Jackson s'installe : “A Gentleman of Character & Consideration”

Andrew Jackson était arrivé à Nashville fin octobre 1788, avec John McNairy , son ancien camarade d’études chez Spruce McCay. McNairy, nouvellement promu juge à la Cour supérieure, l’avait nommé procureur. Environ à la même époque s’étaient également établis d’autres jeunes hommes de loi, dont Archibald Roane , futur gouverneur dont la voix décisive permettrait l’élection de Jackson au poste de major général de la milice en 1802, et David Allison , dont la faillite en 1795 entraînerait le jeune avocat-marchand dans les affres de la précarité financière. Les quatre hommes seraient arrivés par le même convoi à la fin octobre 1788 (Remini, I : 41). Quoi qu’il en soit, Jackson prit pension chez la veuve de John Donelson 105, le co-fondateur de Nashville (Remini, I : 51). Il y partagea la chambre de John Overton, qui arrivait du Kentucky où il venait de finir son droit (Remini, I : 41).

Les sphères familiales, amicales, ou commerciales ne sont pas étanches, loin de là, et l’attitude d’un William Blount illustre de façon éclatante la mise en réseau de sa famille et de ses amis à des fins de pouvoir, d’influence et d’enrichissement. Il est donc très important de dire que Jackson s’est immédiatement inséré dans le tissu social de la région par le zèle extrême avec lequel il a défendu les créditeurs (ses amis) contre les débiteurs, se plaçant d’emblée du côté des puissants et obtenant la majorité des affaires traitées dans les tribunaux du comté entre 1789 et 1793, d’où son enrichissement spectaculaire quand on sait que beaucoup de ses honoraires lui étaient payés en terres 106. Qu’il ait en outre été bénéficiaire du népotisme ambiant, deux points l’illustrent ou en découlent : son ascension fulgurante et la loyauté à son mentor. Nommé procureur par McNairy, Jackson faisait déjà partie du cénacle à son arrivée dans au Tennessee 107. Cependant, très peu de documents permettent de reconstituer les faits de la fin des années 1780, et les débuts de Jackson sont obscurs.

Une des premières lettres que l’on possède de lui montre que le jeune homme, à peine installé (la lettre date du 13 février 1789, soit environ trois mois après son arrivée), est déjà impliqué dans les affaires tortueuses de la frontière. La personnalité de son correspondant, Daniel Smith, un patriarche de l’Ouest, et le ton de Jackson, confiant et incisif, laissent présumer de l’implication totale et immédiate du jeune Jackson dans les affaires de la colonie 108 (Smith, I : 16).

Notes
105.

Donelson père eut onze enfants, dont la future Mme Jackson, Rachel (voir Smith, I : 417, annexe 1 tableau 3).

106.

Remini écrit à ce propos : “Early court records of Davidson County show that Jackson handled between one-fourth and one-half of all cases on the docket during the first few years of his arrival [...] During a single session in April 1789 a total of thirteen suits were argued, principally for debt, and Andrew Jackson was counsel in every one of them” (I : 44-45).

107.

Cette réflexion tempère, comme cela a déjà été fait ailleurs, l’assertion de F. J. Turner sur les influences démocratiques de la frontière et le retour à la “primitivité” des communautés de colons. Si les conditions subissaient une régression, les statuts sociaux étaient hérités d’avant l’installation.

108.

Le terme de “colonie” veut rendre compte du statut intermédiaire de cette partie occidentale de Caroline du Nord en passe de devenir un Territoire (1790), puis, à terme, un État à part entière (1796).