trélat, directeur de l'Ecole spéciale d'architecture de Paris", Inauguration de la statue de Monsieur F. Arlès-Dufour père,... , le 4 juillet 1881, plaquette citée.

3266.

Note sur l'Ecole Spéciale d'Architecture - Ouverture de l'Ecole, sans signature ni date [Septembre / octobre ? 1871] (Archives familiales).

3267.

Lettre circulaire de l'Ecole spéciale d'architecture, 18 septembre 1871, signée de l'administrateur-délégué Emile Trélat (Archives familiales).

3268.

Lettre d'Emile Trélat, 1er janvier 1872, à Arlès-Dufour (Archives familiales).

3269.

G. Vapereau, op. cit.

3270.

Lettre d'Emile Boutmy, lundi 16 octobre 1871, à Arlès-Dufour (Archives familiales). Ajoutons que le fils du saint-simonien Gustave d'Eichthal, Eugène (1844-1936), sera président et directeur de l'Ecole libre des Sciences politiques ("Petit dictionnaire bibliographique", Le Livre Nouveau des Saint-Simoniens, op. cit., p. 327).

3271.

Lettres d'Emile Boutmy des 30 septembre, 7 octobre, 16 octobre 1871, et une "11 Médicis Mardi" [octobre/Novembre ? 1871], à Arlès-Dufour (Archives familiales).

3272.

Etienne Vacherot (1809-1897), philosophe et homme politique français (Larousse universel, op. cit.).

3273.

Edouard de Laboulaye (1811-1843), jurisconsulte français, auteur de nombreux ouvrages d'économie politique (Ibid.).Dans l'opuscule Ecole libre des sciences politique, (Paris, Imprimerie Viéville et Capiomont, 1871, 24 p.), Laboulaye, dans sa lettre, avec celles de Guizot et de Taine qui se félicitent chacun de cette création, tient à rappeler que trente ans plus tôt il l'avait demandée dans la Revue de Législation.

3274.

Sans doute, s'agit-il d'Adolphe Franck (1809-1893), philosophe français, auteur du Dictionnaire des sciences philosophiques (Larousse universel, op. cit.).

3275.

Lettre d'Emile Boutmy, 30 septembre 1871, à Arlès-Dufour (Archives familiales).

3276.

Taine, dans l'article "De la fondation d'une Faculté libre de sciences politiques" paru dans l'opuscule Ecole libre des sciences politique précité, donne le programme de l'enseignement. Les dix cours enseignés durant deux ans seront les suivants : 1/ Limites et communications naturelles des races, des langues et des religions dans les principaux Etats. 2/ Les antécédents et les conditions des traités conclus entre les grands Etats depuis la paix de Westphalie. 3 / Le travail et la richesse. 4/ Histoire des variations et des progrès des théories d'économie politique depuis Adam Smith. 5/ les Finances. 6/ Droit comparé. 7/ Droit politique, titre : De l'Administration - 8/ Sur l'armée, titre : Histoire comparée de l'organisation militaire chez les principaux peuples depuis Frédéric II - 9/ Etude comparée des Constitutions politiques en vigueur depuis la fondation de la République américaine en 1776 - 10/ Récit des utopies et des projets, titre : Histoire des théories contemporaines relatives à l'organisation des sociétés.

3277.

Lettre d'Emile Boutmy, samedi 7 octobre 1871, à Arlès-Dufour, citée.

3278.

Selon les quelques éléments que nous avons pu obtenir de l'Ecole de commerce de Lyon. La participation d'Arlès-Dufour à la création de l'Ecole de commerce de Lyon est soulignée in Yves Lequin [dir.], 500 Années Lumières, op. cit., p. 338. Pour mémoire, au sujet des tentatives de création de cette Ecole, cf. XXVIII - La croisade contre l'ignorance.

3279.

Pierre Pagnon, "Ecole supérieure de commerce de Lyon, La Revue du siècle, Lyon 1891. Un capital de 1.100.000 F fut rapidement réuni en vue de l'ouverture de cette école, afin d'y accueillir professeurs et élèves de l'Ecole de commerce de Mulhouse fuyant la domination allemande. H. Girardon, fils de Désiré Girardon, le premier directeur de l'Ecole centrale de Lyon, ingénieur des ponts et chaussées, y enseigna l'économie politique. L'Ecole de commerce et de tissage de Lyon est devenue l'Ecole supérieure de commerce de Lyon et, depuis 1997, l'Ecole de Management de Lyon (E.M. de Lyon).

3280.

