La gratitude des enfants 371

Pour l’extrême attention qu’il leur porta, ses pupilles vouèrent à Jackson une reconnaissance extraordinaire et lui rendirent en gratitude ce qu’il avait donné pour eux en affection et en attention. Edward Butler écrivait de West Point le 20 juin 1820 : ‘“I am unable to express the gratitude which I feel for your continued act of kindness to me, both in an official and private capacity”’ (Moser, IV : 370). Donelson finissait ainsi sa lettre du 5 mai 1819 : ‘“[A] nephew who is at a loss for words to express his love and Gratitude to his Uncle”’ (Moser, IV : 297). Leurs remerciements ne semblent pas avoir été une convention, mais bien un élan du coeur devant des “actes d’amitié désintéressée”. Comme le montre l’attitude d’autres pupilles moins attentionnés, ces démonstrations sont le fruit d’un sentiment profond de reconnaissance pour l’action du tuteur.

Jackson venait souvent en aide à sa proche famille quand la situation semblait désespérée, ainsi qu’en témoigne une lettre du 20 avril 1807, de Stockley Donelson Hays 372 qui remercie chaleureusement Jackson de sa bienveillance “paternelle” :

‘He (John Caffery) mentioned the settlement of several of my fathers most unwise most distressing debts, which would in my fathers unhappy situations, have been inevitable distruction, had it not have been for your most friendly nay parental aid, which is ever ready in impending danger to ward off the threatning blow, from the inocent and ungarded; and for which you deservedly merit the esteem of every good citizen; (and as a party relieved permit me Sir to offer you my unfeigned thanks, and ever gratefull services, too inconsiderable) (Moser, II : 161).

L’intervention de Jackson semble avoir évité la prison pour dettes à Hays, dont le fils remercie ici chaleureusement le bienfaiteur. Ce sentiment vif, enthousiaste, touchait souvent les jeunes bénéficiaires de ces attentions, et le charisme naturel de l’homme donnait à Jackson une aura exceptionnelle auprès de ses amis et de ses jeunes admirateurs (Remini, I : 160).

Les actes parlent souvent plus que les paroles, et les bénéficiaires des faveurs de Jackson surent lui rendre l’attention qu’il leur porta dans leur jeunesse. Andrew J. Donelson en est le plus singulier exemple. Il demeura aux côtés de son oncle jusqu’à la fin de son deuxième mandat présidentiel, malgré les problèmes familiaux qui l’accablaient et le préjudice porté à une carrière qui aurait pu être autrement brillante s’il n’avait passé quinze ans de sa vie dans l’ombre de son oncle. Ils traversèrent la crise de l’affaire Eaton (1829-31) et le caractère le plus frappant entre les deux hommes fut l’affection immense qu’ils éprouvaient l’un pour l’autre, ainsi qu’une entière communauté de vues et de sentiments dont l’intensité rendit d’autant plus vive la controverse et cuisantes les dissensions.

Andrew J. Hutchings, son turbulent pupille jusqu’en 1833, établit une correspondance régulière et chaleureuse avec Jackson jusqu’à sa mort prématurée huit ans plus tard. Jackson n’hésitait pas à se livrer à son petit-neveu, notamment à propos d’Andrew Jr. il lui prodiguait aussi des conseils médicaux car Andrew et Mary Hutchings étaient de constitution fragile. Le couple perdit un enfant en 1835 et Mary mourut en 1839, au grand désespoir de son mari, dont Jackson s’inquiétait de l’équilibre en 1840 : ‘“He has had the misfortune lately to lose a most amiable and lovely wife which has, I fear, prayed upon his mind to the injury of his health”’ (cité dans DeWitt, 1931 : 103). Hutchings mourut de la tuberculose en 1841 et Jackson composa son épitaphe, dont voici un extrait : ‘“A sincere friend, a pious christian, a tender husband and father, an honest man, the noblest work of God”’ (DeWitt, 1931 : 105). La rédaction de ce dernier hommage, davantage que les mots convenus de son message, montre l’attachement de Jackson à son petit-neveu par alliance, le “fils” qu’il éduqua, en écrivant dans la pierre, comme il le fit pour sa femme, John Coffee et John Overton, les dernières paroles de sa correspondance avec eux.

Notes
371.

Cette partie est le contrepoint du paragraphe intitulé “La dette de gratitude” (supra)

372.

Stockley était le fils de Robert Hays, beau-frère, partenaire commercial et ami de Jackson, qui avait épousé Jane Donelson, la soeur de Rachel.