Les dettes

Jackson détestait les dettes par-dessus tout, particulièrement depuis l’affaire Allison de 1795 (voir “Les hommes du Tennessee, II : 117-128). Parton écrit : ‘“Andrew Jackson was a man singularly averse to anything complicated; and of all complications the one under which he was most restive was Debt. He hated Debt”’ (I : 243). Toujours sous le joug de plus en plus lourd des dettes de son fils, Jackson recherchait sans cesse des moyens de trouver de l’argent. En 1841, il avait accepté un prêt de 6 000 dollars de J. B. Plauché, un ancien compagnon d’armes de la guerre de 1812 (Bassett, VI : 129). L’année suivante, Francis Blair, un ami politique et personnel 627, lui prêta dix mille dollars, pour lesquels Jackson donna les garanties suivantes : 1°) l’hypothèque d’Halcyon ; 2°) un billet à ordre pour la vente des quelque trente esclaves de la propriété ; 3°) la signature conjointe de Jackson et de Junior ; 4°) enfin, un codicile à son testament stipulant que le remboursement de la dette serait prioritaire 628 (Huntwell, 20 ; 38).

De nouvelles dettes contractées par Junior, les inondations constantes et le prix extrêmement bas du coton dans ces années poussèrent Jackson à vouloir se débarrasser d’Halcyon, comme il l’explique à William B. Lewis dans une lettre du 12 février 1845. Cette lettre est utile, car Jackson y décrit la plantation pour les acheteurs éventuels sollicités par Lewis, un homme que Jackson considère “sur le chemin des riches fermiers”. Jackson avoue également le manque d’énergie de son fils à diriger une plantation in absentia : ‘“This is ruinous to us, and to all indebted, and I am determined, if I can, to sell the place below, and some of the negroes and meet our debts at once.”’ Jackson s’emploie alors à décrire les lieux :

‘There is about 2800 or 2900 acres in the tract, 400 clered and in culture, one hundred in pasture under a good new fence, one mile and a half leveed, two feet, above the last freshitt (...) $1500 worth of more labour will make a levy that will secure the whole tract as tight as a well corked bottle. There is on the place a good late improved Ginn, a cotton press of iron, and a good overseers House and negro cabins all new, containing fifty one negroes, stables corn crib, and mill, for which I will sell that place for twelve dollars per acre, the purchaser taking upon himself the payment of out debts (...) I would sell all the negroes on the place about twenty, if the purchaser desired it (Bassett, VI : 368).

Le compte des esclaves nous permet de déduire qu’une trentaine d’esclaves avaient été débauchés de l’Hermitage pour travailler à la ferme du Mississippi. Ses amis Blair et Lewis, ainsi que Sarah Jackson persuadèrent Jackson de ne pas vendre avant l’hiver suivant. En 1856, Blair et Rives n’avaient toujours pas été complètement remboursés. Junior, malgré ses affirmations sur la fortune qui pouvait être gagnée à Halcyon 629, échoua et vendit progressivement la propriété jusqu’en 1849 (Huntwell, 51), sans compter les incessantes ventes d’esclaves (Galloway, 1950 : 333, 334, 336). Sept ans plus tard, il vendait également l’Hermitage et 500 acres de terres pour 50 000 dollars à l’État du Tennessee 630 (Galoway, 1950 : 336). Comme l’avait avoué trop rarement son père, Junior n’avait pas l’énergie nécessaire, ni surtout les capacités pour être un propriétaire absent. Lorsque son père eut disparu, tenta vainement de gagner sa vie par toutes sortes d’entreprises (plantations, mines, fonderies) qui n’aboutirent jamais (Galloway, 1950 : 331-343).

L’expérience de Jackson avec ses différentes plantations ne fut pas concluante et il était soulagé de vendre sa dernière propriété en 1823, à l’aube de sa campagne présidentielle. Diriger de loin une exploitation livrée aux éléments et à la direction d’un régisseur dont on a pu observer les fréquents manquements ne convenait pas à Jackson. En outre, son intérêt dépassait à cette époque l’agriculture commerciale. Il entrait dans sa période présidentielle et son âge ne le poussait plus à tout recommencer sur une frontière nouvelle. En outre, sa présence aux côtés de sa femme rassurait celle à qui l’agitation de la campagne présidentielle ne disait rien qui vaille.Enfin, l’opulence créée par l’Hermitage suffisait amplement à subvenir à son train de vie. La dernière expérience malheureuse d’Halcyon montre que contrairement aux dées reçues, la gestion d’une telle entreprise était vouée à bien des aléas face auxquels les hommes se trouvaient parfois bien démunis.

Notes
627.

Blair avait été conseiller de Jackson à Washington et avait dirigé, avec Rives, le Globe, l’organe officiel du Parti démocrate. Blair et Rives avaient aussi obtenu la position très lucrative d’imprimeurs officiels.

628.

Conscient que son fils ne serait sans doute pas en mesure d’honorer les prêts consentis par Plauché, Blair et Rives, Jackson avait rédigé un nouveau testament le 1er septembre 1842 dans lequel il stipulait qu’aucun leg ne pourrait être autorisé avant le remboursement total des sommes empruntées. On peut lire dans le second article : “that all my just debts to be paid out of my personal and real estate by my executor” (Huntwell, 50). Le vieil homme entendait ainsi régler seize mille dollars (plus les intérêts) engloutis dans Halcyon par son fils.

629.

Cité par Jackson dans une lettre à Lewis, le 12 février 1845 : “Mr. A. Jackson, jnr., believing it an independent fortune is opposed to selling” (Bassett, VI : 368).

630.

En 1855, Junior accusait un déficit de quelque 100 000 dollars (Galloway, 1942 : 335à. En 1856, la dette s’élevait à 48 000 dollars (Bassett, VI : 149n1).