Big Spring, Alabama, (1821-1823)

Comme il l’avait écrit à John Coffee le 26 août, Jackson manquait d’argent et désirait vendre quelques-uns des titres de propriété qu’il possédait en Alabama. La crise de 1819, la charge de ses neveux étudiant à West Point, son voyage de retour de Floride, étaient quelques-uns des facteurs responsables de son endettement, sans compter les dépenses engagées dans la construction de sa maison. Jackson écrivait :

‘I am anxious to hear from you on the land subject, as my trip has and will be expensive and if I can get home with a loss, above all my emoluments, of one thousand dollars I will be contented, and if a sale has been made of my possessions near you, it will be a convenience (Bassett, III : 116).

En sus du changement d’entreprise et de la vente de ses terres en Alabama, il chargea ses amis du Tennessee, dont son neveu par alliance John Christmas McLemore, de localiser tous ses avoirs fonciers dans l’est de l’État afin de les vendre. McLemore s’occupa également des terres que Jackson possédait dans l’ouest du Tennessee, à Chickasaw Bluff, l’emplacement de la future Memphis (Moser, V : 523).

Jackson revint le 7 novembre de Pensacola, après onze semaines en qualité de premier gouverneur du nouveau Territoire (Remini, I : 424). Il se rendit quelques jours plus tard en Alabama afin d’opérer le transfert de ses esclaves et de son bétail d’Evans Spring à Big Spring, située le long de la Route militaire (Military Road), dans le comté de Franklin (Moser, V : 128). Il engagea immédiatement Stephen Sharrock 621 comme régisseur. Cependant, Jackson n’était pas satisfait de Sharrock et le 28 février, il écrivait à Coffee de le renvoyer et de donner la direction temporaire de la ferme à William White Crawford (Moser, V : 522).

Le 20 mars 1822, il informait son ami qu’un nouveau régisseur, Egbert Harris, était en route vers Big Spring : ‘“On the 16th instant Mr Egbert Harris set out to take charge of my plantation, near Florence (...) whether Mr Harris has stability enough I cannot say to superintend a farm but Mr Jas Jackson thought he would answer.”’ L’honnêteté de Sharrock était très sérieusement mise en doute : ‘“The letter Sharrock wrote me (...) has convinced me that he is a villain. I hope and trust before this reaches you he has been turned out neck and heel”’ (Moser, V : 523). Ainsi, la grande plaie de Jackson, et à travers lui, celle de tous les propriétaires absents, provenait des régisseurs et surtout, de leur manque de probité.

Ainsi, Harris ne semble pas avoir dérogé à la mauvaise réputation des régisseurs. Le 23 octobre 1822, Jackson écrivait à Andrew J. Donelson :

‘My business calls me out to Florence. My manager there wishes to be relieved (Harris), & I have no wish to detain him—I have been compelled at a high premium to get a Mr. Parsons—with whom on the 27th Instant I set out, to place him in possession of my farm—erange all my business and return before the cold weather sets in (...) I had a bid for my place out there and would have sold it, but I did not like to sacrafice it for a less sum than I knew it was really worth—and from its situation it must become very Valuable—I therefore declined for the present—& have determined to make another effort to make it productive—it has hitherto been a source of expence, & great trouble (Moser, V : 222).

Une des seules personnes qui semble avoir eur la confiance de Jackson était William White Crawford, le fils de son cousin germain (côté maternel), James Crawford, Jr. Crawford dirigea la plantation de septembre 1818 à octobre 1819, puis revint à Evans Spring fin 1820 (Moser, IV : 267n3). Le 13 décembre 1820, Jackson écrivait à Coffee : ‘“I think with you that William had better remain untill the crop is gathered & divided”’ (Moser, IV : 404). Les hommes de confiance étaient rares dans ce métier.

Nous l’avons dit, Jackson comptait beaucoup sur la présence, l’expérience et la poigne de Coffee pour veiller à ses intérêts. Coffee répondait toujours à ses requêtes et s’en acquittait toujours honorablement. Dans le litige qui opposa Jackson à un certain Jones, Coffee joua le rôle d’arbitre et d’huissier en veillant à ce que le régisseur respectât les termes du contrat. Jackson écrivit à Jones le 25 novembre 1820, soit quinze jours après la dissolution de leur association :

‘But to prevent any misunderstanding or dispute I have wrote this & requested Genl Coffee to hand it to you & to read the contract again to you—When you are ready to commence ginning my cotton—Genl Coffee will attend & see the Seed cotton weighed (Moser, IV : 400).

L’année précédente, Jackson avait expressément demandé à Coffee de vérifier si sa ferme renfermait suffisamment de maïs pour l’hiver (Moser, IV : 534). Jackson pouvait au moins compter sur un ami proche et très dévoué, mais cela ne suffisait pas à compenser la présence continue d’un oeil averti sur les affaires de la plantation.

Jackson vendit finalement Big Spring fin novembre 1822, puisque Anthony Winston, Jr. avait fait une offre préalable pour racheter la partie cultivée et développée de la ferme pour un montant inconnu (Moser, V : 226n4). Aucun papier n’atteste de la transaction. Jackson pourtant continuait à faire fonctionner la ferme, comme l’attestent deux reçus du 15 et 16 novembre concernant des travaux sur l’abri de l’égreneuse à coton (Moser, V : 532). Visiblement, la vente de Big Spring lui fit pousser un énorme soupir de soulagement : ‘“My health is greatly restored—and I have sold out my farm in alabama intending to house myself this Winter”’ (Moser, V : 226). Cette lettre souligne la lassitude et le découragement qui avaient gagné Jackson à propos de cette expérience en Alabama.

L’autre raison de l’arrêt des efforts de Jackson concernait sa nouvelle situation politique. Le 20 juillet 1822, l’Assemblée générale du Tennessee avait nommé le major-général Andrew Jackson son candidat officiel à la magistrature suprême des États-Unis 622 . Au vu des difficultés de tous ordres entrainées par la possession d’une telle entreprise loin de son contrôle, Jackson avait préféré se séparer d’une propriété qui n’avait été que “problèmes et dépenses”. Encore une fois, une page venait d’être tournée dans la vie d’Andrew Jackson.

Notes
621.

Sharrock avait été régisseur dans le comté de Williamson, au Tennessee, Moser (V : 128).

622.

“Resolved, As the opinion of the members composing the general assembly of the State of Tennessee, that the name of major general ANDREW JACKSON be submitted to the consideration of the people of the United States, at the approaching election for the chief magistracy”(cité par Remini, II : 49).