Lettre d'Arlès-Dufour, Oullins - Montroses, 17 octobre [1871], à "Mon cher Monsieur", destinataire inconnu (Archives familiales).

3281.

Cf. XXIX - La "transformation" d'un ami.

3282.

Vingt-cinq ans plus tard, on parlera encore à Oullins de "l'ancienne école Arlès" pour situer l'école primaire des filles. tel est le cas de l'invitation à la distribution des prix aux élèves des écoles primaires et laïques d'Oullins du dimanche 8 août 1897, à une heure du soir, lancée par la commune sous la signature du maire Louis Normand, annonçant également la rentrée scolaire fixée au vendredi 1er octobre (Archives familiales).

3283.

Article nécrologique d'Adolphe Guéroult paru dans L'Opinion nationale du 23 janvier 1871, reproduit dans les OSSE, Vol. 24, "Préface", p. LVII.

3284.

En fait six ans, selon du moins XXIX - La "Transformation" d'un ami.

3285.

Copie de notes prises par ma mère..., cité.

3286.

"Chronique", Le Journal de Lyon, 31 janvier 1872.

3287.

Tel est le cas de la lettre de Jean Macé du 12 juillet 1870 (Archives familiales) qui lui propose le maître adjoint de M. Hatt (d'Alsace ?) que celui-ci souhaite lui présenter. "Votre homme est trouvé, je crois, écrit Jean Macé, [...] huit ans d'enseignement, va se marier au mois de septembre, catholique libéral, prêt à la lutte que vous savez [...]"... Nous ignorons s'il s'agit de M. Petit, futur directeur de l'école supérieure d'Oullins.

3288.

Lettre de Mme Marchet-Girard, 18 rue des Vosges, Paris, 9 juillet 1870, à Arlès-Dufour (Archives familiales).

3289.

Ibid., 3 août 1870.

3290.

Ibid., 14 rue de la Plaine, Ternes-Paris, 27 novembre 1871; réponse à envoi d'Arlès-Dufour du 21 même mois.

3291.

Ibid., 15 décembre 1871.

3292.

S'agit-il de l'épouse de l'écrivain pédagogique, Louis-Arsène Meunier, ancien directeur de l'Ecole normale d'Evreux, auteur de divers ouvrages d'enseignement ? (Cf. G. Vapereau, op. cit.).

3293.

Lettre de Lydia Becker, Manchester national society for women's suffrage, 28 Jackson's Row, Albert Square, 3 july 1871, à Arlès-Dufour (Archives familiales).

3294.

Lettre de Maria Deraisme, 52 Grande Rue des Batignolles, Paris, Mardi 9 décembre [1871 ?], à Arlès-Dufour (Archives familiales).

3295.

Lettres de Léon Richer des 6, 13, 24, 27 octobre 1871, 4, 9 et 10 novembre 1871. Elles sont toutes écrites sur papier à en-tête de "Le Droit des femmes - Journal politique - Rédaction - rue de Paradis Poissonnière, 1 bis". Cette adresse est biffée, et celle du "4 rue des Deux Gares", Paris, donnée avant signature. A compter du 2 mars 1872 (Lettre de Léon Richer à la veuve Arlès-Dufour - Archives familiales), cet en-tête est modifié au profit de "L'Avenir des femmes - Journal politique, Léon Richer, Rédacteur en chef". L'adresse reste celle du 4 rue des Deux gares.

3296.

Ibid., 24 octobre 1871.

3297.

Ibid.

3298.

Ibid., 10 novembre 1871.

3299.

Ibid., 6 octobre 1871.

3300.

Ibid., 10 novembre 1871.

3301.

Lettre d'Arlès-Dufour, Oullins, "28 novembre (1871)", à Julie Daubié (Raymonde A. Bulger, op. cit., p. 148). Pour mémoire, cf. note correspondante au chapitre XXVIII - La croisade contre l'ignorance au sujet de cette lettre déjà citée. Dans ce courrier, Arlès-Dufour complimente Julie Daubié, nouvelle licenciée ès lettres.

3302.

Lettre de Léon Richer, 14 mars 1872, à Mme Arlès-Dufour (Archives familiales).

3303.

L'adresse de Mme Tiranty, rue de la Pompe, 5, à Paris-Passy, est donnée dans l'imprimé cité infra pour adresser toutes communications.

3304.

Selon Raymonde A. Bulger, op. cit., p. 142, c'est à partir de septembre 1871 que "L'avenir des femmes" succède au journal "Le Droit des femmes".

3305.

Lettre d'Arlès-Dufour, Golfe-Juan, 3 avril 1871, à Julie Daubié, citée.

