L’un des premiers documents portant la marque d’Andrew Jackson est emblématique du type de relations qui caractérisaient les pionniers du Vieux Sud-Ouest 62. Le document, datant de 1783 — Jackson avait 16 ans — est une estimation de la valeur d’un cheval bai et porte les signatures du jeune Andrew Jackson, et celle de son oncle, Thomas Crawford. Tous deux, “experts dûment assermentés”, travaillaient pour un frère de Thomas, William Crawford, sous l’autorité d’un juge de paix (Smith, I : 9).
Tout cela n’aurait que peu d’importance en soi, si ce n’est que l’exemple établit l’affiliation de Jackson, à une famille (alors qu’il est constamment présenté comme l’orphelin américain par excellence 63) et montre que les liens familiaux sont aussi des rapports d’affaires qui ancrent l’institution socialisante — la famille — dans une zone intermédiaire, à la jonction des sphères publique et privée. Aux relations familiales qui subissent le joug de cette intimité forcément socialisée (le commerce est une relation d’échange) se greffe dans le même temps une intimité des rapports sociaux qui crée entre les hommes, quand le lien de parenté n’existe pas déjà, un sentiment d’appartenance que viennent renforcer le tissu économique et les besoins politiques convergents d’une région en voie de définition culturelle et politique.
Le territoire appelé ici le Vieux Sud-Ouest comprend les principaux États du Sud au-delà des Appalaches jusqu’aux rives du Mississippi. La période considérée s’étend approximativement de la fin de la guerre d’Indépendance jusqu’à l’élection d’Andrew Jackson à la présidence en 1828.
Voir à ce sujet B. M. Dusenbery, Monument to the Memory of General Jackson (Philadelphie : Walker & Gillis), 1845. Ce recueil de discours prononcés à la mort de Jackson dans différentes villes des États-Unis présente une vision mythique de Jackson et insiste particulièrement sur son orphelinat, par exemple, Bancroft, 34. Voir également notre discussion de ce point (supra, 82-85).