Les travaux

En cette année 1819 pourtant, Jackson commença les travaux du deuxième Hermitage qui serait complété deux ans plus tard, bien qu’aucune date précise ne nous soit parvenue. Parton (II : 644), suivant le témoignage de William B. Lewis, présente la construction comme un “cadeau” fait à Rachel. Lewis aurait regretté que la maison fût située légèrement derrière la butte, ce qui a pour effet de cacher partiellement la demeure aux yeux du visiteur. Jackson, épuisé et malade de sa campagne contre les Séminoles (1818), lui aurait répondu : ‘“Mrs Jackson chose this spot, and she shall have her wish. I am going to build this house for her. I don’t expect to live in it myself ’ 502 .” Le coût de construction s’élevait à environ 1 120 dollars, une somme raisonnable par rapport aux dépenses engagées sur les versions ultérieures (Trescott, 1981, I : 5).

L’histoire fragmentaire de la construction du deuxième Hermitage transparaît dans les factures des maîtres d’oeuvre ainsi que dans les récapitulatifs des dépenses engagées à cette occasion. Le 29 mars 1821, on trouve également un compte avec la firme de James Stewart pour des clous, des chaînes, des scies et autres articles du même type. Il se peut même que la barrière clôturant le jardin ait été installée à cette époque, comme en témoigne cet engagement du 27 mars : ‘“Articles of agreement with Jesse Holt for cedar posts, rails, and logs”’ (Moser, V : 478). La construction de la maison provoqua un réaménagement profond de l’habitat des maîtres et, par répercussion, de celui des esclaves. De même, de nombreuses dépendances furent réaménagées.

Peu d’artisans participèrent à la construction, sans doute parce que le savoir-faire des esclaves permettait de couvrir les besoins de l’ouvrage. Se trouvent dans le Farm Journal couvrant les années de 1817 à 1832 des relevés de dépenses pour les années 1819-21 qui fournissent une chronologie des travaux (Ladies’ Hermitage Association). Trescott (1981, I : 5-7) en donne une liste succinte. On trouve ainsi les noms des charpentiers, des fournisseurs de bois (scierie, tuiles en bois 503) et du tailleur de pierre (pour les fondations, mais il peignit également les murs!) et enfin un maçon, briquetier, briqueteur, responsable de la fabrication et de l’édification des 262 182 briques 504 nécessaires. Précisons que la maison est entièrement construite en briques (sauf les fondations), les murs ayant une épaisseur de trois briques (Trescott, 1981, I : 7).

Trescott (1981, I : 8) signale également que la correspondance, elle, reste discrète sur la construction. Ni Jackson ni Rachel n’y font allusion dans les lettres qui nous sont parvenues. Il conclut que Decker et Coffman étaient sans doute responsables de la supervision des travaux et des détails attenants. Le dernier intervenant fut Craven Jackson (aucune parenté apparente), le plâtrier, qui fut payé une fois le travail terminé, le 14 avril 1821, quatre jours seulement avant le départ de Jackson pour la Floride où l’attendait son poste de gouverneur territorial (Remini, I : 403).

À leur retour en novembre 1821, les Jackson trouvèrent l’endroit caverneux, comme Andrew l’écrivit à Richard K. Call le 15 novembre :

‘Mrs Jackson begs me to remind you of our furniture,505 to have it forwarded to orleans as soon as possible with instructions to Capt Scallen to have it forwarded to Nashville by the first Steam Boat—our place looks like it has been deserted for a Season, but we have a cheerfull fire for our friends, and a prospect for living at it [for the balance] of our lives (Moser, V : 116).

Trescott (1981, I : 11) affirme que 21 mois pour construire une maison de l’ampleur de l’Hermitage ne semble pas un laps de temps trop long. À cette période pré-industrielle, la grande majorité des tâches étaient exécutées à la main, ou avec des machines rudimentaires. Par exemple, les arbres devaient être abattus, transformés en planches, réduits aux dimensions et à la forme désirées par une raboteuse mûe grâce à la vapeur ou à l’eau.

Il nous faut insister sur un point particulier propre à ce bâtiment. Le deuxième Hermitage est la seule version pour laquelle il est presque certain que Jackson décida seul (avec Rachel) des plans et de la décoration (Trescott, 1981, I : 19). Les ajouts de 1831, puis la reconstruction après l’incendie de 1834 furent menées de concert, sous la direction de Junior et de sa femme. À cette époque, le président résidait à Washington et avait remis l’essentiel de la gestion de la plantation à Junior début 1832, lorsque le jeune homme avait ramené sa jeune femme à l’Hermitage (Galloway, 1950 : 307).

Notes
502.

Jackson était revenu : “Jackson’s health had cracked under the strain of the military campaigns. He was so worn and debilitated after the Florida adventure that he frequently spoke of his impending death. For the next twenty-five years he felt slipping each time his wounds, the dysentry, or the other infirmities of his body gave him trouble” (Remini, I : 379).

503.

Trescott décrit le procédé de revêtement ainsi : “Hand split wood shingles were the most common roofing material during this early period. As with any hand made product uniformity of size was difficult to obtain, and required a greater length of time to produce. In the mid-south area that includes Tennessee, most shingles were of cedar, which repelled water more effectively than other woods. For this time period and locale there is documentation of walnut and poplar also being used as roofing material” (vers 1990 : 6).

504.

En fait, Yancy en fabriqua 270 00, mais il ne factura la pose que des 262 182 sus-mentionnées. La fabrication coûta 1,5 dollar les mille et la pose 2 dollars les mille. La somme totale lorsqu’on ajoute les neuf cheminées, un rajout dans la cuisine et les fondations de la smoke house plus 54 jours à extraire la pierre, s’élève à 1052,70 dollars, à quoi Yancy soustrait 11,85 pour une erreur de calcul dans le nombre de briques produites. Précisons que pour faciliter les choses, un four avait été installé à la plantation (Trescott, 1981 : 5). Ces détails visent à faire prendre conscience de l’importance de cette entreprise et par là, de l’impact que nous ne pouvons qu’imaginer sur les membres de la plantation, blancs et noirs. Une des questions possibles serait de se demander quelle fut la réaction des esclaves devant la grandeur de l’édifice. Ont-ils comparé à ce moment-là, plus qu’à un autre encore, leurs conditions d’existence avec celle du maître ?

505.

Les Jackson avaient déménagé en Floride avec les meubles, pensant demeurer là-bas plus longtemps qu’ils ne le firent.