3306.

Imprimé "Association pour l'émancipation progressive de la femme", Paris, 20 novembre 1871, Paris, Imp. Nouv., rue des Jeuneurs, 14, recto-verso. Ce texte est intégralement reproduit par Raymonde A. Bulger, op. cit., pp. 146-147.

3307.

Cf. XXVI - "La mère des ouvriers".

3308.

Cf. XXVIII - La croisade contre l'ignorance.

3309.

Acte "fait et passé dans les bureaux de MM. Arlès-Dufour et Cie, place Tholozan, par devant Me Lombard" le 21 octobre 1871.

3310.

Alphonse Arlès-Dufour rejoint alors son jeune frère Armand en Algérie pour y exercer, dans un premier temps, le commerce direct des grains entre ce territoire et la métropole, puis d'y fonder l'établissement thermal d'Hammam Righa en 1876. L'Indicateur Henry, Lyon, Editions de 1882, 1883 et 1884, porte : "Alphonse Arlès-Dufour, Directeur du Crédit Lyonnais à Alger - Place Bellecour 30." Jean Rivoire in Le Crédit Lyonnais Histoire d'une Banque, p. 21, date de 1878 l'ouverture à Alger d'une succursale de cette banque, p. 30 & 47, et y voit Alphonse, p. 21, sous-directeur de cette agence.

3311.

Lettre d'Arlès-Dufour, Oullins, 28 novembre (1871), à Julie Daubié, citée.

3312.

Ibid.

3313.

Lettres de Juliette Adam, des 5 et 14 octobre 1871 (Archives familiales). Elles ne sont pas immédiatement suivies d'effet en raison de l'état de santé de leur belle-fille Lucy et de sa mort le 25 de ce mois, comme vu plus haut.

3314.

La villa "Bruyères" a été démolie à une date qui n'a pu nous être indiquée par la municipalité de Vallauris-Golfe Juan. En souvenir de Juliette Adam ou parce que sa villa se trouvait dans les parages, un "Port Lamber" (de son nom de femme de lettres) a existé, remplacé par le nouveau port de Golfe Juan. Une avenue Juliette Adam, éloignée du lieu présumé de cette villa, commémore les séjours de ce personnage dans la localité.

3315.

Lettre de Juliette Adam, Bruyères, Golfe-Juan, 14 novembre 1871, au ménage Arlès-Dufour (Archives familiales).

3316.

Rochefort, condamné depuis peu à la déportation en Nouvelle-Calédonie, est emprisonné pour le moment au fort Boyard.

3317.

Juliette Adam, Mes angoisses et nos luttes, op. cit., pp. 235-253.

3318.

Carnet de Mme Arlès-Dufour, cité. Ce carnet retrace la période, quotidiennement et par le menu.

3319.

AugusteEX \f nom «Chabrières (Adélaïde)» (8 avril 1854 - 10 juin 1904), fils de MauriceEX \f nom «Chabrières (Adélaïde)» (19 janvier 1829 - 21 mars 1897) et d'Adélaïde née Arlès (28 octobre 1830 - 17 avril 1915), marié le 26 juin 1877 à Laure Fraissinet (7 octobre 1856 - 8 août 1918).

3320.

Juliette Adam poursuit sa narration dans son ouvrage Mes angoisses et..., op. cit., p. 240, en donnant les appréciations suivantes : "MauriceEX \f nom «Chabrières (Adélaïde)», le gendre d'Arlès-Dufour, est bien plus un Arlès que les trois autres fils du Père. il a la générosité et en même temps l'esprit pratique de son beau-père, et avec cela, quel juge en art ! Sa maison est un musée et son goût fait loi dans les milieux "bibelotiers". Dans la conduite de la vie un conseil de lui vaut tous ceux des autres. Il trouve des solutions où nul n'en découvrirait, et il excelle à mettre d'accord les intérêts les plus contraires. [...] Loyal et diplomate à la fois, habile et sincère, il est l'ami qu'on appelle au moindre embarras et qui ne se lasse jamais d'accourir. Elle, Adélaïde, c'est son père comme traits, et je la chéris plus qu'une sœur."

3321.

Ce qui suit, sauf mention contraire, est reproduit ou adapté du "Carnet de Mme Arlès-Dufour A mon Cher Auguste...", cité.

3322.

Visite notamment à ce "pauvre M. Séchan, bien malade et vieilli". Peut-être s'agit-il du célèbre peintre décorateur, Polycarpe Charles Séchan, qui notamment, à partir de 1852, dirigea la décoration et l'amélioration de palais à Constantinople et de nouveaux salons à Baden-Baden, décédé en 1874 (G. Vapereau, op. cit.).

