“No one loved romance more than the master of the Hermitage” : Andrew Jackson et le mariage373

Le mariage marquait l’accession des jeunes gens à la sphère des adultes. Ce moment capital était le signe d’un changement profond dans les rapports parents-enfants, mais aussi dans la représentation identitaire de la famille. Le vocabulaire et l’intensité des sentiments montraient combien le moment de la séparation était crucial pour les hommes et les femmes, parents et enfants :

‘The making of a new family and the duties of the male and female spheres cast sudden light on both future and past. The language of superlatives must be seen as accurately reflecting the raised expectations and fears of gender, self, and society inherent in an impending marriage (Stowe, 1990 : 104).

Si les enfants découvraient à cette occasion un monde différent de celui qu’ils quittaient, les parents voyaient dans le mariage un tournant important des relations familiales. Dans le cas de Jackson, Junior devait assumer la responsabilité de sa famille seconde (composée de sa femme et de ses futurs enfants) mais aussi prendre en charge son vieux père une fois celui-ci revenu à la plantation 374, car tel était le voeu du patriarche. En effet, après le mariage d’Andrew Jr. avec Sarah Yorke, Jackson avait bien l’intention de ne plus avoir à s’occuper des affaires de la plantation et espérait que son fils reprendrait l’entreprise et en assumerait la direction, comme il l’explique au Révérend Cryer, le 17 juin 1832 :

‘Andrew is now married, and I mean to throw the care of the farm on him, I shall never more pester myself with this worlds wealth—My only ambition is to get to the Hermitage so soon as the interest of my country and the will of the people will permit me, and there to set my house in order and go to sleep along side of my dear departed wife (Bassett, IV : 448).

Bien sûr, la mort de Rachel n’était pas étrangère à ce détachement, mais le mariage du fils était l’occasion solennelle de la passation. Il faut rappeler qu’à 65 ans, Jackson était plus vieux que la moyenne des parents et ses attentes pouvaient différer de celles d’hommes plus jeunes, encore dans la force de l’âge. Pour bien des planteurs, l’ambition et le sens de l’honneur façonnaient leur vision de la famille, mais ils conservaient le pouvoir tant que leurs forces ne les avaient pas abandonnés. Stowe donne un exemple d’une telle conception :

‘[Thomas King’s] denial of his wife’s longing and his children’s actual lives was inextricable from his desire for honor, fame, and wealth (...) King was indeed self-centered in his vision of his family’s needs and expectations (...) King’s paternalism was not so much an inclusive dominance as it was a kind of exclusive vision; or, rather, the two were joined. His strength as a planter-class father was his ability to invent his family and bend his work—and theirs—to fit that vision (1990 : 237-238).

Même si Jackson trahissait une telle tendance, son âge et son état d’esprit après la mort de Rachel tendaient à lui faire espérer une vie retirée sous l’aile de la famille de son fils. Le mariage de ce dernier semblait donner le départ de cette nouvelle orientation. N’ayant plus rien à prouver, Jackson pouvait à présent se défaire d’un paternalisme rigide pour une attitude plus distante de patriarche en retraite qui s’occupe essentiellement de ses petits-enfants et laisse, comme il l’écrivait à Cryer, les affaires du monde aux mains des hommes destinés à en assurer le contrôle 375.

Le terme anglais de romance 376 rend mieux l’atmosphère de nombre d’histoires dans lesquelles Jackson fut impliqué. La présence dans ces épisodes d’une forme extraordinaire ou merveilleuse renforce la nécessité de cet emploi, comme l’étude de son propre mariage l’a fait ressortir 377. De plus, les romances concernaient à l’origine les chevaliers et leurs dames, une mythologie guère éloignée de l’imaginaire dans lequel les planteurs évoluaient. L’“usage idéalisant de l’imagination”(Webster’s) côtoie ici les sentiments humains “modernes” (dans les pratiques sociales acceptables de l’attirance réciproque des amants) qui déterminent leur union. L’imaginaire chevaleresque permet de conserver les barrières sociales requises par le code et le choix personnel du conjoint se conforme à l’évolution des moeurs et des rapports de force dans les familles au début du xixe siècle.

Notes
373.

Cité dans Burke, 1941, I : 101.

374.

Jackson résidait à cette époque à la Maison-Blanche et n’en partit qu’au printemps 1837.

375.

Comme nous l’avons vu cependant, Jackson éprouvait ce désir de retraite alors même qu’il était incapable de ne pas s’occuper des affaires publiques (voir notre étude intitulée “Rachel Donelson Jackson” (III : 219-223). Ainsi, sa retraite qu’il voulait paisible à l’Hermitage fut passée à régler les dettes de son fils et à traiter de l’annexion du Texas, pour laquelle il oeuvra plus après ses mandats que pendant (Remini, III : 492-511).

376.

Romance mêle l'amour et l'aventure dans un récit plus ou moins fantastique, ou fantasmé par le narrateur. Le Webster's (1988 : 1164) mentionne également le plaisir que l'on peut retirer de telles histoires, faisant ainsi référence à un certain esprit “romantique”.

377.

Voir notre étude intitulée “Rachel Donelson Jackson” (III : 171-178).