I- Des mots et des maux:

1/ Ecrire la mère ou le corps du délit:

Des quatre romans que nous étudions, La répudiation est assurément celui de la mère par excellence. Annoncée dès le titre par le drame qu’elle vit, cette mère est vue à travers le regard de son fils qui est en même temps le narrateur. Elle prend vie sous nos yeux uniquement parce qu’elle a été répudiée par le père. Cette répudiation est en fait double : elle est d’une part concrétisée par l’acte paternel et, d’autre part, virtualisée par la tentative (avortée?) du fils dont le délire semble justement provoqué par l’ambiguïté des sentiments qu’il éprouve envers sa génitrice. Désir avoué de réhabiliter l’honneur perdu de la mère répudiée, ou désir secret de se débarrasser de la présence envahissante d’une mère dévoreuse? Rétablir l’enfance saccagée paraît hasardeux et improbable. Mais passer à l’âge adulte en tuant la mère est une douleur encore plus intolérable.

L’Insolation met également en scène cette image double et trouble de la mère, tantôt sublimée, tantôt répudiée. Mais il est vrai que dans ce roman, elle partage le champ de bataille du narrateur avec d’autres personnages, dont notamment les amantes que nous verrons par la suite. Dans L’Insolation ainsi que dans les deux romans de Kundera, la mère est prétexte ou matière à réflexion pour d’autres problématiques. Développée comme un véritable motif au sein d’un thème, elle joue un rôle prépondérant dans l’élaboration de la psychologie des protagonistes qui l’évoquent. Elle apparaît sous différentes formes, selon les besoins du récit : mère phallique ou soumise, et dans les deux cas, arborant un silence castrateur; mère vorace, infanticide, véritable piège affectif, provocant un désir de couper le cordon ombilical; mère productrice de récit. Tels sont les points que nous nous proposons de développer.