Les cours

Malgré de fréquentes déceptions, le coton rapporta de l’argent à Jackson et ses plaintes ne doivent pas faire oublier que la culture et la vente du coton étaient des activités hautement lucratives. Nos remarques visent à tempérer une vision trop idyllique des profits liés à ce commerce, à en souligner les aléas et les incidents, sans toutefois nier l’opulence des planteurs qui bénéficiaient de ce commerce.

Les prix du coton fluctuaient suivant la conjoncture internationale. Les années qui suivirent la victoire de 1815 furent fastes, car la demande britannique était forte. La livre de coton se vendit en moyenne entre 21 et 34 cents (1818) (Abernethy, 1990 : 65). Par contre, la dépression de 1819 déprécia fortement la valeur marchande du produit, la faisant chuter en Alabama, par exemple, de 34 cents en 1818, à 24 en 1819. En 1824, la livre de coton s’échangeait à 11 cents, le prix le plus bas de la période (Abernethy, 1990 : 83-84). Baines (1966 : 316) explique cette chute des cours par la hausse de la monnaie anglaise, mais aussi par l’augmentation énorme de l’offre en provenance des nouveaux États de l’Ouest, notamment le Mississippi et l’Alabama, théâtres principaux de la production cotonnière américaine dans les années 1820 526.

Pourtant, le cours remonta en 1825 et Jackson expliqua cette reprise par la forte demande européenne et la compétition des manufactures américaines qui absorbaient un tiers des exportations sudistes et contribuaient à soutenir le marché. Il vendit les trente dernières balles de sa récolte à 30 cents la livre, mais ne comprenait pas pourquoi les deux précédentes livraisons n’avaient rapporté que 131/3 cents et pestait contre son agent à la Nouvelle-Orléans (Bassett, III : 285-86). En 1826, le marché s’écroula à nouveau. Cette année-là, il semble que le régisseur n’avait pas correctement emballé le coton, ce qui entraîna un rejet de neuf balles et une vente médiocre à 10 et 12 cents la livre (comparée au 30 cents l’année précédente). Le nouvel agent de Jackson à la Nouvelle-Orléans, Mausel White, expliqua les raisons de cet effondrement à son client :

‘I cannot help thinking I have obtained for yours the very top of the market (...) taking into view the quality and bad market (...) There was 9 Bales rejected, the samples of which I send you (...) to show you the necessity of your Overseers being more particular in picking and Cleaning your cotton, with it I send you a few samples of General coffees crop to shew your Overseer, and for him to take example (...) for throout the whole crop there was a great deal of Broken leaf, and very carelessly packed in the Bales and (...) the cotton on the outside under the wrappers got wet and shewed in Incrustation of from One to two Inches deep which very much Injured the appearance (Bassett, III : 298).

La mauvaise qualité du coton présenté et la dépression du marché ne rapportèrent rien à Jackson cette année-là. L’année suivante, un phénomène météorologique provoqua une autre déception quant aux recettes attendues. Mausel White l’informa que les balles pesées à l’Hermitage avaient toutes perdu de douze à vingt livres sur les balances du port. En fait, l’humidité qu’elles contenaient s’était évaporée sous le soleil brûlant et avec elle, le poids. En outre, White regretta encore le piètre traitement de certaines balles. La qualité influait grandement sur la vente, bien entendu.

Nous avons vu que deux facteurs contribuaient un peu plus à fragiliser les recettes. L’agent intermédiaire et le régisseur. De la Nouvelle-Orléans, le coton était envoyé à Liverpool à des prix “exorbitants” prélevés par les intermédiaires 527. James résume la complexité des opérations, défavorable au commun des planteurs :

‘The cotton trade was becoming an intricate operation with the planter at one end and the manufacturer in England, or New England, at the other. Between them cropped a facile corps of factors, agents, jobbers, bankers, insurers and shippers, speaking a strange tongue in the performance of mysterious services by which the isolated planter saw his anticipated profits quartered and halved. The run of planters, encompassed by the system, submitted (1938 : 100).

C’est pourquoi Jackson évitait le plus possible les intermédiaires et envoyait directement son coton à la Nouvelle-Orléans, sans passer pas les intermédiaires de Nashville (James, 1938 : 335). Cashin (1991 : 61) indique que les années 1830 virent une flambée des prix, remontant d’un plancher de 8 cents en 1830 à 18 cents en 1834 528. Là encore, cependant, la qualité du coton présenté influençait aussi l’échange et Jackson était conscient de cette fluctuation supplémentaire. Le planteur devait offrir un produit de qualité pour en recevoir un prix convenable.

Notes
526.

La production de coton en balles de 300 livres augmenta de 303 589 en 1819 à 1 050 000 en 1832 (Baines, 1966 : 302). En 1860, la production de coton comptée en balles de 400 livres s’élevait à 5 387 052 (Heffer, 1987 : 50). En outre, des concurrents tels que l’Inde ou le Brésil étaient également présents sur le marché international.

527.

Baines (1966 : 317-18) indique que Liverpool était la destination principale du coton américain où il était alors distribué dans toute la Grande-Bretagne.

528.

Il est important de souligner que le prix des esclaves était pratiquement indexé sur celui du coton, ou du moins subissait de semblables fluctuations suivant la conjoncture (Abernethy, 1990, fig. 14 p.84). Cashin (1991 : 61) précise que de quelques centaines de dollars deux décennies plus tôt, le prix d’un homme adulte atteignit 1200 dollars en 1837 en Alabama.