L’ordre familial

Dans le contexte sudiste du prestige attaché à la lignée, la passation du nom comportait un risque majeur, celui de voir un héritier l’entacher par des actes ou un comportement indignes de la réputation que lui avait léguée son père. Michael P. Johnson, dans un article sur les planteurs et le concept de patriarcat, cite Henry William DeSaussure, un Virginien, qui rappelait son devoir à un jeune homme de ses amis :

‘he reminded a young friend that the youth’s father had ‘attained wealth and independence’ as well as ‘a high standing in the community’ and had thereby ‘left a highly honored name behind him; and left too a duty on his sons to emulate his course and to uphold that name (1980 : 49).

Jackson avait exprimé le même sentiment à son fils. Les enfants — les fils — représentaient à la fois l’espoir de la perpétuation du nom et la menace de son anéantissement. Les femmes portaient également la lourde charge de donner à la famille des enfants héritiers du nom. Aucun manquement à ce devoir ne pouvait être toléré et surtout pas les rapports sexuels hors du mariage, car les conséquences sur la lignée du maître étaient bien trop graves au regard du nom et de la postérité (Clinton, 1982 : 209). D’ailleurs, la hantise des rapports sexuels entre femmes de planteurs et esclaves noirs procédaient de ce rapport au nom et à la descendance 298.

Notes
298.

L’homme donnait son nom et la femme était garante de la couleur des enfants en choisissant son partenaire. Le paradoxe connu réside dans l’union (souvent forcée) d’hommes blancs et de femmes noires, produisant des esclaves métisses non reconnus par les planteurs comme une descendance à laquelle pouvait être transmise un héritage autre que l’esclavage lui-même (dans ce cas, la transmission est matriarcale). Le parallèle d’union (plus rare) entre femmes blanches et hommes noirs mettant la société des planteurs en porte-à-faux avec son idéologie affirmée d’une impossibilité de mélange entre Blancs et Noirs d’un point de vue social. La domination masculine blanche sur les femmes (noires et blanches) et les hommes noirs apparaît ici dans toute sa crudité.