La fièvre spéculative

En 1794, John Overton, et Andrew Jackson établirent un partenariat par lequel les deux hommes devenaient associés dans une entreprise de spéculation foncière ⁹¹. John Coffee, un autre grand spéculateur, entra dans la sphère de Jackson en 1804 quand les deux hommes formèrent la société Andrew Jackson & Co, avec Hutchings.i).Hutchings, John;. Coffee devint vite un ami personnel très respecté de Jackson ⁹² et reçu le commandement de la cavalerie durant la guerre de 1812. Il fut de toutes les batailles jusqu’en 1815 et s’occupa après la guerre des intérêts de leurs opérations spéculatives communes (ou non) en Alabama ⁹³. John Overton , un compagnon de la première heure et le premier partenaire de Jackson dans la spéculation des terres de l’Ouest, dirigea les deux campagnes présidentielles de Jackson et malgré quelques désaccords sur la politique monétaire, le soutint jusqu’à sa mort en 1833. La mort de Coffee la même année priva Jackson de ses deux compagnons les plus intimes, les plus fidèles et les plus désintéressés.

Afin de replacer l’activité de Jackson dans ce domaine de la spéculation, il est nécessaire de retracer les grandes lignes de la fièvre spéculative embrasant la frontière dans les années précédant le xixe siècle, une frénésie à laquelle Jackson et ses amis participèrent activement et dont ils tirèrent leurs richesses. Cette spéculation s’accompagnait parfois de chutes sévères les entraînant au bord de la faillite. Les fluctuations de fortune témoignent du caractère extrêmement aléatoire de ce genre d'activité et du recours au soutien logistique des réseaux amicaux afin d’échapper au spectre toujours présent de l'emprisonnement pour dettes, dont l'abolition était réclamée, d'ailleurs, de plus en plus activement ⁹⁴.

Le land boom, latent depuis les années 1760, éclata immédiatement après la Révolution, un état de fait que les anglais avaient voulu prévenir pour éviter l’exode des populations vers l’Ouest en même temps qu’une confrontation directe avec les Indiens. La décision de Pitt de fermer les territoires à l’ouest des Allegheny (1761) et la Proclamation royale de 1763 avaient frustré plus d’un spéculateur et ruiné quelques fructueux projets dans la vallée de l’Ohio (Jensen, 1968 : 56).

Dès 1783, l’État de Caroline du Nord rouvrit les land offices, desquels procédaient les ventes de terres. Le bureau de Hillsborough traitait tout particulièrement les terres indiennes situées à l’ouest des Appalaches ; mais les événements de la guerre d’Indépendance avaient créé une situation nouvelle, comme l'explique l'historien Abernethy.;  : ‘“Most of the territory lying beyond the Appalachians was still in possession of the Indians, but they were assumed, despite the treaty of 1777, to have forfeited their claims by joining the British during the war’   ⁹⁵” (1932 : 49). Ainsi, les colons et les spéculateurs avançaient un prétexte de circonstance pour s’arroger les territoires indiens à l’ouest des montagnes.

A l’intérieur de ce vaste domaine non encore colonisé, la Caroline du Nord réserva dans le bassin du fleuve Cumberland quelques milliers d’hectares afin de dédommager les vétérans de la guerre d’Indépendance (military reservation)  ⁹⁶. Le reste des terres fut ouvert à la vente au prix modique de dix livres les cent acres (soit moins de cinq dollars), une somme très bon marché qui permit à des spéculateurs fortunés et introduits (coupables de ce que l’on nomme aujourd’hui le délit d’initié, mais une pratique courante et non pénalisée à l’époque) de faire main basse sur des milliers d’hectares à peu de frais (Abernethy, 1932 : 50).