L’héritage africain

Joyner souligne l’apport crucial de l’expertise servile à la prospérité de la plantation :

‘Not least of the ironies of the slave trades was that the skills of the Africans helped the rationale behind their enslavement. The contribution of skilled slave craftsmen and mechanics to the economic development of the plantations has yet to be adequately credited (1985 : 71).

Pour Joyner (1985 : 70-71), qui parle des esclaves travaillant en Caroline du Sud, les savoirs importés d’Afrique correspondaient aux besoins américains et remplissaient parfaitement les exigences multiples d’une plantation, ainsi que le remarqua indirectement Levasseur (James, 1938 : 449). Se fondant sur leur âge approximatif, Thomas (1995 : 140) suppose que cinq esclaves présents à l’Hermitage à la fin des années 1820 pourraient être nés en Afrique (avant 1780). Ces anciens auraient pu transmettre des techniques agricoles, des préceptes religieux, des pratiques sociales et notamment ce que Gutman (1976) appelle des relations familiales fictives . Thomas explique : ‘“slaves began to invest non-kin relations with symbolic kin functions owing to disruption of traditional kinship and family patterns”’ (1995 : 139). De vieux esclaves pouvaient par exemple devenir les grand-pères de la communauté, détenteurs de savoir, mais aussi médiateurs dans les conflits inter/intra-communautaires. La puissance affective de la communauté aurait alors atténué l’absence ou la destruction du noyau familial traditionnel en palliant les déficiences dues à la vente des membres de la famille, à la mort, aux souffrances occasionnées par la condition servile. Expertise et solidarité communautaires auraient été en partie importées d’Afrique et adaptées aux conditions américaines.

L’expertise de certains esclaves ou les performances obtenues dans les champs faisaient l’objet d’une attention particulière des maîtres qui soulignaient les bonnes actions autant que les mauvaises, toujours dans le but de créer un environnement propice au travail 594. Joyner (1985 : 52) mentionne l’existence en Caroline du Sud de prix annuels récompensant les esclaves ayant excellé dans les différentes tâches agricoles. Blassingame (1979 : 280) confirme cette pratique dans les champs de coton du Mississippi, lors de concours de ramassage. Mais, les récompenses visaient bien sûr davantage à motiver les esclaves qu’à reconnaître intrinsèquement leurs qualités.

Notes
594.

Dans ses mémoires de séjour à l’Hermitage, Brinkerhoff mentionne les “privilèges” de certains esclaves : “Dear old Charles, the coachman, who occasionally fell into disgrace through love of stimulants, and old Dick, who answered the door bell and piloted the visitors around the premises, both of them had been body servants of General Jackson, and on account of faithful services were largely privileged characters” (1900 : 64).