Le paiement de la dette

La dette obligea Jackson à vendre le magasin de Nashville en échange de terres à Elijah Robertson, le frère de James, après dissolution de son association avec Samuel Donelson 129. Il revendit les terres obtenues, certaines sur la Duck River et qui appartenaient encore aux Indiens, d’autres situées dans la réserve militaire, à un certain James Stuart 130 (Smith, I : 441). James résume cette transaction compliquée ainsi :

He traded the store to Elijah Robertson for thirty-three thousand acres of land and sold the land for twenty-five cents an acre to James Stuart, of Knoxville, taking in part payment a draft for four thousand five hundred and thirty-nine dollars and ninety-four cents on Senator Blount in Philadelphia who was indebted to Stuart (1938 : 76).

On retrouve William Blount mêlé à cette affaire par son endettement envers Stuart, à qui il procurait ainsi des terres à bon marché. Blount, nous l’avons dit, était lié à Allison et la banqueroute de ce dernier entraînait également des conséquences pour ses propres affaires.

Jackson cherchait de l’argent partout et fit le tour de ses propres débiteurs, comme en témoigne cette lettre du 18 novembre 1796 de George Cochran, George , son ami marchand à Natchez, dans le Territoire du Mississippi :

I formerly wrote you particularly respecting the accounts you left with me, for collection (...) For all the payments I have recd. or expect to receive I have given you credit; but the greater probability is that it is all you can ever calculate on receiving (...) I shall be careful to remit it to you, or any thing else I may collect (Smith, I : 99).

Ajoutons qu'Overton avait lui-même le couteau sous la gorge, comme il le disait le 20 décembre : ‘“My whole salvasion depends upon the payment of the Certificates & Allisons business”’ (Smith, I : 106). Or, Allison ne paierait rien et fut même emprisonné pour dettes en juillet 1797 (Smith, I : 58n2).

Élu représentant du nouvel État du Tennessee, Jackson retourna en décembre 1796 à Philadelphie pour la session de la Chambre . Il n’était pas très optimiste quant au règlement de sa dette : “D. Allison promises fair, but sunshine is wanting” (Smith, I : 101). Quelques jours plus tard, une autre lettre laisse penser qu’il s’était renseigné sur la situation financiaire d’Allison et avait découvert que l’espoir de voir Blount user de son influence sur les créditeurs était déçu :

‘I find that I cannot Command any money of Mr. Allison, nay worse I am Called upon for the amount of his note I Endorsed to John B. Evans he tells me he will lift the note, but never has made and Effort. Governor Blount promised to have it lifted, but has failed, I am afraid I will be compelld, into Disagreable measures, on this Score (Smith, I : 104).

Le château de cartes s’effondrait peu à peu, les autres joueurs se défaussant, laissant la dette à rembourser sans autre forme d’arrangement. Dans le même temps, Jackson construisait une belle maison en planches (“‘a specification of magnificence’ ”, précise James, 1938 : 76) sur sa propriété de Hunter’s Hill, qu’il avait achetée le 10 mars 1796 à John Shannon (Moser, I : 84) 131. Jackson était alors en pleine expansion, comme le souligne James. Preuve en est qu’il avait engagé un intendant (overseer) recommandé par un ami planteur, Mark Mitchell 132.

Curieusement, l’affaire Allison ne rendit pas Jackson plus prudent. Il vivait avec son temps, à crédit, dans le “Great Emporium of America”, comme disait James Winchester 133 le 8 février 1797 (Smith, I : 123), faisant feu de tout bois. Il participait à cet engouement irraisonné, ce que James appelle joliment “Americanization of the illimitable Valley ” qui poussait les hommes de l’Ouest à tous les excès : ‘“In a convulsion of speculation no scheme seemed too chimerical, no project too disproportionate to existing resources of capital to be undertaken with an enthusiasm that for the moment swept all before it”’ (James, 1938 : 96). Cette remarque pourrait s’appliquer à la plus grande fraude foncière de l’histoire américaine, le scandale des compagnies Yazoo et la corruption générale de la législature de Géorgie au printemps 1795 (Clark, 1996 : 67-82). Toutefois, l’outrage n’empêcha pas les investisseurs de Boston d’acheter pour plus de deux millions de dollars de titres cette année-là, un investissement a-priori hasardeux étant donnés les malversations et le tollé suscité par ces excès (Clark, 1996 : 76).

Deux ans après la catastrophe Allison, dans une lettre du 2 novembre 1797, Jackson proposait à Robert Hays d’acheter pour six mille dollars de marchandises, un investissement suffisamment important pour espérer faire du profit. Mais il semble qu’il ait voulu en même temps rassurer son beau-frère en le laissant juge des mesures à prendre, arguant de sa propre circonspection :

‘I intend upon mature deliberation If you Send on the Grant, to lay in about Six thousand Dollars Stock, perhaps more—but this will be regulated by your advice. If we dip into the business It will be necessary lay in a Sufficient Stock, So that the profits may be an object. But you may rest Satisfied that I will not run in Debt (Smith, I : 151).

Sa mésaventure de Philadelphie le poussait à la prudence et surtout à rassurer ses potentiels associés. Le 3 février 1798, Jackson confirmait à Overton qu’Allison ne paierait pas et accusait l’homme, pourtant une vieille connaissance, d’être tout à fait malhonnête à son égard :

‘On the Subject of Mr. Allison, I can assure you there are no hopes of Payment, I believe he is in funds If he was only Possessed of honesty, but this is wanting. I happened to be Security for his appearance, at Jonesborough; in 88, Judgt. last court has passed against me as his Bail for upward of Two hundred Dollars, D___ B__the Rascal, he will not Evan convay me land to the amount. This Shews the Principle of the man (Smith, I : 175).

Trois semaines plus tard, Jackson écrivait à Overton que toutes les terres d’Allison dans le Tennessee avaient été vendues ou hypothéquées ; cependant Overton avait en vue des milliers d’acres situés dans le comté de Robeson, en Caroline du Nord. Enfin, le procès intenté par Overton étant resté sans effet, Jackson proposait d’engager d’autres poursuites pour récupérer ce qui pouvait encore l’être 134 (Ibid., 184). .i).Jackson, Andrew:Affaires;

Notes
129.

On peut remarquer que Robertson était lui-même endetté de 23 000 acres envers Jackson en avril 1796 (Smith, I : 443). Jackson vendit le magasin malgré un profit très confortable de 1 366,13 dollars, établi le 25 avril 1796 (Smith, I : 90).

130.

Le 17 avril, James Stuart lui annonça qu’il avait conclu ce marché avec Blount : “I have lately Closed a bargin with Governor Blount as your Agent for 30,000 of land 4,000 of Which is in the Setlement and the Residue on Duck River, the terms are one fourth of a Dollar pr. E. Acre and the payments as follows —Two thousand Eight hundred Dollars I am to pay in Sixty Days from the date of the Bargain say the 5th Instant to your Creditors in Philadelphia” (Smith, I : 88).

131.

Le terrain avait appartenu à Lewis Robards, le premier mari de Rachel, qui avait projeté de venir s’installer auprès de la famille de sa femme, mais son divorce l’avait conduit à vendre à Shannon.

132.

Voir notre étude intitulée “L’Hermitage” (VI : 464-488).

133.

Winchester était un planteur, brigadier-général de la milice du district de Mero. Il devint un proche conseiller militaire de Jackson quand celui-ci obtint le titre de major-général de la milice en 1802 (Smith, I : 67, 288).

134.

Voir la lettre à Thomas Overton (le frère de John) du 6 mars 1798 (Smith, I : 186-7).