Une stratégie de l’excellence : Andrew Jackson Donelson

Le troisième Andrew Jackson, A. J. Donelson, possédait de tout autres atouts et Jackson vit très vite en lui un futur dirigeant politique. En 1822, Jackson dressait le bilan provisoire des “talents” de Donelson (celui-ci était sorti second de promotion à West Point) :

‘[M]y young friend believe me when I say I have watched over all your acts, and well understood (as I believe from your childhood) your disposition and your feelings, and I know how to appreciate them. My wish is that you complete your education fully, your virtue and moral course, with your talents, if life last, will lead you to fill the highest stations in our Government (Andrew J. Donelson Papers, 12 avril 1822).

Dans ce discours, Jackson voyait l’honneur et la réputation conduire naturellement l’honnête homme au pouvoir (conception héritée du “gentilhomme naturel” de Jefferson ), d’autant qu’il semble avoir décelé cette capacité très tôt chez Donelson. L’oncle loue ici la vertu et l’honneur du neveu, qui sont ses plus sûres armes dans son ascension sociale, faisant ainsi écho aux propos de Bertram Wyatt-Brown, pour qui l’honneur “déterminerait” la place des hommes dans le groupe : ‘“the ancient system for determining who belonged to the worthy and who did not”’ (1983 : 33). Cette vision de la caste liée au pouvoir est confirmée par le parcours de Donelson, qui embrasse d’abord des études à l’école militaire, puis suit une formation de droit. On verra combien ce parcours est méticuleusement dessiné par Jackson en vue d’une ascension politique et sociale précise.

Dans sa lettre du 24 février 1817 à son neveu qui devait prochainement intégrer l’académie militaire, Jackson dresse son plan de route : ‘“on reflection I have concluded, that your best plan will be to proceed on to West Point, taking Newyork in your rout, where you will find Genl Swift, to whom I have written by yesterdays mail and receive his instructions, as to the best plan for your government & employment”’ (Moser, IV : 91). Davantage qu’un intinéraire routier, ces quelques indications sous-tendent toute une stratégie concernant les études du jeune homme, réfléchie, pesée et mise en oeuvre par son tuteur.

Jackson n’avançait pas à l’aveuglette dans le programme qu’il avait établi pour son éducation. Au contraire, il considérait le bagage intellectuel dont le jeune homme aurait besoin dans sa future carrière et mesurait avec soin la conjoncture politique et sociale afin de placer Donelson dans les meilleures conditions pour réussir. Son entrée à West Point au printemps 1817 était incertaine 361, mais Jackson lui conseilla de profiter du temps libre qu’il avait devant lui pour se familiariser avec l’institution qu’il était sur le point d’intégrer : ‘“[I wish you] to become acquainted with the different branches, taught there, that will materially benefit you after admittance”’ (Andrew J. Donelson Papers, 23 février 1817).

Il réorganisa même ses plans pour mettre à profit le temps qui séparait l’arrivée de Donelson dans l’Est et son entrée à l’académie :

‘I have written by yesterdays mail and received [General Swift’s] instructions, as to the best plan for your government and employment during the time that is to elapse before you can enter the M. academy. I have a great wish that you should be near West Point, where you can become acquainted with the rules & regulations of the academy (Moser, IV : 91).

On voit avec quel soin Jackson préparait Donelson à sa scolarité, veillant à ce que le jeune homme explore son nouvel environnement et débute ses études dans un cadre familier propice à l’étude. Jackson allait même plus loin dans son grand oeuvre. Il désirait que Donelson, dont l’excellence avait été remarquée par ses professeurs de Nashville 362, sautât une classe et passât l’examen final après trois ans seulement, au lieu de quatre : ‘“prepare yourself for your examination, & make such progress in the academical studies that will enable you to overtake, if not at once Join the senior class who has Joined last Septbr”’ (Ibid.). Donelson finit effectivement ses études avec un an d’avance. Jackson employait une rhétorique similaire pour une campagne militaire ou la cour d’une dame : la rapidité d’exécution assurait le succès 363 .

Notes
361.

John Eaton, nous l’avons vu, craignait que le début des cours n’ait lieu qu’en septembre.

362.

Concernant la scolarité brillante de Donelson, voir Satterfield (1961 : 1-8 passim).

363.

Dans une lettre du 3 mai 1801, Jackson félicitait Pleasant M. Miller du succès remporté auprès de Mary Louisa Blount. Les jeunes gens se marièrent contre l’avis des parents de Mary : “am happy to learn, that you, by your Military Meneuvre, gain Possession of the Citidal, by Surprise, and Boneparte like, occassioned the garrison to surrender at discretion, without the firing of a gun” (Smith, I : 243). On se souvient que Jackson n’avait pas attendu pour se lier avec Rachel, voir notre étude intitulée “Rachel Donelson Jackson” (III : 171-178).