Nous avons tenté précédemment de rendre compte des activités mercantiles de Jackson dans leur diversité et avons maintes fois évoqué les ventes de coton ou les magasins qu’il a entretenu sur ses plantations 516. Nous nous proposons ici de dresser le portrait plus général du planteur comme fermier. À propos d’Andrew Jackson, Arda Walker écrit :
‘Andrew Jackson was a planter, a statesman, a soldier, a lawyer, a businessman, and a politician, but first of all he was a planter. In all of his many-sided life, his interest as a planter was the only one to last throughout (1943 : 19). ’Lors de sa troisième allocution présidentielle, Jackson exposait sa foi en un idéal classique, jeffersonnien : ‘“Agriculture is the first and most important occupation of man”’ (cité dans Walker, 1943 : 19). Il est vrai que Jackson avait passé son enfance dans une plantation et connaissait bien les techniques agricoles (Acco Press, 1937).
Pourtant, l’intérêt premier de Jackson ne fut jamais l’agriculture en tant que telle. Arnow précise de quoi il s’agit : ‘“Farming was for Andrew Jackson as for the cotton planter who settled in West Tennessee and the deeper south a capitalistic enterprize in which he invested, not himself, but only money”’ (1960 : 304). Jusqu’en 1812, sa plantation n’était qu’une de ses nombreuses sources de revenus. Les vingt premières années au Tennessee (1790-1810), nous l’avons vu, montrent une diversité dans ses opérations qui relativise l’importance de la plantation dans le décompte de ses activités économiques, bien qu’elle constituait tout de même l’apport le plus régulier d’argent. Il faut cependant noter qu’au fur et à mesure de son ascension politique, Jackson a réduit ses activités extra-agricoles ; au moment de sa présidence, l’Hermitage constituait l’essentiel de ses revenus 517.
La propriété servit de support financier à bien des entreprises et les revers de fortune furent souvent épongés grâce au fruit des récoltes annuelles. Toutefois, nous devons être plus prudent qu’Arnow et dire que, s’il n’était pas un fermier au sens manuel du terme, Jackson n’en montrait pas moins un intérêt soutenu pour la ferme et une connaissance approfondie des pratiques agricoles dont sont émaillées bon nombre de ses lettres. L’article d’Acco Press (anonyme) cite notamment une lettre envoyée à l’un de ses régisseurs, lui détaillant les étapes à suivre :
‘I have written (...) to have sent (...) six bushels of clover seed, this will sow 32 acres full, thick for cutting, which you will sow in the race track field, with the oats, or shortly after they are up so that the seed may be covered from the frost should it fall after sown (1937 : 6). ’De même, Jackson connaissait le cheptel, montrant en tout cas un bon sens qui semblait manquer à son fils et à son régisseur :
‘When I was at home, when I was engaged both in building, clearing and farming, I always kept my oxen in good order, altho I had them in their yokes daily, but this was done by always attending and seeing them regularly fed and watered (Bassett, V : 394). ’Jackson lisait régulièrement des magasines agricoles tels que American Farmer (Bassett, III : 282), porteurs de conseils pratiques, d’informations sur les techniques nouvelles. La fortune des planteurs reposait sur de multiples facteurs. D’une bonne ou d’une mauvaise récolte dépendaient souvent les liquidités de l’année et la capacité à faire face aux dettes à terme sans recourir à la vente de terrains ou d’esclaves. La qualité des régisseurs variait d’un individu à l’autre et mettait souvent en jeu la prospérité de la plantation (Bassett, V : 394 ; Gawalt, 1993). Des catastrophes ponctuelles 518 venaient secouer l’édifice économique précaire sur lequel jonglait sans cesse Jackson. Mentionnons également les ineptes transactions de Junior et sa propension à se porter garant pour des gens insolvables qui créèrent des dettes énormes et engloutirent dans les dernières années la fortune que Jackson pensait léguer à son fils pour le tenir à l’abri du besoin (Remini, III : 462, 593n18)
Voir notre étude intitulée “Les hommes du Tennessee” (II : 128-154).
Il cessa ses activités commerciales vers 1807 et ses opérations spéculatives au début des années 1820.
Remini mentionne la destruction de sa distillerie par les flammes le 3 janvier 1801 : “[The] distillery burned down in 1801 together with the copperware, stills, caps, worms, and the rest of the equipment. Worse, 300 gallons of whiskey were destroyed” (I : 134, 444n38).