II- Vers une quête de la puissance :

Nous sommes tentés de dire en guise d’introduction que le ton dubitatif des romans de Boudjedra et Kundera contredit l’intitulé de la sous-partie que nous entamons. Il peut paraître en effet paradoxal de désigner le doute par l’excès de parole. Il n’en est rien car notre projet est de démontrer comment les deux auteurs concilient dans leurs démarches le vide et le plein. Ces derniers échappent de surcroît à l’image d’Epinal de l’écrivain érudit ou observateur exceptionnel qui s’impose en donneur de leçons. Ils participent, par l’écriture, à la remise en cause d’un monde en constante marche. Il est vrai qu’en littérature, comme en toute création artistique, on rencontre souvent des redites tributaires de l’appartenance des artistes en général à la longue chaîne de l’humanité. Mais les événements qui affectent les écrivains au point de susciter leur désir d’expression, voire même de rébellion, sont traités de différentes manières en fonction des contextes spatio-temporels qui structurent l’intellect de chaque auteur, et ce avant même son avènement à l’écriture.

En définitive, pour reprendre un poncif, tout se dit et se redit, reste la façon de le dire. Boudjedra et Kundera sont des auteurs profondément liés (en tant qu’écrivains, ne sont-ils pas des lecteurs privilégiés de leur époque ?), du moins à travers les romans que l’on a choisi, aux espaces et aux temps de leurs prises de parole. L’entreprise littéraire ayant perdu sa gratuité, ces romans semblent converger vers la remise en question des certitudes. Mais sont-ils uniquement dénonciateurs et subversifs comme les commentateurs l’ont souvent noté ? Ne seraient-ils pas également des lieux de réconciliation et ce grâce au questionnement ?