Un réseau politique

Jackson avait rencontré un marchand, Andrew Fagot, dont la cargaison avait été dérobée par les Indiens, alors pressés par les Espagnols de harceler les colons américains. Fagot avait demandé à Jackson d’intercéder auprès de Smith pour que celui-ci demandât au gouverneur espagnol de la Nouvelle-Orléans, Estevan Miró  109, de faire cesser les raids des Indiens. En sous-main, bien que cela n’ait jamais vraiment été prouvé, les colons auraient fait miroiter aux Espagnols qu’ils désiraient placer leur région sous la tutelle de la couronne d’Espagne. Cela aurait également exempté les colons de la taxe de 15% sur les importations dont ils devaient s’acquitter dans le port espagnol 110. Les intérêts en jeu étaient, on le voit, énormes, et il semble que Jackson s’y trouvait à l’aise et à sa place :

‘I commit to you in this small piece of paper the business he [Fagot] wants with you (...) through you I think he can have a lasting peace with the Indians (...) I think it the only way to obtain a peace with the savage. I hope you will consider it well and give me a few lines upon the occasion by Collo. Donelson who hands you this as I have the good of this country at heart (...) as you go down you will give me a call as I think I could give you som satisfaction on this Subject, this Sir from your Very Humble servant (Smith, I : 16).

Que Jackson invite aussi délibérément Smith à lui rendre visite témoigne de leur relation établie. L’expression “le bien du pays me tient à coeur” laisse percer une rhétorique déjà politique. Enfin, la dernière formule montre que Jackson ne se contentait pas de faire passer le message mais qu’il était décidé à tenir son rôle dans le jeu politique.

Ce rôle, il l’obtint quelques mois après. L’épisode qui suit montre combien le népotisme favorisait les carrières et combien le mérite personnel établissait aux yeux du monde la réputation que l’on attribuait à un homme. On se souvient que John Hutchings avait été introduit dans le cercle des colons du Territoire du Mississippi par une lettre de recommandation de Jackson à son ami William Claiborne.C.; . Pour illustrer une situation similaire dont Jackson aurait bénéficié un peu plus d’un an après son arrivée à Nashville, James donne l’extrait d’une lettre de James Robertson qui voulait montrer la “bonne volonté” des colons américains envers les Espagnols en rapportant à son propriétaire de la Nouvelle-Orléans un esclave fugitif. L’homme choisi pour conduire cette importante mission diplomatique était Andrew Jackson, qui se voyait recommandé en ces termes : ‘“I have requested Mr. Andrew Jackson, a Gentleman of Character & Consideration, very much respected in this Country, & generally esteemed, to take Charge of the Negro, & deliver him to your Excellency”’ (cité dans James, 1938 : 60). Le “gentilhomme de caractère” était un nouveau venu et entrait tout juste dans sa vingt-quatrième année, pourtant, il bénéficiait déjà de tous les appuis nécessaires à une carrière brillante dans la sphère politique du Sud.

Notes
109.

En donnant le nom du gouverneur à leur District, les Américains en avaient cependant déformé l’orthographe (“Mero”) (Remini, I : 36).

110.

La Nouvelle-Orléans avait été cédée aux Espagnols par les Français lors du traité de 1763 mettant fin à la Guerre de 7 ans (French Indian War).