L'orphelin

Une personnalité sui generis : l'homme américain

Après la mort de ses parents et de ses deux frères, Jackson, a gardé peu de rapports avec ses oncles et tantes (Remini, I : 27). Il ne revint jamais en Caroline du Nord, la région de son enfance. Les panégyriques qui saluèrent la mort du héros en 1845 firent grand cas de ce garçon rendu orphelin par la guerre d'Indépendance qui avait su, par ses seules ressources et malgré la solitude de sa position, s’imposer dans le monde, faisant de la nation entière sa propre famille. L’historien George Bancroft (1845) proclamait sur la tombe du disparu cette grandiose conception de l’orphelin devenu père universel :

‘Behold, then, our orphan hero, sternly earnest, consecrated to humanity from childhood by sorrow, having neither father, nor mother, nor sister, nor surviving brother; so young, and yet so solitary, and therefore bound the more closely to collective man—behold him elect for his lot, to go forth and assist in laying the foundations of society in the great valley of the Mississippi 65 (Dusenbery, 1845 : 34).

L’absence de famille est présentée comme la cause de son enthousiasme patriotique. Andrew, l’orphelin en mal de sa famille disparue devient pater familias dans “les solitudes du désert” de l’Ouest (1845 : 35). Sa marche dans le désert est évidemment une référence directe à celle que conduisit Moïse :

‘Thus when he was scarcely more than thirty, he had guided the settlement of the wilderness (...) Andrew Jackson was signalized by as many evidence of public esteem as could fall to the lot of man. The pioneer of the wilderness, the defender of its stations, he was their lawgiver, the sole representative of a new people in Congress, the representative of the state in the Senate, the highest in military command, the highest in judicial office (Dusenbery, 1845 : 36-37).

John William Ward.; observe la construction du mythe du “self-made man” par les contemporains de Jackson qui se plaisaient à voir ainsi leur président : ‘“[He] owed to himself, and himself alone, both his education and his fortune”’ (1956 : 175). Il donne à comprendre la ferveur panégyrique et le statut du personnage rendu emblématique par une société qui considérait l’Amérique comme le champ ouvert à toutes les possibilités.

Notes
65.

L’initiateur de cette thèse est John W. Ward, dans son livre de 1956, Andrew Jackson: Symbol for an Age (1955), 1972-4 : 171. La citation est extraite du recueil d’oraisons funèbres de Dusenbery (1845). Elle est tirée de celle de George Bancroft (1845 : 34).