L’identité groupale : la mentalité

L’accumulation de qualificatifs, la multiplicité des identités construisent une image complexe et globalisante des héros ; ils accèdent au rang de fictions sociales dont les rôles façonnent, grâce à la richesse de leur diversité, leur dimension héroïque. Parton mentionne dans sa préface le caractère antithétique de Jackson, caché qu'il était par les multiples couches de vernis appliquées incessamment par ses admirateurs autant que par ses détracteurs.

‘Andrew Jackson (...) was a patriot and a traitor. He was one of the greatest of generals, and wholly ignorant of the art of war. A writer brilliant, elegant, eloquent, without being able to compose a correct sentence, or spell words of four syllables (...) He was the most candid of men, and was capable of the profoundest dissimulations. A most law-defying, law-obeying citizen. A stickler for discipline, he never hesitated to disobey his superior. A democratic autorcrat. An urbane savage. An atrocious saint (I : vii).

Cette abondance de fragments mis bout à bout multiplie la personnalité du héros jusqu’à en faire une topographie mouvante et tentaculaire qui favorise l’identification du personnage aux situations dans lesquelles il évolue, aux actes qu’il accomplit, aux temporalités qu’il traverse, aux paroles qu’il adresse. Le sentiment de communauté peut alors se rallier aux symboles et aux mythes qui le soutiennent.

L’identité sociale idéalisée émerge par l’effet de feedback entre le héros et ses admirateurs. Les actes du héros produisent des effets dans le monde sensible et dans l’imagination de ceux qui y assistent et en retour, les réactions du monde et des spectateurs engendrent une identité communautaire qui ‘“est d’abord participation affective à une entité collective (...) Elle fonde le sentiment d’identité notamment à travers le sentiment d’appartenance, de valeur et de confiance”’ (Mucchieli, 1992 : 68). Ces sentiments stipulent une morale et un code fondé sur elle d’après lesquels la communauté construit son éthique.

Erik Erikson reconnaissait une corrélation entre le sentiment communautaire et une vision morale commune : ‘“Men who share an ethnic area, a historical era, or an economic pursuit are guided by common images of good and evil”’ (1959 : 43). Ainsi, les pratiques culturelles telles que le deuil, les relations commerciales ou l’éducation des enfants comprennent une part morale qui distingue, puisque c’est ici notre propos, les planteurs sudistes du Tennessee. Cette morale s’inscrit dans un quotidien qui la décline dans tous les détails triviaux de son déroulement, forgée et manipulée par les rapports humains qu’elle contribue à fonder.