Les activités économiques

La spéculation n’était qu’un aspect, certes lucratif, des activités multiples de Jackson. Depuis la dissolution de son association avec Samuel Donelson en 1796, il ne s’était pas relancé dans le commerce de détail. Mais, en 1802, il s’associa avec Thomas Watson et John Hutchings. Ils se lancèrent dans toute une gamme d’opérations aussi variées que le commerce de détail, la distillation d’alcool 137, l’égrénage du coton (ils acquérirent une des égreneuses d’Eli Whitney 138 ), sans oublier la spéculation foncière, toujours en arrière-plan des activités de tout businessman de l’Ouest. Parmi les produits vendus aux colons, le whiskey occupait une place non négligeable. Une lettre de 1796 à un client témoigne d’une vente de 100 dollars “cash” pour du whiskey (Smith, I : 86). L’année suivante, Jackson installa deux distilleuses à Hunter’s Hill, sa plantation, et vendit de l’alcool, mais l’incendie de 1800 détruisit entièrement la machine 139. Le partenariat prit fin le 10 juillet 1803 lorsque Watson et Jackson se disputèrent à propos d’un chargement de coton (Smith, I : 351). En août, Jackson et Hutchings reformèrent une compagnie (“Jackson & Hutchings”) et poursuivirent leurs “activités mercantiles”, acceptant de partager les dépenses et les recettes à parts égales (Smith, I : 355) 140.

Rappelons l’importance économique primordiale de la plantation dont la production assurait un revenu de base conséquent pour le planteur entrepreneur. La valeur de la récolte servait souvent de caution pour obtenir du crédit ou payait (en partie) les achats de marchandises aux grossistes de Philadelphie ou de la Nouvelle-Orléans (Smith, I : 356). De plus, les produits de la ferme nourrissaient ses nombreux occupants, mais étaient également vendus sur les marchés régionaux. Jackson acheta par exemple cinq cents pommiers et cinq rangs de pêchers en février-mars 1803 141. Enfin, la plantation de Jackson abritait une autre source de revenus substantiels : les chevaux 142. Les courses et les saillies rapportèrent des milliers de dollars à Jackson dans les premières années du siècle et lui valurent une grande réputation d’éleveur .

C’est donc le fruit des récoltes de coton, de spéculations heureuses et les courses de chevaux qui lui permirent de résorber sa dette vers le milieu de la première décennie du siècle. De tous temps, la plantation fut le poumon économique de Jackson et c’est d’elle exclusivement qu’il tira ses revenus à partir de la période présidentielle (1828). Il vivait l’existence “mondaine” d’un grand planteur sudiste, selon le témoignage de Thomas Hart Benton , alors jeune lieutenant de milice : ‘“His house was the seat of hospitality, the resort of friends and acquaintances, and of all strangers visiting the State’ (cité dans Remini, 1979 : 159). Cette vie sociale extrêmement riche permettait de rencontrer d’éventuels partenaires économiques, d’échanger des vues politiques et d’affirmer son influence dans la région 143. Cependant, l’hospitalité et la prospérité de Jackson, est-il besoin de le rappeler, reposaient bien entendu sur l’activité incessante des nombreux esclaves de l’Hermitage.

Notes
137.

Jackson avait été propriétaire de deux distilleuses de 1797 à 1800, date à laquelle le feu avait détruit toute l’installation, “Petition to the United States Congress”, (Smith, I : 323-325, 325n1).

138.

“Agreement with Thomas Watson” (Ibid., 351-52). Il fut décidé que l’égreneuse serait installée sur la plantation de Watson et la distillerie sur celle de Jackson. Voir “Agreement with Thomas Watson and John Hutchings”, le 16 février 1802 (Smith, I : 278-79) ; dans le “supplément à l’agrément”, les parties en présence insistent sur le partage des recettes comme sur celui des dépenses. Il est également précisé que John Hutchings n’est associé qu’aux affaires du magasin et non à celles de la distillerie ou de l’égreneuse. Il est probable que l’investissement était trop lourd pour lui. Voir“Supplemental Agreement with Thomas Watson and John Hutchings” (bid., 280). Pour la résolution concernant l’achat des droits d’exploitation de l’égreneuse de Miller et Whitney par l’État du Tennessee en 1803, voir Ibid. (303-304).

139.

Voir “Petition to the United States Congress” dans laquelle Jackson relate les circonstances attenantes à l’incendie dans le but d’obtenir le remboursement des taxes étatiques perçues dans la période suivant le sinistre (Smith, I : 323-325, 325n1).

140.

Agreement with Thomas Watson” (Ibid., 351-52).

141.

Pour les arbres fruitiers, voir “Account of Expeditures for Fruit trees” (Smith, I : 323).

142.

On se souvient qu’à côté de son magasin à Clover Bottom, Jackson avait installé une piste hippique. C’est là qu’il gardait et entraînait ses chevaux (Remini, I : 136). Lorsqu’il abandonna l’entreprise et le lieu, il installa une écurie à l’Hermitage.

143.

C’est en élargissant son champ social qu’il était parvenu à se faire élire commandant-en-chef de la milice, contre le héros militaire du Tennessee, John Sevier . Jackson n’avait alors aucune expérience militaire (Remini, I : 119).