James Howerton (1838-1841) : “Sir God is above the deavil

Nous l’avons vu, le régisseur pouvait être souvent source de perte financière, soit par son incompétence ou par rouerie. Un exemple montre que le planteur lui aussi mettait parfois sa plantation en danger par l’inconsistance de son soutien ou son indifférence aux difficultés rencontrées par le régisseur. James Howerton fut engagé comme régisseur de la plantation de Junior au Mississippi, Halcyon, le 27 décembre 1838. Licencié par Junior en 1841, il écrivit le 5 avril une lettre incendiaire de plusieurs pages à Jackson pour se plaindre des arriérés de paiement de son dernier salaire 577, du traitement qui lui avait été infligé par Junior et l’informer du procès qu’il intentait afin d’être payé. D’après Howerton, Jackson n’aurait pas eu connaissance des agissements de son fils, une discrétion sur ses affaires dont Junior était coutumier (Bassett, V : 234, 242, 248, 255) :

‘I should not trouble you with these lines if I had not been informed by a reasent Letter recd. from A. Jackson jr. that you never saw or understood the transactions or settlement between him yourself and me made by him and myself, in fact that you knew nothing about how your bisiness in this region has been mannaged or settled, untill you saw a late Letter from Parker informing you that I intended to have an attachment issued to force the collection of what remained due me for my wages (Bassett, VI : 99).

Howerton accusait Junior de n’avoir pas pourvu au strict nécessaire de l’habillement des esclaves 578, une tâche que les Howerton durent assumer financièrement ; ils durent également se substituer au médecin pour éviter les dépenses médicales, une pratique courante, mais apparemment non stipulée dans le contrat. La lettre devenait de plus en plus virulente au fur et à mesure de la litanie, Howerton se moquant ouvertement des “faveurs” que Junior affirmait lui avoir conférées. Le reproche principal d’Howerton était la mesquinerie de Junior et l’excuse constante de son absence de solvabilité :

‘I will say without fear of contridiction by any man of Judgement who has settled such a plantation in this country that it has not been done to the same extent under such circumstances, with double the expense I run you to as you seem to wish to give it that barring by a continual repetition of the same thing [Expence].

Magnifique plaidoyer social, la lettre d’Howerton renvoie les Jackson à leurs propres contradictions et dénonce l’avarice de planteurs qui ne veulent pas se donner les moyens de ce à quoi ils aspirent. Howerton a sa conscience pour lui :

‘I will say that my best Judgment was exerted in garding your Interest. I have done bisiness of various sorts for all sorts of men and this is the first time I have failed to give general satisfaction and it seems I did not in this untill I come to collect my Just earnings, but Sir God is above the deavil. I am sure he will not suffer the rich to grind the faces of the poor in this case and if he (A.J.jr.) surposed to scare me into his unjust proposition by his bosting of the millions he had to spend at Law, he barked up the wrong tree—if I am in want of what is my Just right’s (Bassett, VI : 102).

Cette rhétorique toute jacksonienne dut résonner douloureusement aux oreilles de l’ex-président Démocrate. Pourtant, Jackson croyait s’être donné les moyens de la réussite, comme il l’écrivait à Sarah Jackson, le 4 janvier 1840, prédisant le succès en deux ans, sous les auspices de M. Howerton : ‘“All that is necessary is, to place this farm in a state of production to ensure a fortune and all our energies and means must be employed to this object”’ (Bassett, VI : 47) 579. Le régisseur jugeait que les moyens avaient fait cruellement défaut.

En six mois, la situation avait évolué, soumise aux caprices du mauvais temps. La réponse indirecte à Howerton était contenue dans une lettre de Jackson à Andrew J. Hutchings, le 3 août 1840, huit mois avant la lettre de réclamation :

‘we must have another manager, and a good one below. This is my only hope to enable the farm to clear itself. the present one has too large a family, and I fear is worth nothing at that. I must therefore depend upon you to engage one for us, capable and honest, who can keep accounts and write us once every week. this you may say is one of the indispensible terms of the engagement (...) a man without a family I would greatly prefer (Bassett, V : 69-70).

On entend à travers les lignes que le poids financier des neuf Howerton grevait inconsidérément la bourse déjà plate de Jackson. La réponse d’Hutchings ne se fit pas attendre et le 7 septembre 1841, Jackson répondait à la proposition de son ancien pupille :

‘I hope you have engaged Mr. Parker. we depend upon him. we will try, under his supervision to make the place productive, or we must sell out. I hope for the better (...) We would like to have Mr. Parker by the first of December (Bassett, VI : 75).

Le même espoir de profits revenait dans les propos de Jackson, singulièrement semblables à ceux tenus quelques mois auparavant.

Howerton fut donc renvoyé et M. Parker prit en charge la plantation pour le compte des Jackson, sous la houlette de Junior. Or, Parker s’avéra encore plus insatisfaisant que Howerton. En 1842, un dépôt de bois fut établi à côté de la plantation pour ravitailler les bateaux à vapeur du Mississippi, une entreprise qui s’annonçait très lucrative (Huntwell, sd. : 18). Pourtant, les espoirs de succès financiers tombèrent une fois de plus à l’eau. Une lettre à Francis Blair datant du 3 mars 1845 révèle le coup pendable imaginé par le régisseur afin de gagner de l’argent à bon compte :

‘The overseer turned away was under an obligation to have cut and sold as much wood as would cover his own wages and any expence of the plantation. The first year he did well, but finding the woodyard profitable he bought below us a squaters claim of 160 acres, sent for his brother, and established a woodyard, after which there was no wood carried to our bank, a thousand proposals to keep our hands at other business (...) On hearing this, I at once determined to sell the land, pay our debts, and once more be a freeman (Bassett, VI : 376).

Nous l’avons vu, les régisseurs, livrés à eux-mêmes, profitaient bien souvent de la liberté qui leur était offerte pour gruger d’une manière ou d’une autre le planteur absent. Cette attitude pouvait être d’une certaine manière une revanche sur des employeurs qui ne voyaient en eux que des instruments utilisés à augmenter les profits et à gérer un si fragile système.

Notes
577.

Les régisseurs recevaient un salaire annuel variable, entre 200 et 500 dollars.

578.

Junior s’était déjà rendu coupable de cette cruelle négligence en 1834, alors que Jackson était à la Maison-Blanche : “I regret to see that we are without seed wheat and that the negroes are without shoes in these heavy frosts, they cannot do half work without shoes” (Bassett, V : 303).

579.

Jackson envisageait de créer une station de ravitaillement de bois pour les bateaux à vapeur, un commerce lucratif, pensait-il. Comparons ses prévisions avec le rendement de la coupe rapporté par le régisseur. Jackson écrivait en 1840 : “ten hands will cut twenty cords of wood in the day, that is worth in cash thirty dollars when sold” (Bassett, VI : 47). En mai 1841, J. M. Parker, le régisseur, annonçait fièrement : “all of the hands that I have choping of cord wood gets 9 cords per week with perfect ease” (Bassett, VI : 109).