Portraits d’employés et d’employeurs

John Fields (1811-1815)

Les engagements négociés entre les planteurs et les régisseurs duraient généralement une année, reconductibles ou pas selon les critères d’appréciation propres à chaque planteur. Jackson engagea et renvoya de nombreux employés pour des motifs souvent liés à l’honnêteté douteuse de ces personnages, ou à leur incompétence. John Fields fut régisseur de l’Hermitage de 1811 à 1815, avec une interruption en 1813 (Moser, II : 273n2), une durée respectable pour un poste si volatile et un homme porté sur la bouteille 573. On trouve dans la correspondance un contrat passé entre Jackson et Fields qui stipule les responsabilités et le salaire de ce dernier du 25 décembre 1813 au 25 décembre 1814. Les exigences de Jackson étaient formulées comme suit :

‘the Said Fields Shall Take Charge of all the Lands the Said Jackson dose put under him to mak a Croop and Faithfully make a Crop in the manner the Said Jackson may direct and attend to Said Jacksons Stock in a particular manner and all the working Tools and every other thing which may be put in charge of him Said Fields and to attend having fire wood got and fires made as Mr. Jackson may direct (Bassett, I : 431).

Le planteur prend soin ici d’affirmer l’autorité de ses décisions sur celles du régisseur. Ce dernier est tenu par contrat d’exécuter strictement les ordres et aucune licence ne lui est allouée. Son salaire est fixé à 200 dollars par an, dont trente en espèces et le reste en nature (in Trade). En outre, Jackson prête un cheval, Clum, à Fields, qu’il laissera pour 100 dollars à la fin de son contrat. Le logement, la nourriture et le blanchissage étaient compris dans l’accord.

Quelques semaines plus tard, Jackson se ravisait et prévenait sa femme de veiller à ce que Fields traite le cheval correctement. Il jugeait que le prix consenti était trop bas (Moser, III : 20). En juillet, il écrivait encore à Rachel de veiller à ce que Fields ait fait moudre le blé (Moser, III : 101). Visiblement, Jackson doutait de la capacité de Fields et dans l’éventualité du départ de Rachel pour la Nouvelle-Orléans, préférait qu’il y ait une présence amie et compétente pour superviser les opérations : ‘“I have wrote Mr John Hutchings to aid you in getting some person to supperintend my farm, fearing that Mr Fields cannot govern in both our absence”’ (Moser, III : 114). La fonction de régisseur en tant que substitut du planteur est niée ici par le manque total de confiance éprouvé par Jackson. Une lettre de James Jackson du 10 octobre 1814 confirme l’incapacité du “vieux Fields” à diriger les esclaves :

‘The Negroes seem to have got the upper hand of old Fields, your difrent neighbours as well as Mrs. J. has satysfied me of it & I am determined to procure some other manager, your interest requires a change & altho a proper persn is dificult to find the risk of gitting one must be run (Moser, III : 158).

Jackson gardait l’oeil sur ses affaires malgré la distance et ses lourdes fonctions militaires. Rachel devait l’informer régulièrement des opérations de la ferme : ‘“Give my compliments to Mr Fields ’ 574 ‘, say to him to have the cotton secured and Bailed as soon as possible, and advise me, of the quantity of cotton & corn raised—and the situation of the stock”’ (Moser, III : 163). D’après ces informations, Jackson déduisait la marche à suivre ou tentait de se rassurer.

Robert Hays, un beau-frère de Rachel qui supervisait avec elle la ferme fin 1814, écrivit une lettre inquiétante à Jackson, se plaignant de beaux parleurs émettant des avis sur ce qu’il fallait faire, mais laissant au seul Hays le soin d’accomplir la besogne : ‘“number Talks but none put their hands to but myself as yet.”’ En outre, Fields 575 semblait de plus en plus dépassé par les événements, et il était si difficile de trouver un nouveau régisseur :

‘no Overseer as yet is got Fields si Still with the hands he is a good honest man but he drinks too hard and Says get some other person he will not do without some person to direct and cause him to do better .’

Hays avait pris le vieil homme en pitié devant tant d’impuissance :

‘I have been obliged to tell fields he should not keep his hands a doying nothing as the did not Tread out thirty bushells or more of oats in three days he cannot command the negro women I wish he would answer I pity him” (Moser, III : 213).

Dans le rapport de force entre les esclaves et le représentant de l’autorité, Fields avait perdu le contrôle de la situation et l’obéissance des esclaves.

Notes
573.

Robert Hays avait écrit de lui : “he drinks too hard” (Moser, III : 313).

574.

Il semble que Jackson n’ait pas encore reçu à cette date (17 octobre) la lettre de James Jackson citée ci-dessus ! Par contre, le 21 novembre, Jackson glissait dans le post-scriptum d’une lettre à Rachel son intention de remplacer l’incompétent : “P.S. try to get some carefull person to take charge of my farm and stock—an honest man” (Moser, III : 195).

575.

Notons qu’après l’épisode Nollyboy de 1813, relaté ci-dessous, Fields fut à nouveau engagé à l’Hermitage. Le rappel de cet incompétent notoire montre à quel point les régisseurs étaient rares en ces temps de guerre.