La vertu

Le caractère est une adéquation à une exigence sociale, mais aussi à ce que le sujet a intégré de cette exigence. Ainsi, et cela se trouve également dans son étymologie, l’honneur requiert une honnêteté entière sur laquelle se fonde la réputation. C’est ce terme qu’employa Felix Robertson en parlant de Jackson et de ses affaires : ‘“A man of soundest judgement, utterly honest, naturally honest (...) could not be comfortable if he thought he had wronged any one”’ (cité dans Parton, I : 249) 406. Cette vertu est évidemment au coeur du concept de l’honneur et le principe moral qui fonde le caractère, issu à la fois de l’éducation et de la morale privée. Toutefois, le caractère, s’il est une exigence sociale, concerne avant tout l’individu. Jackson l’exprimait à son ami Van Buren en 1839 : ‘“[M]y course have been always to put my enemies at defience, and pursue my own course”’ (Bassett, VI : 6). Le caractère est à la fois le trésor à préserver des attaques du monde, mais aussi l’instrument d’assertion de soi. Cette conception du caractère est à rapprocher de l’attitude chevaleresque qu’expose Charles Mills 407 (1826) :

‘[T]he genius of chivalry was personal, inasmuch as each knight, when not following the banner of his sovereign, was in himself an independent being, acting from his own sense of virtue, and not deriving counsel from, or sharing opprobrium with, others (cité dans Fraser, 1982 : 70).

Nous retrouvons ce fond constitutif, ce principe virginal au coeur du caractère chevaleresque qui fait de l’homme honorable un être vertueux : ‘“According to Mills, ‘the highest possible degree of virtue was required of a knight (...) He was not only to be virtuous, but without reproach”’ (cité dans Fraser, 1982 : 36). Aussi toute tache sur l’image immaculée de son honneur entraîne une réaction non pas proportionnelle à l’injure proférée, mais à la mesure de ce que représente pour l’équilibre du sujet la satisfaction d’une probité morale intacte, intègre et reconnue. Jackson écrivait : ‘“My reputation is dearer to me than life”’ (Smith, I : 204). Il ne peut placer plus grand trésor devant la société et les hommes. On retrouve alors ce que Fraser appelle la “vertu en tant que combat”, voyant avec William James une énergie quasi-nietzchéenne liée à une vision messianique de l’existence :

‘Such a vision belongs to a broader tradition of virtue as combat. William James was speaking in that tradition when he said that ‘the capacity for the strenuous mood probably lies slumbering in every man, but it (...) needs the wilder passions to arouse it, the big fears, loves, and indignations; or else the deeply penetrating appeal of some one of the higher fidelities, like justice, truth, or freedom’ (1982 : 230).

Pour Jackson, de telles fidélités — la liberté, l’héritage révolutionnaire, mais aussi des conceptions plus matérielles telles que la colonisation du Vieux Sud-Ouest, sa propre place dans la société et dans l’histoire — furent les moteurs puissants de son action et les sources de la constance de son caractère. La vertu de l’oeuvre dépend de la vertu de celui qui l’exécute.

Notes
406.

Bien entendu, la spoliation des Indiens par exemple, n’entrait pas dans cette définition de l’homme honnête. Le vol des terres n’était pas considéré comme tel par Jackson.

407.

Charles Mills, The History of Chivalry: Of Knighthood and Its Times, (Philadelphia: Carey and Lea, 1826), II: 151.