3323.

Nous ignorons s'il s'agit, totalement ou partiellement, de la domesticité des Arlès-Dufour qui n'en paraissent pas dépourvus.

3324.

Adolphe Girodon, marchand de soie, l'un des fondateurs de l'Ecole Centrale lyonnaise, membre de la Chambre de commerce, souscripteur et administrateur du Crédit lyonnais, administrateur du Magasin général des soies, Administrateur de la Sté de Secours Mutuels des Ouvriers en Soie de Lyon, la plupart de ces titres relevés précédemment et bien dans le droit fil des initiatives d'Arlès-Dufour.

3325.

L'Echo de la Fabrique, "Théâtres - La République, l'Empire et les Cent Jours", n° 32, 11 août 1833.

3326.

Lettre d'Enfantin, Barrage du Nil, 25 octobre 1835, à Arlès-Dufour (OSSE, Vol. XXX, p. 129). Cf. à ce sujet, Sébastien Charléty, Histoire du Saint-Simonisme, op. cit., pp. 357-358.

3327.

G. Vapereau, op. cit.

3328.

Le jeudi 8 février 1872, Carnet cité.

3329.

Juliette Adam, Mes angoisses et..., op. cit., p. 238.

3330.

Carnet de Pauline Arlès-Dufour, 11 janvier 1872.

3331.

Pour mémoire, déjà cité in chapitre I - L'enfance...

3332.

Pauline Arlès-Dufour écrit Moore, à l'anglaise. F. Bac, Le prince Napoléon, op. cit., p. 196, parle du docteur Moure de Grasse et Juliette Adam, Mes angoisses et... , op. cit., pp. 247 et 249, du docteur Maure de Grasse. Id. pour Pierre Guiral, Adolphe Thiers ou... , op. cit., p. 326.

3333.

Juliette Adam, Mes angoisses et... , op. cit., p. 241, cite, elle, la chanson provençale : "Soldat qui reviens (sic) d'Italie".

3334.

L'heure de ce décès est conforme à celle portée sur l'acte établi par la commune de Vallauris, le jour même, à "deux heures du soir". Néanmoins, il comporte une année de naissance erronée, celle du 3 juin 1796 (au lieu de 1797, sans doute per erreur de conversion du 17 Prairial An V) et le nom de la mère d'Arlès-Dufour y est mal orthographié (Tischy au lieu de Tichy).

3335.

Juliette Adam, Mes angoisses et..., op. cit., p. 243, fait mention, de son côté, de l'arrivée du ménageEX \f nom «Chabrières (Adélaïde)», de Gustave Arlès-Dufour et du docteur Lortet, fils de l'ami d'Arlès-Dufour également médecin.

3336.

Juliette Adam, Mes angoisses et..., op. cit., p. 241.

3337.

La crémation sera autorisée par une loi du 31 mars 1886.

3338.

Lettre d'Arlès-Dufour à Enfantin, 26 octobre 1860 (ARS 7687, citée par H.-R. d'Allemagne, Prosper Enfantin et..., op. cit., p. 218).

3339.

A l'image de celles du "Père" Enfantin (1864), les obsèques de Holstein et de Charles Duveyrier (1866), furent exclusivement civiles, S. Charléty, Histoire du Saint-Simonisme, op. cit., pp. 342-343 et H.-R. d'Allemagne, Prosper Enfantin et..., op. cit., p. 202).

3340.

Juliette Adam, Mes angoisses et... , op. cit., p. 242.

3341.

"Plus de trois mille personnes", estime Le Salut public du 30 janvier, "quatre mille au moins selon Le Journal de Lyon du même jour.

3342.

Le Salut public, 30 janvier 1872.

3343.

Cf. supra, même chapitre.

3344.

Le Progrès, Le Salut public, Le Journal de Lyon, Le Courrier de Lyon, 23 janvier 1872 et jours suivants, La Mascarade, 28 janvier 1872, Revue du Lyonnais, 1872 / I, etc.

3345.

A notre seule connaissance, article nécrologique d'Adolphe Guéroult paru dans L'Opinion nationale du 23 janvier 1871, cité même chapitre.

3346.

Selon Le Salut public, 27 et 28 janvier 1872.

3347.

Article du Times, s.d., reproduit dans Le Journal de Lyon, 26 janvier 1872. Les bureaux parisiens du quotidien britannique n'ont pu retrouver trace de cet article.