L’Hermitage sans Rachel

Si la qualité et le rôle de Rachel dans la gestion de la plantation sont difficiles à appréhender, une étude comparative de cette période (avant 1828) avec celle durant laquelle Andrew Jackson, Jr. .:Hermitage;était aux commandes de l’Hermitage (dès 1829) pourrait éclaircir la situation. Les contextes ne sont pas les mêmes, les conjonctures économiques autres, l’expérience et la maturité sans rapport, le sexe opposé et la relation à Jackson différente, mais on peut tout de même entendre les deux discours de Jackson pour y déceler l’essence de chacun. Il se trouve que la différence de ton et l’inquiète vigilance de Jackson quand son fils était censé diriger les opérations après la mort de Rachel diffèrent singulièrement des discrètes références anecdotiques que Jackson pouvait faire à sa femme lorsqu’elle supervisait l’Hermitage. Il est vrai cependant que Jackson ne demeura jamais si longtemps éloigné de sa plantation que durant ses années présidentielles (1829-1837). En outre, il entreprit dans ces premières années de former son fils, sur le tas. Il est également vrai que les hommes sur qui il avait pu compter les décennies précédentes n’étaient plus là pour le seconder, bien qu’il s’en présentât d’autres. Il est également vrai que Junior agissait comme bon lui semblait, sans se préoccuper des conséquences de ses actes ou des réactions de son père.

L'action de Rachel Jackson peut se mesurer par la prospérité du domaine jusqu'à sa mort en 1828, d’autant que dans les années 1820, Jackson était présent à l’Hermitage. D'après Arnow , celui-ci devait la fortune de l’exploitation à la présence de Rachel : ‘“He managed very well—as long as Rachel lived to manage for him”’ (1960 : 304). Nous avons été plus réservé sur le rôle qu’elle a pu jouer, faute de documents. Mais il faut bien avouer que la prise en charge de la plantation par Junior ne contribua nullement à la prospérité de cette dernière. Ceci bien sûr n’est pas un commentaire sur l’action de Rachel.

L’histoire de l’Hermitage laissé entre les mains de Junior est celle d’un déclin inexorable, comme le note Arnow :

‘[P]ractically all letters Jackson as President wrote to Andrew Jackson, Jr., before the burning of the Hermitage [1834] were in some way concerned with the running of the plantation, but it was the letters of the neighbors that told the sorry state of affairs (1960 : 304).

Encore une fois, il semble que Jackson devait s’en remettre à des personnes extérieures à sa plantation pour être informé de ses affaires agricoles. Il ne pouvait pas compter sur son fils pour le tenir informé de la vie à l’Hermitage.

La situation familiale ne semble pas avoir été si propice dans les années 1830, quand Junior endossa la responsabilité de l’Hermitage. Des voisins et des amis renseignaient Jackson sur l’état des récoltes et des bâtiments, mais ils ne semblaient pas vraiment prendre part à la gestion de l’entreprise. On peut penser que la présence d’un homme aux affaires ne permettait pas de lui adjoindre, comme on pouvait le faire “naturellement” pour une femme, des assistants souvent précieux par leurs conseils et leur sens du devoir envers Jackson. L’honneur masculin était ici en jeu et ne souffrait pas d’interférence, au grand dommage de la plantation. Jackson lui-même ne mentionne pas à cette période de conseillers à l’Hermitage pour soutenir Junior, à part ses propres directives. Par contre, ses amis inspectaient parfois la propriété et lui fournissaient un état des lieux précis, mais exempt de conseils donnés à Junior (Remini, III : 187-190) 217.

Bien qu’Andrew Jr. ne fût pas un gestionnaire habile, il paraît avoir hérité de l’opiniâtreté de son père adoptif dans son goût des affaires. Le malheur fut l’incompétence et le manque de flair, ainsi que la négligence des conseils de prudence souvent réitérés en vain par un Jackson désarmant de patience. Mais, le fils des Jackson avait été un don providentiel pour ce couple déjà âgé, sans enfant dans un monde de familles nombreuses. Jackson vouait à son fils un amour profond, renforcé s’il était possible par la disparition de Rachel, sacralisant davantage encore ce qu’elle avait aimé et protégé. La relation d’Andrew et Rachel Jackson n’était pas d’ordre économique ni social ni conventionnel. Le sentiment forgeait le lien indéfectible et Junior en était le ciment (infra, 247-250). .:Hermitage;

Notes
217.

Voir par exemple le compte rendu d’une visite effectuée par William B. Lewis à l’Hermitage dont il donne un panorama très complet de la situation dans une longue lettre (Bassett, V : 61-65).