Les années de formation

Il y a d’abord les pères : Jackson,veut étudier avec Waightstill Avery , un des hommes les plus importants de la frontière et un vétéran de la guerre d’Indépendance : ‘“a very distinguished lawyer [who owned] one of the best law libraries in that part of the country’ (Remini, 1979 : 29). Mais, la cabane en rondins du maître ne pouvait accueillir un élève supplémentaire et Jackson dut quitter la petite ville frontière de Morganton pour Salisbury, où il entra chez Spruce MacCay, un éminent juriste (au moins pour les critères de la région). Il y restera un an et demi puis ira compléter ses études avec John Stokes , que Remini (1979 : 33) qualifie en ces termes : ‘“a brave revolutionary soldier, who was considered one of the best lawyers practicing before the North Carolina bar. ’ 68

Il y restera jusqu’à ce qu’il obtienne son diplôme et soit reçu au barreau de Caroline du Nord, le 26 septembre 1787 : ‘“a person of unblemished moral character (...) [who] appears to possess a competent degree of knowledge in the Law”’ (Smith, I : 10). La compétence nécessaire à l’ordre de la frontière ne requérait pas des années d’études poussées dans une université de l’Est. Pourtant, Jackson, regrettera plus tard son manque d’éducation scolaire 69.

Tout cela témoigne d’un environnement qui tient moins du fameux parcours conduisant de la cabane en rondins à la Maison-Blanche que de celui d’un jeune homme d’honnête extraction qui aurait eu des débuts un peu difficiles 70. Jackson est allé frapper aux meilleures portes sur la frontière de Caroline et a fréquenté les grands noms de la région. L’orphelin savait se trouver des relations qui valaient tous les liens de sang.

Quant aux compagnons qu’il rencontre chez MacCay , l’un d’entre eux, John McNairy , fut élu, grâce aux relations de sa famille, juge à la Cour supérieure du district de l’Ouest 71 dès 1788 (à 26 ans) par la législature de Caroline du Nord. Avant de partir pour Nashville, McNairy nomma Jackson, solicitor, l'équivalent de procureur 72. Ce poste n’avait pas été créé par la Chambre, bien qu’il apparût comme indispensable au bon fonctionnement du système judiciaire embryonnaire. Ainsi, quand Jackson arriva dans la ville frontière de Nashville, qui n’était encore qu’un camp retranché soumis à la résistance des Indiens, il appartenait de fait à l’élite de la petite communauté.

Notes
68.

Selon l’appréciation de l’historien Thomas P. Abernethy, ces trois hommes représentaient le fleuron du savoir juridique de la frontière : “In addition to Waightstill Avery, who had moved from Charlotte to Morganton—the last town before crossing the mountains—Spruce McCay and Colonel John Stokes, of Salisbury, were among the few legal luminaries of western North Carolina during the decade immediately following the Revolution” (1932 : 121).

69.

Voir notre étude intitulée “Andrew Jackson et la paternité” (IV : 285-288).

70.

Le mythe du “self-made man” né pauvre et parvenant à la présidence à la force du poignet a été clairement remis en question dans une étude du milieu social des présidents américains, voir Edward Pessen, The Log Cabin Myth (Yale : 1984).

71.

Partie occidentale de la Caroline du Nord (chef-lieu : Nashville) jusqu’en 1789, date à laquelle elle fait partie des territoires cédés aux Etats-Unis ; scindée en deux districts (Washington à l’Est et Mero à l’Ouest) le 6 décembre 1788, organisée en Territoire dès 1790, reçue le 16ème État de l’Union en 1796. Voir Smith (I : 13).

72.

James Parton parle de solicitor (I : 124), tandis que Robert Remini emploie le terme district attorney , poste non prévu par la Chambre, que McNairy s’empressa de pourvoir (Moser, I : 44). Le district en question fut baptisé Meró en 1787 en l’honneur du gouverneur espagnol de la Nouvelle-Orléans que courtisaient les colons américains, harcelés par les attaques indiennes elles-mêmes encouragées par les Dons de la côte (Remini, I : 48).