L’union familiale

Rachel n’était pas livrée à elle-même dans l’existence insulaire de la plantation. Sa situation va à l’encontre de la thèse émise par Catherine Clinton (1982 : 164-179) concernant la vie quotidienne des femmes de planteurs 233. Rachel était entourée d’une famille nombreuse et extrêmement présente. Mais, elle avouait sans honte la préférence qu’elle avait pour son mari, comme elle l’exprime presque inconsciemment à son amie Sophia Thorpe Reid le 27 avril 1816 : ‘“nothing would give me more pleasure on Earth then to see you all once more Except see Mr Jackson”’ (Moser, IV : 27). Elle avait sous sa responsabilité de nombreux enfants, dont son fils, mais se trouvaient également à l’Hermitage des nièces et des neveux de Rachel qui rendaient de fréquentes visites à leur tante. Seul son mari manquait à ses côtés ; or il se trouve que c’est la personne qu’elle désirait le plus au monde.

En 1821, la perspective de se rendre en Floride ne plaisait pas à Rachel, comme le communique Jackson à John Coffee le 11 avril :

‘I confess I enter upon this duty with more reluctance and regret, than any in my life, and the great reluctance of Mrs. J., added to her bad health, increases my regret, she has consented to go with me, but could not consent to leave her son, he goes also (Moser, IV : 27).

Rachel accepta de le suivre non sans poser ses conditions. Elle refusait une séparation de plus, cette fois avec son fils. Elle voulait conserver l’unité de la famille qu’elle considérait suffisamment mise à mal pour l’entamer pendant six mois supplémentaires. Une fois encore, Rachel semble vouloir protéger l’unité familiale contre le devoir et les obligations publiques de Jackson. Dans ce cas de figure, Rachel se présente bien comme la femme du côté de l’intimité et de la famille contre l’homme attiré irrésistiblement hors du foyer par les affaires du monde. Il faut reconnaître la conformité extrême des Jackson aux rôles sexuels définis par la société d’alors : Rachel, par amour et solitude, Jackson, par ambition et goût de la chose publique.

Pourtant, en juillet 1828, Rachel regrettait l’absence de son amie Elizabeth Watson, celle de sa soeur Jane et de leurs familles respectives qui résidaient trop loin pour la soutenir à un moment de la campagne présidentielle où les attaques étaient les plus virulentes (Caldwell, 1936 : 413-14). Une telle isolation de ses soutiens féminins rejoint, pour cette période en tout cas, la thèse de Cashin : ‘“In contrast to seaboard families who lived surrounded by kinfolk, Southwestern families lived near few relatives or none at all. The planter family was reduced to its nuclear core” ’(1991 : 80). Plusieurs membres de la famille Donelson vivaient à proximité de l’Hermitage, mais la soeur de Rachel vivait dans le comté de Rutherford, au sud-est de de Nashville, trop éloigné pour une simple visite.

Notes
233.

Voir son chapitre intitulé “Every Woman Was an Island”. L’isolation des femmes à l’intérieur des plantations fut plus complète dans le “Sud profond” (Mississippi et Alalbama), issu d’une émigration plus tardive de familles nucléaires, plutôt que dans les États côtiers (Virginie, Caroline) ou du Upper South (Tennessee, Kentucky). Sur les réseaux de soutien féminins, voir Joan Cashin (1991 : 80) et Jane Censer (1992).