La confiance en soi

Les querelles d'Andrew Jackson traitent le plus souvent de ce “souci” de soi, pour reprendre le mot de Levinas, qui le pousse sans cesse à affirmer pour lui et pour les autres que sa réputation n'est pas usurpée, qu'il est bien toujours lui-même, que le système, fondamentalement, est stable. D’aucuns pourront lire cette affirmation comme un signe de doute profond (Stowe, 1990 ; Wyatt-Brown, 1983). D’autres, tels Henry Adams, prennent cette attitude au pied de la lettre et y voit une résolution farouche : ‘“[T]he life of it all—the vigor, the poetry—was its moral certainty of self. The Southerner could not doubt”’ (cité dans Fraser, 1982 : 78). Chez Jackson, la résolution peut être un moyen de compenser un manque d’assurance de sa part 408, mais son caractère, ses convictions, son sens d’une mission à accomplir, ne semblent jamais plus ancrés en lui que face à l’adversité, comme en témoigne cette profession de foi écrite lors de la crise de la nullification, en 1832 :

‘The Union must be preserved; and its laws duly executed, but by proper means. With calmness and firmness such as becomes those who are conscious of being right and are assured of the support of public opinion, we must perform our duties without suspecting that there are those around us desiring to tempt us into the wrong. We must act as the instruments of the laws and if force is offered to us in that capacity there we shall repel it with the certainty, even should we fall as individuals, that the friends of liberty and union will still be strong enough to prostrate their enemies (Bassett, IV : 493-494).

On semble loin dans cette déclaration d’une irrationnalité latente ou d’une peur rentrée qui pousserait Jackson à l’attaque. Au contraire, ses paroles sont celles d’un dirigeant presqu’effrayant de lucidité et de clairvoyance. On voit aussi que cette assurance vient du sentiment inébranlable d’avoir raison et d’oeuvrer pour la vérité. C’est sans doute l’expression d’une certaine étroitesse de vue, mais aussi l’affirmation d’une conception assumée de son rôle et une application sans concession des principes de l’Union américaine. D’ailleurs, il invoquait également cette confiance en soi comme garante de la réussite, dans une lettre à son neveu en 1819 :

‘[C]onfidence in yourself, which to become great you must acquire, keeping your mind allways open to reason and conviction—but never yielding your opinion untill the Judgement is convinced. Independence of mind and action, is the noblest attribute of man (Bassett, II : 441).

On retrouve ici les termes du caractère selon Jackson, indépendance et décision.

Notes
408.

C’est la thèse du livre de Michael P. Rogin, Fathers and Children: Andrew Jackson and the Subjugation of the American Indian, (Knopf : 1975) qui voit en Jackson un homme obsédé par la mort de sa mère (qui l’aurait ainsi abandonné) et le désir de faire aussi bien que ses pères révolutionnaires (complexe d’infériorité). Rogin analyse la personnalité et les actions de Jackson en des termes psychanalytiques dont l’étroitesse théoriques ne convient pas toujours à la complexité plus grande du sujet traité.